Avancées médicales et progrès techniques en réanimation néonatale
(Suite) Cours de
Gynécologie Obstétrique
C -
Nouveaux modes de ventilation
:
Une amélioration du pronostic vital et fonctionnel des détresses respiratoires
du grand prématuré est attendue de nouveaux modes de ventilation
actuellement en cours d’évaluation.
Chez le grand prématuré avec MMH,
l’administration précoce d’un SE naturel suivie d’une extubation rapide
(moins de 1 h) avec relais par PPC nasale pourrait diminuer le recours à la
ventilation mécanique par rapport à un groupe d’enfants traités par PPC
nasale seule (réduction de 50 % du taux d’intubation pour ventilation
mécanique).
Ce résultat illustre l’intérêt de l’association SE-PPC nasale
dans la prise en charge deMMHde gravité modérée chez le grand prématuré.
Plusieurs essais contrôlés multicentriques menés actuellement dans différents
pays européens ont pour but d’évaluer l’efficacité de différents modes de PPC
nasale dans la prise en charge précoce de la MMH, l’objectif étant toujours
d’extuber rapidement l’enfant après administration de SE pour limiter le
barotraumatisme induit par la ventilation assistée et raccourcir les durées de
ventilation et d’oxygénothérapie.
1- Ventilation à haute fréquence par oscillations (VHFO) :
Elle a pour caractéristique d’assurer des échanges gazeux efficaces par
oscillation d’un volume courant de gaz très inférieur à celui de l’espace mort
des voies aériennes.
Des études expérimentales ont démontré que ce mode
de ventilation est responsable de lésions pulmonaires moindres que celles
secondaires à la ventilation conventionnelle.
Cette stratégie ventilatoire,
alternative ou complémentaire à l’utilisation du SE, pourrait permettre ainsi
de diminuer la mortalité et surtout la morbidité résiduelles de la MMH chez le
grand prématuré.
Les différentes modalités de ventilation à haute fréquence
se caractérisent par une fréquence supraphysiologique avec des volumes
courants inférieurs au volume de l’espace mort.
Une autre caractéristique de
ce dernier mode de ventilation est d’assurer une expiration active : la vidange
expiratoire n’est en effet pas uniquement dépendante de l’élasticité
pulmonaire et thoracique, mais aussi et surtout d’une mobilisation active des
gaz dans les voies aériennes grâce aux mouvements de va-et-vient d’un piston
ou d’un diaphragme.
L’expiration active permet d’utiliser des fréquences
élevées supérieures à 10 Hz en minimisant au maximum le risque de gaz
piégés.
Les mécanismes capables d’assurer l’oscillation sont soit une pompe
à piston, soit une membrane mise en oscillation par effet électrostatique ou
électromagnétique.
De nombreuses études chez l’animal ont démontré
expérimentalement que laVHFO améliore les échanges gazeux en diminuant
l’agression pulmonaire par rapport à la ventilation conventionnelle (VC).
Les
données expérimentales démontrent qu’il est indispensable, pour obtenir un
recrutement efficace, d’osciller le poumon à pression moyenne initiale élevée.
En pratique, il est donc nécessaire de recruter largement le poumon au
moment d’instituer l’oscillation.
L’expansion pulmonaire initiale peut être
atteinte soit en réalisant des soupirs, soit par une stratégie de recrutement
optimal à pression moyenne initiale élevée.
Ceci permet d’éviter d’osciller
un poumon partiellement collabé, faisant perdre ainsi le principal avantage
de cette technique de ventilation.
Un autre élément important, démontré par
les données expérimentales, est que l’amélioration de l’oxygénation à lésion
pulmonaire moindre est obtenue plus efficacement lorsque la ventilation par
oscillation est débutée très tôt après la naissance.
Le bénéfice est moins
évident si ce mode de ventilation est institué avec retard. Enfin, la
combinaison SE + VHFO est supérieure en termes d’efficacité et de lésions
volotraumatiques à la combinaison SE + VC.
On observe ainsi une
amélioration significative de l’oxygénation, des anomalies radiologiques
moindres, une diminution des lésions histologiques et de l’oedème alvéolaire.
Enfin, la composition en phospholipides du liquide de lavage bronchoalvéolaire et des inclusions lamellaires est mieux préservé lorsque la
ventilation s’effectue en VHFO qu’en VC.
Le premier essai clinique multicentrique incluant un grand nombre de
patients, à l’ère du présurfactant, a montré que la VHFO ne réduisait ni la
mortalité, ni l’incidence de la DBP, mais qu’elle s’associait à une
augmentation de l’incidence des HIV.
Ces résultats décevants du HIFI
Study Group s’expliquent probablement par une stratégie inadéquate de
pression à volume trop faible, confirmant ainsi l’observation expérimentale
du risque réel d’osciller un poumon insuffisamment recruté.
Si l’on exclut
néanmoins de cette étude l’un des centres ne recevant que des enfants outborn, la différence statistiquement défavorable s’efface.
Une autre étude
plus récente et contrôlée comparant la ventilation par VHFO exclusive à la
VC ou à la ventilation par VHFO pendant 3 jours suivie de la VC démontre
une diminution modeste de l’incidence de la maladie respiratoire chronique
secondaire dans les deux groupes VHFO avec une différence statistiquement
significative entre le groupe VHFO exclusif contre le groupe VC exclusif.
Cette étude réalisée sur 83 prématurés ne met pas en évidence d’augmentation
du risque d’HIV.
Une autre étude japonaise multicentrique utilisant là
aussi la VHFO avec une stratégie de haut volume chez de grands prématurés
avec MMH en association avec un surfactant d’origine animale (Survantat)
ne met pas en évidence de différence en termes de morbidité neurologique.
Tout récemment, une étude multicentrique prospective belge et américaine,
incluant 125 enfants prématurés d’AG moyen d’environ 31 semaines,
présentant une MMH, divisés en deux groupes VC versus VHFO, avec une
stratégie de recrutement optimal, démontre l’intérêt de la VHFO en termes de
diminution de la durée de ventilation et d’oxygénothérapie après extubation,
sans aucune différence sur la morbidité associée notamment neurologique.
Dans cette plus récente étude, l’ensemble des enfants étaient traités par
surfactant naturel en association avec la VC ou la VHFO.
Une méta-analyse
très récente confirme que si l’on exclut les résultats défavorables observés par
le HIFI group en 1989, il n’y a pas de risque accru d’HIV ou de leucomalacie
avec la VHFO.
L’ensemble des études expérimentales démontre indiscutablement le
bénéfice de la VHFO tant pour améliorer les échanges gazeux que pour limiter
les complications baro- ou volutraumatiques.
Pour la prise en charge de la MMH chez le grand prématuré, des premiers essais thérapeutiques ont pu
démontrer l’intérêt, en association avec l’administration d’un SE, de la VHFO
dans une prise en charge précoce de cette pathologie chez le grand prématuré.
Cet intérêt se mesure en termes de réduction de la durée de ventilation et
d’oxygénation, dont d’une diminution de l’incidence de la maladie
respiratoire chronique secondaire, et ce sans augmentation significative du
risque d’HIV.
Il faut noter que dans la toute dernière étude multicentrique,
l’âge moyen reste relativement élevé (31 semaines) et que ce bénéfice reste à
démontrer pour les très grands prématurés d’âge gestationnel inférieur à
28 semaines.
La ventilation à haute fréquence est probablement aussi une
stratégie de choix dans le traitement préventif ou curatif précoce des
emphysèmes interstitiels, et dans la prise en charge complexe des
hypertensions artérielles pulmonaires associées à une pathologie
alvéolaire.
Ce mode de ventilation, comme tout mode de ventilation,
comporte des risques, notamment complications barotraumatiques,
retentissement hémodynamique pulmonaire, systémique et cérébral.
En
conséquence, cette technique ne devrait être utilisée que par des cliniciens
expérimentés, avec un monitorage rigoureux des constantes de ventilation,
des paramètres hémodynamiques et des échanges gazeux.
Le bénéfice attendu
de ce mode de ventilation pour la prise en charge des grands prématurés est
très probablement maximal si cette ventilation est instituée précocement : ceci
est encore un argument supplémentaire plaidant en faveur des transferts in
utero et des naissances de ces enfants en centre de niveau 3.
2- Monoxyde d’azote (NO) inhalé :
En un intervalle de temps remarquablement court, l’administration de NO
inhalé (NOi) a acquis une place reconnue dans l’arsenal thérapeutique des
détresses respiratoires sévères du nouveau-né.
