Algies pelviennes chroniques de la femme Cours de
Gynécologie
Obstétrique
Introduction
:
Les algies pelviennes sont un motif fréquent de consultation.
Elles
représentent environ 10 % des consultations en gynécologie, 20 à
40 % des indications de coelioscopies et 10 % de celles des
hystérectomies.
Une enquête américaine effectuée sur
17 927 foyers rapporte que 15 % des femmes âgées de 18 à 50 ans
présentent des douleurs pelviennes chroniques et que, dans 61 %
des cas, l’étiologie est inconnue.
La prise en charge d’une patiente souffrant de douleur pelvienne
chronique est difficile car il ne s’agit pas de traiter une lésion
anatomique mais un symptôme.
Une lésion peut être indolore chez
une patiente et provoquer des douleurs atroces chez une autre.
Des
lésions réputées algogènes sont retrouvées fréquemment chez des
patientes non symptomatiques.
Une anomalie potentiellement
douloureuse est présente chez 77 % des patientes symptomatiques
contre 66 % des patientes indolores pour Rudigoz.
Pour Howards, ces résultats sont respectivement de 61 % et 28 %.
Un
examen clinique normal n’élimine pas une cause anatomique
curable. Cunanan retrouve dans 63 % des cas des anomalies à la
coelioscopie lorsque l’examen clinique est normal.
Une souffrance psychologique est souvent présente sans qu’il soit
possible de savoir s’il s’agit d’une cause ou d’une conséquence de la
douleur.
Le traitement d’une lésion organique n’apporte pas
toujours l’amélioration escomptée.
Alors qu’une simple coelioscopie
diagnostique permet d’obtenir 20 % de guérison et 40 %
d’amélioration, la présence de troubles psychologiques réduit les
chances du traitement.
Exploration
:
La consultation a trois objectifs : interroger la patiente pour connaître
ses antécédents, rechercher des signes physiques orientant vers une
cause organique, apprécier l’existence d’une éventuelle souffrance
psychologique.
A - INTERROGATOIRE :
L’interrogatoire permet de reconstituer une histoire parfois
évocatrice, mais aussi de mieux cerner la personnalité de la patiente.
Il doit être soigneux et systématique, mais aussi libre pour laisser le
sujet s’exprimer sur sa douleur.
Il précise le contexte social et économique, le retentissement de la
douleur sur le travail, les loisirs.
Il apprécie également le contexte
conjugal et familial, le retentissement de la douleur sur la vie du
couple, la qualité des rapports sexuels, l’existence d’un désir de
grossesse, les antécédents de traumatisme sexuel (retrouvés dans
plus de 20 % des cas).
L’interrogatoire permet également de
préciser les antécédents obstétricaux, le poids des enfants et les modalités d’accouchement, la notion d’avortements spontanés et/ou
d’interruptions de grossesses.
Il faut également apprécier les
caractères du cycle menstruel et des règles, les antécédents
chirurgicaux (abdominaux, pelviens), médicaux, et psychiatriques
(consommation de psychotropes et de toxiques, tentatives de
suicide).
L’interrogatoire doit permettre de caractériser la douleur : la date
d’apparition (ménarche, avortement, accouchement, chirurgie,
conflit conjugal...) ; le siège (unilatéral, bilatéral, médian) ; les
irradiations (anus, périnée, épaule, membres inférieurs, dos) ; le type
(contraction, torsion, crampe, brûlure, pesanteur, paroxysme) ;
l’intensité (évaluée par une échelle verbale simple et/ou par une
échelle visuelle analogique) ; la consommation d’antalgiques et/ou
la nécessité d’avoir recours à des arrêts de travail ; les circonstances
favorisantes (rapports sexuels, changement de position, station
assise...) ; le mode de sédation, l’existence de positions antalgiques,
l’efficacité des différents traitements entrepris ; l’évolution avec le
cycle menstruel, les grossesses.
L’interrogatoire recherche également l’existence de signes extragénitaux, notamment des troubles urinaires (pollakiurie,
impériosités, dysurie), des troubles digestifs (constipation,
ballonnements, douleurs à la défécation), des troubles de l’humeur,
de l’appétit, du sommeil.
B - EXAMEN PHYSIQUE
:
Idéalement réalisé en période douloureuse, il doit s’intéresser non
seulement à l’appareil génital, mais aussi à l’appareil digestif et
urinaire, à la paroi abdominale, au cadre osseux, au périnée ainsi
qu’au plancher pelvien.
L’examen clinique comprend :
– une inspection vulvopérinéale et anale ;
– un examen de l’abdomen et des orifices herniaires : le test de Carnett
(palpation de la paroi abdominale détendue puis en tension)
peut permettre de différencier une douleur pariétale d’une douleur
viscérale.
