Évaluation des procédures de diagnostic ou de dépistage Cours de santé publique
L’utilisation pertinente des tests diagnostiques et de
dépistage requiert la connaissance des notions de base
en matière d’épidémiologie analytique et d’analyse
décisionnelle.
L’objectif est d’accroître la rationalité des
décisions diagnostiques et thérapeutiques et d’évaluer
leur efficacité en fonction de leur coût.
La connaissance
de ces éléments permet de comprendre une notion
fondamentale en médecine : le caractère relatif des
résultats des examens complémentaires. Seuls les tests
dont la réponse est binaire sont envisagés dans ce chapitre.
Validité d’un test, sensibilité,
spécificité, valeurs prédictives :
Le terme de test est utilisé ici dans le sens de source
d’information, il peut donc s’agir d’une démarche clinique
(examen clinique d’un malade, y compris l’interrogatoire) ou paraclinique (prescriptions d’examens
complémentaires).
Les caractéristiques d’un test sont de
2 ordres : d’une part celles qui relèvent exclusivement
du test lui-même, ce sont la sensibilité et la spécificité,
et d’autre part celles qui sont relatives à l’utilisation du
test pour une population donnée, ce sont les valeurs
prédictives.
Dans ce second cas, les qualités du test
dépendent à la fois de ses caractéristiques intrinsèques
(sensibilité et spécificité) et des caractéristiques de la
population à qui ce test est appliqué.
L’intérêt des tests diagnostiques, utilisés seuls ou en
association, est de préciser la probabilité qu’un patient
soit ou non porteur d’une maladie, cette fonction est
exprimée par les valeurs prédictives, respectivement
positive (VPP) et négative (VPN).
A - Sensibilité et spécificité
:
Les tests sont donc caractérisés par 2 paramètres, la
sensibilité et la spécificité.
La sensibilité est la probabilité qu’un test soit positif si
la patient est porteur de la maladie ; la spécificité est la
probabilité qu’un test soit négatif si le patient est indemne
de la maladie considérée.
Les vrais positifs sont les résultats positifs chez les
patients qui ont la maladie, les faux positifs sont les
résultats positifs chez les patients qui n’ont pas la maladie.
Les vrais négatifs sont les résultats négatifs chez les
patients qui n’ont pas la maladie, les faux négatifs sont
les résultats négatifs chez les patients qui ont la maladie.
Il est important de comprendre que la sensibilité et la
spécificité sont des caractéristiques intrinsèques du test
et sont donc indépendantes du type de patient testé.
Par
exemple, si un dosage sérique a une sensibilité de 99 %,
cela signifie que, si on répète 100 fois le même dosage
sur le même sérum d’un patient malade, il sera positif
dans 99 cas et négatif dans 1 cas.
Si la spécificité est de
98 % et si on répète 100 fois le même dosage sur le
même sérum d’un patient non malade, il sera négatif
dans 98 cas et positif dans 2 cas.
Le fait que la sensibilité
et la spécificité ne soient pas égales à 100 % traduit les
imperfections techniques du test et n’a rien à voir avec le
malade.
En général, on ne sait pas a priori si le patient est malade
ou pas, c’est précisément ce que l’on cherche à savoir en
l’examinant ou en prescrivant des examens complémentaires.
Ces notions fondamentales pour évaluer les
qualités diagnostiques d’un test ont peu d’utilité directe
en pratique clinique.
Le caractère pathognomonique
décrit dans les anciens traités de médecine signifiait une
spécificité de 100 %, ce qui en fait est bien rare.
B - Valeurs prédictives positive ou négative
:
La question fondamentale pour le clinicien est la suivante :
devant un résultat positif (ou négatif) de test, quelle est
la probabilité pour que le patient soit malade (ou non
malade) ?
Cette probabilité dépend donc des caractéristiques
du test (sensibilité ou spécificité) et de la probabilité
a priori que le patient ait la maladie (ou pas), c’est-à-dire
la prévalence de la maladie dans la population considérée.
La principale caractéristique de la population qui est
utilisée pour définir la validité d’un test est donc la
prévalence : c’est la probabilité a priori qu’une maladie
soit présente chez n’importe quel individu pris au hasard
dans la population.