Le syndrome
d’hypertension artérielle pulmonaire persistante du nouveau-né (HTAPPN),
responsable d’une hypoxémie sévère ou refractaire liée à l’hypoperfusion
pulmonaire et au shunt extrapulmonaire droite gauche par le canal artériel ou
le foramen ovale, demeure une complication évolutive fréquente de toutes les
pathologies respiratoires néonatales, notamment les pathologies d’inhalation,
la MMH, les infections sévères à streptocoque B, et la hernie diaphramatique
congénitale.
Parfois, ce syndrome survient en l’absence de pathologie
pulmonaire parenchymateuse, le plus souvent alors dans les suites d’une
asphyxie périnatale.
La synthèse endothéliale de NO, identifié comme le
médiateur de la vasodilatation dépendante de l’endothélium déclenchée par
l’acétylcholine, est assurée par la catalyse enzymatique (NO synthases) de la
L-arginine en L-citrulline, et ses effets vasorelaxants sont médiés par une
guanylate cyclase.
En augmentant le taux intracellulaire de GMP
cyclique, le NO active les protéines kinases dépendantes du GMPc.
Cette
activation aboutit à la déphosphorylation des chaînes de myosine et à la vasorelaxation.
La demi-vie intracellulaire du GMPc est courte car celui-ci
est activement hydrolysé et inactivé par une phosphodiestérase.
La courte
durée de vie du NO et celle de son second messager permettent ainsi une
régulation fine et rapide du tonus vasculaire.
Le rationnel du recours au NOi
dans cette situation est bien documenté :
– la baisse des résistances et l’augmentation du débit pulmonaire induites par
la ventilation d’un animal nouveau-né sont inhibées par l’administration
concomitante d’inhibiteurs de la NO synthase ;
– l’administration de NOi à des animaux nouveau-nés ventilés avec une
faible FIO2 entraîne une baisse durable et sélective des résistances
pulmonaires équivalentes à celle induite par la ventilation avec FIO2 élevée ;
– dans les modèles expérimentaux d’HTAPPN (occlusion ou ligature du
canal artériel in utero) chez lesquels la vasodilatation dépendante de
l’endothélium est altérée, l’administration de NOi en association avec une
ventilation hyperoxique permet une baisse significative des résistances
pulmonaires ;
– l’effet vasorelaxant duNOindépendant de l’endothélium peut être amplifié
par l’administration concomitante d’inhibiteurs des phosphodiestérases ;
– l’administration de NOi chez le nouveau-né avec HTAPPN permet, dans
certaines circonstances, de significativement diminuer les résistances
pulmonaires et d’améliorer l’oxygénation ;
– l’effet vasodilatateur du NOi s’exerce électivement sur la circulation
pulmonaire car le NOi chargé par l’hémoglobine au contact du lit capillaire
perd son activité biologique.
En 1992, les groupes deAbman S et ZapolWont montré pour la première fois
que l’administration de NOi à des nouveau-nés à terme en situation
d’hypoxémie réfractaire avec HTAPPN permet une amélioration immédiate
et prolongée de l’oxygénation.
Le premier groupe confirme ces résultats
1 an plus tard : l’administration de faibles doses de NO (< 20 ppm), dans la
même situation, permet la survie en évitant l’assistance respiratoire
extracorporelle chez 13/15 nouveau-nés.
Le NOi n’améliore pas
l’oxygénation uniquement en diminuant les résistances pulmonaires et le
shunt extrapulmonaire.
Son administration, même à des doses inférieures à
1 ppm, est bénéfique sur les rapports ventilation/perfusion dans différents
modèles animaux et chez l’homme.
Le NO est délivré à l’aide d’une bouteille
et d’un détendeur dans le circuit inspiratoire du patient.
Sa concentration et
celle de l’un de ses dérivés toxiques, le NO2, sont monitorées au niveau de la
pièce en Y, par électrochimie ou chémiluminescence. Par ses propriétés radicalaires, le NO et ses dérivés sont potentiellement toxiques, notamment
sur les lipides membranaires.
Aux doses thérapeutiques habituellement
utilisées et inférieures à 20 ppm, aucune toxicité n’a été à ce jour rapportée en
clinique.
Son administration doit néanmoins rester limitée à des indications
justifiées, sous couvert d’un monitorage rigoureux des concentrations en NOi
et NO2, et en ayant recours aux doses efficaces les plus faibles possibles.
Un
élément de surveillance important chez le prématuré est l’état du canal artériel
(échocardiographie doppler) dont le maintien de l’ouverture peut être favorisé
par la réduction des résistances pulmonaires induites par le traitement.
Les résultats des premières études pilotes et essais contrôlés sont aujourd’hui
connus.
Ils s’accordent tous à reconnaître un bénéfice au NOi pour le
traitement des hypoxémies sévères et du syndrome d’HTAPPN, en termes
d’amélioration de l’oxygénation et de réduction de la nécessité d’avoir
recours à l’oxygénation extracorporelle (ECMO [extracorporeal membrane
oxygenation]).
L’effet de l’administration du NOi sur l’oxygénation est très
dépendant de la pathologie parenchymateuse sous-jacente : il est en règle
immédiat et évident en cas de MMH avec HTAPPN ou dans les syndromes
d’HTAPPN compliquant une anoxie néonatale, plus aléatoire dans les
syndromes d’inhalation et les infections avec hypoxémie sévère.
Plusieurs
essais multicentriques prospectifs aux États-Unis et en Europe sont
actuellement poursuivis pour confirmer les résultats prometteurs des
premières études pilotes et évaluer le bénéfice du NOi sur la mortalité.
Plusieurs études pilotes ont aussi montré que le prématuré, même très
immature, est en mesure de répondre à l’administration de NOi en cas de
MMH sévère accompagnée d’un syndrome d’HTAPPN.
L’évaluation du
bénéfice à moyen terme du NOi dans cette population (incidence et gravité de
la DBP, effet sur l’incidence des complications neurologiques de la grande
prématurité) sera capitale.
Ces essais devraient aussi permettre d’apporter des
éléments de réponse à des questions encore débattues : quelles sont les
concentrations optimales du Noi ?
Doit-on attendre un bénéfice respiratoire
et neurologique de l’administration du NOi chez le prématuré en cas
d’hypoxémie modérée (traitement « prophylactique » de l’hypoxémie
sévère) ?
Quel bénéfice attendre de la synergie VHFO/SE (recrutement
alvéolaire optimal) + NOi (« recrutement capillaire optimal ») dans la prise
en charge des pathologies respiratoires sévères du nouveau-né ?
Quel est le
devenir respiratoire et neurologique à long terme des enfants traités
(pharmacovigilance) ?
3- Ventilation liquide avec un fluide inerte : le perfluorocarbone (PFC)
:
Administré dans les voies aériennes de différents modèles animaux
déficitaires en surfactant, il améliore considérablement les caractéristiques
mécaniques du poumon, entraîne une baisse considérable des forces de
rétraction interfaciale de même ampleur que celle qui suit l’administration
d’un SE, et permet des échanges gazeux efficaces sur une période prolongée.
La structure chimique du PFC en fait un excellent vecteur d’O2 (solubilité de
l’O2 à 37°C : 53 mL/100mLde PFC versus 3 mL/100mL de plasma).
En
pratique, le poumon est rempli de PFC à sa capacité résiduelle fonctionnelle,
puis ventilé avec un mélange gazeux enrichi en O2 (partial liquid ventilation
ou PAGE).
Des bolus d’entretien sont régulièrement administrés pour
compenser la fraction évaporée.
Le sevrage se fait passivement par
évaporation spontanée du produit.
Dans les différents modèles animaux
étudiés, ce mode de ventilation limite les lésions liées au traumatisme de la
ventilation assistée et à l’inflammation. Une étude pilote a récemment
rapporté des résultats encourageants (amélioration de l’oxygénation et de la compliance) avec ce mode de ventilation chez un petit nombre de grands
prématurés réfractaires au traitement conventionnel.
La tolérance
immédiate du produit est bonne et aucune complication habituelle de la
grande prématurité n’a été observée avec une fréquence inhabituelle.
L’incidence de la DBP demeure très élevée mais la pathologie respiratoire des
patients au moment de l’inclusion était particulièrement sévère.
Seuls des
essais prospectifs avec inclusion à la naissance permettront d’évaluer l’intérêt
et le coût de ce nouveau mode de ventilation versus la prise en charge actuelle
sur la mortalité résiduelle, l’incidence et la gravité de la pathologie
respiratoire secondaire.
Amélioration de la prise en charge
des grands prématurés :
Nombreuses sont les avancées médicales et techniques qui ont contribué, à
une échelle moins spectaculaire que celle des surfactants ou de la
corticothérapie anténatale, à l’amélioration de la survie et à une réduction de
la morbidité des grands prématurés, ces 10 dernières années.
