Les traumatismes médullaires représentent une pathologie
fréquente, avec une incidence estimée à 10 000 nouveaux cas par an
aux États-Unis.
Cette pathologie est responsable de 720 cas de déficit
permanent par an et par million d’habitants.
Il s’agit d’un problème
majeur de santé publique, puisque le coût est estimé aux États-Unis
à 4 milliards de dollars par an.
Les traumatismes médullaires touchent essentiellement les adultes
jeunes, de sexe masculin (sex-ratio : 4/1), avec un pic de fréquence
entre 20 et 35 ans.
Les traumatismes violents sont à l’origine de ces
lésions.
Un second pic de fréquence survient ensuite vers 60-70 ans, touchant
de façon indifférente l’homme et la femme.
Dans cette tranche
d’âges, ils sont secondaires à des traumatismes le plus souvent
mineurs survenant, généralement, sur un canal cervical rétréci.
Les
traumatismes médullaires sont plus rares chez l’enfant.
Les étiologies les plus fréquemment retrouvées, tous âges
confondus, sont les accidents de circulation (44,4 %), les chutes
(18,1 % en particulier chez les plus de 45 ans), les agressions (16,6 %)
et les accidents sportifs avec au premier plan les plongeons
(12,7 %).
Les traumatismes médullaires intéressent, chez l’adulte,
essentiellement le rachis cervical, en particulier les niveaux C4, C5
et C6 ainsi que la charnière cervicodorsale C7-D1.
En cas d’atteinte
du rachis dorsal, la vertèbre T12 est la plus souvent atteinte.
Chez l’enfant, ils concernent les trois premières vertèbres cervicales
et la charnière cervico-occipitale.
Par ailleurs, les traumatismes médullaires sont souvent associés à
d’autres lésions qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital
(traumatisme cérébral, abdominal, thoracique ou des membres).
Devant un traumatisme rachidien ou un polytraumatisé, qu’il existe
ou non un déficit, l’imagerie réalisée doit :
– montrer l’existence d’une lésion osseuse ou ligamentaire du rachis
et son extension ;
– préciser la stabilité de la lésion rachidienne ;
– démontrer la cause du déficit et identifier une lésion médullaire
associée ;
– préciser l’existence d’un fragment osseux dans le canal médullaire.
Place de l’imagerie. Protocole d’imagerie
:
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est l’examen de choix
dans l’exploration de la pathologie médullaire traumatique.
Cependant, des lésions rachidiennes sont souvent associées aux
traumatismes médullaires et nécessitent une exploration spécifique,
comme les examens de radiologie standards et désormais les
scanners multibarettes.
A - EXPLORATION MÉDULLAIRE
:
Imagerie par résonance magnétique
:
L’IRM est l’examen de référence dans l’étude des lésions
médullaires, qu’il existe ou non une lésion osseuse sur le bilan
radiographique standard.
Il peut être effectué chez un patient intubé
ventilé, stable sur le plan hémodynamique, à condition de respecter
les contre-indications classiques.
L’exploration médullaire complète
est effectuée en 20 à 30 minutes.
L’IRM permet une analyse optimale
des lésions médullaires au stade aigu, des lésions périmédullaires et
des lésions discoligamentaires.
Au stade chronique des
complications, l’IRM analyse parfaitement les lésions kystiques.
Le protocole comprend des séquences sagittales en pondération T1
(écho de spin T1), T2 (écho de spin turbo T2), et short time inversion recovery (STIR) : séquence qui permet d’annuler le signal de la graisse.
Des séquences axiales en pondération T2 (écho de gradient
T2) sont également systématiquement réalisées.
L’injection de gadolinium est rarement nécessaire au stade aigu en
raison de l’absence de rupture de barrière hématomédullaire.
B - EXPLORATION RACHIDIENNE
:
1- Radiographies standards
:
Devant un traumatisme rachidien et devant tout polytraumatisme,
les radiographies standards du rachis de face et de profil et un cliché
d’odontoïde bouche ouverte font partie des premiers examens
radiologiques à effectuer.
