Décompression du méat auditif interne par voie de la fosse cérébrale moyenne Cours de Chirurgie
Introduction
:
Le traitement du neurinome de l’acoustique sur oreille unique pris en
charge ou/et le plus souvent dans le cadre des neurinomes bilatéraux
dans la maladie de Recklinghausen (neurofibromatose type 2 [NF-2])
pose un réel problème.
Dans l’hypothèse ou lors du traitement par Gamma-Unit ou bien dans la
surveillance d’un schwannome sur oreille unique, il peut exister une
nécessité d’effectuer une décompression chirurgicale du méat auditif
interne (MAI) dans ses deux tiers au niveau du toit et de son versant
antérieur et postérieur jusqu’au porus acusticus pour tenter de préserver
une audition utile.
Cette intervention a pour but d’en retarder la
dégradation, enlevant la compression par la masse tumorale sur le
paquet acousticofacial responsable pour certains de troubles vasculaires.
Technique
:
Le patient est placé en décubitus dorsal, la tête tournée du côté sain.
Idéalement, la rotation de la tête doit être complète de manière à ce que
l’axe biauriculaire soit perpendiculaire au plan de la table d’opération.
Cependant, cela n’est généralement pas possible et il faut se contenter
de la rotation permise par la souplesse du rachis cervical, sans jamais
forcer pour éviter de générer certains problèmes pouvant survenir au
niveau de la circulation vertébrobasilaire.
Il est particulièrement
important de relever la tête en légère flexion latérale par rapport au tronc,
à l’aide d’un ou deux champs opératoires placés sous la tête dans la
région temporale. On a ainsi la face supérieure du rocher en « face » et
non plus en « fuite ».
L’incision cutanée mobilise un lambeau pariétotemporal pédiculé
d’environ 6 cmde hauteur à charnière postérosupérieure suivie
d’une prise d’un vaste greffon d’aponévrose temporale.
On sectionne
ensuite le muscle temporal verticalement et, après rugination et
écartement, la région de l’écaille temporale est largement exposée.
Craniotomie de 4
X 5 cm centrée sur la racine du zygoma.
On découpe
un volet osseux à la fraise coupante qui est décollé de la dure-mère.
On fraise ensuite la partie inférieure de la craniotomie pour la
mettre au niveau de la face supérieure du rocher et on agrandit en avant
de la partie antérieure et inférieure de la craniotomie, de manière à avoir
un bon accès vers le MAI et la pointe du rocher.
Il ne faut pas oublier de combler les cellules zygomatiques ouvertes par
le fraisage avec de la cire de Horsley.
La dure-mère est décollée de toute la face supérieure du rocher.
Le
décollement s’effectue d’arrière en avant jusqu’à l’artère méningée
moyenne.
Une hémostase soigneuse tout autour de la région de celle-ci
qui aura été au préalable coagulée, permet de bien exposer la pointe du
rocher avec le grand nerf pétreux superficiel.
Le saignement est tari par
des tampons de Surgicelt imbibés de colle biologique.
Repérage et exposition parfaite du bord postérieur du rocher.
C’est un
des temps clés de l’opération car il permet la mise en place de
l’écarteur avec l’extrémité de la lame rigide placée au contact du bord
postérieur du rocher, en refoulant la dure-mère temporale.
La
décompression du lobe temporal se fait par une ouverture de la duremère
sur 0,5 cm au moyen du microcrochet et d’un bistouri pointu de
manière à ce que le liquide céphalorachidien (LCR) s’écoule.
La corticalisation du MAI en toute sécurité nécessite d’identifier le canal
semi-circulaire supérieur et de repérer la cochlée.
– Identification du canal semi-circulaire supérieur.
L’ouverture au moyen d’une fraise coupante de 4 mm des cellules du
toit de l’antre permet de visualiser rapidement le carter du canal semicirculaire
latéral.
Le fraisage est poursuivi vers l’avant au niveau de la
région de l’épitympanum postérieur jusqu’à bien exposer le carter du
canal semi-circulaire supérieur.
Il est inutile et dangereux pour l’audition d’aller rechercher la ligne
bleue du canal semi-circulaire supérieur : le fraisage va ensuite
découvrir l’articulation incudomalléaire et exposer de façon
atraumatique la tête du marteau.
– Repérage de la cochlée.
Des travaux de dissection nous ont montré qu’au-delà de 9 mm par
rapport à la tête du marteau dans l’angle formé par le MAI et le nerf
pétreux, le fraisage n’avait aucune chance d’ouvrir le bord antérointerne
du tour basal de la cochlée.
