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Chirurgie
Chirurgie assistée par ordinateur en oto-rhino-laryngologie (voies d'abords du rochern et techniques endonasales)
Cours de Chirurgie
 

 

 

Introduction :

La chirurgie assistée par ordinateur utilise l’informatique dans le diagnostic, la planification du traitement, sa réalisation, l’évaluation des résultats et la surveillance des pathologies.

Le principe est de coupler imagerie et chirurgie, acte thérapeutique et imagerie multimodale, dans le but d’aider le chirurgien à définir, puis à réaliser, une stratégie optimale.

La chirurgie assistée par ordinateur a largement été utilisée en neurochirurgie.

La base du crâne et les sinus sont des régions délimitées par des structures osseuses visibles en tomodensitométrie, à contenu peu mobile, avec corrélation précise entre images préopératoires et données chirurgicales.

Leur anatomie complexe, souvent modifiée par les processus pathologiques et les complications iatrogènes, source de morbidité et de mortalité, peuvent rendre utile l’utilisation de systèmes de localisation.

La connaissance de l’anatomie, des techniques chirurgicales et l’étude des données de l’imagerie restent les bases intangibles sur lesquelles repose une chirurgie à la fois sûre et efficace.

La première application chirurgicale de localisation de structures assistée par ordinateur fût la neurochirurgie stéréotaxique.

La fiabilité de la chirurgie assistée par ordinateur en neurochirurgie fonctionnelle et tumorale a favorisé le développement des gestes médicochirurgicaux assistés par ordinateur dans d’autres spécialités.

La chirurgie assistée par ordinateur fait intervenir l’informatique au coeur même de la relation médecin-malade.

Cet apport peut poser des problèmes d’ordre éthique et de sécurité, surtout lors de l’utilisation de la robotique.

Historique :

C’est à la fin du XIXe siècle, en Russie, que l’anatomiste Zernov dessina un cadre sur lequel étaient montés des arcs utilisés pour cartographier et mesurer les circonvolutions cérébrales humaines.

En 1887, ce cadre fut utilisé par Minor et Altuchov sur quelques patients pour la localisation et l’exérèse de lésions corticales.

En 1949, Talairach à Paris et Leksell à Stockholm, développèrent aussi des systèmes stéréotaxiques destinés aux traitements de troubles psychiatriques, de douleurs rebelles et de mouvements anormaux.

Le développement du scanner a ouvert la voie à d’autres applications pour la stéréotaxie.

En effet, le scanner fournit des données tridimensionnelles numérisées précises qui peuvent être corrélées au système de coordonnées tridimensionnelles des cadres stéréotaxiques.

L’obtention des coordonnées stéréotaxiques sur les coupes de scanner a progressivement évolué.

Actuellement, les cadres sont remplacés par des systèmes moins encombrants et adaptés à d’autres régions anatomiques que le crâne.

Principes généraux :

L’intégration des données de l’imagerie préopératoire dans le champ opératoire dépend des capacités du chirurgien à les reconstruire mentalement en trois dimensions et à les transposer dans le champ opératoire.

Le principe de la chirurgie assistée par ordinateur est de coupler directement acte chirurgical et imagerie.

Il se décompose en trois étapes : perception, raisonnement et action.

A - Étape de perception :

Elle correspond à l’acquisition des données nécessaires au diagnostic, à la stratégie thérapeutique et à son contrôle peropératoire.

Elle comprend les sources d’information habituelles (imagerie, constatations chirurgicales, monitorages peropératoires), mais aussi l’utilisation de systèmes de localisation tridimensionnelle permettant la localisation précise d’objets cibles dans l’espace.

La cible peut être :

– passive : il s’agit d’un objet de forme caractéristique, détecté le plus souvent par deux caméras vidéo, ou de cibles réfléchissant une énergie émise et reçue par un même système ;

– active : dans ce cas, la cible émet une énergie de nature variable selon les systèmes (ultrasonore, optique ou électromagnétique).

Les systèmes de localisation vont permettre de repérer les cibles nécessaires à l’acquisition d’informations comme un microscope, un endoscope ou une bande échographique (étape de perception), mais aussi les instruments de l’étape d’action (moteur, aspiration, pince bipolaire, bistouri à ultrasons...).

B - Étape de raisonnement :

Elle consiste à fournir les éléments permettant de définir la stratégie optimale par la fusion de toutes les informations disponibles pour constituer un « modèle hybride » du patient : connaissances anatomiques et chirurgicales, imagerie bidimensionnelle préopératoire, voire tridimensionnelle, ou informations peropératoires de toute nature, dont l’imagerie.