La palpation du pannicule adipeux hypogastrique
(cellulalgie hypogastrique provoquée) provoque parfois des
réactions douloureuses étonnantes ;
– un examen au spéculum : lors de cet examen, il faut rechercher des
signes infectieux, une sténose cervicale, une déviation du col utérin,
un prolapsus, des lésions évocatrices d’endométriose, une
malformation génitale ;
– un toucher vaginal : le toucher vaginal précise le volume de
l’utérus, sa consistance, sa mobilité (éventuellement douloureuse),
sa position (antéversion, rétroversion mobile ou fixée), la présence
d’une masse latéro-utérine douloureuse ou non.
La recherche d’un
nodule ou d’une induration douloureuse du torus utérin, des
ligaments utérosacrés ou de la cloison rectovaginale.
L’examen
clinique permet également de palper le relief osseux (détroit
supérieur, épines sciatiques, branches ischiopubiennes), le muscle
releveur de l’anus, la cloison rectovaginale, les glandes génitales
annexes (Bartholin, Skene), l’urètre, à la recherche d’une douleur
provoquée ;
– un toucher rectal : il doit être systématique dans ce contexte.
Il
permet de rechercher l’existence de lésions profondes souspéritonéales
d’endométriose, et une éventuelle lésion rectale.
La découverte d’une lésion organique n’a de valeur que si sa
palpation reproduit la douleur spontanée.
Si l’examen génital est
normal, il faut réexaminer la patiente lors d’une poussée
douloureuse et rechercher une douleur pariétale, musculaire ou
osseuse.
Pour Dellenbach, une douleur musculaire ou pariétale
inexpliquée est un signe névrotique en faveur d’une souffrance
psychologique, et doit inciter à prendre un avis psychiatrique avant
de proposer une thérapeutique adaptée.
Pour d’autres auteurs, ces
douleurs pariétales ou musculaires correspondent à un syndrome
organique neurologique ou myofacial.
L’identification de
points « gâchette » reproduisant la douleur peut permettre la
réalisation d’un test diagnostique et thérapeutique par infiltration
aux anesthésiques locaux.
C - EXPLORATIONS COMPLÉMENTAIRES :
L’échographie, qui doit être réalisée par voie endovaginale, est
l’examen à demander de première intention (au mieux pendant les
douleurs ou en deuxième partie de cycle).
Cette échographie
recherche un aspect hétérogène du myomètre évoquant une
adénomyose, des signes d’endométriose ovarienne, apprécie la
position de l’utérus, l’existence de fibromes, le caractère fixé ou
douloureux d’une masse annexielle.
Les autres examens complémentaires n’ont pas démontré leur intérêt
s’il n’existe pas de signes d’orientation à l’interrogatoire, à l’examen
clinique ou à l’échographie. Ainsi un scanner, une résonance
magnétique nucléaire, des explorations neuroélectrophysiologiques
ne sont prescrits qu’en fonction du contexte et jamais de façon
systématique.
Il n’y a pas de consensus sur l’intérêt de la coelioscopie diagnostique.
Selon les auteurs, elle permet de retrouver une cause possible aux
douleurs dans 20 à 100 % des cas.
Dans le travail de
Baker, 60 patientes consultant pour douleurs pelviennes
chroniques ont bénéficié d’une coelioscopie diagnostique qui était
normale.
Six semaines après, 13 (22 %) étaient guéries, 24 (40 %)
étaient améliorées, et pour 23 patientes (38 %), la symptomatologie
fonctionnelle douloureuse était inchangée ou aggravée.
La prise en charge de la douleur pelvienne chronique doit être
multidisciplinaire.
Peters a comparé, dans un travail
randomisé, une prise en charge classique avec coelioscopie
diagnostique systématique suivie d’une prise en charge
psychologique en cas de résultat normal, à une prise en charge
multidisciplinaire (avec psychologue, diététicien, kinésithérapeute)
d’emblée sans coelioscopie systématique.
Le suivi 1 an après
montrait une amélioration supérieure dans le groupe
multidisciplinaire (75 % contre 41 %).
Orientation diagnostique :
A - DYSPAREUNIES :
Ces sont les douleurs provoquées par les rapports sexuels.
On
distingue deux types : la dyspareunie superficielle ou d’intromission
et la dyspareunie profonde.
1- Dyspareunie superficielle ou d’intromission
:
L’examen clinique de la vulve et du périnée peut identifier une
origine traumatique, infectieuse ou dermatologique aux douleurs.
Un prélèvement bactériologique et mycologique du vagin et de
l’urètre est souvent utile.