Le test diagnostique va chercher à
préciser cette probabilité et à passer de la probabilité
dans la population générale à une probabilité pour le
patient considéré.
Par exemple, si la probabilité d’une
pathologie coronaire est de 20 % dans une population de
patients hospitalisés, cela signifie qu’un étudiant qui ne
sait rien d’un patient d’un service quelconque de l’hôpital
peut dire que son risque coronaire est de 20 %.
La
probabilité qu’un patient ait une pathologie coronaire
est la probabilité a priori (ou prévalence dans la
population considérée ou probabilité pré-test) et l’on va chercher à préciser cette probabilité avec différents
tests cliniques et paracliniques.
L’objectif des tests est de faire varier cette probabilité
conditionnelle, l’augmenter (dans le sens de la confirmation
du diagnostic) ou la diminuer (vers la récusation
du diagnostic).
La valeur prédictive positive d’un test est la probabilité
que le patient ait vraiment la maladie si le résultat du test
est positif, la valeur prédictive négative est la probabilité
que le patient soit indemne de la maladie si le résultat du
test est négatif.
L’ensemble de ces résultats peut être résumé dans un
tableau de contingence, qui peut être exprimé en effectifs
ou en probabilités.
On peut aussi
retenir les notations suivantes : S est le résultat du test et M de
la maladie.
La sensibilité
est alors P(S/M), la spécificité P(S-/M-), la valeur prédictive
positive P(M/S) et la valeur prédictive négative P(M-/S-), le
théorème de Bayes permet d’écrire la valeur prédictive positive en
fonction de la sensibilité, de la spécificité et de la prévalence de
la maladie.
P x Se
VPP =
-------------------------
P x Se + [(1-P)(1-Sp)]
Ce qu’il est
fondamental de comprendre, c’est qu’un résultat positif (ou négatif)
d’un test n’a pas la même valeur d’un patient à l’autre: tout dépend
de la probabilité qu’avait le patient a priori (c’est-à-dire avant
que l’on ait effectué le test) d’être porteur (ou non) de la
maladie.
Par exemple, un
test a une sensibilité de 90 % et une spécificité de 80 %.
On réalise ce
test de manière systématique sur un premier patient qui ne
présentait aucun facteur de risque de la maladie, sachant que la
prévalence dans la population est de 20 %, la probabilité a priori
que le patient ait la maladie est de 20 %. Si le résultat est
positif, la probabilité que le patient soit vraiment malade
(c’est-à-dire la valeur prédictive positive) est de 18 sur 34, soit
53 %.
Cela signifie
que le patient à qui l’on annonce qu’il est malade a en fait à peine
plus qu’une chance sur 2 de l’être vraiment.
Cela peut
signifier, au mieux, que l’on prescrit un traitement inutile dans 1
cas sur 2, au pire que l’on expose un patient sur 2 pour rien à des
complications iatrogènes et à l’anxiété de se savoir porteur d’une
maladie.
En revanche, si
le même test (c’est-à-dire avec la même sensibilité et la même
spécificité) est prescrit à un patient chez qui existe une forte
suspicion a priori de maladie (facteurs de risque, signes
cliniques…) avec une probabilité a priori de 60 %, le résultat
positif indique que le patient a une probabilité de 87 % d’être
vraiment malade (valeur prédictive positive = 54 sur 62.
De nombreux exemples montrent qu’un résultat positif
chez un patient qui avait a priori très peu de risque
d’avoir la maladie doit être considéré avec beaucoup de
prudence: il y a de fortes chances pour que ce soit un
faux positif.
Cela est d’autant plus important lorsqu’il
s’agit d’une maladie qui impose un traitement ou des
investigations supplémentaires risquées.
De même, un résultat négatif chez un patient qui avait
une faible probabilité d’avoir la maladie a une bonne probabilité d’aider à éliminer le diagnostic.
Cela
implique qu’un résultat négatif a une valeur en soi et ne
doit pas être considéré comme une erreur de prescription.