Cette étape comprend la fusion d’images multimodales, combinant les données de l’imagerie et la planification (détermination de cibles, étude de trajectoires), voire la simulation du geste chirurgical.

C - Étape d’action :

Après perception et raisonnement, elle nécessite une mise en correspondance, c’est-à-dire une fusion, des données pré- et peropératoires et permet le geste chirurgical assisté par ordinateur.

Après mise en correspondance, la visualisation de la combinaison des images pré- et peropératoires peut s’effectuer sur un même écran (particulièrement adapté à la chirurgie vidéo-endoscopique), ou par injection d’images dans les optiques du microscope.

Matériel disponible :

La chirurgie assistée par ordinateur peut s’effectuer à partir du traitement des données de l’imagerie préopératoire par une console informatique ou en utilisant des systèmes interactifs de localisation tridimensionnelle.

A - Consoles informatiques :

Elles permettent :

– d’effectuer des reconstructions bidimensionnelles et tridimensionnelles à partir d’acquisitions axiales ;

– de réaliser des fusions d’images multimodales ;

– d’aider au diagnostic et à la délimitation des lésions ;

– de déterminer la voie d’abord la plus adaptée ;

– de définir des points d’entrée, cutanés et osseux, des cibles, et des trajectoires ;

– d’effectuer une simulation d’intervention.

Dans ce cas, l’environnement peropératoire n’est pas modifié, mais le caractère interactif de la chirurgie n’existe pas.

B - Systèmes de couplage interactif :

Il peut encore s’agir de systèmes plus complexes, associant au traitement de l’imagerie préopératoire une véritable interactivité avec couplage de l’imagerie (espace virtuel) et du patient (espace chirurgical).

Ce couplage s’effectue après une étape de localisation assurée par les systèmes de localisation tridimensionnelle.

Les systèmes de localisation sont classés en deux groupes :

– systèmes nécessitant un lien mécanique entre l’instrument et le système de localisation ;

– systèmes sans lien mécanique, basés sur la technique de triangulation.

* Systèmes avec lien mécanique :

Cette technologie fut la première utilisée.

Il s’agit d’un bras multiarticulé équipé de potentiomètres sensitifs ou de détecteurs d’angles situés dans les articulations du bras. Ces systèmes peuvent être robotisés.

Certains systèmes ont été utilisés en chirurgie endonasale.

Le plus utilisé est le bras mécanique ISG viewing wand, développé par FARO Medical Technologies (Lake Mary, Florida, États-Unis).

La précision moyenne in vivo est de l’ordre de l’épaisseur de coupe pour le scanner dans la plupart des séries.

Ces systèmes mécaniques sont fiables, précis, mais peu ergonomiques.

* Systèmes sans lien mécanique :

La technologie repose sur le principe de la détection de signaux (ultrasonore, électromagnétique ou optique) générés par des émetteurs.

Cela consiste à déterminer la position d’un émetteur grâce à plusieurs récepteurs.

+ Systèmes de localisation ultrasonores :

Le son émis par l’objet à localiser est reçu par trois microphones placés à distance de la table d’opération.

La vitesse du son dépend de la température, de la pression, du degré d’humidité et de l’existence de courant d’air.

Il existe un risque d’interférence avec les radiofréquences et par écho.

Barnett et al présentent une étude clinique sur 48 patients, avec une exactitude d’un système ultrasonore de 4,8 mm ± 2,1 mm, pour des coupes de scanner de 3 mmd’épaisseur.

Bucholz et al rapportent une exactitude inférieure à 2,5 mm in vivo avec des coupes de 1 mm d’épaisseur.

+ Systèmes de localisation électromagnétiques :

La position d’un instrument (porteur de récepteurs) est déterminée par la modulation d’un champ magnétique situé sur un cadre fixé à la tête du patient.

Le problème majeur est l’interaction entre le champ magnétique du système de localisation et les objets et instruments métalliques présents dans le bloc opératoire.

Il faut éloigner toute source de fer d’au moins 40 cm si l’on veut obtenir une précision supérieure au centimètre.

Ces systèmes sont les plus utilisés en chirurgie endonasale.

Si certains auteurs rapportent une exactitude moyenne de 2 à 3 mm, avec des coupes de scanner de 2 à 3 mm, les écarts maximaux atteignent souvent trois à quatre fois l’épaisseur des coupes.