Néanmoins, dans de nombreux cas,
l’étiologie des vulvodynies reste méconnue.
La recherche d’une
lésion d’endométriose, notamment sur une cicatrice d’épisiotomie,
est systématique. La dyspareunie est fréquente (25 % 3 mois après
et 8 % à long terme) en cas de périnée complet lors de
l’accouchement.
En revanche, l’épisiotomie médiolatérale
n’augmente pas la fréquence des dyspareunies ou des douleurs
périnéales.
La vulvite cyclique est définie par un érythème douloureux cyclique.
Il faut éliminer une candidose cyclique (prélèvements mycologiques,
traitement antimycosique local d’épreuve).
Les corticoïdes locaux,
prescrits pendant quelques jours, sont le plus souvent efficaces.
La vestibulite vulvaire est définie par une douleur vestibulaire
chronique à type de brûlure sans prurit.
L’examen clinique retrouve
une douleur provoquée à l’examen au Coton-Tiget et une rougeur,
en particulier au niveau de l’orifice des glandes de Bartholin.
La
recherche de Candida albicans, de Chlamydiae et de papillomavirus
doit être systématique pour éliminer une composante infectieuse.
On peut proposer en première intention des dermocorticoïdes de
classe I pendant 6 à 8 semaines.
Dans les formes sévères et
invalidantes, un traitement chirurgical (vestibulectomie) est proposé
par quelques auteurs avec une guérison dans 60 à 85 % des cas.
D’autres utilisent le laser ou des injections d’interféron.
Un travail récent a montré que l’instabilité urétrale était fréquente
au bilan urodynamique, mais le traitement de cette instabilité n’a
pas été évalué sur les douleurs.
La vulvodynie essentielle est une sensation de brûlure vulvaire sans
rougeur ni douleur provoquée.
Il faut rechercher une lésion du nerf
honteux par un électromyogramme.
Le traitement n’est pas codifié :
les antidépresseurs tricycliques à faible dose (Laroxylt 10 à 70 mg/j)
donnent de bons résultats.
2- Dyspareunie profonde
:
Elle évoque en premier l’endométriose profonde.
Il peut s’agir
également d’une adénomyose, d’un syndrome de Masters et Allen,
de fibromes utérins, de séquelles infectieuses, d’ovaires restants.
B - DYSMÉNORRHÉES :
Ce sont des douleurs pelviennes cycliques contemporaines des
menstruations (appelées aussi algoménorrhées).
C’est un symptôme
fréquent qui touche environ un tiers des femmes.
On distingue,
classiquement, les dysménorrhées primaires le plus souvent sans
cause organique (fonctionnelles ou essentielles) et les dysménorrhées
secondaires le plus souvent rattachées à une étiologie organique.
La
dysménorrhée primaire débute quelques mois après la ménarche,
tandis que la dysménorrhée secondaire débute plusieurs années
après.
Cependant, cette distinction classique peut être prise en
défaut.
Ainsi dans l’endométriose, la dysménorrhée est primaire
dans 60 % des cas.
1- Dysménorrhée fonctionnelle :
Elle touche environ la moitié des jeunes filles et s’installe quelques
mois après la ménarche, avec les premiers cycles ovulatoires.
La
douleur débute le premier jour des règles et dure de 1 à 3 jours.
Elle
est de siège pelvien avec des irradiations fréquentes vers le dos, le
sacrum et le périnée.
Elle est assez semblable d’un cycle à l’autre
sans tendance à l’aggravation.
Les cycles sont ovulatoires.
L’examen
gynécologique, à la recherche d’une malformation, est normal.
Une
échographie et une coelioscopie ne sont indiquées pour rechercher
une cause organique que si les douleurs résistent au traitement
médical habituel.
Pour des douleurs modérées, on utilise des
antispasmodiques ou du paracétamol.
Pour des douleurs intenses,
les antiprostaglandines sont efficaces dans 90 % des cas. En cas de
contre-indication aux antiprostaglandines, une contraception
oestroprogestative peut être utilisée.
2- Dysménorrhée organique
:
La survenue des douleurs à distance des premières règles, des
douleurs d’apparition récente, progressivement croissantes, sont des
signes en faveur d’une étiologie organique. Les signes associés
orientent vers certaines étiologies : des ménorragies douloureuses
évoquent une adénomyose ; une dysménorrhée tardive (j2 ou j3)
et/ou une dyspareunie évoquent une endométriose.
Les autres
étiologies possibles sont une sténose cervicale (congénitale ou
acquise), une malformation génitale, des séquelles d’infection
génitale, une synéchie utérine, un fibrome utérin, un kyste de
l’ovaire, une dystrophie ovarienne, des varices pelviennes.