Ces radiographies sont réalisées sur le
brancard d’urgence en évitant toute mobilisation.
Elles permettent
de dépister les fractures, les luxations, les désalignements des
structures osseuses.
En revanche, les atteintes discoligamentaires ne
peuvent pas être analysées. Seuls des signes indirects comme un
épaississement des parties molles péricorporéales ou un pincement
discal sont visibles.
Malgré la réalisation de radiographies standards,
des fractures ne sont diagnostiquées que dans 4,5 % à 23 % des
cas.
Parmi ces lésions, la moitié est instable et environ 1 % est
responsable d’un déficit neurologique secondaire.
Cependant, la réalisation de clichés de profil du rachis cervical
permet de détecter 80 % des lésions du rachis cervical. Les taux de
détection sont respectivement de 90 et 92 %.
La charnière cervicothoracique est particulièrement difficile à analyser sur les
radiographies standards, et le moindre doute doit faire recourir au
scanner en fenêtre osseuse avec reconstructions sagittale et
coronale.
2- Scanner spiralé
:
Les scanners spiralés multibarettes permettent désormais une
exploration du rachis traumatique en un temps réduit.
Une
acquisition spiralée millimétrique permet d’effectuer des
reconstructions axiales, sagittales et coronales, avec des fenêtres
osseuses et des parties molles.
L’atteinte osseuse est particulièrement
bien analysée par cet examen.
La recherche de corps étranger osseux intracanalaire, le respect ou non du mur postérieur, l’atteinte du
corps vertébral et de l’arc postérieur sont analysés par le scanner.
Ces informations permettent de définir des lésions osseuses stables
et des lésions osseuses instables.
En revanche, l’atteinte des parties molles, en particulier discoligamentaires, l’existence de lésions médullaire, périmédullaire,
ou radiculaire sont mal étudiées en scanner.
C - AUTRES EXAMENS
:
1- Myéloscanner
:
Il est réservé aux contre-indications de l’IRM.
Il permet de détecter
les signes indirects de compression médullaire.
2- Échographie
:
Elle s’adresse au bilan des séquelles des traumatismes, en particulier
dans le bilan peropératoire d’une cavité syringomyélique ou d’une
myélomalacie.
Elle peut également être effectuée dans le cadre d’un
suivi après laminectomie.
Cet examen est alors de réalisation
difficile, en raison d’ombres acoustiques secondaires à la cicatrice.
Traumatisme médullaire
aux stades aigu et subaigu :
A - PHYSIOPATHOLOGIE
:
Après un traumatisme médullaire, de multiples lésions de la moelle
sont mises en évidence précocement comme un oedème, des
pétéchies hémorragiques, une interruption mécanique des axones,
et des sections des racines nerveuses.
Les fibres nerveuses
traumatisées se fragmentent, conduisant à une dégradation de la
myéline et des axones.
Ces modifications diffèrent en fonction de la gravité de l’atteinte :
– dans les lésions irréversibles, l’inflammation et la dégénérescence axonales apparaissent plus précocement et sont plus sévères.
Les
plages hémorragiques confluent et augmentent avec le temps,
puis apparaissent un hématome central et une nécrose marquée de
la substance grise ;
– dans les lésions réversibles, secondaires à des traumatismes moins
sévères, il existe une inflammation minime ou modérée et de petites
pétéchies hémorragiques ;
– les hématomyélies ne surviennent que très rarement au stade aigu
du traumatisme.
Elles apparaissent en général quelques heures
après.
Le traumatisme direct n’est pas le seul facteur qui contribue à la
formation de la lésion médullaire.
Des mécanismes vasculaires
peuvent également aboutir à une ischémie et à un infarcissement de
la moelle.
Outre les lésions primaires (section, compression,
hématome) directement secondaires au traumatisme, des lésions
secondaires dues à de multiples mécanismes biochimiques incluant
la formation de radicaux libres, un flux calcique incontrôlé, des
lésions ischémiques et une peroxydation lipidique, sont également
impliquées.