La précision actuelle est relativement faible, mais pour la plupart des auteurs, le système a été une aide dans la localisation des repères anatomiques dans les reprises chirurgicales d’ethmoïdectomies, l’abord du récessus frontal et du sphénoïde.

+ Systèmes de localisation optiques :

Les systèmes optiques utilisent la lumière visible ou infrarouge .

Le signal est émis par des diodes situées sur les instruments ou sur le support des caméras, puis recueilli par des caméras vidéo ou infrarouges.

Les systèmes de localisation optiques sont actuellement largement utilisés.

Leur précision moyenne est de l’ordre de l’épaisseur de coupes, comparable à celle des bras mécaniques.

Les deux localisateurs les plus utilisés dans les systèmes infrarouges sont :

– Flash-Point 3D (Image Guided Technologies, Inc. Boulder, CO, États-Unis) ;

– Optotrak 3D Bar (Northern Digital,Waterloo, Canada).

La précision in vitro annoncée par les fabriquants est de 0,1 à 0,5 mm.

La répétabilité est de 0,1 mm. Le problème majeur est le risque d’occultation du signal.

Ces systèmes ont déjà été utilisés en chirurgie endonasale et dans la voie sus-pétreuse.

* Points communs, avantages et inconvénients des différents systèmes :

Tout instrument peut devenir localisable mais doit être calibré pour devenir localisable, c’est-à-dire de taille et de forme connues, non déformable et porteur d’émetteurs (ou de réflecteurs) du signal.

Pour que le patient soit localisable, il doit aussi être porteur d’un cadre dynamique de référence, émetteur du signal utilisé.

Ce casque est serré, collé ou vissé directement ou par l’intermédiaire d’une têtière (type Mayfield) au patient.

Mise en correspondance :

Elle permet de superposer espace virtuel (imagerie préopératoire) et espace chirurgical (patient).

Elle peut être réalisée par différents moyens.

Le principe est d’utiliser des repères visibles sur l’imagerie et sur le patient.

Chaque repère sur le patient est apparié à son image correspondante.

Il suffit de trois couples de points non coplanaires pour calculer la transformation entre les deux systèmes coordonnés.

Ces points communs peuvent être des cadres ou des marqueurs externes fixés au patient, ou des structures anatomiques sans marqueur surajouté.

Les cadres atraumatiques sont positionnés sur la tête du patient par fixation dans les conduits auditifs externes et sur le nasion et/ou par une pièce endobuccale (gouttière dentaire).

Ils sont porteurs de marqueurs visibles au scanner et/ou en imagerie par résonance magnétique (IRM).

Toutes les études sur les cadres atraumatiques montrent une erreur de repositionnement minimale de 1 à 2 mm.

Les marqueurs externes sont fixés sur la tête du patient et visibles sur les images.

Ils peuvent être collés à la peau, agrafés, vissés au crâne par voie transcutanée ou mis en position sous-cutanée.

Les marqueurs vissés sont les plus précis.

La précision des marqueurs cutanés externes ne dépend pas seulement de leur type.

Quel que soit le type de support de la mise en correspondance, la précision d’un système de localisation augmente si la distance entre les cibles et les marqueurs est petite, si les marqueurs ne sont pas coplanaires, et si leur nombre et leur répartition augmentent.

La précision est meilleure au centroïde, c’est-à-dire au centre de gravité du volume délimité par les marqueurs.

L’erreur s’accroît en dehors de ce volume.

Les repères anatomiques le plus souvent utilisés sont les canthus, le nasion, les espaces interdentaires, les tragus et la glabelle.

La précision est variable d’un utilisateur à l’autre.

Le recalage de surface (nuage de points) consiste en la superposition (mise en correspondance) de deux surfaces (ou masques), l’une obtenue à partir de l’imagerie, l’autre sur le patient lui-même.

Il y a une place de plus en plus grande pour les méthodes de mise en correspondance sans marqueurs externes présentant l’avantage d’utiliser directement l’imagerie diagnostique, diminuant l’irradiation du patient et le coût.

Nous utilisons un système optique infrarouge (Stealth-Station, Sofamor-Danek) avec un cadre de référence dynamique vissé pour les abords otoneuro-chirurgicaux et serré sur le crâne des patients pour les sinus.

La mise en correspondance par points anatomiques (canthus, espace interdentaire, sillon inter-trago-hélicéen) nous donne actuellement une précision de 1,5 à 3 mm.

