Coagulation intravasculaire disséminée Cours
d'hématologie
Aspects physiopathologiques
:
Leur connaissance est indispensable pour formuler un
diagnostic adapté et surtout adopter un traitement
efficace.
Les coagulations intravasculaires disséminées sont
caractérisées par un déséquilibre entre une activation
systémique de l’hémostase et un défaut ou un débordement
des systèmes inhibiteurs de ce système à l’origine
de dépôts de fibrine dans la microcirculation entraînant
un déficit fonctionnel de certains organes.
Dans beaucoup de maladies, l’activation de la coagulation
plasmatique est indirecte.
Ainsi, dans les septicémies,
c’est surtout l’endotoxine libérée par les bactéries qui active les monocytes et, sans doute, les cellules endothéliales
déclenchant la production de facteur tissulaire
par ces cellules et activant la voie extrinsèque de la
coagulation.
La thrombine (facteur IIa) se forme, elle
active à son tour les plaquettes.
Dans la pathologie
gynécologique, c’est parfois le passage du liquide
amniotique dans la circulation qui peut activer la coagulation.
Lors d’hémolyse aiguë, c’est la présence de
membranes érythrocytaires associées au contenu
érythrocytaire qui agit.
Simultanément, les systèmes inhibiteurs physiologiques
se trouvent amoindris.
L’endotoxine, beaucoup de
cytokines produites par la réaction inflammatoire
leucocytaire inhibent la production endothéliale de thrombomoduline empêchant l’activation du système
protéines C et S.
L’antithrombine est « consommée »
par sa participation rapide à l’inhibition des différentes
enzymes de la coagulation mais également dégradée
par les enzymes des leucocytes engagés dans la réponse
inflammatoire.
La production massive de cytokines en particulier
d’origine leucocytaire (interleukine 6 [IL-6], tumour
necrosis factor [TNF], IL-1) entraîne une réaction
inflammatoire systémique.
La participation de la fibrinolyse est complexe : expérimentalement,
on observe généralement une fibrinolyse
précoce puis rapidement une inhibition de cette fibrinolyse
par libération endothéliale de plasminogen activator
inhibitor, PAI-1 empêchant l’activation de plasminogène.
En clinique, une hyperfibrinolyse
apparaît souvent due soit au phénomène déclenchant (liquide
amniotique) conséquence de l’activation de la coagulation, soit
à la participation cellulaire de la réponse inflammatoire.
L’activation
de la coagulation entraîne des dépôts de fibrine plus ou moins
étendus dans toute la microcirculation mais plus volontiers dans
certains organes cibles comme les reins, le foie, les poumons,
le cerveau dont le fonctionnement est gravement altéré.
Cette
activation de la coagulation entraîne par ailleurs un risque
d’apparition associée de thromboses dans les grosses veines.
L’activation de la coagulation transforme et donc
consomme des facteurs de la coagulation (d’où le terme
parfois donné à ces syndromes de « coagulopathie par
consommation ») qui n’est pas compensée par une
synthèse hépatique déficiente.
La formation de thrombine
active les plaquettes entraînant une thrombopénie.
Si
une hyperfibrinolyse apparaît, du fibrinogène est dégradé
comme d’ailleurs les facteurs labiles V et VIII.
Le tout
explique l’apparition d’un syndrome hémorragique.
Cette activation pathologique de l’hémostase est donc
toujours secondaire à différentes maladies.
Intervenir
sur l’hémostase peut être utile mais beaucoup moins
que de traiter la cause déclenchante voire, dans une
pathologie donnée, d’en faire la prévention.
C’est ce qui
explique que les dramatiques tableaux des descriptions
des années 1960 ont presque totalement disparu.
Ces progrès ne doivent pas faire négliger ces phénomènes
car une aggravation brutale due à un geste thérapeutique
mal adapté peut brutalement déséquilibrer une
forme chronique.
Étiologie
:
Les infections bactériennes sont les plus souvent en
cause mais virus et parasites peuvent intervenir.
La
production de cytokines joue un rôle physiopathologique
et aggrave le pronostic clinique.
Les traumatismes agissent par passage du matériel
tissulaire dans la circulation surtout si les cellules
sont riches en facteur tissulaire comme par exemple le
cerveau.
La participation des tumeurs solides est incomplètement
comprise mais est fréquente lors de cancers mucosécrétants.
Les cellules leucémiques et surtout
les formes promyélocytaires agissent autant par leur facteur tissulaire que par
leur contenu enzymatique.
Diagnostic
:
A - Éléments cliniques :
Ils sont très variables et souvent dominés par l’élément
déclenchant.
Surtout, leur gravité est très variable.
Les
éléments décrits ici sont ceux des formes graves mais,
de plus en plus souvent, on ne retrouve dans un contexte
pathologique que des perturbations biologiques.
Les éléments qui conditionnent la clinique sont : les
symptômes liés à l’étiologie, les déficits des organes, la
gravité du phénomène déclenchant, l’efficacité du
traitement étiologique et de la réanimation, expliquant le
nombre croissant de formes chroniques.
• Les hémorragies, décrites comme très fréquentes
(64 à 73 % des cas), ne sont que l’apanage des formes
graves.
Elles sont essentiellement déclenchées par un
traumatisme et plus simplement apparaissent aux points
de ponction veineuse.
• L’état de choc ne s’observe que dans les formes très
graves.
• L’atteinte pulmonaire est souvent révélée par la
dyspnée.
Le syndrome de micro-embolisme apparaît
très rapidement après la lésion déclenchante et est dû en
partie à des thrombus de la microcirculation et à l’action
des produits sécrétés localement par les leucocytes et les
plaquettes, avec constriction vasculaire et bronchique.