B - CLINIQUE
:
Dans les toutes premières heures qui suivent le traumatisme
médullaire, deux états physiologiques, le choc spinal et le choc neurogénique, dominent le tableau.
Ils masquent initialement
certains signes cliniques qui constituent des syndromes médullaires
caractéristiques.
1- Chocs spinal et neurogénique
:
Le choc spinal est un état physiologique transitoire de dépression
réflexe des fonctions médullaires sous le niveau lésionnel, avec perte
de toutes les fonctions sensorimotrices.
Dans 99 % des cas, le choc
spinal disparaît en 24 heures.
Il n’a aucune valeur pronostique.
Cliniquement, une hypertension artérielle puis une phase
d’hypotension sont observées. Une paralysie flasque, intéressant
également l’intestin et la vessie est observée et est parfois associée à
un priapisme.
Ces symptômes disparaissent en quelques heures à
quelques jours, jusqu’à ce que les arcs réflexes sous-lésionnels soient
à nouveau fonctionnels.
Les étiologies à l’origine de ce phénomène sont multiples et
principalement expliquées par un dysfonctionnement axonal.
Le choc neurogénique se manifeste par une triade clinique :
hypotension, bradycardie et hypothermie.
Il survient en cas de
lésion haute au-dessus de T6 par l’interruption des voies réflexes
sympathiques avec libération du tonus vagal.
Les lésions osseuses
et/ou ligamentaires associées aux lésions médullaires peuvent
aggraver le pronostic fonctionnel.
Quelques jours ou semaines après la phase de choc spinal ou de
sidération médullaire, le segment distal récupère son automatisme.
Si le cône médullaire n’a pas été lésé, les réflexes périnéaux sont les
premiers à réapparaître, la vessie flasque devient spastique, ainsi
que les groupes musculaires sous-lésionnels.
2- Tableaux neurologiques
:
Selon la topographie et l’extension de la lésion médullaire, quatre
principaux syndromes médullaires peuvent être observés :
– le syndrome de section médullaire complète est le syndrome le plus
grave et le plus fréquent.
Il associe une perte totale des fonctions
sensitives et motrices sous-lésionnelles avec une paralysie
respiratoire quand la lésion siège au-dessus de C4 ;
– dans un syndrome centromédullaire, la lésion, en particulier de la
moelle cervicale, aboutit à un déficit moteur prédominant aux
membres supérieurs et un déficit de la sensibilité thermoalgique, alors que la sensibilité proprioceptive et les réflexes sacrés sont
préservés.
Un mécanisme le plus souvent ischémique par lésion de
l’artère spinale antérieure est retrouvé.
Ce syndrome est souvent
secondaire à un mécanisme en hyperextension ;
– dans un syndrome de Brown-Séquard qui correspond à une
hémisection de moelle le plus souvent par traumatisme pénétrant, il
existe une perte de la sensibilité proprioceptive et de la motricité
homolatérale à la lésion, associée à une anesthésie thermoalgique
controlatérale ;
– dans un syndrome cordonal antérieur, la lésion est responsable
d’une perte variable de la motricité et de la sensibilité
thermoalgique, alors que la sensibilité proprioceptive est conservée.
Il est souvent secondaire à des lésions en flexion.
En cas de localisation médullaire basse (lombaire ou sacrée), un
syndrome du cône terminal (lésion de la moelle sacrée et des racines
nerveuses lombaires) ou un syndrome de la queue de cheval (lésion
des racines nerveuses lombosacrées) peuvent être retrouvés ; ces
deux syndromes conduisent à une paralysie flasque et aréflexique
de la vessie, des intestins et des membres inférieurs.
Parfois en cas d’atteinte cervicale, un syndrome radiculaire peut être
retrouvé, le plus souvent avec un déficit périphérique.
Par ailleurs, certains critères anamnestiques et cliniques doivent faire
suspecter une lésion médullaire associée comme des blessures
frontales ou de la face, des fractures des os longs ou du pelvis, un
déficit neurologique focal, toute chute d’un lieu élevé (> 3 m), tout
accident à vitesse élevée (> 50 km/h).