Le réajustement par recalage de surface (40 points) permet une précision finale inférieure à 1 mm au centroïde.

Précision :

Les études diffèrent par les protocoles d’imagerie, le type de mise en correspondance, les méthodes de mesure et le type de précision considérés.

Elles sont difficilement comparables. Il faut différencier précision « mécanique », tenant compte des propriétés physiques propres au système de localisation, et précision « in vivo », tenant compte de l’utilisation dans les conditions chirurgicales.

Les études de précision « mécanique » sont effectuées sur des structures en Plexiglast ou sur crânes en plastique dans des laboratoires ne reproduisant pas les différents mouvements tissulaires.

Les principales sources d’erreurs sont alors supprimées.

L’exactitude (accuracy) est définie par la capacité d’un système à localiser un point dans l’espace et la précision est définie par la capacité d’un système à se repositionner à un même point, à plusieurs reprises.

Cette dernière est évaluée par la répétition des mesures des écarts à la cible.

Toutes les étapes du processus allant de l’acquisition de l’imagerie aux événements peropératoires sont source d’altération de la précision :

– distorsions de l’imagerie ;

– précision mécanique propre du localisateur tridimensionnel ;

– mise en correspondance ;

– utilisation d’un endoscope ou d’un microscope : le repérage du microscope et de son point focal dans l’espace chirurgical permet d’utiliser le microscope comme un pointeur et d’injecter des images préopératoires dans les oculaires.

Roberts note une différence de 3 mm entre les mesures manuelles du pointeur et au microscope.

L’accommodation de l’oeil, à grossissement et position donnés et la profondeur de champ à faible grossissement des microscopes (22 mm à un grossissement de six fois) sont les sources d’erreurs propres à l’utilisation d’un microscope ;

– changements peropératoires par rapport à l’imagerie préopératoire : fuites de liquide céphalorachidien, drainage d’une tumeur kystique, oedème peropératoire, résection osseuse ou tumorale, augmentation de la pression intracrânienne ou rétraction des tissus sous l’effet des écarteurs ;

– problèmes de logiciels, déformation des instruments, utilisateur.

Les sources d’erreur sont donc nombreuses.

L’important est de connaître avant chaque mesure peropératoire le degré de précision global du système et de pouvoir effectuer de nouvelles mises en correspondance en cours d’intervention.

Intérêts de la chirurgie assistée par ordinateur :

Bien que la faible mobilité des lésions de la base du crâne soit un atout pour l’utilisation des systèmes de localisation, peu d’auteurs ont analysé à quelles phases de l’intervention ces systèmes étaient utiles.

Robinson présente une série de 29 tumeurs de la base du crâne pour lesquelles le système a représenté une aide décisionnelle pendant :

– le choix de la voie d’abord : 17 % des cas ;

– l’identification de repères anatomiques de la base du crâne : 66 % ;

– la localisation des lésions : 48 % ;

– la détermination des limites tumorales et du caractère complet de la résection : 70 %.

Il est intéressant de noter le faible apport dans le choix de la voie d’abord et l’intérêt dans le repérage des structures vasculonerveuses et des limites tumorales.

Pour l’abord du conduit auditif interne, nous pensons aussi que la localisation peropératoire permet de mieux centrer et de réduire la taille d’une craniotomie, mais qu’elle n’est pas un élément déterminant dans le choix de la voie d’abord.

Il en est de même dans la chirurgie de l’étage antérieur de la base du crâne.

La localisation peropératoire permet, dans des situations difficiles, de repérer plus facilement certaines zones à risque mais ne modifie pas le choix de la voie d’abord.

Elle permet d’assurer, dans des conditions de sécurité optimales, des exérèses plus étendues.

Peu d’études quantifient la diminution de la durée des interventions en utilisant un système de localisation.

Mösges et Klimek notent une diminution de la durée opératoire en chirurgie endonasale, sans la chiffrer.

Ce gain de temps est à pondérer avec la durée de l’installation du système et de la mise en correspondance.

Même si plusieurs auteurs indiquent une diminution de la morbidité et de la mortalité, aucune étude rétrospective ou randomisée comparant les durées d’intervention, d’hospitalisation, le pourcentage de complications avec et sans système de localisation, par spécialité ou par pathologie, n’a jamais été publiée.

Carney et Sandeman indiquent que l’utilisation systématique d’un bras mécanique en chirurgie endonasale et en otoneurochirurgie, depuis 1992, a transformé leur pratique chirurgicale et il leur semble non éthique d’effectuer des études comparatives de morbidité tant ce système semble leur apporter en précision et en sécurité.