Une hypertension pulmonaire et une augmentation de la
résistance à l’air apparaissent.
Si le phénomène inducteur
disparaît, la lésion régresse rapidement grâce à une fibrinolyse
locale.
Si la pathologie persiste et que le tableau
clinique s’aggrave, les microthrombus augmentent,
associés à un oedème alvéolaire riche en protéines.
Les
enzymes leucocytaires dégradent la membrane alvéolocapillaire,
aggravant encore l’insuffisance respiratoire.
Ce syndrome micro-embolique pulmonaire est la cause
des syndromes aigus des détresses respiratoires (SDRA)
avec des images radiologiques d’infiltrats bilatéraux ressemblant
à de la « laine de coton ».
L’oedème riche en
protéine est peu sensible aux diurétiques.
L’apport
d’oxygène nécessite souvent une positive end expiratory
pressure (PEEP).
• L’atteinte rénale est caractérisée par les dépôts de
fibrine dans les capillaires glomérulaires qui entraînent
une oligurie souvent précédée de polyurie.
Dans la
forme typique, apparaissent des nécroses corticales
bilatérales multiples avec hématurie micro- voire
macroscopique.
Les formes à diurèse conservée sont
plus rares.
Les diurétiques sont peu ou pas efficaces et
l’hémodialyse peut s’imposer.
Les nécroses corticales
laissent des séquelles plus ou moins importantes.
• L’atteinte hépatique est souvent découverte biologiquement
sauf dysfonctionnement majeur.
Elle aggrave
les lésions de l’hémostase par défaut de synthèse des
facteurs et des inhibiteurs. Apparaissant généralement
après les atteintes des autres organes, elle dure plus
longtemps.
• Les thromboses de la microvascularisation cérébrale
entraînent confusion et défaut de conscience.
Dans
les formes fulminantes peuvent apparaître des hémorragies
méningées.
Des signes neurologiques focaux
peuvent évoquer des hématomes intracrâniens ou
médullaires.
• La peau est le siège d’un purpura extensif nécrotique
d’abord rougeâtre puis noirâtre évoluant en quelques
jours vers des ulcérations profondes et se voit surtout au
niveau des membres inférieurs et de l’abdomen.
L’acrocyanosis
est une cyanose avec oedème douloureux siégeant au niveau des doigts, des orteils, des oreilles et
du nez.
Il peut évoluer soit vers la guérison soit vers une polygangrène. Un purpura pétéchial apparaît quand la
thrombopénie est inférieure à 50 g/L.
• Les thromboses et les embolies atteignent les plus
gros troncs et ne sont pas l’apanage des formes graves.
Les localisations sus-hépatiques ou rénales (parfois
décrites) aggravent le pronostic.
B - Diagnostic biologique :
Aucun test ou association de tests n’est assez sensible
ou spécifique pour établir le diagnostic.
La clinique et la biologie doivent être
prises en considération.
1- Tests de dépistage
:
Le temps de Quick (TQ) et le temps de céphaline +
activateur (TCA) sont faciles à obtenir rapidement et
sont aisément renouvelables.
Ils sont inconstamment
anormaux sauf dans les formes graves.
La numération plaquettaire est un élément essentiel et
doit pouvoir apprécier non seulement le taux absolu de
plaquettes et donc le risque hémorragique, mais aussi
l’abaissement plus ou moins rapide des plaquettes en
renouvelant les numérations.
À l’inverse, une stabilisation
des valeurs témoigne de l’arrêt de la formation de
thrombine.
Sauf dans les formes d’emblée grave, la recherche d’une
aggravation des anomalies a plus d’intérêt que la mise
en évidence d’une anomalie.
Les tests de dépistage faciles à obtenir constituent la
base du diagnostic.
Les témoins de l’activation de
l’hémostase sont utiles dans les formes chroniques
(parfois cliniquement muettes).
2- Dosage des facteurs :
Les facteurs V, X, VII sont aisément dosés et leur
évolution témoigne de celle du processus mais aussi du
risque hémorragique.
Le dosage des inhibiteurs (antithrombine, protéines C et S)
n’a d’intérêt que dans certaines formes chroniques de
diagnostic difficile.
L’abaissement du fibrinogène, qui nécessite un suivi
évolutif, peut être le témoin de la consommation comme
de la fibrinolyse et du défaut ou de l’excès de sa synthèse
par le foie.
3- Témoins de l’activation de la coagulation :
L’augmentation des fragments 1 + 2 de la prothrombine
(F1+2), du complexe thrombine-antithrombine (TAT) ne
sont pas spécifiques et peuvent être d’origine extravasculaire.
La fibrine soluble serait uniquement formée en intravasculaire
et son dosage plus spécifique.
4- Témoins de la réponse fibrinolytique
:
L’augmentation des produits de dégradation de la fibrine
(PDF) est moins spécifique que celle des D-dimères qui
cependant augmentent dans de nombreuses maladies (thromboses veineuses ou artérielles, hématomes etc.).
Leur accumulation peut dépendre soit de l’excès de
production soit du défaut d’élimination (insuffisances
hépatique et rénale).
Dans les formes chroniques et de diagnostic difficile, le
suivi de l’abaissement du plasminogène ou de l’a2-antiplasmine
peut avoir un intérêt mais n’est réalisé que
dans les laboratoires spécialisés.
5- Conséquence des dépôts intravasculaires
de fibrine
:
Ils entraînent la formation de fragments érythrocytaires
ou schizocytes, faciles à reconnaître sur lame et même à
compter.