Des lésions vasculaires
peuvent également être observées, en particulier des dissections des
artères carotidiennes ou vertébrales.
C - IMAGERIE
:
Seule l’IRM permet de visualiser les lésions médullaires.
Les autres
techniques (radiographies standards, scanner) n’apportent que des
renseignements indirects sur le cordon médullaire.
1- Imagerie par résonance magnétique
:
Trois lésions principales peuvent être retrouvées en IRM :
– l’élargissement du cordon médullaire : l’anomalie du calibre est bien
visible en coupe sagittale ;
– l’oedème médullaire : la moelle apparaît en hypersignal en
pondération T2 ;
– l’hémorragie médullaire : au cours des premiers jours suivant le
traumatisme, il existe un hyposignal intramédullaire dû à la
présence de désoxyhémoglobine sur les séquences en pondération
T2 et T1, et plus encore sur les séquences en T2*.
Ces lésions
hémorragiques intéressent essentiellement la substance grise centrale.
Dans les jours suivants apparaît un hypersignal en
pondération T1 dû à la présence de méthémoglobine ;
– un oedème et une hémorragie médullaire peuvent s’associer.
L’IRM permet également de distinguer les hématomes épiduraux
des hématomes sous-duraux, plus rarement rencontrés.
L’hématome épidural est une pathologie rare, qui peut être
secondaire à un traumatisme sur une spondylarthrite ankylosante.
Il est souvent étendu en hauteur (cinq vertèbres ou plus), antérieur,
postérieur, ou occupant tout l’espace épidural.
Il infiltre la graisse
épidurale qui est refoulée, effacée ou hétérogène. Les angles de
raccordement de la collection à ses extrémités supérieure et inférieure sont effilés.
La visualisation de la dure-mère en hyposignal
en pondération T2 permet de localiser la collection.
Le signal de
l’hématome varie avec le temps : isosignal ou hypersignal en
pondération T1, et de signal hétérogène en pondération T2 au stade
suraigu ; au stade aigu, il devient isosignal en T1 et hyposignal en
T2, et quelques jours plus tard il apparaît en hypersignal sur toutes
les séquences.
L’hématome sous-dural est exceptionnel ; sa localisation est le plus
souvent antérieure, mais il peut être postérieur, latéral ou
circonférentiel.
Contrairement à l’hématome épidural, il respecte la
graisse épidurale.
Son signal est hétérogène, globalement hyposignal
en pondération T2 à la phase aiguë.
Ces deux hématomes extramédullaires peuvent être à l’origine d’une
compression médullaire qui se traduit par une disparition complète
des espaces périmédullaires, avec un refoulement vers l’avant, vers
l’arrière ou latéralement du cordon médullaire.
Ces lésions médullaires sont fréquemment associées à des lésions
du rachis qui doivent être systématiquement étudiées en IRM.
Les fractures corporéales, les fractures de l’arc postérieur et les
anomalies de signal osseux peuvent être retrouvées.
Une hernie discale post-traumatique le plus souvent cervicale
intéressant préférentiellement les étages C5-C6 (40 %) puis C6-C7
(23 %) et C4-C5 (19 %), peut être mise en évidence.
Elle se manifeste
en IRM par un tissu de signal similaire à celui du disque en arrière
du corps vertébral.
Une large protrusion discale déforme, soulève et
refoule en arrière le ligament longitudinal postérieur.
En cas de
rupture de ce ligament, le matériel discal se retrouve dans l’espace
épidural antérieur.
Les coupes axiales en pondération T2 permettent
de bien analyser cette hernie.
Le disque lésé est en hypersignal en
pondération T2 par rapport aux autres disques, et est associé à des
anomalies de signal des tissus mous adjacents.
La rupture discale se caractérise par un hypersignal en pondération
T2, associé à une rupture des ligaments longitudinaux antérieur ou
postérieur.
Elle est fréquemment rencontrée dans les traumatismes
par hyperextension.