Aucune complication spécifique aux systèmes de localisation n’a été retrouvée dans les publications, quel que soit le type de ces systèmes et les indications.

La chirurgie assistée par ordinateur doit permettre de sécuriser l’acte opératoire et d’accentuer l’efficacité de l’exérèse des lésions par :

– la visualisation tridimensionnelle des coupes radiologiques habituellement reconstruites mentalement ;

– le choix de la voie d’abord par la planification préopératoire et éventuellement la simulation de l’intervention ;

– la réduction de la taille de la voie d’abord en la localisant par rapport aux cibles et en tenant compte de l’anatomie propre du patient ;

– le repérage des structures nobles à respecter ;

– la possibilité d’opérer dans des conditions stéréotaxiques, c’est-à-dire selon des données quantitatives, mais sans utiliser des systèmes volumineux et contraignants comme les cadres stéréotaxiques ;

– la différenciation des tissus sains et pathologiques ;

– la vérification du caractère complet de la résection des lésions.

Inconvénients et limites de la chirurgie assistée par ordinateur :

La présence de systèmes parfois volumineux dans des blocs opératoires souvent déjà surchargés, l’utilisation d’instruments inhabituels et le changement des moyens habituels de perception visuelle de l’espace chirurgical peuvent gêner l’opérateur.

La diminution progressive de volume des systèmes de localisation, l’utilisation d’instruments habituels, peu modifiés pour devenir localisables, peuvent réduire cette gêne.

La combinaison des images adaptée à chaque type de chirurgie est indispensable : projection sur un même écran des images pré- et peropératoires en vidéochirurgie et injection d’images synthétiques pour l’utilisation du microscope.

L’utilisation systématique d’une aide à la localisation risque de diminuer la capacité des chirurgiens à reconstruire mentalement en trois dimensions les données de l’imagerie et leurs capacités à reconnaître les repères chirurgicaux habituels.

Il est donc primordial que le chirurgien conserve une certaine indépendance par rapport au système de localisation.

La fausse impression de sécurité ne doit pas entraîner l’opérateur à surestimer ses capacités chirurgicales car ces systèmes ne pallient pas les lacunes anatomiques ou chirurgicales.

La durée totale de la mise en correspondance est variable :

– de 5 à 20 minutes pour certains auteurs ;

– de 20 à 60 minutes pour d’autres.

Comme d’autres auteurs, nous notons une diminution de durée de la mise en correspondance avec le recalage de surface, mais surtout le temps et l’expérience de l’opérateur.

Le coût global est difficilement évaluable, mais prend en compte :

– le prix du système de localisation et du système de communication entre département d’imagerie et bloc opératoire (réseau Ethernet ou support rigide) ;

– l’imagerie nécessaire pouvant se surajouter à l’imagerie diagnostique ;

– le traitement de l’image sur console informatique ;

– le matériel consommable pour certains systèmes ;

– la formation du personnel et éventuellement d’un technicien responsable ;

– la maintenance du matériel.

Il a été estimé par Roth à 1 900 dollars par patient pour le bras mécanique ISG en chirurgie endonasale.

Le développement d’interfaces homme-machine conviviales permet le maniement du système par l’équipe chirurgicale sans aide extérieure.

Le coût global de la technologie doit être mis en balance avec l’éventuel gain en termes de durée d’hospitalisation et de morbidité.

Des études coût-efficacité sont donc indispensables.

Indications de la chirurgie assistée par ordinateur :

A - Chirurgie des sinus de la face, de l’orbite et du cavum :

Mösges, Klimek et al ont utilisé un bras mécanique passif au cours de 200 interventions.

Leurs indications actuelles sont :

– la chirurgie des tumeurs bénignes et malignes des sinus de la face ;

– la chirurgie du cavum et de la fosse ptérygomaxillaire ;

– la traumatologie faciale ;

– la chirurgie de l’orbite, tumorale ou de décompression. Bien que l’utilité précise du système de localisation dans chacune de ces indications ne soit pas détaillée, on note l’absence de complication orbitaire ou méningoencéphalique après 103 cas de chirurgie des sinus de la face, par voie endonasale ou par voie externe.