Ce repère est facilement obtenu par
un instrument dont l’extrémité recourbée est de cette même longueur.
– Ouverture pétreuse donnant accès au MAI et à l’angle pontocérébelleux.
Le MAI est situé dans l’angle de 60° ouvert en avant par rapport au canal
semi-circulaire supérieur.
L’attaque de l’os se fait à la fraise coupante sur toute la surface pétreuse
à partir du bord postérieur du rocher, 1,5 mm en arrière pour ne pas
enlever le point d’ancrage de la lame de l’écarteur autostatique sur la
partie supérieure et antérieure du MAI.
– En avant du MAI, on fraise la médullaire de la pointe du rocher qui
s’effondre très facilement en rasant en dedans le nerf pétreux sous
lequel chemine la portion horizontale du canal carotidien jusqu’à
exposer la dure-mère qui tapisse la face postérieure du rocher.
On
revient s’arrêter à 9 mm de la tête du marteau pour respecter la
cochlée progressivement qui se trouve située sur la bissectrice de
l’angle formé par le MAI et le nerf pétreux vers le haut.
Latéralement,
on peut pratiquer une ouverture large d’environ 1,5 cm jusqu’à
l’angle pontocérébelleux.
– Ensuite, l’os est fraisé sur le bord supérieur et en arrière du MAI
pour découvrir la dure-mère de la fosse cérébrale postérieure dans une
zone dépourvue d’élément dangereux.
Cette zone longe le canal semicirculaire
supérieur et s’arrête en avant sur le bord postérieur du MAI.
Le fraisage est terminé à la fraise diamantée lorsqu’il n’existe qu’une
fine pellicule osseuse, sur tout le fourreau du MAI qui est très oblique
en avant et en dedans, souvent très évasé par la tumeur ; de même que
l’on enlève la baguette osseuse surplombant le porus et donnant accès
sur le sinus pétreux supérieur sur cette zone.
La difficulté peut
venir de certaines grosses tumeurs qui rendent difficile l’écartement dure-mérien du fait de leur volume.
– Fermeture. Le greffon d’aponévrose temporale est disposé sur la face
supérieure du rocher et collé afin de fermer l’ouverture antrale et de
l’épitympanum.
La dure-mère est suspendue aux berges de la
craniotomie.
On ferme l’ouverture dure-mérienne sur la face externe du lobe temporal, ouverture destinée à évacuer le LCR en début
d’intervention.
Le volet osseux est fixé par des fils non résorbables.
Le
plan musculaire temporal est reconstitué.
Une lame de Delbet est mise
en place puis la peau est suturée à l’aide d’agrafes.
La lame de Delbet est
enlevée au troisième jour.
Indications
:
Cette voie d’abord qui respecte le labyrinthe et la cochlée permet
d’exposer largement la région du MAI réalisant une véritable
décompression chirurgicale de ce dernier.
Elle s’adresse aux patients qui présentent une forme bilatérale de
neurinome dans le cadre des NF-2, et aussi aux patients qui sont atteints
d’un neurinome sur oreille unique.
La pression exercée par la tumeur sur le paquet acousticofacial au niveau
du MAI peut être à l’origine de spasmes sur les vaisseaux destinés aux
nerfs et à la cochlée.
Par ailleurs, la prise en charge de ce type de neurinome en cas de NF-2
de croissance rapide par le Gamma-Unit peut altérer l’audition par le
phénomène d’oedème secondaire à la radiothérapie.
À condition de maîtriser parfaitement la technique, cette décompression
peut, dans certains cas, constituer pour nous le premier temps de la prise
en charge des neurinomes de l’acoustique sur oreille unique ou
bilatéraux.
Les neurinomes bilatéraux (NF-2) et unilatéraux sur oreille unique
sont un challenge au sujet de leur prise en charge thérapeutique
quant à la conservation de l’audition.
La décompression chirurgicale du MAI par voie de la fosse
cérébrale moyenne représente une alternative chirurgicale, soit
dans la surveillance par imagerie, soit avant traitement par la radiochirurgie (Gamma-Unit) de ces formes particulières.
En évitant ainsi une dégradation trop rapide de l’audition, elle
confère un meilleur confort de vie au patient.
Elle impose
cependant, de connaître parfaitement les difficultés de la voie
d’abord sus-pétreuse pour éviter toute iatrogénie auditive.