Parmi les plus
significatives, il faut évoquer les suivantes.
L’organisation du transport des enfants « outborn » par des équipes mobiles
de médecins formés à la réanimation et à la prise en charge de ces enfants :
les conditions de transport ont récemment bénéficié de perfectionnements des
incubateurs permettant une meilleure préservation de la « chaîne du chaud »,
du monitorage non invasif et de la miniaturisation des respirateurs.
Ces
améliorations ne sauraient cependant effacer l’avantage que représente pour
ces enfants une naissance sur le site de l’unité de réanimation (niveau 3).
Le développement récent d’incubateurs assurant un degré hygrométrique
très élevé (voisin de 100 %) et permettant un réchauffement rapide et le
maintien d’une stabilité thermique constitue une innovation technique d’un
intérêt majeur pour les enfants très immatures.
Si la maturation de l’épiderme
s’accélère après la naissance pour lui permettre d’acquérir des propriétés
voisines de celui du nouveau-né à terme après 10 jours de vie, la déperdition
calorique par convection (large surface corporelle pour une faible production
calorique endogène) et par évaporation (barrière cutanée immature) est
majeure dans les premiers jours de vie.
Les pertes hydriques transépidermiques s’ajoutent aux conséquences de l’immaturité tubulaire
rénale pour favoriser la déshydratation hypernatrémique fréquente dans les
premiers jours de vie chez ces enfants.
De plus, l’épiderme est d’une fragilité
extrême et tout support adhésif, source d’excoriations et porte d’entrée
infectieuse, est à proscrire.
Le développement de cathéters ombilicaux à
double voie, relayé par un cathéter central vers le 5e jour de vie, permet
aujourd’hui de s’abstenir des perfusions périphériques durant cette période
de grande vulnérabilité de l’épiderme.
La pose de microcathéters par voie percutanée permettant une nutrition
parentérale prolongée chez des enfants de tout petit poids est indispensable,
tant l’immaturité digestive durable (motricité, péristaltisme, absorption)
limite pendant plusieurs jours la contribution entérale au métabolisme basal
et à la croissance accélérée de ces enfants.
Si les composants de la nutrition
parentérale (équilibre aminoacidique, acides gras essentiels, électrolytes,
vitamines, oligoéléments) et les laits pour prématurés (lait de mère ou de
lactarium supplémenté, laits artificiels enrichis en acides gras essentiels,
protéines, calcium, phosphore) ont évolué avec une meilleure connaissance
des besoins spécifiques du grand prématuré, il n’en reste pas moins que la
tolérance métabolique et hormonale lors des premiers jours est souvent
médiocre chez les plus immatures d’entre eux.
Parce qu’une augmentation
très lente et progressive des apports caloriques et nutritifs est souvent
nécessaire chez ces derniers si l’on veut éviter une hyperglycémie et une
acidose sévères, il est fréquent d’observer, dans les 2 premières semaines, une
stagnation de la croissance pondérale et du périmètre crânien (en comparaison
avec la vie intra-utérine), dont les conséquences sur le développement neurosensitivo-moteur à long terme sont potentiellement néfastes.
Beaucoup
d’équipes ont aujourd’hui volontiers recours à une insulinothérapie précoce
pour compenser à la fois un certain degré d’insulinorésistance et une
insuffisance pancréatique transitoire.
L’introduction précoce de
l’alimentation entérale discontinue procède de la même intention.
Sans qu’il
soit possible d’en faire la preuve, le recours à la nutrition parentérale
prolongée plusieurs semaines chez le grand prématuré, en permettant une
augmentation très progressive des apport entéraux sous forme de lait de
femme, a très probablement contribué, avec la corticothérapie anténatale et
les progrès de la prise en charge hémodynamique et respiratoire, à la
diminution spectaculaire de l’incidence des ECUN.
Les approches complémentaires élaborées pour réduire le nombre de
transfusions requises par ces enfants dont la physiopathologie de l’anémie
multifactorielle : transfusion foetoplacentaire, hémorragies sous-cutanées
d’origine traumatique ou hémorragies profondes, spoliation sanguine liée aux
prélèvements sanguins, synthèse d’érythropoïétine insuffisante, inhabilité du
système hématopoïétique à répondre à la diminution de la quantité d’oxygène
circulant, permettant de diminuer le nombre de transfusions précoces
requis par ces enfants : la transfusion placentofoetale avant clampage du
cordon et la réduction des volumes sanguins permise par la miniaturisation
des automates et le monitorage non invasif.
L’utilisation d’une unité-mère de
culot globulaire dédicacée à l’enfant, et dont la durée de vie atteint 40 jours
grâce aux progrès de la conservation, permet des transfusions itératives sans
augmentation du risque infectieux.
Cette stratégie établie dans notre unité
depuis plusieurs années a permis une réduction de plus de 50 % du nombre de
donneurs requis pour les besoins transfusionnels de cette population.
Les
résultats de plusieurs essais contrôlés ayant pour objectif d’évaluer l’intérêt
de l’administration précoce d’érythropoïétine recombinante pour réduire le
nombre de transfusions tardives sont maintenant connus.
La plupart des essais
comme les méta-analyses concluent à une réduction du nombre d’enfants
transfusés ou du nombre de transfusions parmi les patients du groupe traité.
Cette réduction n’est cependant pas considérable pour les enfants les plus
immatures ou ayant développé une sévère pathologie respiratoire dans les
premiers jours de vie.
L’efficacité du traitement est très dépendante des doses
administrées et d’un traitement martial entéral efficace, ce qui n’est pas sans
poser problème chez le grand prématuré dont la tolérance et l’absorption
digestives sont médiocres et aléatoires les premières semaines de vie.
La prise en compte de la douleur et de l’inconfort de l’enfant très prématuré,
jusqu’à récemment négligés ou minimisés.
À l’aide de grilles d’évaluation
prenant en compte des modification de l’expression du visage, l’activité
motrice et le comportement de l’enfant, sa réceptivité aux gestes
d’apaisement et les modifications de paramètres physiologiques, les néonatologistes et les soignants ont appris à reconnaître les manifestations de
la douleur aiguë.
Ces grilles sont précieuses pour évaluer l’efficacité des
thérapies antalgiques.
L’appréciation et la mesure de l’inconfort chronique
des enfants soumis sur de longues périodes aux contraintes de la ventilation assistée sont plus délicates.
L’approche thérapeutique comporte un volet
préventif (limitation des prélèvements sanguins, recours au monitorage non
invasif, organisation réfléchie des soins laissant de longues périodes de repos
à l’enfant, qualité du matériel utilisé pour la fixation des prothèses, réduction
des nuisances environnementales que sont le bruit et la lumière, contact
physique avec les parents dès que possible...) et un volet médicamenteux.
La
pharmacopée disponible est large :
– anesthésie locale à la xylocaïne pour les gestes invasifs comme la pose d’un
drain pleural.
L’utilisation de la crème Emlat est pour l’instant limitée par le
risque de méthémoglobinémie ;
– sédation et anxiolyse non antalgique par le saccharose per os (dont
l’efficacité semble relayée par les endorphines endogènes) pour un geste bref
ou par les benzodiazépines comme le midazolam, de demi-vie courte et
utilisable par voie veineuse, rectale ou nasale ;
– antalgique non morphinique comme le paracétamol pour la douleur
modérée ;
– morphinomimétique agoniste-antagoniste comme la nalbuphine, aux effets
dépresseurs respiratoires moindres permettant une analgésie efficace chez
l’enfant non ventilé, ou agoniste vrai comme le fentanyl, dont la durée
d’utilisation doit rester brève pour éviter un syndrome de sevrage.
La quasi-disparition des formes graves d’ictère du grand prématuré (les
indications d’exsanguinotransfusion pour cette indication, ictères
hémolytiques exclus, sont devenues exceptionnelles) est la conséquence
d’une utilisation précoce et rationnelle de la photothérapie, d’une meilleure
prise en charge des pathologies respiratoires et hémodynamiques des
premières heures de vie, de l’accélération de la maturation des systèmes de
détoxification hépatique liée à la corticothérapie anténatale, de l’utilisation
prophylactique d’inducteurs enzymatiques comme le Lipavlon peu après la
naissance, et de la possibilité de doser aisément la fraction non liée de la
bilirubine non conjuguée pour en diminuer si nécessaire la concentration par
des perfusions d’albumine.
Si toutes ces mesures s’avèrent insuffisantes, la
mise sur le marché de nouvelles lampes permettant une photothérapie
intensive en lumière bleue exclusive avec un niveau d’énergie élevé permet
d’éviter l’exsanguinotransfusion.