Les limites osseuses fixes des cavités sinusiennes et la proximité de structures nobles (nerf optique) et/ou vitales (étage antérieur de la base du crâne, artère carotide interne) sont des arguments à l’utilisation d’un système de localisation peropératoire, en particulier dans les tumeurs malignes et les reprises chirurgicales de polypose nasosinusienne durant lesquelles les repères anatomiques habituels sont souvent effacés.

La chirurgie des fibromes nasopharyngiens doit pouvoir bénéficier d’une aide au contrôle du caractère complet de la résection dans la fosse ptérygomaxillaire et dans le sinus caverneux.

Dans une série de 73 chirurgies endonasales, Metson et al n’ont mis en évidence aucune différence significative entre l’utilisation d’un système électromagnétique et celle d’un système optique infrarouge en termes de précision, d’ergonomie, de durée opératoire et de morbidité.

Les systèmes électromagnétiques actuellement disponibles ont l’interêt de permettre une mise en correspondance automatique rapide, mais leur précision et les problèmes de compatibilité avec l’instrumentation (microscope en particulier) nous semblent moins adaptés à la microchirurgie qu’à la chirurgie endoscopique.

B - Pathologie tumorale de la base du crâne :

1- Étage antérieur de la base du crâne et sinus de la face :

Dans la voie paralatéronasale, si la réalisation du volet n’est pas guidée par le système de localisation, le repérage de la lame papyracée et du sphénoïde, l’extension de la résection des lésions dans l’orbite, en cas d’envahissement et des masses latérales de l’ethmoïde peuvent en bénéficier.

Dans la voie mixte sous-frontale et para-latéro-nasale, la localisation de la craniectomie sous-frontale extradurale, associée et l’exposition de l’étage antérieur, sont optimisés après repérage du sinus veineux longitudinal supérieur, de l’apophyse crista galli, du jugum, des petites ailes du sphénoïde et des voies optiques.

2- Étage moyen de la base du crâne :

Carney, Sandeman et al ont publié une étude sur une série de 400 patients, dont deux glomus jugulaires d’un chordome du clivus opérés par voie trans-sphénoïdale et un cholestéatome congénital de l’angle pontocérébelleux opéré par voie transcochléaire.

Le système a aidé à l’étude préopératoire et au repérage peropératoire de l’artère carotide interne, à délimiter les lésions et à évaluer le résidu tumoral.

Dans les voies d’abord antérieures des tumeurs du clivus et de la loge hypophysaire, en particulier nasale, rhinoseptale transethmoïdale ou trans-sphénoïdale, le repérage du toit de l’ethmoïde et des limites du sphénoïde permettent un fraisage sûr et un abord efficace de la selle turcique.

Comme dans la chirurgie des tumeurs des sinus de la face, l’utilisation de la radioscopie peropératoire ne permet qu’un repérage dans le plan sagittal (clichés de profil) et est avantageusement remplacée.

Il nous semble que les tumeurs de l’angle pontocérébelleux, comme le neurinome de l’acoustique et les tumeurs pétreuses (granulome à cholestérine, tumeurs glomiques, tumeurs malignes du rocher) peuvent bénéficier de la chirurgie assistée par ordinateur.

Quelques cas d’utilisation de système de localisation dans la chirurgie du neurinome de l’acoustique ont déjà été rapportés.

Comme d’autres auteurs, nous avons effectué des voies translabyrinthiques en chirurgie assistée par ordinateur, sans bénéfice net en termes de morbidité.

Goldsmith et al ont utilisé le système infrarouge que nous utilisons pour l’exérèse d’un neurinome de l’acoustique par voie sus-pétreuse.

Le repérage du conduit auditif interne est réalisé directement par le système de localisation, sans utiliser les repères anatomiques habituels.

Les auteurs espèrent minimiser les lésions des tissus sains en évitant les étapes préalables au fraisage du conduit auditif interne.

Nous pensons qu’en oto-neuro-chirurgie, la chirurgie assistée par ordinateur a surtout une place dans les voies d’abord du conduit auditif interne permettant de préserver l’audition :

– évaluation de la distance séparant le fraisage du canal semicirculaire postérieur et du fond du conduit dans les voies rétrolabyrinthique et rétrosigmoïde ;

– évaluation du résidu tumoral. Nous avons montré, comme d’autres auteurs, qu’un système de localisation infrarouge pouvait fournir, après une mise en correspondance rigoureuse, une précision millimétrique.

Cette précision peut permettre de localiser les repères anatomiques classiques, voire d’en remplacer certains.

