Actualités en diagnostic prénatal Cours de
Gynécologie Obstétrique
Le diagnostic prénatal
améliore-t-il
le pronostic néonatal
des malformations ?
Ewigman et al, dans une étude
randomisée, ont comparé la morbidité et la
mortalité périnatales en fonction de la
surveillance échographique au cours de la
grossesse (échographie prénatale
systématique au second et au troisième
trimestres ou échographie en cas de signe
d’appel).
Ils n’ont pas montré de diminution,
quelles que soient les malformations foetales.
Une diminution de la mortalité et de la
morbidité néonatales a été constatée chez les
enfants porteurs de malformations, mais il
n’est pas certain qu’elle soit due à une
amélioration de la qualité du diagnostic
prénatal et à un meilleur mode de naissance.
Skari et al ont établi le pronostic de
26 enfants porteurs de quatre types de
malformations : hernie diaphragmatique,
myéloméningocèle, defect de la paroi
abdominale antérieure ou exstrophie
vésicale.
Treize malformations avaient été
diagnostiquées en période prénatale et 23 en
période postnatale.
Le diagnostic prénatal a
modifié la prise en charge obstétricale
(augmentation du nombre de césariennes) et
abaissé l’âge gestationnel de naissance.
En
revanche, il n’a pas amélioré le taux de
survie et la morbidité néonatale.
A - MALFORMATIONS CARDIAQUES :
Pour Copel et al, le diagnostic prénatal de toutes les malformations cardiaques
confondues n’entraîne pas d’amélioration du pronostic (survie de 80
% versus 67 % en cas de diagnostic postnatal), ni de réduction de la
durée et du coût de l’hospitalisation.
En revanche, le pronostic des malformations biventriculaires est
meilleur en cas de diagnostic prénatal.
Pour la transposition
des gros vaisseaux, les avis sont discordants.
Bonnet et al constatent une diminution de
la mortalité pré- et postopératoire, ainsi que
de la morbidité préopératoire (acidose
métabolique, défaillance viscérale) en cas de
diagnostic prénatal (deux groupes : 68 cas
de diagnostic prénatal et 250 de diagnostic
postnatal, cohorte historique sur 10 ans).
La
morbidité postopératoire reste identique
dans les deux groupes.
Le pronostic est
meilleur en cas de diagnostic prénatal, mais
seuls les enfants nés vivants ont été
considérés.
Lupoglazoff et al (série de
50 enfants) et Simpson et al (série de
195 enfants) n’ont pas constaté
d’amélioration du pronostic lorsque le
diagnostic a été fait en période prénatale.
De plus, Simpson et al n’ont pas trouvé de
différence de pronostic entre les enfants nés
dans un centre de niveau III et les enfants
transférés ex utero.
B - HERNIE DIAPHRAGMATIQUE :
Seuls Skariet al ont comparé le devenir
de huit enfants porteurs de hernies
diaphragmatiques, dont deux avaient été
diagnostiquées en période prénatale.
Ces
deux enfants sont décédés, mais on ne peut
conclure avec un si faible effectif. Pour Singh
et al, c’est l’agénésie diaphragmatique
(non visible en échographie) qui influence le
pronostic ; ils n’ont pas constaté
d’amélioration en cas de diagnostic prénatal.
Les connaissances des phénomèmes
d’adaptation foetale lors de l’accouchement
par les voies naturelles plaident en faveur
de l’accouchement par voie basse (meilleure
préparation des poumons à la respiration du
fait du stress et de la sécrétion des
catécholamines) et non en faveur de la
césarienne.
C - DÉFAUTS DE FERMETURE
DE LA PAROI ABDOMINALE
:
Lapillonne et Chappuis étudient 41 cas de
laparoschisis dont deux tiers avaient été
diagnostiqués en période prénatale.
L’accouchement par césarienne n’a pas
diminué le nombre de complications
postopératoires, ni le risque infectieux.
En
revanche, le diagnostic prénatal associé à
une naissance en maternité de niveau III
permet de diminuer le délai avant chirurgie,
donc le risque de nécrose intestinale, et
facilite la réparation de la paroi abdominale.
Quirk et al comparent le devenir de
56 enfants atteints de laparoschisis en
fonction du mode d’accouchement, du lieu
de naissance, du délai entre naissance et
chirurgie.
Ils ont constaté un meilleur
pronostic immédiat en cas de naissance par
voie vaginale dans un centre de niveau III.
En revanche, ils ne constatent pas
d’influence sur le pronostic du délai entre
naissance et chirurgie.
Rinehart et al ne
trouvent pas de modification du pronostic
en fonction de la voie vaginale ou de la
césarienne si le diagnostic a été fait en
période prénatale.
Le lieu de naissance et la
surveillance prénatale n’influencent pas le
pronostic.
Luton avait attiré l’attention en
1997 sur la pratique de l’amnio-infusion
systématique permettant d’éviter des lésions
intestinales, l’intégrité de la paroi intestinale
étant l’élément principal du pronostic
immédiat et lointain du laparoschisis.