Les métalloporphyrines, inhibiteurs
compétitifs de l’hème oxydase, ont démontré leur efficacité chez le prématuré
en diminuant la valeur maximale de la bilirubinémie et la durée de
photothérapie.
Les effefs secondaires à ce jour rapportés sont mineurs et ces
molécules pourraient, dans un proche avenir, prendre une place de choix dans
la prévention des ictères graves du nouveau-né prématuré ou à terme.
Enfin, si la fréquence des surinfections nosocomiales (septicémie sur cathéter
central, infections à point de départ digestif ou respiratoires) reste très élevée
chez le grand prématuré au système immunitaire immature, il est aujourd’hui
exceptionnel qu’elles soient directement responsables du décès de l’enfant,
sauf chez le très grand prématuré hypotrophe.
Elles représentent néanmoins
une morbidité importante et peuvent favoriser le développement d’autres
complications redoutables (DBP sévère, leucomalacie périventriculaire).
Plusieurs facteurs expliquent cette amélioration du pronostic vital des
surinfections : dépistage plus précoce permis par des examens biologiques
plus sensibles, meilleure connaissance de la pharmacocinétique des
antibiotiques chez un organisme immature, efficacité accrue des associations
synergiques d’antibiotiques, nutrition entérale et parentérale plus
performante.
Il n’en reste pas moins que, avec la menace que pose
l’émergence d’organismes pathogènes multirésistants, la prévention, qui
repose encore essentiellement sur une politique d’asepsie rigoureuse, reste la
thérapeutique la plus efficace et la plus économique pour ces infections
nosocomiales pour la plupart manuportées.
Complications neurologiques
de la grande prématurité :
A - Leucomalacie périventriculaire :
Malgré l’amélioration considérable des soins en obstétrique et en
néonatalogie, et malgré la diminution spectaculaire de la morbidité et de la
mortalité néonatales, la prévalence de l’infirmité motrice cérébrale (IMC),
évaluée à environ 2 pour 1 000 enfants nés vivants, est restée d’une
remarquable constance ces 20 dernières années.
Avec la régression des
causes classiques d’IMC (encéphalopathie anoxo-ischémique du nouveau-né
à terme ou postmature, ictère nucléaire, méningite néonatale,
embryofoetopathie infectieuse), la survie croissante des enfants de très faible
poids de naissance et des grands prématurés apparaît comme le premier
facteur responsable de cette absence de baisse du taux de handicaps.
Pour un
nombre défini d’enfants de très faible poids de naissance nés vivants, la
diminution spectaculaire de la mortalité néonatale entraîne une augmentation
du nombre absolu d’enfants handicapés, quand bien même est observée une
diminution importante de l’incidence de handicap parmi les enfants
survivants.
Conséquence directe d’une meilleure prise en charge anté- et
postnatale, l’incidence des formes graves d’HIV (grade III et IV de Papile,
correspondant respectivement aux HIV avec dilatation ventriculaire et aux
HIV avec infarctus hémorragique) a notablement diminué.
La leucomalacie périventriculaire (LPV) est devenue aujourd’hui le principal
facteur étiopathogénique de l’IMC liée à la grande prématurité.
Si la relation entre prématurité et séquelles motrices (diplégie spastique des
membres inférieurs) est connue depuis les travaux de Little (1843), c’est à
Virshow et Parrot que l’on doit, à la fin du siècle dernier, la première
description des lésions anatomopathologiques qui caractérisent la LPV.
Le
terme de « leucomalacie périventriculaire » est utilisé pour la première fois
en 1962 par Banker et Larroche ; celle-ci est alors considérée par ces auteurs
comme la conséquence d’une anoxie périnatale.
La LPV est caractéristique
par deux aspects :
– elle touche un cerveau en développement et s’observe chez le foetus ou le
nouveau-né le plus souvent prématuré ;
– elle se définit sur un plan anatomopathologique par une lyse cellulaire
(résultat conjoint d’un processus de nécrose de coagulation et de phénomènes apoptotiques) de la substance blanche périventriculaire non encore
myélinisée à ce stade de développement.
L’évolution de ces lésions se fait
vers une cicatrisation gliale, éventuellement associée à l’apparition de kystes.
Cette dernière forme est appelée LPVcavitaire.
Sont touchées principalement
les fibres motrices et les fibres d’association, expliquant ainsi la dominance
de l’atteinte motrice observée chez les survivants.
1- Incidence et facteurs de risque :
L’incidence des leucomalacies dans une population d’enfants prématurés est
très variable, selon que le diagnostic est anatomique (enfants décédés) ou
seulement échographique (enfants survivants), selon que sont incluses ou non
les formes non cavitaires.
L’hétérogénéité des populations ou des moyens
d’investigation, d’importance et de performance inégales et évoluant dans le
temps, accentue encore ces variations.
Elle est estimée pour les formes
cavitaires diagnostiquées par l’échographie de 2 à 20%.
Elle est très
certainement dépendante de l’âge gestationnel : dans notre casuistique, elle
atteint 10 à 15 % chez les prématurés nés avant le terme de 31 SA, elle est
encore proche de 5 %de 31 à 32 SA, puis devient inférieure à 1 %à partir de
33 SA.
La LPV est exceptionnelle chez le bébé à terme et les rares cas
observés peuvent souvent être rapportés à un accident anténatal.
Chez le prématuré d’AG égal ou inférieur à 32 SA, certaines situations
périnatales sont associées à un risque élevé de LPV: ce sont les
chorioamniotites, les ruptures prématurées des membranes (souvent
associées à une infection) et, dans une moindre mesure, les métrorragies des
2e et 3e trimestres.
Il faut aussi mentionner le cas particulier de
la grossesse gémellaire monochoriale avec syndrome transfuseur-transfusé
avec ou sans décès in utero de l’un des foetus.
Ces corrélations mises en
évidence avec notre casuistique sont corroborées par une étude rétrospective
récente ; ces facteurs de risque de LPV sont aussi des facteurs de risque
d’IMC.
D’autres situations sont, au contraire, associées à un très faible risque de LPV,
ce sont essentiellement les pathologies vasculoplacentaires chroniques :
toxémie gravidique et retard de croissance intra-utérin d’origine vasculaire.
Fait surprenant, seule une minorité de LPV apparaît comme la
conséquence directe d’une anoxie périnatale grave (anoxie maternelle,
traumatisme abdominal, transfusion foetomaternelle ou foetofoetale,
hématome rétroplacentaire...).
Ces LPV de cause directement anoxoischémique
s’observent aussi chez des enfants moins immatures et sont
souvent associées à une extension sous-corticale, voire des noyaux gris
centraux, les distinguant ainsi de la forme classique de LPV du grand
prématuré.
Chez ces derniers, on ne peut faire, dans la plupart des cas, de
corrélation directe entre présence de troubles hémodynamiques périnatals et
survenue d’une LPV.
Par exemple, dans le cas des infections maternofoetales
(où l’incidence de LPV dépasse 20 % chez les moins de 33 semaines), il n’y
a pas de corrélation entre la survenue d’une LPV et la présence d’un collapsus
infectieux ou d’une détresse respiratoire sévère, type MMH.
Il faut
cependant se garder d’exclure définitivement les facteurs ischémiques de la
physiopathologie au demeurant complexe de la LPV.
2- Diagnostic de la leucomalacie périventriculaire :
Les manifestations cliniques initiales de la LPV sont très inconstantes, frustes
et non spécifiques.
Elles sont souvent reléguées au second plan par les
pathologies néonatales précoces observées chez le prématuré, notamment les
détresses respiratoires.
Le recours fréquent à la sédation en modifie aussi la
symptomatologie.
Les anomalies neurologiques décrites sont des épisodes
d’agitation et d’hypertonie, une hyperexcitabilité avec sursauts et
trémulations, plus rarement des troubles de la vigilance ou des mouvements
de mâchonnement.
Des apnées répétées peuvent aussi être une manifestation
clinique de LPV, mais celles-ci sont fréquentes chez le prématuré et peuvent
avoir de très nombreuses autres causes.
Le diagnostic de LPV repose en fait
sur un ensemble d’examens complémentaires au sein duquel l’échographie
transfontanellaire (ETF) tient une place centrale.
* Échographie transfontanellaire :
Cette méthode d’investigation a de nombreux avantages évidents :
l’exploration peut être réalisée dans l’incubateur, sans interférer avec les
différentes modalités de prise en charge des pathologies du prématuré.