C - AUTRES DOULEURS CYCLIQUES :
À côté des dysménorrhées, d’autres douleurs peuvent être liées au
cycle menstruel et être améliorées par un traitement
antigonadotrope.
Les dystrophies ovariennes donnent classiquement
des douleurs unilatérales, alternant d’un cycle à l’autre, survenant
au moment de l’ovulation.
Les douleurs de congestion pelvienne
sont majorées en deuxième partie du cycle.
Des ovaires restants après hystérectomie peuvent être responsables
de douleurs cycliques, de douleurs chroniques permanentes ou de
dyspareunies dans 1 à 3 % des cas.
Le meilleur argument
diagnostique repose sur une disparition des douleurs sous
traitement antigonadotrope.
Le syndrome des ovaires restants (remanant syndrome) est décrit
après des ovariectomies bilatérales difficiles laissant en place du
tissu ovarien résiduel qui peut rester fonctionnel.
Il existe le plus
souvent une sécrétion hormonale résiduelle avec absence des signes
cliniques et biologiques de la ménopause.
Ces restes ovariens
peuvent être responsables de douleurs pelviennes et de kystes.
D - ALGIES PELVIENNES CHRONIQUES NON PÉRIODIQUES :
Des séquelles douloureuses surviennent dans un quart des
salpingites aiguës.
L’infection génitale n’est pas toujours connue,
et il faut rechercher des antécédents de maladies sexuellement
transmissibles, de suites fébriles après un avortement ou un
accouchement.
Par ailleurs, les poussées inflammatoires de
l’endométriose peuvent être confondues avec une infection génitale.
Les prolapsus génitaux sont rarement douloureux.
Il s’agit plutôt
d’une sensation de pesanteur ou de descente.
Le diagnostic est fait
par l’examen clinique.
Les rétroversions utérines sont fréquentes (20 % des consultantes)
mais rarement responsables de douleurs.
Le plus souvent, la
rétroversion est réductible, indolore et une autre cause d’algie
pelvienne doit être recherchée.
Si la rétroversion est fixée et
douloureuse, il peut s’agir de séquelles infectieuses, de séquelles
chirurgicales, d’une endométriose.
Un syndrome de Masters et Allen
est évoqué quand il existe des douleurs pelviennes chroniques
accentuées par la station debout, la marche et la fatigue, diminuées
en décubitus ventral, associées à une dyspareunie profonde.
L’examen retrouve une rétroversion facilement réductible mais
douloureuse avec un corps utérin hypermobile.
Si les patientes font parfois un lien chronologique entre une
intervention chirurgicale et l’apparition de douleurs pelviennes,
l’interprétation de cette association doit être prudente.
S’il est vrai
que de nombreuses interventions, y compris par coelioscopie, sont
génératrices d’adhérences, toutes les adhérences ne sont pas
douloureuses.
Le traumatisme peut être plus psychologique
qu’anatomique.
D’un autre côté, le rôle d’une intervention extrapelvienne peut être méconnu.
On peut également retrouver des douleurs pelviennes chroniques
non périodiques dans l’endométriose, les fibromes utérins, les
cancers génitaux.
E - DOULEURS NON GÉNITALES :
Les douleurs pelviennes et périnéales peuvent avoir une origine
gynécologique, mais aussi urologique, rhumatologique, digestive,
dermatologique, neurologique ou psychologique.
L’orientation
diagnostique et thérapeutique est guidée par l’examen clinique, et
éventuellement les explorations électrophysiologiques ou
l’infiltration aux anesthésiques locaux des points douloureux.
Si certains signes peuvent orienter vers une pathologie extragénitale, ils ne sont pas univoques.
On peut retrouver, par
exemple, des irradiations douloureuses à type de cystalgie,
proctalgie, dorsalgie ou sciatalgie dans l’endométriose profonde.
– Les douleurs neurologiques sont évoquées sur le caractère à type de
brûlure résistant aux antalgiques (y compris morphiniques).
Une
douleur périnéale unilatérale à type de brûlure, torsion ou
pincement, non soulagée par les antalgiques habituels, avec
irradiation anale, augmentée en position assise, oriente vers une
névralgie du nerf honteux (23 % des douleurs périnéales).
Les
examens neuroélectrophysiologiques peuvent retrouver une
souffrance du nerf honteux ou orienter vers d’autres causes
neurologiques (sclérose en plaques, lésion radiculaire, plexique ou
médullaire, etc).
– Les arguments pour une origine rhumatologique sont le caractère
positionnel (aggravées par la marche et soulagées par le repos) et
les signes associés (dorsalgies, sciatalgies).
Les coccygodynies
réalisent un tableau clinique (sans cause connue) avec des douleurs
se manifestant uniquement en position assise.
