État de choc traduisant l’incapacité brutale du système
cardiovasculaire à assurer le transport et la délivrance
des substrats essentiels au maintien de la fonction des
tissus et des organes.
Il est dit cardiogénique car sa
cause prédominante ou exclusive est la défaillance de la
pompe cardiaque responsable d’une chute du débit cardiaque
constituée trop rapidement pour que les mécanismes
d’adaptation puissent être mis en jeu.
Les critères
hémodynamiques (qui doivent persister plus de 30
min) du choc cardiogénique sont réunis dans le tableau
suivant (d’après E. Braunwald), ils permettent de le différencier
des chocs hypovolémique ou vasoplégique,
les réactions anaphylactiques s’excluant d’elles-mêmes
par leur présentation clinique particulière.
Physiopathologie :
1- Chute du débit cardiaque :
Elle est constante au cours du choc cardiogénique puisqu’elle
fait partie de la définition.
Le volume systolique
est nettement abaissé malgré la tachycardie sinusale
réactionnelle, ainsi l’index systolique est inférieur à 20 mL/min/m2 .
Ces valeurs sont parfois supérieures à
celles que l’on retrouve dans les insuffisances cardiaques
chroniques ; la gravité de la défaillance est alors
expliquée par la mauvaise adaptation des systèmes vasculaires
périphériques qui témoigne de la brutalité d’installation
de l’atteinte cardiaque.
2- Mauvaise adaptation périphérique :
La baisse du débit cardiaque entraîne une vasoconstriction
artériolaire qui a pour but de redistribuer le débit sanguin
afin de protéger les organes privilégiés comme le
cerveau et le coeur en maintenant une pression aortique
correcte.
La mise en route des réflexes catécholergiques
et notamment noradrénergiques est au premier plan, mais
la réaction ne suffit pas à maintenir une pression aortique
moyenne adéquate à cause de l’importance de la diminution
du débit cardiaque.
La réduction du débit de certains
organes est responsable d’une distribution métabolique
inadaptée à leurs besoins et leurs fonctions ; qui plus est,
l’extraction maximale d’oxygène est moins grande en cas
de chute brutale du débit cardiaque.
Cela explique l’acidose
métabolique avec augmentation des lactates sanguins
et la baisse de la consommation globale d’oxygène
de l’organisme fortement dépendante de son transport.
3- Conséquences :
• Insuffisance cardiaque congestive : l’oedème aigu
pulmonaire est possible traduisant la défaillance du ou
des ventricule(s) atteint(s), le pronostic est gravissime
en état de choc.
Le plus souvent, les signes cliniques
cardiaques sont au second plan, masqués par les signes
d’insuffisance circulatoire.
La confrontation de la chute
du débit cardiaque et de l’élévation des pressions
d’amont par l’hémodynamique redresse le diagnostic.
• Conséquences viscérales :
– anoxie cellulaire et souffrance hépatique entraînent la
constitution d’une acidose métabolique ;
– la chute de la pression artérielle diminue la perfusion
rénale, quand la pression artérielle systolique s’abaisse
en dessous de 60 mmHg la filtration glomérulaire s’arrête,
elle est alors responsable de l’anurie ;
– dysfonction pulmonaire propre à l’état de choc, souvent
associée à un oedème lésionnel, ce qui aggrave
d’autant la désaturation artérielle en oxygène et donc
l’apport aux organes périphériques.
Diagnostic :
Présentation du patient : agité, anxieux, suant et confus
avec souvent des troubles de la vigilance.
La peau est froide, moite et cyanosée.
Il faut rechercher
des marbrures à l’examen.
La pression artérielle est
inférieure ou égale à 80 mmHg, plus souvent imprenable
au brassard.
On recherche des signes de défaillance
cardiaque gauche (dyspnée et crépitants pulmonaires)
et (ou) droite (oedèmes des membres inférieurs, turgescence
jugulaire avec reflux et hépatomégalie).
L’oligoanurie est constante (< 20 à 30 mL/h).
Étiologie et traitement
:
L’infarctus du myocarde est la cause principale du choc cardiogénique.
Pour toutes les causes il faut insister sur l’apport considérable
de l’échographie-doppler cardiaque, facilement
réalisable au lit du patient qui permet dans la plupart des
cas une orientation étiologique rapide sans avoir recours
d’emblée à une exploration hémodynamique invasive
qui doit être pratiquée au moindre doute.
Certains gestes thérapeutiques sont communs à toutes
les causes.