Son
innocuité permet la répétition des explorations, et peut lui être associée une
évaluation du débit sanguin cérébral régional par échographie doppler.
La
qualité croissante des sondes utilisées et le perfectionnement des logiciels
n’ont cessé d’améliorer la qualité de l’image et, par conséquent, la
séméiologie échographique de la LPV.
Dans la forme classique, l’ETF réalisée dans les premières 24 heures est
souvent normale.
Apparaissent dans la 1re semaine de vie des images hyperéchogènes à l’angle externe des ventricules, de localisation frontale,
pariétale ou occipitale.
À ce stade, la difficulté diagnostique est liée à la
présence normale d’un aspect modérément hyperéchogène physiologique
chez le prématuré à cette période de vie.
On considère les images hyperéchogènes comme pathologiques lorsqu’elles sont étendues en
profondeur et dans le sens antéropostérieur, hétérogènes, comportant en leur
sein des « paquets » ou des points brillants, ou encore lorsqu’elles sont
asymétriques.
Ces images hyperéchogènes anormales correspondent sur un
plan anatomique à un oedème, une nécrose de coagulation ou une congestion
vasculaire.
Les « paquets » brillants peuvent être l’expression de microfoyers
hémorragiques, ou représenter la traduction échographique de la limite entre
les zones saines et les zones pathologiques.
Souvent, ces images hyperéchogènes vont laisser place en un temps ou après quelques jours de
latence, et en moyenne durant la deuxième quinzaine de vie, à des zones
kystiques anéchogènes correspondant à des cavités.
Parfois, l’évolution ne se
fait pas vers la cavitation, notamment chez le très grand prématuré.
La
persistance de zones hyperéchogènes hétérogènes après 15 jours sans
évolution cavitaire peut correspondre à une réaction gliale d’une LPV non
cavitaire.
Cette dichotomie classique entre formes cavitaires et formes non
cavitaires est devenue moins tranchée avec le développement de nouvelles
sondes, qui permettent une analyse plus fine du parenchyme et la mise en
évidence de microcavitations dans des formes anciennement considérées
comme non cavitaires.
D’autre part, les indications sélectives d’IRM devant
des images de zones hyperéchogènes persistantes devraient permettre de
diagnostiquer plus justement des formes mineures ou modérées de LPV non
cavitaires.
Dans les deux formes, il n’est pas rare de voir se constituer, à
distance et en l’absence d’hémorragie intraventriculaire initiale, une
dilatation ventriculaire a vacuo traduisant l’atrophie d’une partie de la
substance blanche.
Dans la forme cavitaire et à long terme, les cavités
finissent par disparaître en s’affaissant ou en confluant avec le ventricule, dont
le contour peut être alors irrégulier ou festonné.
À côté de cette forme classique d’évolution, il existe des formes évolutives
plus rares :
– la leucomalacie anténatale, souvent observée chez un jumeau survivant
après décès de l’autre jumeau ou en cas de grossesse gémellaire monochoriale
avec syndrome transfuseur-transfusé.
Le diagnostic évoqué devant
l’apparition de cavités intraparenchymateuses sur l’échographie cérébrale
anténatale est alors au mieux confirmé par une IRM foetale ;
– la LPV néonatale, découverte lors de la première échographie objectivant
des zones hyperéchogènes anormales ou même parfois déjà des cavités
intraparenchymateuses ;
– les formes hémorragiques de LPV survenant le plus souvent très
précocement et dont le diagnostic différentiel avec les infarctus
hémorragiques ou les hématomes intraparenchymateux (grade IV de Papile)
est particulièrement difficile ;
– la LPV secondaire ou tardive, observée essentiellement chez le très grand
prématuré, et apparaissant plusieurs semaines après la naissance, voire au
voisinage du terme.
La description récente de ce type de leucomalacie
stigmatise l’importance d’une surveillance échographique répétée et
prolongée jusqu’au terme de tous les grands prématurés.
* Électroencéphalogramme (EEG)
:
Réalisé précocement et répété pendant au moins 3 semaines, en utilisant des
électrodes collées de préférence aux électrodes-aiguilles, l’EEG peut être
réalisé chez le grand prématuré sans interférer avec les diverses
thérapeutiques.
C’est un examen très contributif au diagnostic de LPV car il
permet le dépistage précoce de lésions périventriculaires avant même
l’imagerie.
Il s’agit de la mise en évidence de pointes lentes positives en
opposition de phase dans la région rolandique dénommées pointes positives
rolandiques (PPR).
Ces figures pathologiques ont d’abord été attribuées à la
présence d’une hémorragie intraventriculaire.
Il est maintenant clairement
démontré que ces PPR, détectées sous leur forme typique, sont
pathognomoniques d’une lésion évolutive de la substance blanche
périventriculaire.
Ces figures EEG transitoires (parfois détectées sur un seul
enregistrement) sont généralement précoces, associées ou non aux images hyperéchogènes et précèdent toujours le diagnostic échographique de LPV
cavitaire.
En revanche, leur absence ne permet pas d’exclure la survenue
secondaire d’une LPVet à long terme d’une IMC, notamment chez les enfants
les plus immatures.
Comme pour l’ETF, cet examen doit être régulièrement
répété jusqu’au terme chez le très grand prématuré, afin de ne pas méconnaître
une forme tardive.
* Imagerie par résonance magnétique nucléaire
:
Dans les formes cavitaires, l’IRM précoce permet de mieux apprécier
l’extension et la topographie des cavités, et les lésions de gliose associées.
Avec les progrès réalisés par l’échographie, cet examen est maintenant surtout
intéressant pour confirmer le diagnostic des formes frustes ou atypiques de LPV.
Notamment dans les formes non cavitaires, c’est actuellement le seul
examen permettant d’apprécier l’extension des lésions et l’importance de la
cicatrice gliale, apparaissant sous forme de signaux hyperintenses en bandes
ou ponctués (gliose).
Les plages d’hyposignal intense périventriculaire sont
d’interprétation plus controversée.
Elles pourraient être le témoin d’une
dépopulation cellulaire mais leur signification pronostique n’est pas encore
clairement établie.
Enfin, le parenchyme cérébral est mieux visualisé par
l’IRM que par l’échographie lorsque s’associe une dilatation ventriculaire posthémorragique importante.
Réalisée plus tardivement, entre 4 et 6 mois, l’IRM permet de mettre en
évidence une diminution plus ou moins importante de l’épaisseur de la
substance blanche, un retard de myélinisation d’autant plus sévère que les
lésions néonatales sont étendues, et un amincissement du corps calleux prédominant à la partie postérieure.
À cet âge, les cavitations de LPV ont le
plus souvent disparu pour laisser place à une dilatation ventriculaire et un
élargissement des sillons signant l’atrophie de la substance blanche.
3- Pronostic et prise en charge :
Dans sa forme cavitaire, pariétale et bilatérale, forme la plus fréquente, la LPV
est responsable d’une diplégie spastique des membres inférieurs ou d’une
quadriplégie. L’incidence de l’IMC est comprise, dans cette forme et selon
les séries, entre 38 et 93 %.
La monoplégie ou l’hémiplégie sont beaucoup
moins fréquentes, séquelles d’une LPV à prédominance unilatérale.
La LPV
strictement unilatérale est anatomiquement exceptionnelle.
Il existe une
corrélation étroite entre le degré d’extension des lésions cavitaires et
l’importance du déficit moteur ultérieur. Une extension importante en
profondeur et dans le sens antéropostérieur des kystes (> 20 mm) laisse
présager de lourdes séquelles motrices (quadriplégie spastique); ce sont
ces formes auxquelles sont souvent associés un retard mental et une atteinte
sensorielle.
En revanche, le pronostic neurologique des formes cavitaires peu
étendues ou des formes cavitaires modérément étendues et unilatérales est
moins facilement prévisible.
L’atteinte motrice est le plus souvent limitée aux
membres inférieurs (forme classique de maladie de Little) et le
développement cognitif est normal dans plus de la moitié des cas.
Le
pronostic moteur des enfants avec zones hyperéchogènes anormales et
persistantes est globalement meilleur : environ deux sur trois ont un pronostic
neurologique bon, mais 20 % d’entre eux auront cependant des séquelles
(diplégie spastique ou hémiplégie) et l’incidence des handicaps mineurs peut
atteindre 50 %.
La mise en évidence de PPR typiques, bilatérales et retrouvées
sur plusieurs EEG est un marqueur prédictif très fiable de mauvais pronostic
neurologique, puisque des séquelles lourdes sont observées dans plus de 95 %
des cas.
La topographie et la distribution des lésions peuvent aussi influencer
le pronostic ultérieur ; ainsi, dans les rares formes à localisation purement
frontale, il n’y a pas d’atteinte motrice.