L’examen clinique
retrouve une douleur à la pression de la face antérieure du coccyx.
Le traitement utilise des infiltrations et la kinésithérapie.
– Les arguments en faveur d’une origine urinaire sont le lien avec la
miction (douleur vésicale prémictionnelle, reflux urétéral
permictionnel, douleur urétrale postmictionnelle), l’existence de
signes associés (pollakiurie, cystalgies, brûlures, dysurie,
impériosités).
Un syndrome urétral est retrouvé chez 15 % des sujets
consultant pour des douleurs périnéales chroniques.
Le traitement
n’est pas codifié (dilatation urétrale, antibiotiques, alpha-bloquants sont
utilisés).
– Les arguments en faveur d’une origine digestive sont les signes
associés (nausées, ballonnements, bruits abdominaux, diarrhée,
constipation, rectorragies), le caractère rythmé par les repas, la
douleur à type de spasmes soulagés par les gaz ou les selles, le
déplacement de la douleur suivant le cadre colique.
Les étiologies
digestives possibles sont la colique spasmodique, la diverticulose,
les maladies inflammatoires du côlon, les cancers du côlon,
l’endométriose digestive.
La proctalgie fugace, dont la cause est
inconnue, réalise un tableau clinique avec des douleurs
paroxystiques nocturnes, durant quelques minutes.
Pathologies algogènes :
A -
DYSTROPHIE OVARIENNE
:
Les douleurs sont classiquement aiguës, unilatérales, volontiers
alternantes d’un cycle à l’autre, et survenant au moment de
l’ovulation.
Souvent la douleur est moins caractéristique. Une
dysménorrhée ou une dyspareunie peuvent être présentes.
Les arguments cliniques sont la dysovulation (règles rares, cycles
irréguliers et longs, courbe de température, infertilité), la disparition
des douleurs sous traitement antigonadotrope (contraception orale),
la présence de gros ovaires sensibles dont le volume est variable
d’un examen à l’autre (non perçus dans la semaine qui suit les
règles).
Hirsutisme et obésité sont inconstants.
L’échographie retrouve de gros ovaires porteurs de nombreuses
images liquidiennes de taille variable d’un cycle à l’autre.
La luteinizing hormone (LH) est élevée, la follicle stimulating hormone
(FSH) normale ou basse.
L’hyperandrogénie ovarienne est fréquente.
Des antécédents infectieux ou chirurgicaux pelviens, le caractère
unilatéral, l’aspect macrokystique sont en faveur d’une origine
adhérentielle.
Selon l’âge, l’existence d’un désir de grossesse, l’efficacité des
traitements antérieurs, on propose un blocage ovarien, une adhésiolyse, une multiperforation ovarienne.
B - ADÉNOMYOSE :
L’adénomyose est une inclusion de tissu endométrial dans le
myomètre.
Le terrain est celui de la femme de la quarantaine.
Les
douleurs sont peu spécifiques : dysménorrhée tardive, douleurs
permanentes avec recrudescence prémenstruelle, dyspareunie
profonde, lombalgies.
Les ménorragies douloureuses sont
évocatrices.
L’examen clinique retrouve un utérus augmenté de volume, mais
régulier et sensible en période prémenstruelle.
Les examens complémentaires sont souvent normaux et peu
spécifiques.
L’hystérosalpingographie peut retrouver des signes
directs (images d’addition diverticulaires) et des signes indirects
(aspect erecta des cornes utérines, aspect en « parasol » ou en
« baïonnette » de l’isthme, rigidité des bords utérins).
L’hystéroscopie peut retrouver également des signes directs (orifices
glandulaires, kystes bleutés sous l’endomètre) et des signes indirects
(hypervascularisation, cavité agrandie aux parois irrégulières et
rigides, ectasie des cornes).
La sensibilité de l’hystéroscopie est
d’environ 70 %, avec une spécificité de 60 %, une valeur prédictive
positive de 45 % et une valeur prédictive négative de 75 %.
L’échographie retrouve souvent un aspect hétérogène du myomètre
déterminant comme des flaques vascularisées en doppler couleur, et
prédominant sur une des faces utérines avec une déformation de la
cavité.
La sensibilité de l’échographie est de 80 %, la spécificité de
70 %, la valeur prédictive positive de 80 % et la valeur prédictive
négative de 75 %.
Les biopsies sont peu sensibles.
Les traitements médicaux (anti-inflammatoires non stéroïdiens,
progestatifs) ou chirurgicaux conservateurs (endométrectomie sous
hystéroscopie) sont peu efficaces.
L’échec de ces traitements oblige
souvent à l’hystérectomie.