Les lésions ligamentaires sont bien visibles sur les coupes sagittales
en pondération T2.
La présence d’un hypersignal focal des ligaments
interépineux, un écartement des apophyses épineuses, un aspect
discontinu en avant et en arrière des corps vertébraux correspondant
aux ligaments longitudinaux antérieur et postérieur traduisent des
lésions ligamentaires.
Un épaississement des parties molles prévertébrales en hypersignal T2 est également fréquemment associé.
Des subluxations, des spondylolyses et des corps étrangers
intracanalaires d’origine osseuse sont également décrits.
Il n’existe cependant pas de parallélisme entre l’importance des
lésions du rachis et des ligaments et l’importance des lésions
médullaires.
Des lésions médullaires hémorragiques graves sont
retrouvées chez des patients qui présentent des lésions osseuses et
ligamentaires minimes.
Par ailleurs, l’IRM peut être normale chez des patients avec un
traumatisme médullaire, même ceux qui sont symptomatiques.
2- Scanner
:
Le scanner en acquisition hélicoïdale est désormais l’examen de
référence des lésions traumatiques du rachis.
Le but de l’examen scanographique est à la fois de faire le diagnostic de fractures,
d’analyser l’orientation du trait de fracture mais aussi de préciser le
degré de stabilité des lésions.
Cet examen permet de diagnostiquer les fractures qui nécessitent
un traitement chirurgical rapide comme les fractures instables par
atteinte de l’arc postérieur ou comme les fractures à l’origine d’une
réduction du diamètre canalaire secondaire à un fragment osseux
ou discal ou secondaire à une luxation vertébrale.
En fonction de la topographie, différentes lésions rachidiennes sont
diagnostiquées et classées en fonction de leur stabilité.
Au niveau
du rachis cervical, le scanner analyse les fractures de la charnière cervico-occipitale et les fractures du rachis cervical moyen et inférieur
avec essentiellement la fracture en tear-drop, les fractures-luxations
ou les luxations isolées des massifs articulaires.
Au niveau du rachis thoracolombaire, il aide à déterminer les fractures stables comme les
tassements cunéiformes simples, des fractures instables comme par
exemple la burst fracture avec un tassement global et une sténose
canalaire, la fracture de Chance avec un trait horizontal et la
fracture-luxation de type seat-belt.
3- Stratégie diagnostique et place des différentes
techniques d’imagerie
:
Le choix parmi les différentes techniques d’imagerie dans le bilan
des traumatismes rachidiens reste controversé.
Les indications
dépendent essentiellement de la symptomatologie du patient.
Deux
grands tableaux cliniques chez l’adulte se distinguent en fonction
de la symptomatologie :
– chez un patient asymptomatique, l’étude NEXUS a permis de
déterminer cinq critères cliniques qui, s’ils sont tous présents,
dispensent de la réalisation de radiographies standards : l’absence
de douleur à la palpation des épineuses, une conscience normale,
l’absence d’intoxication, l’absence de signe neurologique, l’absence
d’autre douleur pouvant masquer une douleur rachidienne ;
– chez le patient symptomatique, présentant une atteinte neurologique
au stade aigu, une IRM en urgence est effectuée.
En effet, la prise en
charge chirurgicale permettant une stabilisation immédiate d’une
lésion rachidienne et une décompression médullaire améliore le
pronostic fonctionnel des patients.
Dans certains cas, les
radiographies standards en association avec un scanner hélicoïdal
sont nécessaires.
* Cas particuliers des traumatismes médullaires sans atteinte canalaire
:
Les traumatismes médullaires du sujet âgé sur un canal cervical
étroit représentent un cas particulier.
Ces traumatismes surviennent
après un mécanisme par hyperextension d’intensité très variable
; ils sont responsables d’une compression médullaire entre
les segments antérieurs (corps vertébraux, disque) et les segments
postérieurs (ligaments jaunes) ; cette compression est accentuée par
l’étroitesse du canal cervical majorée par la présence d’ostéophytes
antérieurs ou postérieurs.