Une extension occipitale est parfois
observée en association avec une atteinte pariétale. Des séquelles visuelles
sont alors observées même en l’absence de toute anomalie à l’IRM.
Celles-ci
sont également très fréquentes dans les formes purement pariétales.
Ces
séquelles visuelles s’expriment par des troubles d’organisation spatiale et
d’association visuomotrice, compliquant l’apprentissage ; elles expliquent la
fréquente discordance entre les niveaux de performances verbales
(conservées) et non verbales et ce d’autant que leur diagnostic n’est pas
envisageable avant l’âge de 3-4 ans.
Le strabisme est aussi l’un des stigmates
de la LPV et s’associe souvent aux troubles visuospatiaux.
Sa présence et
surtout sa persistance au-delà de l’âge de 6 mois chez un ancien prématuré
doit toujours faire craindre l’association contemporaine à une IMC.
En
revanche, une atteinte de l’audition est rare en l’absence de facteur surajouté.
Enfin, notons que des anomalies précoces de la gestuelle spontanée de
l’enfant entre 9 et 20 semaines après le terme théorique de 40 SA semblent
être le meilleur facteur prédictif d’une future IMC.
L’incertitude touchant l’avenir moteur de l’ancien grand prématuré
présentant une LPV microcavitaire, une LPV non cavitaire, et même en
l’absence complète de lésions échographiques, justifie un suivi très attentif
de l’enfant dans les premières années de vie.
Malheureusement, trop souvent
encore, parce que l’enfant est perdu de vue ou parce que les différents
intervenants sont insuffisamment avertis, le diagnostic d’IMC est porté après
l’âge de 1 an alors même que la séméiologie des premiers mois de vie a été
largement analysée et décrite par des équipes françaises.
Pourtant, la
rééducation précoce assurée à ce stade par un kinésithérapeute spécialisé doit
débuter dans les premiers mois de vie : elle contribue à prévenir les rétractions
et les attitudes vicieuses, à optimiser les acquisitions psychomotrices et à
permettre aux parents une prise de conscience progressive du degré de
handicap et des aptitudes de leur enfant.
4- Vers une prévention de la leucomalacie périventriculaire ?
Contrairement à la remarquable efficacité de la corticothérapie anténatale sur
l’incidence des hémorragies intraventriculaires, nous sommes encore bien
loin d’une prévention de la LPV.
Néanmoins, les progrès réalisés sur la
compréhension de la genèse de ces lésions devraient aboutir à des
programmes de recherche cliniques et fondamentaux plus nombreux et plus
ambitieux que jusqu’à présent.
Il est clairement établi que l’origine de la LPV
est essentiellement anténatale, période cible d’une éventuelle prévention
pharmacologique.
À ce titre, les travaux concernant le sulfate de magnésium
restent de nos jours contradictoires.
Cet agent utilisé à visée tocolytique est
un antagoniste non spécifique des récepteurs glutamatergiques NMDA (Nméthyl-D-aspartate).
Expérimentalement, il a un effet protecteur sur les
lésions de LPV induites par la cascade excitotoxique.
Alors que certaines
études rétrospectives semblaient prometteuses, les premiers résultats de
données de cohorte sont équivoques.
Cependant, ces résultats
concernent des populations non randomisées dont le suivi est souvent
incomplet dans le temps et qualitativement.
Des études multicentriques, et
notamment l’étude française actuellement en cours, devraient apporter une
contribution déterminante.
D’autre part, la meilleure connaissance des facteurs anté- et périnataux
impliqués dans le développement de LPV permet d’ores et déjà d’améliorer
la prise en charge périnatale d’enfants à haut risque de lésions
périventriculaires.
C’est ainsi, que l’incidence des LPVentre 30 et 33 SAa pu
être notablement diminuée ces dernières années.
L’administration d’une
corticothérapie anténatale précoce, l’extraction précoce par césarienne en cas
de menace d’accouchement prématuré dans un contexte d’infection intrautérine
certaine, le développement des transferts in utero vers des centres
de référence, et l’amélioration globale des soins (hémodynamique,
nutritionnelle,...) concernant ces nouveau-nés contribuent déjà à limiter les
conséquences neurologiques de la très grande prématurité.
Enfin, d’autres
axes de recherche focalisés sur les cytokines, le rôle de l’apoptose, et les
facteurs neurotrophiques sont porteurs de nouvelles avancées dans la lutte
contre les séquelles neurologiques de la grande prématurité.
5- Conclusion :
Depuis les progrès considérables obtenus dans le traitement et la prévention
pharmacologique de la pathologie respiratoire du nouveau-né prématuré, les
séquelles neurologiques sont devenues la première préoccupation des néonatologistes.
La diminution spectaculaire de l’incidence des HIV depuis
l’instauration récente de la corticothérapie anténatale a mis en évidence le rôle
étiologique primordial des lésions de la substance blanche périventriculaire
dans l’évolution vers l’IMC.
Les conséquences du taux élevé de LPV chez le
grand prématuré sont multiples, à la fois médicales, éthiques et économiques.
À la douleur des parents confrontés au problème des séquelles neurologiques
ou du décès de leur enfant s’ajoute le désarroi d’une équipe médicale
totalement démunie face à l’apparition d’une LPV cavitaire étendue chez des
nouveau-nés parfois indemnes de toute autre complication de la prématurité.
En effet, aucune stratégie thérapeutique ne permet de nos jours de prévenir ou
de limiter l’extension de telles lésions.
Faut-il alors poursuivre la réanimation
d’enfants dont la survie ne se fera qu’au prix d’un très lourd handicap et de
conséquences sociales parfois dramatiques ?
La priorité actuelle ne seraitelle
pas d’améliorer le pronostic neurologique de la grande prématurité avant
même de chercher à repousser les limites de la viabilité ?
Les axes de
recherche concernant la physiopathologie et la prévention de la LPV ne se
sont développés que très récemment après des années d’attentisme.
Aujourd’hui, ce domaine est en effet le principal défi des néonatologistes ;
espérons que les éventuelles solutions aux interrogations actuelles surgiront
au cours des prochaines décennies.
B - Prévention des hémorragies intraventriculaires :
L’incidence des HIV chez le grand prématuré est évaluée aujourd’hui, tous
stades confondus, à environ 25 %.
Si ce chiffre a significativement
diminué ces 15 dernières années, la survie d’un plus grand nombre d’enfants
extrêmement immatures rend compte du nombre absolu encore élevé
d’enfants avec HIV.
Dans cette dernière population, les formes graves d’HIV
restent une cause importante de décès.
Le diagnostic d’HIV est aujourd’hui
aisément posé avec l’échographie transfontanellaire.
Cet examen non invasif
est réalisé quotidiennement les premiers jours de vie chez les grands
prématurés à risque d’HIV, c’est-à-dire essentiellement ceux avec détresses
respiratoires et/ou hémodynamiques. Près de 90 % des HIV survienent dans
la 1re semaine de vie.
Les HIV sont classées en fonction de leur gravité en quatres stades : le stade 1 correspond aux hémorragies limitées à la zone
germinative sous-épendymaire du ventricule latéral.
Elles sont considérées
de bon pronostic, tout du moins chez les grands prématurés les moins
immatures. Le stade 2 correspond à une HIV sans dilatation secondaire, le
stade 3 à une HIV avec dilatation, le stade 4 à l’un quelconque des stades
précédents associé à une hémorragie intraparenchymateuse (infarctus
hémorragique ou leucomalacie périventriculaire hémorragique).
Les deux
derniers stades sont statistiquement corrélés à la présence de séquelles
motrices et/ou cognitives.
Selon Volpe, 10 à 30 % des enfants avec HIV
développent une dilatation ventriculaire secondaire, une fraction de ces
dernières étant non spontanément résolutive et nécessitant une prise en charge
spécifique (résevoir d’Omaya puis éventuellement dérivation
ventriculopéritonéale).
Trois mécanismes physiopathologiques non exclusifs
sont avancés pour la genèse des HIV : l’instabilité hémodynamique intrisèque
et/ou extrinsèque (intubation, aspiration, variation rapide des constantes de
ventilation, complications barotraumatiques, expansion volémique
brutale,...) des premières 48 heures de vie du grand prématuré transmise à la
circulation cérébrale, son immaturité vasculaire et endothéliale, et des
anomalies fines de la coagulation, notamment une activité fibrinolytique
accentuée et un déficit partiel en certains des facteurs de la coagulation.
La prévention des HIV, notamment des formes graves (stades 3 et 4), reste
une priorité majeure pour les néonatologistes amenés à prendre en charge
avec une fréquence croissante des enfants très immatures.