C - ENDOMÉTRIOSE :
La prévalence de l’endométriose dans la population féminine est
estimée entre 2 et 4 %.
La douleur, présente dans 80 % des cas, est
majorée en deuxième partie de cycle et pendant les règles.
Une dysménorrhée est retrouvée dans 60 % des cas.
Elle est
classiquement secondaire (débutant après 30 ans), tardive (deuxième
ou troisième jour du cycle) et d’aggravation progressive.
En réalité,
elle est souvent primaire (dans 60 % des cas) et précoce, débutant
même parfois en phase prémenstruelle.
La douleur est calmée
par le blocage ovarien (contraception, progestatifs, analogues de la luteinizing hormone-releasing hormone [LH-RH], grossesse).
Il peut
exister des signes menstruels urinaires (pollakiurie, impériosités,
cystalgies), digestifs (ténesme, défécation douloureuse) et des
irradiations postérieures ou vers les membres inférieurs.
Une dyspareunie profonde existe dans environ 30 à 40 % des cas.
Elle est majorée en deuxième partie du cycle.
C’est le signe le plus
évocateur d’endométriose avec une valeur prédictive positive de
95 % et une valeur prédictive négative de 63 %.
Dans 30 % des
cas, la douleur est chronique non périodique.
Dans une étude
prospective sur 643 patientes, Koninckx a montré que la douleur
était liée à la profondeur de pénétration des lésions d’endométriose.
Il retrouvait 24 % de lésions profondes de plus de 6 mm en cas de
douleur contre 9 % en l’absence de douleur.
En revanche, la douleur
n’est pas corrélée à la classification de l’American Fertility Society.
La qualité de l’examen clinique est déterminante. De nombreuses
lésions du cul-de-sac vaginal postérieur passent inaperçues si on ne
les recherche pas.
Il faut rechercher des nodules et/ou une
infiltration douloureuse du cul-de-sac postérieur, mais aussi au
niveau des ligaments utérosacrés, de la cloison rectovaginale ainsi
que du cul-de-sac antérieur.
L’absence de nodules bleutés à
l’inspection du vagin n’élimine en rien le diagnostic d’endométriose
profonde sous-péritonéale.
L’utérus est souvent rétroversé et fixé.
L’examen clinique doit idéalement être effectué le plus près des
règles, voire en période menstruelle.
L’examen clinique permenstruel
permet en effet de constater cliniquement des lésions qui, sinon,
seraient passées inaperçues.
L’échographie pelvienne peut retrouver un endométriome, des
ovaires fixés.
L’échoendoscopie rectale est particulièrement
intéressante pour apprécier l’existence d’une atteinte digestive
associée en cas d’endométriose profonde infiltrant les ligaments
utérosacrés et/ou de la cloison rectovaginale.
La résonance
magnétique nucléaire semble intéressante pour le diagnostic des
lésions d’endométriose profonde de petite taille.
Un des intérêts
de la résonance magnétique nucléaire est que, contrairement à
l’échographie endovaginale qui explore surtout le compartiment
pelvien antérieur, elle permet d’effectuer un bilan pelvien complet.
Le diagnostic positif de l’endométriose repose sur la coelioscopie
avec réalisation de biopsies.
L’inspection peut retrouver des implants
péritonéaux superficiels caractéristiques.
Les lésions profondes sont
parfois peu visibles et difficiles à diagnostiquer lors de la
coelioscopie.
Tous les traitements hormonaux reposent sur la réalisation d’une hypoestrogénie, mais leurs effets secondaires limitent leur utilisation
dans le temps.
Si l’efficacité des différents produits sur la
symptomatologie fonctionnelle douloureuse est proche de 75 %, le
traitement médical n’est que palliatif avec un risque de récidives à
1 an de près de 50 %.
Les lésions profondes et viscérales résistent
aux traitements hormonaux.
La chirurgie conservatrice donne une amélioration dans environ
80 % des cas.
Dans les lésions d’endométriose profonde infiltrant
des ligaments utérosacrés, la résection coeliochirurgicale permet 40 %
de guérisons (plus de douleurs), 33 % d’améliorations (effet sur la
douleur jugé excellent ou satisfaisant), 27 % d’échecs (effet jugé léger
ou nul).
La chirurgie radicale (hystérectomie et ovariectomie bilatérale) est
réservée aux échecs des autres traitements. Elle permet d’obtenir une
amélioration dans 99 % des cas.
D - SÉQUELLES DES INFECTIONS GÉNITALES :
La pathogénie de la douleur est liée aux adhérences, aux
hydrosalpinx ou pyosalpinx, à l’infection chronique et à la
dystrophie ovarienne.