En effet, le repérage de l’articulation incudomalléaire par voie mastoïdienne, ou le risque de dénuder le ganglion géniculé deviennent inutiles dans une voie sus-pétreuse si le repérage du conduit auditif interne peut être réalisé d’emblée.

Une précision de 1 à 2mm n’est donc pas suffisante pour éliminer les risques de la chirurgie.

Ces systèmes ne permettent jamais des repérages aveugles mais ils peuvent confirmer les constatations de l’opérateur dans les cas où les reliefs osseux sont peu saillants ou effacés par les processus pathologiques ou les interventions précédentes.

C - Chirurgie fonctionnelle du paquet acousticofacial :

Aucun cas de neurectomie ou de repérage des boucles vasculaires dans le cadre du traitement du spasme de l’hémiface par conflit(s) vasculonerveux, ou des névralgies faciales n’a été retrouvé dans la littérature.

D - Chirurgie des aplasies majeures de l’oreille :

Dans les malformations majeures, le nerf facial peut être dédoublé ou en position anormale.

Le fraisage du néoconduit pourrait bénéficier d’une aide au repérage du nerf facial, modifiant la prise en charge des malformations congénitales d’oreille en diminuant le risque de lésion du nerf facial lors du temps fonctionnel des aplasies majeures.

À notre connaissance, aucun cas n’a été rapporté.

E - Implant cochléaire :

Plusieurs auteurs ont utilisé un système de localisation pour l’implantation cochléaire.

L’existence d’une malformation labyrinthique ou d’une cochlée ossifiée peut gêner l’ouverture de la cochlée.

Le système de localisation assiste l’opérateur dans le repérage de la cochlée et de ses limites antérieures avec l’artère carotide interne.

À notre connaissance, aucune utilisation au cours d’un implant du tronc cérébral n’a été rapportée.

Perspectives de la chirurgie assistée par ordinateur :

Elles sont pour la plupart déjà d’actualité mais non ou peu appliquées à la chirurgie de la tête et du cou.

A - Fusion d’images multimodales :

La fusion d’imagerie fonctionnelle, du scanner et de l’IRM pourra peutêtre avoir un intérêt dans la prise en charge de certaines surdités et chez les patients ayant bénéficié d’un implant cochléaire ou du tronc cérébral.

B - Réalité virtuelle :

Le développement de l’informatique et de l’imagerie numérisée permet l’introduction de la réalité virtuelle en chirurgie intervenant dans la visualisation tridimensionnelle de l’anatomie, la simulation chirurgicale et la téléchirurgie.

C - Reconstruction tridimensionnelle :

L’imagerie tridimensionnelle permet déjà de planifier et d’évaluer les procédures de reconstructions, prothétiques ou non, et deviendra probablement un outil éducatif en anatomie et en chirurgie.

L’endoscopie virtuelle est un développement intéressant de ces possibilités de reconstruction, déjà développée en bronchoscopie, en côlonoscopie et plus récemment pour les voies aérodigestives supérieures.

Par rapport à l’endoscopie classique, l’endoscopie virtuelle permet de visualiser par transparence les structures nobles (nerf optique, siphon carotidien par exemple en chirurgie endonasale), d’obtenir des perspectives inhabituelles (visualiser le canal ethmoïdofrontal du sinus frontal) et elle n’est source d’aucune morbidité supplémentaire par rapport au scanner.

En revanche, on note l’absence de possibilité de biopsie, le temps passé à la reconstruction (mise en scène, choix des vues), le prix des ordinateurs puissants nécessaires.

De plus, l’intérêt de ce type d’imagerie en tant qu’aide réelle au diagnostic, par rapport au scanner en coupes bidimensionnelles, n’est pas clairement défini.

À partir de ces images endoscopiques virtuelles, plusieurs systèmes de simulation chirurgicale ont déjà été développés.

D - Simulation chirurgicale :

La simulation de résultats est déjà utilisée en chirurgie plastique et dans les pathologies malformatives craniofaciales.

Les simulateurs chirurgicaux permettent la planification, l’évaluation et l’apprentissage de gestes chirurgicaux.

Ils mettent en scène des instruments virtuels dans des champs opératoires virtuels.

Ces instruments sont mobilisables et leurs mouvements sont numérisés et animés par l’informatique, sur un écran tridimensionnel.

La simulation nécessite non seulement une haute définition de l’imagerie, mais aussi un environnement sonore et tactile proche de la réalité.

Les recherches en aviation ont montré que 1 heure de simulateur de vol valait 30 minutes en vol réel.