Dans
une étude expérimentale menée chez la
brebis, il démontre que l’amnio-infusion
améliore la qualité de la paroi intestinale,
par rapport aux animaux ne bénéficiant pas
de l’amnio-infusion.
Des études chez
l’homme sont nécessaires pour vérifier
l’efficacité de ce traitement sur des séries
importantes ; elles devront être comparées à
l’attitude d’extraction précoce du foetus en
présence d’anomalies échographiques
(oligoamnios ou dilatation progressive des
anses extériorisées).
En cas d’omphalocèle, la voie d’accouchement
proposée est la voie vaginale, sauf
en cas d’omphalocèle importante (diamètre
supérieur à 10 cm) où la césarienne est
préférable.
D - UROPATHIES OBSTRUCTIVES :
Capollichio et al ont constaté une
meilleure fonction rénale en cas de
diagnostic prénatal (51 cas) de pathologies
urologiques obstructives, grâce à une
surveillance et une extraction prématurée en
cas d’aggravation.
En revanche, ils notent
une amélioration de la fonction rénale
identique après chirurgie, quel que soit le
moment du diagnostic.
Une revue générale
de Thomas fait le point sur cet aspect :
l’interruption médicale de la grossesse dans
les formes majeures a déplacé l’issue fatale
vers la période prénatale.
Il est possible que
la qualité de vie des enfants survivants
atteints d’uropathie obstructive grave ait été
aussi améliorée par la sélection, en vue
d’une interruption médicale de la grossesse,
des formes de mauvais pronostic.
La
détection des anomalies de la jonction et des
reflux vésico-urétéraux a sans doute
minimisé le risque d’infection urinaire, mais
il est impossible d’établir la proportion des
enfants ayant bénéficié de ces mesures.
Le
diagnostic des dilatations urinaires
moyennes est sans doute bénéfique, en
dehors d’une minorité de cas.
Cependant,
pour le couple, les constatations prénatales
sont génératrices d’anxiété parfois
disproportionnée par rapport à la sévérité
des lésions détectées.
E -
LE MODE D’ACCOUCHEMENT
PEUT-IL MODIFIER LE PRONOSTIC
NÉONATAL ?
Nous n’avons retrouvé aucune donnée de la
littérature sur ce point précis.
Nous donnons
l’attitude de notre équipe : la surveillance de
l’accouchement d’un enfant malformé
répond aux mêmes règles que celles d’un
enfant normal.
Certaines malformations
(malformations digestives surtout)
entraînent fréquemment une anoxie
chronique (défaut de croissance intrautérine).
Il ne faut pas surajouter une
asphyxie prénatale au risque propre de la
malformation, mais ne pas faire de
césarienne inutile si le pronostic néonatal
paraît très compromis : l’avis éclairé du
couple doit être sollicité par l’ensemble de
l’équipe et tenir compte des cas particuliers.
Traitement
des malformations
in utero :
Le diagnostic prénatal, qui débouche
souvent sur une interruption médicale de
grossesse, n’est pas satisfaisant dans
certaines malformations handicapantes mais
curables après la naissance.
La précision du
diagnostic prénatal autorise un accès précoce
au traitement in utero qui avait soulevé de
nombreux espoirs.
De nouveaux progrès,
grâce à une meilleure maîtrise de la
contraction utérine et à la foetoscopie,
sont possibles, au moins aux États-Unis,
l’évolution de la jurisprudence française
n’incitant pas actuellement à se lancer dans
une telle aventure, même si certains couples
seraient favorables à de telles solutions.
A - TRAITEMENT CHIRURGICAL
DU FOETUS :
Une tentative de traitement in utero d’un
volumineux kyste adénomatoïde pulmonaire
a été faite par Bruner et al à 30 semaines
d’aménorrhée (SA).
Il existait une
anasarque depuis 23 SA.
Une coagulation
laser a été faite sous guidage échographique.
Malgré une diminution importante de la
taille de la tumeur, l’anasarque a empiré et
le foetus est décédé.
L’auteur conclut que la
tentative a été trop tardive.
Il est nécessaire
de développer des critères précis
d’évaluation du pronostic.
En l’absence de
ces critères précoces, la coagulation laser est
vouée à l’échec.
Chiba et al rapportent le premier cas de
traitement in utero à 27 SA d’un tératome sacrococcygien.
Après hystérotomie et
extériorisation du foetus, une résection
chirurgicale du tératome a été faite.
Elle fut
accompagnée d’une dérivation urinaire
bilatérale et du traitement d’une atrésie
rectale par anorectoplastie. L’enfant, qui est
né par césarienne à 30 SA, allait bien à la
naissance.
Il est décédé à j3 d’une
complication indépendante du geste
chirurgical (perforation atriale par un
cathéter). Paek et al décrivent le
traitement d’un tératome sacrococcygien par
radiofréquence et voie percoelioscopique.
B - TRAITEMENT IN UTERO
DE LA MYÉLOMÉNINGOCÈLE :
Plusieurs séries ont été rapportées.
Sutton
rapporte dix cas de fermeture de la
myéloméningocèle entre 22 et 25 SA ; neuf
foetus sont restés in utero pendant une
moyenne de 10 semaines.