Chez l’enfant, les lésions médullaires sans lésion osseuse associée
sont fréquentes (SCIWORA des Anglo-Saxons pour spinal cord injury
without radiological abnormality).
Elles intéressent préférentiellement
la moelle cervicale.
Une IRM en urgence est plus fréquemment
réalisée que chez l’adulte devant en particulier une douleur
cervicale, une altération de la conscience, un accident de la voie
publique, des lésions cérébrales associées.
D - PRONOSTIC
:
Les anomalies de signal du cordon médullaire comme l’oedème et
l’hémorragie décrits en IRM, indépendamment de l’état
neurologique initial, ont un rôle dans le pronostic fonctionnel des
patients.
L’étendue en hauteur de l’oedème est un facteur pronostique
important.
Son extension sur plus de 1 cm est corrélée à un mauvais
pronostic.
De même, sa localisation influence également le
pronostic : en effet, les atteintes cervicales hautes sont de plus
mauvais pronostic.
Une hémorragie intramédullaire est associée de façon significative à
un plus mauvais pronostic.
Dans tous les cas, elle est corrélée à
une perte des fonctions motrices ou sensitives au moins partielle.
Une classification pronostique des lésions médullaires en fonction
du type de lésion visible en IRM a été proposée :
– type 1 : lésion hémorragique ;
– type 2 : lésion oedémateuse ;
– type 3 : lésion mixte contenant oedème et hémorragie.
Le pronostic neurologique est mauvais pour le type 1, variable pour
le type 3 et bon pour le type 2.
Cette classification a été étendue
avec les notions de section médullaire et de compression
médullaire.
D’autre part, la section médullaire et la compression
sont considérées comme des facteurs de mauvais pronostic.
Cependant, certains auteurs ont relativisé cette notion de gravité, en
cas de compression médullaire sévère avec une absence d’anomalie
de signal dans le cordon médullaire.
E - PRISE EN CHARGE CHIRURGICALE
:
L’indication opératoire est une urgence chirurgicale si les documents
radiologiques montrent un déplacement osseux ou
discoligamentaire responsable d’une compression médullaire.
Les
lésions traumatiques très instables doivent aussi être opérées
rapidement, pour éviter tout déplacement secondaire, même en
l’absence de signe neurologique inquiétant.
Le but de la chirurgie
est de restaurer le calibre normal du canal rachidien pour
décomprimer le cordon médullaire, puis de stabiliser le foyer
lésionnel par une ostéosynthèse.
La voie d’abord est souvent
antérieure pour le rachis cervical, avec une ostéosynthèse vissée
dans les corps vertébraux.
Elle est souvent postérieure pour le rachis
dorsolombaire, avec une ostéosynthèse appuyée sur les lames ou
vissée dans les pédicules.
Traumatisme médullaire au stade
chronique :
Trois tableaux cliniques sont principalement décrits quelques
semaines après le traumatisme médullaire : la dégénérescence wallérienne, la moelle séquellaire et la compression médullaire
chronique.
A - DÉGÉNÉRESCENCE WALLÉRIENNE
:
Suite à un traumatisme médullaire, des lésions de dégénérescence
wallérienne apparaissent en amont de la lésion causale.
Elles
associent des lésions de démyélinisation et de gliose.
La
dégénérescence wallérienne est responsable d’anomalies de signal et d’atrophie du cordon médullaire, représentant un état irréversible
avec perte de substance médullaire. Un cordon médullaire normal
mesure au minimum 7,5 mm de diamètre à l’étage cervical, et
6,5 mm à l’étage thoracique et lombaire.
Les lésions de dégénérescence wallérienne récentes (8 jours à
7 semaines) et les lésions anciennes (après 7 semaines) présentent
des caractéristiques particulières en IRM :
– entre 8 jours et 5 semaines, il n’existe pas d’anomalie de signal
décelable sur l’IRM, ni sous le site lésionnel au niveau des faisceaux corticospinaux ou colonnes latérales, ni au-dessus du site lésionnel
au niveau des faisceaux lemniscaux ou colonnes dorsales ;
– les premières anomalies de signal apparaissent en IRM vers
7 semaines sous la forme d’un hypersignal en pondération T1 et T2
intéressant les faisceaux lemniscaux sus-lésionnels et les faisceaux
corticospinaux sous-lésionnels.