Des simulateurs chirurgicaux sont utilisés en laparoscopie et en cours de développement en otologie.

Ils permettent l’utilisation de « banque de données » de différentes interventions et la possibilité d’introduire les données propres du patient afin d’anticiper l’acte chirurgical.

Pour Satava, 90 %des connaissances médicales nécessaires peuvent être obtenues par des détecteurs électroniques et de l’imagerie et en voyant le patient par l’intermédiaire de caméras vidéo.

Ces informations peuvent être transmises par réseau informatique.

La téléconsultation, mais aussi la téléchirurgie, sont alors envisageables.

Pour cela, il faut :

– un site comportant une station de travail avec moniteurs tridimensionnels, commandes de micromanipulateurs précises et possibilité de rétrocontrôle ;

– un site éloigné, muni d’un système de caméras tridimensionnelles et de manipulateurs précis et commandables, munis de systèmes permettant de transmettre des informations par rétrocontrôle.

Le chirurgien pourrait alors opérer à partir de la station de travail.

Il existe un projet de téléchirurgie en chirurgie des sinus de la face en cours de développement, utilisant Internet pour le transfert d’informations.

L’exploitation d’Internet peut permettre aussi de consulter des bases de données anatomiques, radiologiques et histologiques de référence, de les comparer aux données des patients.

La robotique est donc, pour certains auteurs, l’évolution logique et a pour but d’assurer la précision prédéfinie.

L’intérêt de la robotique en otoneurochirurgie n’est pas clairement défini.

E - Imagerie peropératoire :

Elle représente une alternative ou un complément à l’utilisation de l’imagerie préopératoire pour la mise en correspondance des images virtuelles et chirurgicales.

L’IRM a l’avantage, par rapport au scanner, de ne pas entraîner d’irradiation et de fournir une meilleure définition tissulaire, mais elle nécessite des modifications de l’environnement chirurgical (instruments et matériel de réanimation non ferromagnétiques).

L’accès au patient reste difficile pour le chirurgien et l’anesthésiste, quelle que soit la modalité d’imagerie : scanner mobile ou IRM ouverte.

En tant que complément, elle permet de fournir un rétrocontrôle plus précis que la seule surveillance visuelle du chirurgien (réalignement de l’espace chirurgical et de l’espace virtuel préopératoire, vérification de la mise en place d’un implant, évaluation de la résection).

La lourdeur, la durée relativement longue de l’acquisition des images, ainsi que le coût direct et indirect (matériel compatible) de ces technologies limitent actuellement leur utilisation.

À long terme, l’imagerie peropératoire remplacera probablement les systèmes de localisation.

La base du crâne présente des repères anatomiques le plus souvent osseux.

La chirurgie de la base du crâne intéresse des lésions de géométrie complexe mais peu mobiles dans des structures principalement osseuses, bien visualisables au scanner.

L’utilisation peropératoire de l’imagerie préopératoire comme aide au repérage est donc concevable.

Cette utilisation doit pouvoir s’intégrer parmi l’arsenal diagnostique et thérapeutique chirurgical.

Aucun effet iatrogène propre à ces systèmes n’a été décrit et certains systèmes affichent une précision de l’ordre du millimètre.

Les concepts de chirurgie à caractère invasif réduit et de chirurgie assistée par ordinateur doivent permettre d’améliorer la prise en charge des pathologies intéressant la base du crâne et donc la qualité de vie des patients.

Il persiste toutefois la nécessité d’évaluation des causes de morbidité de la chirurgie de la base du crâne et de l’apport de l’informatique dans leur réduction, puis d’évaluer les besoins de précision en fonction des pathologies et d’effectuer une balance entre ces besoins et les conséquences de l’augmentation de la précision (coût direct et indirect, irradiation éventuelle).

L’analyse du rapport coût-efficacité de ces nouvelles technologies sur la morbidité préexistante n’est pas encore établie.

La chirurgie assistée par ordinateur ne doit pas combler de lacunes, se développer au détriment de l’enseignement ou se substituer à l’apprentissage des irremplaçables connaissances anatomiques et des techniques chirurgicales, mais les compléter.

Les techniques chirurgicales seront probablement adaptées à ces repères virtuels, voire aux nouvelles données peropératoires.

Ces informations compléteront la perception de l’opérateur, le but ne devant pas être de guider aveuglément mais d’assister le chirurgien dans ses décisions de planification préopératoire, de dissection peropératoire et de surveillance postopératoire.

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