Les examens complémentaires biologiques
sont utiles pour savoir si l’infection est toujours active (C reactive
protein [CRP], vitesse de sédimentation [VS]).
La symptomatologie
fonctionnelle est variable selon le mécanisme de la douleur : douleur
lancinante, continue, bilatérale et non cyclique en cas d’infection
chronique active ; douleur cyclique améliorée sous contraception
orale en cas de dystrophie ovarienne ; dyspareunie profonde en cas
d’adhérences fixant l’utérus.
L’examen clinique est souvent
décevant.
L’échographie peut apporter des arguments en faveur d’un hydrosalpinx (contre-indication à l’hystérosalpingographie), d’une
dystrophie ovarienne.
La coelioscopie a un intérêt diagnostique et thérapeutique
(adhésiolyse, salpingectomie, prélèvements bactériologiques).
Le
traitement médical repose sur les anti-inflammatoires, les
antibiotiques, le blocage ovarien.
E - VARICES PELVIENNES ET DÉSINSERTION UTÉRINE :
Ces deux lésions sont souvent associées.
La désinsertion utérine
provoque une rétroversion qui favorise la stase veineuse.
La douleur
peut être expliquée par la déchirure des ligaments utérins et la
congestion veineuse.
La désinsertion utérine du syndrome de Masters et Allen est
secondaire à un traumatisme obstétrical entraînant un déficit des
moyens de fixation de la zone cervico-isthmique (ligaments
utérosacrés, ligament large).
Les douleurs débutent à la suite d’un
accouchement dystocique (macrosomie, forceps, expression
abdominale).
Il s’agit d’une douleur pelvienne basse, à type de
pesanteur, médiane, permanente, accentuée par la station debout et
la fatigue, diminuée en décubitus ventral et par la pose d’un
pessaire.
Il existe une dyspareunie profonde, diminuée en position
ventrale.
L’examen clinique retrouve une rétroversion douloureuse,
mais réductible.
Le corps utérin apparaît hypermobile et il existe
une douleur provoquée, volontiers asymétrique, aux points
d’insertion ligamentaire (à différencier de l’endométriose des
ligaments utérosacrés).
La stase veineuse est favorisée par la rétroversion utérine, les
accouchements, les thromboses pelviennes (phlébite pelvienne du
post-partum).
La douleur est accentuée en période ovulatoire ou
prémenstruelle.
1- Diagnostic
:
L’échographie-doppler peut retrouver la rétroversion, et surtout
montrer des images de dilatation veineuse (> 5 mm) et de stase
(flux < 15 cm/s).
Plusieurs tests diagnostiques sont proposés avant de poser une
indication opératoire.
La disparition des douleurs après 1 heure de
décubitus ventral, l’amélioration par le port d’un pessaire, ou par
l’infiltration à la lidocaïne des ligaments utérosacrés, seraient en
faveur d’une désinsertion utérine douloureuse.
L’amélioration par
un traitement veinotonique à fortes doses est en faveur d’une
participation veineuse aux douleurs.
Ces tests sont classiques, mais
leur intérêt diagnostique n’est pas documenté.
La coelioscopie recherche des signes de désinsertion utérine
(rétroversion utérine, mobilité utérine anormale, déchirure du
feuillet postérieur du ligament large, Douglas profond) et de stase
veineuse (utérus marbré, congestif, varices pelviennes).
2- Traitement
:
Le traitement médical utilise le repos en décubitus ventral, les veinotoniques, les anti-inflammatoires.
Si les techniques chirurgicales sont multiples, elles ne sont pas
toujours évaluées.
La rétroversion utérine peut être corrigée par un
raccourcissement des ligaments ronds (procédé de Pellanda) qui est
réalisable par coelioscopie.
Les résultats sont corrects à court terme
(60 % d’amélioration à 6 semaines), mais se dégradent dans le temps
(25 % d’amélioration à 6 mois).
La douglassectomie avec plastie
des ligaments utérosacrés donnerait des résultats plus durables en
traitant non seulement la rétroversion mais aussi la désinsertion
utérine.
Certains rapportent 90 % d’amélioration sur une série de
patientes opérées par laparotomie. Les varices pelviennes peuvent
être coagulées par coelioscopie, mais il n’existe pas de résultats
publiés.
Le traitement des varices pelviennes peut être réalisé par embolisation radiologique.
Sur une petite série de 19 patientes, Capasso retrouve 58 % de guérison, 16 % d’amélioration et 26 %
d’échec, avec un recul de 15 mois.
Les échecs étaient toujours
associés à la présence d’une dyspareunie, laissant penser que la
cause des douleurs était ailleurs.
F - ADHÉRENCES :
Leur rôle dans les douleurs est controversé.