Cette augmentation du signal
devient plus distincte vers le 6e mois ;
– une discrète augmentation du signal peut toujours persister,
plusieurs années après le traumatisme.
B - MOELLE SÉQUELLAIRE
:
À la phase chronique, cinq types d’anomalies médullaires
séquellaires sont rapportés :
– l’atrophie est la plus commune (62 %).
Elle se caractérise par une
diminution du calibre du cordon médullaire dans le plan sagittal, et
s’étend sur deux segments ou plus en regard de la lésion ;
– la myélopathie myélomalacique post-traumatique progressive (MMPP)
ou myélomalacie correspond typiquement à des microkystes mal
limités, hyposignal en pondération T1, hypersignal en pondération
T2 ; ces kystes peuvent parfois confluer et apparaître comme un
chapelet de petits kystes.
Cette myélopathie survient en moyenne
dans 54 % des cas ;
– la myélopathie kystique post-traumatique progressive (MKPP) ou
syringomyélie se caractérise par de larges cavités kystiques
avec des contours bien définis, de même signal que le liquide
céphalorachidien (LCR) ; elles sont effilées à chaque extrémité et
peuvent parfois être lobulées.
Son incidence est de 22 % ;
– un kyste focal unique est décrit dans 9 % des cas ; il correspond à
une lésion arrondie ou ovalaire, de même signal que le syrinx, située
en regard du site lésionnel initial ;
– plus rarement ; il persiste une section médullaire (7 %).
La MMPP et La MKPP sont souvent associées et se manifestent sur
le plan clinique par une aggravation de la symptomatologie, avec
l’apparition de douleurs locales ou radiculaires, une perte des
fonctions motrices et sensitives, une augmentation de la spasticité,
une hyperhydrose, et des troubles végétatifs (troubles sphinctériens
et troubles respiratoires).
Une fibrose cicatricielle à l’origine
d’adhérences médullaires secondaires à de multiples facteurs
(hématomes, ischémie chronique, troubles de la circulation du LCR,
décubitus prolongé) semble favoriser le développement des deux
types de myélomalacie.
C - COMPRESSION MÉDULLAIRE CHRONIQUE
:
Un patient qui présente une aggravation de sa symptomatologie à
la phase chronique doit bénéficier d’une IRM qui permet de
visualiser d’éventuels phénomènes de compression médullaire
chronique.
Elle est favorisée par des troubles de la statique (cyphose, scoliose)
ou par une instabilité chronique (absence de consolidation, rupture
du matériel) avec apparition d’une importante gibbosité posttraumatique
(arthropathie de Charcot).
Cette déformation qui
survient en l’absence de traitement chez la majorité des patients est
due à l’absence de sensibilité des vertèbres sous-jacentes au
traumatisme, et elle entraîne la constitution d’une pseudarthrose
géante.
Conclusion
:
Les traumatismes médullaires représentent une pathologie fréquente
qui intéresse essentiellement les adultes jeunes mais aussi des adultes
plus âgés.
Ces traumatismes engagent à la fois le pronostic vital et
fonctionnel des patients.
Une prise en charge rapide et spécialisée
(médicale et chirurgicale) est indispensable.
L’IRM est désormais
l’examen de choix dans l’exploration des lésions traumatiques à la phase
aiguë, en apportant à la fois des arguments diagnostiques et
pronostiques.
D’autres examens comme le scanner sont souvent
indispensables pour compléter les données de l’IRM, et permettent
d’analyser des lésions du rachis souvent associées.
Au stade chronique,
devant l’aggravation de l’état neurologique, l’IRM est également
indispensable et permet le diagnostic de certaines complications comme
les myélopathies.