Chez un patient qui avait une forte probabilité d’être
malade, un résultat positif contribue à confirmer le
diagnostic et un résultat négatif risque d’être un faux
négatif et ne devrait pas conduire à réfuter le diagnostic
mais plutôt à refaire le test (ou une autre investigation)
pour confirmer ce résultat.
Définition et indication
d’un dépistage de masse
:
Selon la définition de l’Organisation mondiale de la
santé, le dépistage consiste à identifier « présomptivement » à l’aide de tests,
d’examens ou d’autres techniques susceptibles d’une application
rapide, les sujets atteints d’une maladie ou d’une anomalie passée
jusque-là inaperçue.
Les tests de
dépistage doivent permettre de faire un partage entre les personnes
apparemment en bonne santé mais qui sont probablement atteintes
d’une maladie donnée et celles qui en sont probablement exemptes.
Ils n’ont pas
pour objet de poser un diagnostic.
Les personnes
pour lesquelles les résultats sont positifs ou douteux doivent être
envoyées à leur médecin pour vérification du diagnostic et, si
besoin est, traitement.
• Il existe
différentes types de dépistage :
– simple : un
test pour une maladie ; – multiple : un test pour plusieurs maladies
;
– multiphasique
: soit en plusieurs étapes, soit en utilisant plusieurs méthodes ;
– occasionnel :
proposé chaque fois qu’une personne se présente dans un service de
santé ou est en contact avec un acteur du système de santé ;
– systématique :
il concerne la population entière ;
– sélectif : il
concerne seulement une partie de la population, identifiée par
exemple par l’existence de facteurs de risque.
• Le choix d’un
programme de dépistage dépend de 3 types de critères : ceux liés à
la maladie, ceux liés à la population cible et ceux liés au test.
L’Organisation
mondiale de la santé a précisé dans 2 documents successifs, en 1968
et en 1986, quelles étaient les indications d’un test de dépistage.
La liste de 1968
stipule les critères suivants :
– il s’agit d’un
problème de santé important ;
– il existe un
traitement préventif et (ou) curatif ;
– il existe des
lieux permettant la prise en charge des patients ;
– la maladie
présente une phase de latence ;
– il existe un
test ayant une sensibilité et une spécificité correctes ;
– les test est
acceptable par la population ;
– il existe dans
la communauté scientifique un accord sur les modalités de prise en
charge des patients ;
– le rapport
entre le coût du dépistage et les bénéfices attendus est correct ;
– le dépistage
s’inscrit dans un processus dynamique.
• Une nouvelle
liste de critères d’indication d’un test de dépistage a été publiée
en 1986 :
– la population
cible est identifiée ;
– les individus
cibles (c’est-à-dire les individus à risque) sont identifiés ;
– l’observance
du dépistage est élevée c’est-à-dire que, parmi les individus cibles
qui sont pressentis pour le dépistage, un pourcentage élevé accepte
d’être dépisté ;
– il existe des
sites permettant le recueil et l’analyse des données des tests de
dépistage ;
– il existe des
sites permettant la prise en charge des patients ayant un résultat
positif pour le dépistage ;
– il existe des
filières de prise en charge des patients ayant un résultat positif ;
– le programme
de dépistage fait l’objet d’un suivi et d’une évaluation de ses
résultats.
• Lorsqu’on
envisage de proposer un test de dépistage, il importe de préciser
quelle est la population cible.
Les
caractéristiques de cette population sont d’abord une prévalence
élevée de la maladie.
Un test à visée diagnostique s’applique à des patients a
priori malades, l’objectif est de préciser la probabilité
que le patient soit ou non porteur d’une maladie.
Cette
probabilité est exprimée par les valeurs prédictives
(respectivement positive et négative) ; ces valeurs
dépendent des qualités intrinsèques du test (sensibilité et
spécificité) mais aussi de la prévalence de la maladie
dans la population d’où est issu le patient.
Un test de dépistage concerne des personnes apparemment
en bonne santé, il est pratiqué sur des groupes de
population, le plus souvent à risque.
Dans le cadre du
dépistage, les tests sensibles sont privilégiés.
Les faux
négatifs sont ensuite éliminés par un second test spécifique.