Des adhérences
sont retrouvées dans environ 25 % des coelioscopies pour douleurs
pelviennes chroniques.
Cependant Koninckx et Rapkin
retrouvent des adhérences avec la même fréquence et la même
sévérité chez les patientes douloureuses chroniques et les patientes
infertiles sans douleurs.
Le traitement chirurgical des adhérences
donne environ 50 % de guérison avec 1 an de recul.
Les résultats semblent équivalents pour la coeliochirurgie et
la microchirurgie. Les échecs sont plus fréquents en cas de
laparotomie antérieure (risque relatif = 3).
L’hydroflotation n’a pas
démontré son intérêt dans la prévention des adhérences
postopératoires.
G - NÉVRALGIES DU NERF HONTEUX
:
Il s’agit de patientes le plus souvent ménopausées (50-70 ans).
L’installation de la douleur peut être progressive (cyclisme, station
assise prolongée) ou aiguë (chute sur les fesses, intervention
urologique, gynécologique ou proctologique).
La douleur s’aggrave
progressivement dans le temps et résiste aux antalgiques ou aux
interventions chirurgicales.
La douleur périnéale est à type de
brûlure (dans 65 % des cas) ou paresthésie (15 %).
Évocatrice si
unilatérale, la douleur peut être médiane.
Elle est aggravée en
position assise (dans 60 % des cas), calmée par la position debout
(30 %), la marche (20 %), le décubitus (85 %).
L’examen clinique peut
retrouver une douleur provoquée en regard de l’épine sciatique.
Le
reste de l’examen clinique, en particulier neurologique, est normal.
L’amélioration par une infiltration aux anesthésiques
locaux, en regard de l’épine sciatique ou dans le canal d’Alcock, est
en faveur de la souffrance du nerf honteux.
L’examen neuroélectrophysiologique objective la souffrance
périphérique du nerf honteux.
Le traitement proposé repose sur des
infiltrations par corticoïdes avec 30 à 70 % d’amélioration.
En
cas d’échec, la décompression chirurgicale donne 50 %
d’amélioration.
Douleurs rebelles ou sans cause
reconnue :
Il s’agit de patientes non améliorées malgré le traitement de la cause
organique apparente, de patientes présentant un syndrome clinique
sans cause connue, et enfin de patientes pour lesquelles les examens habituels sont normaux (échographie, coelioscopie,
électromyogramme, examens cliniques répétés).
De nombreuses
thérapeutiques non spécifiques sont proposées, mais leurs résultats
ne sont pas toujours bien évalués.
Les antigonadotropes sont
utiles quand la douleur est cyclique.
Les antidépresseurs tricycliques
à faible dose (amitriptyline 10 à 75 mg/j) ont une action antalgique
et peuvent donner des résultats, même en l’absence de signes
dépressifs.
Les morphiniques sont déconseillés dans les douleurs
chroniques non cancéreuses.
Les électrostimulations transcutanées
ont une action théorique, mais leur efficacité a été peu étudiée dans
la douleur pelvienne chronique.
La kinésithérapie, l’acupuncture ou
l’ostéopathie sont souvent utilisées, mais il n’existe pas de résultats
publiés.
L’évaluation et la prise en charge psychologiques de ces
patientes sont indispensables, surtout avant d’effectuer un
traitement mutilant (hystérectomie).
Les risques d’échecs sont liés
aux troubles psychologiques. Une prise en charge
multidisciplinaire d’emblée améliore le pronostic.
L’hystérectomie
peut guérir 74 % des patientes. Cependant, en l’absence de lésions
histologiques, le risque de voir persister les douleurs est de 38 %
1 an après l’hystérectomie (odds ratio : 1,9).
Environ 20 % des
patientes consultant pour douleurs pelviennes chroniques ont déjà
subi une hystérectomie pour cette indication.
Conclusion :
Dans ce contexte, le clinicien doit faire la part entre une pathologie
fonctionnelle et une pathologie organique dont les multiples étiologies
sont dominées par l’endométriose.
Les arguments en faveur d’une pathologie fonctionnelle (dysménorrhée
essentielle, douleurs d’origine psychosomatique...) sont les suivants :
durée des troubles souvent longue ; examen clinique et échographie
normaux ; pas de tendance à l’aggravation des douleurs ; douleur
aisément contrôlée par les antalgiques habituels ; faible retentissement
social.
La coelioscopie dans ce contexte est alors inutile.
Les arguments en faveur d’une pathologie organique sont les suivants :
examen clinique et/ou échographie anormaux ; tendance à l’aggravation
des douleurs ; douleur difficilement ou non contrôlée par les antalgiques
standards ; retentissement social important.