L’approche non
pharmacologique reste essentielle et passe par les progrès du monitorage non
invasif (PO2 et PCO2 transcutanées, oxymètre de pouls, capnographie,
échocardiographie doppler) et des techniques de ventilation dont l’évaluation
prospective doit toujours comporter un volet neurologique.
La corticothérapie
anténatale demeure aujourd’hui la thérapeutique médicamenteuse de loin la
plus efficace dans la prévention de tous les grades d’HIV, et ce même chez les plus immatures et si la cure est incomplète.
Plusieurs autres
médicaments ont été évalués par des essais contrôlés pour la prévention antéou
postnatale précoce des HIV.
Le phénobarbital est un agent anticonvulsivant, neuroprotecteur et régulateur du débit sanguin cérébral.
De
nombreux essais ont été entrepris pour évaluer l’efficacité de son
administration anté- ou postnatale dans la prévention des HIV. Plusieurs de
ces études rapportent des résultats encourageants pour la prévention des
formes sévères.
Ces études sont néanmoins entachées d’insuffisances
méthodologiques et leurs résultats discordants ne permettent pas aujourd’hui
de recommander l’administration prophylactique de phénobarbital pour la
prévention des HIV.
Il en est de même pour la vitamine E, antioxydant, et pour
l’éthamsylate, agent hémostatique.
Plusieurs études rapportent une
diminution significative de l’incidence des HIV après administration
maternelle de vitamine K.
Cette thérapeutique pourrait représenter un
traitement adjuvant aux corticoïdes pour les enfants les plus immatures chez
lesquels, même après corticothérapie, la probabilité de survenue d’une forme
sévère reste importante.
L’indométacine, inhibiteur de la synthèse des prostaglandines, est
couramment utilisée en néonatologie pour induire la fermeture d’un canal
artériel persistant chez le grand prématuré.
Cet agent diminue le flux
sanguin cérébral, notamment lors de la revascularisation après hypovolémie, et les fluctuations de pression artérielle.
Il a en revanche des
effets secondaires liés à son action pharmacologique : inhibition de
l’agrégation plaquettaire, vasoconstriction mésentérique et rénale.
La
baisse du débit sanguin cérébral fait aussi courir le risque théorique de
complications ischémiques cérébrales.
Plusieurs essais contrôlés (dont l’un
récent enrôlant plus de 400 nouveau-nés) concluent à l’intérêt de
l’administration ultraprécoce de petites doses d’indométacine (0,1 mg/kg)
au nouveau-né très prématuré pour la prévention des HIV graves. Ce
bénéfice persiste au sein de la sous- population soumise au traitement par
les glucocorticoïdes avant la naissance.
Le suivi de la population traitée à
l’âge de 3 ans ne met pas en évidence d’effet délétère de cette thérapeutique
sur le devenir psychomoteur.
Des effets secondaires immédiats sont
néanmoins rapportés dans ces études, notamment digestif et rénaux. Pour
ces raisons, l’administration d’indométacine à visée prophylactique reste
réservée aux plus immatures (AG < 27 SA) et aux grands prématurés
n’ayant pas reçu de corticoïdes en anténatal et développant une détresse
respiratoire.
Les effets potentiellement délétères de l’indométacine sur le
débit sanguin cérébral pourraient être limités par une administration sur une
période de plusieurs heures ou par le recours dans un proche avenir à
l’ibuprofène, dont l’efficacité sur la fermeture du canal artériel est
maintenant établie et dont les effets secondaires sont moindres.
Prédiction du devenir neurologique
après asphyxie périnatale
:
L’asphyxie périnatale reste une cause majeure de décès et d’IMC.
Elle est
la cause de 10 à 15 % des IMC au sens large de l’enfant dont la naissance est
survenue à terme.
L’évaluation des dommages cérébraux dans la période postasphyxique et l’établissement précoce d’un pronostic neurologique sont
des questions importantes que les parents et les équipes obstétricales et
pédiatriques sont amenés rapidement à se poser, une fois la période critique
de la défaillance multiviscérale surmontée.
Les causes de l’asphyxie
périnatale sont multiples, sa physiopathologie est complexe ; elle peut
survenir en pré-, per- ou post-partum, sa durée et son intensité sont aussi des
facteurs déterminants comme le sont les possibilités d’adaptation
hémodynamique, métabolique et hormonale du foetus et du nouveau-né.
Pour
l’évaluation pronostique, aucun marqueur clinique ou paraclinique n’a une
valeur prédictive de 100 %.
Une grande importance est donnée à l’évolution
clinique de l’enfant dans la 1re semaine de vie et aux résultats d’un petit
nombre d’examens complémentaires, au premier plan desquels sont l’EEG et
l’imagerie cérébrale.
Les événements obstétricaux (anomalie du rythme
cardiaque foetal, pH au scalp) ont une faible valeur pronostique pour
l’évolution neurologique à long terme.
L’interprétation du pH au cordon n’a de sens que si l’on tient compte de la
valeur de la PCO2.
La fréquence de survenue de complications neurologiques
néonatales n’est statistiquement augmentée que pour des valeurs de pH au
cordon inférieures à 7,00 et 80 %de ces enfants ont néanmoins une évolution
neurologique favorable à moyen terme.
La valeur prédictive positive d’un
score d’Apgar inférieur à 3, à 3 et 5 minutes pour une évolution défavorable
(séquelles ou décès) est mauvaise.
À l’inverse, 75 % présentant une IMC
(cerebral palsy) ont un score d’Apgar normal. Néanmoins, un score d’Apgar
inférieur à 3 à 20 minutes est associé à une survie de 40 %environ avec 57 %
d’IMC parmi les survivants.
A - Évolution clinique
:
Sur le plan clinique, la sévérité et l’évolution des manifestations de
l’encéphalopathie anoxo-ischémiques ont une grande valeur pronostique.
On peut distinguer schématiquement trois tableaux selon leur degré de
gravité.
Ceux-ci devront être interprétés en fonction des drogues administrées
à la mère et des thérapeutiques sédatives et anticonvulsivantes prescrites au
nouveau-né :
– le tableau de la souffrance cérébrale mineure, marqué par un état
d’agitation et d’hyperactivité, avec des réflexes vifs et diffusés : ce tableau
dure en général moins de 48 heures, et est associé à un bon pronostic ;
– à l’inverse, l’encéphalopathie sévère est marquée par un état de coma
hypotonique, profond, avec atteinte des fonctions végétatives (troubles de la succion-déglutition, hypothermie, bradycardie permanente, absence de
réflexes cornéens).
Dans cette catégorie, l’évaluation pronostique est aussi
assez aisée : des séquelles neurologiques majeures (microcéphalie, retard
mental, IMC, convulsions) sont à craindre chez pratiquement tous les
survivants ;
– le pronostic de l’encéphalopathie modérée est le plus difficile à établir :
initialement l’enfant est hypotonique, peu réactif, comme « endormi,
assommé » et ses réflexes sont difficiles à retrouver.
Au bout de quelques
heures, une agitation, une hyperréactivité, des mouvements anormaux
(pédalage, mâchonnements, enroulement des bras, opisthotonos) seront
observés. Les convulsions, voire un état de mal, sont fréquents.
Environ 20 à
40 %de ces enfants risquent de développer des séquelles neurologiques, tout
particulièrement si le retour à un état clinique normal n’est pas survenu avant
la fin de la 1re semaine.
B - Électroencéphalogramme :
Le monitorage EEG des enfants atteints d’anoxie périnatale est essentiel et a
une excellente valeur pronostique.
Un enregistrement précoce, avant toute
thérapeutique anticonvulsivante, est important pour l’interprétation des
enregistrements ultérieurs.
Lorsque l’EEG est dans les limites de la normale et le reste au cours de la
1re semaine, le pronostic peut être considéré comme très favorable.
En revanche, un certain nombre de figures EEG enregistrées dans les
premières 48 heures témoignent de destructions neuronales étendues et sont
liées à un pronostic défavorable (décès ou séquelles) : il s’agit des tracés
inactifs ou paroxystiques durant plus de 24 heures, et des tracés qualifiés
« pauvres + théta » qui ont la même signification péjorative.
Les tracés précoces peuvent être modérément perturbés au niveau de l’activité
de fond (tracés hyperactifs, discontinus, ou au contraire trop lents, hypovoltés).
L’évolution du tracé de fond dans la 1re semaine de vie prend
une valeur pronostique importante : la prolongation de ces anomalies au-delà
de 1 semaine est très liée à la présence de séquelles.