Ils sont dits symptomatiques et consistent à
traiter l’insuffisance cardiaque et les désordres métaboliques
par des moyens médicamenteux et mécaniques.
Oxygénothérapie à fortes doses si l’état pulmonaire
antérieur le permet, alcalinisation plasmatique en cas
d’acidose associée à la correction des désordres hydroélectrolytiques,
réchauffement, traitement inotrope
intraveineux pour augmenter le débit cardiaque par
dobutamine, parfois associée à la dopamine et diurétique
pour lutter contre la congestion.
La contrepulsion par ballon intra-aortique est une
méthode d’assistance circulatoire mise en place par voie
artérielle fémorale qui a pour but d’augmenter la pression
aortique moyenne afin d’améliorer la circulation
dans les organes nobles, d’augmenter le débit coronaire
et de diminuer la post-charge.
La technique est impossible
en cas d’artériopathie sévère des membres inférieurs
à cause du calibre du matériel (9 à 10 french),
contre-indiquée en cas d’insuffisance aortique et difficile
en cas de tachycardie ou d’arythmie complète par
fibrillation auriculaire car le fonctionnement est asservi
à l’électrocardiogramme.
1- Infarctus du myocarde :
• Le choc cardiogénique primaire est une complication
gravissime de l’infarctus correspondant à une destruction
ventriculaire gauche de plus de 40 %. La mortalité
spontanée se situe autour de 70 à 80 %.
Au point de vue
thérapeutique, les effets de la thrombolyse et de l’angioplastie
coronaire en urgence sur l’incidence et le pronostic
du choc cardiogénique restent controversés.
- Diagnostic : on retrouve tous les signes précisés ci-dessus.
Le diagnostic d’infarctus est fait selon les critères habituels, le caractère primaire du choc est affirmé par
l’échographie et, si besoin, le cathétérisme qui élimine
une complication mécanique.
– Particularités physiopathologiques : l’insuffisance
ventriculaire gauche est prédominante et dépend de
deux facteurs, l’étendue de la masse nécrosée et l’état du
myocarde restant.
– Incidence et pronostic : malgré les progrès de la prise
en charge, l’incidence du choc cardiogénique est stable
depuis 1975, proche de 7 % ; 10 % des patients sont hospitalisés
en état de choc alors que chez 90 %, celui-ci survient
à l’hôpital.
Il existe des différences pronostiques en
fonction de l’âge (un âge avancé est plus péjoratif), des
antécédents d’infarctus du myocarde et (ou) d’insuffisance
cardiaque, de la rapidité d’installation et du siège de
l’infarctus.
Les progrès récents de la prise en charge des
infarctus du myocarde ont permis une amélioration du
pronostic de certains patients qui ont pu bénéficier d’un
diagnostic, d’une mise en route de la réanimation et
d’une reperméabilisation de l’artère responsable les plus
rapides possible.
La faible importance des groupes de ces
patients explique l’absence de répercussion sur les taux
de mortalité globaux (70 à 80 % de mortalité).
– Traitement : il a 2 grands objectifs, préserver le myocarde
par rétablissement rapide de la perfusion coronaire
dans le territoire de la nécrose et traiter l’insuffisance
ventriculaire gauche (cf. supra).
Nous ne parlerons en
détail que des méthodes de reperfusion de l’artère responsable
qui doit être l’objectif prioritaire dans le but de
limiter au maximum la masse myocardique nécrosée.
Ces méthodes doivent être mises en oeuvre le plus rapidement
possible.
L’angioplastie coronaire nécessite des équipes soignante
et médicale entraînées.
Elle est réalisée après mise en
route des méthodes de réanimation nécessaires, pose
d’une sonde de Swan-Ganz, installation de la contrepulsion
intra-aortique et d’une stimulation endocavitaire.
Les principaux résultats sont regroupés dans le tableau
suivant ci-dessous.
L’amélioration de la mortalité est significative avec une
diminution de 30 %, mais ce sont des petites séries de
patients triés, ce qui introduit un biais dans l’analyse qui
doit en rendre l’interprétation prudente.
La thrombolyse n’a pas démontré d’effet sur la mortalité
du choc cardiogénique au cours de l’infarctus du
myocarde.
La chirurgie de revascularisation est un recours thérapeutique
en cas d’impossibilité technique ou d’échec ou d’inefficacité
hémodynamique de l’angioplastie coronaire.
• Complications mécaniques (voir question correspondante)
: la différence réside dans la possibilité d’une
cause curable pour ce qui est de la rupture septale ou de
l’insuffisance mitrale qui nécessite un diagnostic rapide
par échocardiographie avant tout.