À la naissance, six
enfants sur neuf avaient une fonction des
jambes meilleure que ne le supposaient les
études préopératoires en imagerie par
résonance magnétique.
Tous présentaient
une ascension du cerveau postérieur
objectivant une disparition de la hernie
présente auparavant.
Quatre patients ont eu
une dérivation postnatale. Bruner et al
rapportent leur expérience de 29 myéloméningocèles
opérées entre 24 et 30 SA.
Dans
11 cas (38 %), il existait à la naissance une
hernie du cerveau postérieur, alors que dans
la série opérée après la naissance, elle était
retrouvée dans 95 %.
De plus, dans 59 % des
cas, il a fallu effectuer dans les 6 mois une
dérivation ventriculaire contre 91 % des cas
chez les enfants opérés en période
postnatale.
Bruner et al, en 2000, ont comparé les
résultats du traitement du spina bifida par
foetoscopie (quatre cas à 22-24 SA) ou par
chirurgie classique après extériorisation du
foetus par hystérotomie (quatre cas à 28-29
SA).
Les résultats de cette dernière technique
paraissaient supérieurs à ceux de la
foetoscopie.
Walsh et al justifient le traitement in utero
du spina bifida : en effet, les lésions
observées à la naissance sont secondaires à
l’exposition prolongée de la moelle.
Les bons
résultats de la couverture nerveuse in utero
chez l’animal et chez l’humain sont en
faveur de cette hypothèse : elle empêche
l’apparition des lésions secondaires, prévient
la herniation cérébrale postérieure et réduit
le besoin de dérivation ventriculaire
postnatale.
Cependant, de nombreuses
questions restent en suspens : quand faut-il
opérer in utero ?
Les études animales
montrent que le tissu nerveux peut
régénérer si l’on intervient avant le
processus de myélinisation.
En extrapolant à
l’homme, on pourrait fixer la date optimale
d’intervention avant 24 SA.
Quelle technique
faut-il employer ?
Faut-il ou non réséquer la myéloméningocèle ?
Quel tissu utiliser pour
la couverture neurale (Allodermt ou autre) ?
C - OCCLUSION TRACHÉALE ET HERNIE
DIAPHRAGMATIQUE
:
Après la description puis le constat des
mauvais résultats du traitement direct in
utero des hernies diaphragmatiques, les
équipes se sont orientées vers des techniques
d’occlusions trachéales dans le but de pallier
l’hypoplasie pulmonaire.
Flake et al font
le point sur cette technique.
Ils sélectionnent
une population de 15 foetus atteints de hernie diaphragmatique dont le pronostic
prénatal est mauvais (90 % de mortalité)
entre septembre 1995 et janvier 1999.
Une
occlusion trachéale par clip, après
extériorisation par hystérotomie, est faite
dans neuf cas à 27-28 SA et sept à 25-26 SA.
Cinq foetus ont survécu ; avant la naissance,
les clips étaient enlevés sans difficulté puis
l’intubation réalisée ; il n’y a pas eu
d’occlusion secondaire ; malgré une
augmentation importante du volume
pulmonaire, le fonctionnement pulmonaire
a été souvent déficient.
L’expérience paraît
donc décevante aux auteurs.
D’autres
équipes ont utilisé la voie foetoscopique,
moins traumatisante, avec des résultats plus
satisfaisants : Harrison et al obtiennent
75 % de survie contre 13 % en chirurgie
ouverte, mais les séries ne sont pas
comparables.
Albanese et Farrell
confirment que le traitement palliatif in
utero de la hernie diaphragmatique par
occlusion trachéale est efficace.
L’occlusion
par pose d’un ballonnet intratrachéal
perfoetoscopique s’est avérée supérieure
(11 succès sur 16) à l’occlusion réalisée en
chirurgie ouverte utilisée auparavant.
Mais
il reste encore beaucoup d’inconnues sur
l’efficacité de ces méthodes, la qualité de vie
à long terme étant obérée par de nombreux
facteurs, dont la prématurité et surtout le
dysfonctionnement pulmonaire persistant.
Samuel et al ont réalisé avec succès la
sclérose d’un hygroma kystique géant chez
un nouveau-né, à l’aide d’une solution
sclérosante (OK-432, lyophilisat de culture
de pyogène de streptocoque A humain).
Parmi 21 cas recueillis entre 1988 et 1997, Ogita et al ont sélectionné deux cas
d’hygroma foetal géant associé à une
anasarque sans anomalie du caryotype.
Ils
ont effectué une sclérose de l’hygroma par
injection directe sous échoguidance de OK-
432.
L’hygroma a régressé dans un cas sur
deux.
Cette méthode pourrait s’appliquer
dans des cas sélectionnés et probablement
aussi dans les lymphangiomes kystiques
géants.
Les tentatives de traitement chirurgical du
foetus se sont donc multipliées depuis les
10 dernières années.
Elles sont réservées à
des équipes très structurées dans des
conditions particulièrement strictes.
Bien que
leurs résultats soient encore décevants, elles
suscitent de nombreux espoirs et incitent à
persévérer dans cette voie ardue.