Quel que soit le type de tracé observé, certaines caractéristiques sont
péjoratives : l’absence de labilité, c’est-à-dire de modification des figures
observées au cours des enregistrements, l’asynchronie entre les deux
hémisphères ou entre les zones antéropostérieures, la dissociation
électroclinique (qui s’observe surtout en cas de convulsions électriques, sans
manifestation clinique), la non-réponse au traitement anticonvulsivant et la
persistance de crises électriques au-delà de 48 heures de vie.
C - Imagerie cérébrale :
L’échographie transfontanellaire a longtemps été considérée d’un intérêt
relatif : elle peut révéler un oedème cérébral, voire, dans quelques cas, des
HIV ou des hématomes intraparenchymateux.
Le développement de
nouvelles sondes (10-MHz) permettant d’explorer plus finement le cortex et
les noyaux gris centraux devrait permettre à ce mode d’investigation
d’acquérir dans un futur proche une place plus importante dans l’évaluation
des lésions cérébrales.
Le scanner cérébral est moyennement informatif : pratiqué vers le 10-15e jour
après l’agression anoxique, il peut révéler des hypodensités isolées ou
diffuses témoignant de la localisation anatomique de l’hypoxie-ischémie.
Ces
lésions peuvent actuellement être encore mieux précisées et localisées par
l’IRM.
L’IRM est appelée à prendre une place essentielle dans l’évaluation
pronostique de ces enfants.
C’est le seul examen de routine qui permette
une analyse morphologique satisfaisante de l’ensemble des structures
essentielles pour le pronostic immédiat et ultérieur (y compris la fosse
postérieure).
Selon des études préliminaires récentes, l’analyse minutieuse de
la substance blanche, des noyaux de la base et de la capsule interne sur une
IRM à 1 semaine de vie permettrait d’établir un pronostic avec des valeurs
prédictives proches de 100 %.
Depuis une dizaine d’années, de nombreuses études de la vascularisation
cérébrale ont été effectuées, surtout depuis l’avènement d’un matériel
performant d’échodoppler.
Les valeurs prédictives de cette approche ne sont
pas encore suffisamment importantes pour une utilisation en routine dans
l’évaluation du pronostic.
Cette technique met en évidence des perturbations
de la vascularisation globale ou régionale du cerveau secondaires à l’asphyxie, en particulier une perte de la régulation de la vascularisation
cérébrale, aboutissant soit à des baisses de la vélocité sanguine importantes,
soit au contraire à des hyperdébits.
D - Autres méthodes d’investigation
:
L’étude des potentiels évoqués somesthésiques est un appoint précieux dans
l’évaluation du pronostic. Réalisées après 1 semaine de vie, les valeurs
prédictives positives et négatives deviennent supérieures à 90 %.
L’exploration précoce du métabolisme cérébral par IRM du phosphore ou du
proton est actuellement à l’étude.
Des premiers résultats très encourageants
et d’excellentes corrélations avec le devenir ont été récemment
rapportés.
À l’inverse, les marqueurs biochimiques comme la lactacidémie, la neuroénolase, ou la GFAP(glial fibrillary acidic protein) ont
un intérêt pronostique limité.
E - Perspectives thérapeutiques :
Aujourd’hui, la thérapeutique de l’asphyxie néonatale reste essentiellement
symptomatique, consistant surtout à ne pas aggraver les lésions, et à mettre
l’enfant en bonne situation pour récupérer spontanément.
Toute souffrance
foetale aiguë, quelle que soit la rapidité de récupération à la naissance, doit
être mise en observation dans un service spécialisé, en mesure d’assurer la
prise en charge et le monitorage EEG continu.
La ventilation mécanique doit
être proposée en cas d’apnées, de convulsions associées à des épisodes de désaturation ou d’hypercapnie, d’insuffisance d’autonomie ventilatoire, et en
cas d’inhalation amniotique associée.
En cas de défaillance hémodynamique
(collapsus et/ou hypoxémie réfractaire), il est habituel de recourir en premier
lieu à une expansion volémique, le produit de choix étant l’albumine, et en
cas d’échec ou de résultat insuffisant, d’associer des inotropes : dopamine ou
dobutamine.
Avant de reconduire une expansion volémique, il faut s’assurer
qu’il n’existe pas d’ischémie myocardique. L’échocardiographie doppler est
ici d’un intérêt précieux.
L’association d’une hypoxémie à des signes
échographiques d’HTAP peut conduire au traitement par NO inhalé après
correction de l’acidose et des troubles hémodynamiques.
Éviter tout facteur
aggravant comme l’hyperthermie, l’hypoglycémie (fréquente en cas d’anoxie
hépatique) et les désordres hydroélectrolytiques (hyponatrémie) reste
essentiel.
Pour la prise en charge des manifestations neurologiques, un certain nombre
de thérapeutiques sont actuellement abandonnées.
Le traitement de
l’oedème cérébral a été prôné pendant de nombreuses années, selon des
modalités diverses.
Or, aucun de ces traitements ne s’est avéré efficace, et
beaucoup peuvent être dangereux (soluté hypertonique, corticoïdes à fortes
doses...).
Il est actuellement connu que l’oedème cérébral ne survient pas de
façon constante, que les modifications de la pression intracrânienne ne sont
pas liées au pronostic, et que les lésions les plus oedémateuses sont en fait les
lésions nécrotiques, donc incapables de réagir à un quelconque traitement.
Certaines équipes ont proposé de traiter systématiquement ces enfants par le
phénobarbital, dans le but de prévenir les lésions ischémiques cérébrales.
Mais celles-ci se sont déjà constituées avant l’intervention thérapeutique, et
cet agent neuroprotecteur ne peut donc avoir aucune efficacité.
Ceci a
d’ailleurs été démontré tant en expérimentation animale qu’en clinique.
Si des
convulsions cliniques ou électriques surviennent, le phénobarbital reste le
médicament de choix.
En cas de résistance à ce traitement et après vérification
des taux sanguins, la phénytoïne peut être proposée.
Il n’est pas actuellement
démontré qu’une escalade thérapeutique de médicaments anticonvulsivants
améliore le pronostic.
À l’inverse, elle complique l’interprétation de
l’évolution clinique et électrique nécessaire à l’évaluation pronostique.
Si des progrès importants ont été réalisés dans le domaine de la
compréhension des mécanismes physiopathologiques conduisant à la
mort neuronale, le chemin est encore loin avant que des thérapeutiques
efficaces puissent être envisagées chez le nouveau-né.
Il est maintenant
bien démontré, à l’aide de divers modèles expérimentaux, que la toxicité
des acides aminés neuroexcitateurs (AAN) comme le glutamate et celle
des dérivés radicalaires de l’O2 est déterminante dans la genèse de la mort
neuronale.
L’augmentation de la libération et l’inhibition de la recapture
d’AAN aux extrémité synaptiques est responsable d’une stimulation
excessive des récepteurs non NMDA et NMDA.
L’entrée massive d’ion
calcium dans la cellule déclenchée par la stimulation des récepteurs NMDA initie un processus de mort cellulaire programmée, par le biais des
perturbations des fonctions mitochondriales, d’une production de
radicaux toxiques dérivés de l’O2, et de l’activation de différents gènes.
La toxicité des radicaux dérivés de l’O2 s’exerce également lors de la reperfusion, en raison des modifications du métabolisme de
l’hypoxanthine et de la xanthine, précurseur des radicaux libres, induite
par l’ischémie.
Différents antagonistes des AAN, des inhibiteurs
calciques, des inhibiteurs de la xanthine oxydase ou de la NO-synthase,
ou encore des molécules scavengers de radicaux libres ont été par
conséquent testés dans des modèles expérimentaux.
Tous ces produits ont
une efficacité relative lorsqu’ils sont utilisés avant l’accident anoxique.
L’administration très précoce d’antagonistes des AAN ou d’inhibiteurs
de la production de radicaux libres permet aussi de limiter l’importance
des lésions cérébrales.
Ces thérapeutiques ont néanmoins des effets
secondaires importants, interdisant pour l’instant leur utilisation chez le
nouveau-né.
Le magnésium, antagoniste non spécifique du récepteur NMDA, fait actuellement l’objet d’essai thérapeutique chez le
nouveau-né à terme.
Plusieurs autres approches sont à l’étude :
l’administration de facteurs de croissance comme l’IGF (insulin-like
growth factor)-1 et surtout l’hypothermie cerébrale, aux résultats
préliminaires très prometteurs chez l’animal, et qui représente
aujourd’hui une thérapeutique d’avenir sérieuse, même si sa mise en
oeuvre chez le nouveau-né soulève de multiples difficultés.