2- Autres causes :
• Embolie pulmonaire :
– physiopathologie : l’état de choc correspond à l’obstruction
de plus de 60 % du lit pulmonaire dans près de
90 % des cas.
Les 10 % restants sont expliqués par une
obstruction moindre survenant sur poumon et (ou) coeur
pathologiques.
La compression du ventricule gauche par
un ventricule droit dilaté explique la possibilité d’un
« désamorçage » des cavités gauches ;
– diagnostic : il est orienté par le mode de survenue brutal,
l’importance de l’hyperventilation, l’absence de
râles pulmonaires et des signes d’hyperpression droite.
Il est confirmé par l’angiographie pulmonaire en urgence
ou le scanner spiralé.
L’angiographie pulmonaire permet
l’étude des pressions pulmonaires et leur surveillance
en laissant le cathéter en place si possible par voie
haute.
Les D-dimères peuvent aider au diagnostic sans
être nécessaires tout comme la scintigraphie si cela doit
retarder la prise en charge thérapeutique.
Si elle est pratiquée
en première intention et qu’elle est positive, elle
suffit au diagnostic. Un doppler veineux recherche une
éventuelle phlébite.
L’écho-doppler cardiaque peut
mettre en évidence une dilatation des cavités droites
sans altération du ventricule gauche et une hyperpression
artérielle pulmonaire.
L’absence de ces signes rend
peu probable le diagnostic, mais leur présence ne l’affirme
pas car ils peuvent être présents dans de nombreuses
pathologies pulmonaires.
Une hypertension artérielle
pulmonaire moyenne supérieure à 45 mmHg élimine un
coeur pulmonaire aigu ;
– traitement : les anticoagulants ont les mêmes indications
que dans les formes moins graves.
La thrombolyse
avec la streptokinase, l’urokinase ou surtout l’activateur
du plasminogène rt-PA (Actilyse), est le traitement de
choix des formes avec choc cardiogénique avec les
mêmes restrictions concernant le risque hémorragique
que pour l’infarctus du myocarde ; l’embolectomie chirurgicale
est réservée aux formes très graves avec un
pronostic vital immédiatement menacé ou devant l’absence
d’efficacité de la thrombolyse.
La mortalité est
bien plus importante en cas de réanimation cardiorespiratoire précessive.
L’embolectomie par cathéter est proposée quand les
autres traitements sont impossibles.
Le traitement symptomatique est capital, associant oxygénothérapie
à 4-8 L/min, la dobutamine à bonnes doses
et un remplissage vasculaire parfois important sous surveillance
hémodynamique.
La prévention des récidives passe par un traitement anticoagulant
oral définitif pour beaucoup ou la pose d’un
clip ou filtre cave en cas de contre-indication aux antivitamines
K ou de récidive sous traitement bien conduit.
• Tamponnade cardiaque : il s’agit le plus souvent d’un
épanchement de survenue brutale et souvent abondant ;
le diagnostic est évoqué par la clinique, la radiographie
du thorax et l’électrocardiogramme, confirmé la plupart
du temps par l’écho-doppler cardiaque.
La décompression
du péricarde s’impose en urgence par ponction évacuatrice
ou drainage chirurgical si l’état du patient le
permet.
• Dissection aortique : choc cardiogénique par hémopéricarde
ou d’infarctus du myocarde à la suite d’une dissection
coronaire ou par insuffisance aortique massive.
En général, le diagnostic est fait par l’échographie transoesophagienne,
seule possible en urgence.
Le pronostic
est catastrophique.
• Lésions valvulaires subites : insuffisance aortique ou
mitrale par endocardite aiguë ou rupture de cordage
pour la mitrale ; fuites brutales par dysfonction ou
désinsertion d’une prothèse mécanique ou par rupture
d’un feuillet d’une bioprothèse.
L’examen clé est, là
encore, l’échocardiographie transthoracique et (ou)
transoesophagienne.
Le traitement est chirurgical après
une courte phase médicale.
• Tachycardies paroxystiques : surtout mais pas seulement
quand elles sont à point de départ ventriculaire, à
fréquences élevées et survenant sur un coeur altéré.
Le
traitement se résume à la régularisation du rythme par
un choc électrique externe.
• Autres : myocardite aiguë, rétrécissement aortique
négligé ou cardiomyopathie dilatée. Un tableau d’oedème
pulmonaire est associé.