La présentation clinique de cette pathologie est extrêmement
variable : soit drame thoracique majeur, soit tableau subaigu de
pleurésie purulente ou d’abcès profond.
En raison de la topographie médiastinale de l’oesophage, des signes pleuropulmonaires ou
cardiaques peuvent égarer le diagnostic.
Pourtant le seul moyen,
malgré les progrès de la réanimation, de réduire la mortalité et la
morbidité est un diagnostic précoce.
Dans cette démarche
diagnostique, le scanner a pris désormais une place essentielle.
La
radiologie conventionnelle intervient surtout lors de la surveillance
sous traitement.
La fréquence de cette pathologie est en progression en raison de
l’augmentation des actes diagnostiques et thérapeutiques endooesophagiens
(dilatation, sclérose, laser).
De plus, on constate
un accroissement des formes vues tardivement, un traitement
médical symptomatique ayant effacé les signes cliniques suggestifs
du diagnostic.
Sur le plan physiopathologique, on différencie classiquement les
ruptures des perforations oesophagiennes.
La rupture oesophagienne
se produit inopinément, spontanément sur un oesophage
apparemment sain.
La perforation oesophagienne est au contraire
provoquée par un traumatisme oesophagien direct, qui entraîne une
plaie transmurale de l’oesophage.
L’oesophage peut être normal mais
également pathologique.
En fait, cette distinction est théorique, les
ruptures oesophagiennes peuvent survenir sur un oesophage pathologique.
Les perforations sont plus fréquentes sur les
oesophages sains.
Le lien entre l’acte traumatisant et les signes
cliniques n’est pas toujours bien établi lors de l’admission du
malade.
Enfin, les ruptures oesophagiennes sur corps étrangers
associent les deux mécanismes.
Quel que soit le mode, la
contribution de l’imagerie est identique : visualiser la perforation
oesophagienne et ses conséquences médiastinales, pleurales et
pulmonaires.
Généralités
:
C’est la rupture spontanée de l’oesophage qui a été décrite la
première en 1724 par Herman Boerhaave (1668-1738) qui est la forme
typique de cette pathologie.
Le baron John Von Wassenear est
décédé au cours d’efforts de vomissements après un repas
pantagruélique bien arrosé.
L’autopsie du grand Amiral de la flotte
hollandaise a révélé une rupture transversale de l’oesophage
inférieur. Ultérieurement, on note dans la littérature d’autres
observations autopsiques : Ziesner (1732), Dryden (1788) ; Guersen
(1807) et Bouillaud (1823).
En 1858, Schoenlein évoque cliniquement
le diagnostic et Bouwles avec Turner envisagent un traitement
chirurgical en 1900.
Le premier succès thérapeutique n’est obtenu
qu’en 1941 par Frink au moyen d’un drainage thoracique, puis d’une
thoracotomie avec drainage pleural en 1943 par Overholt.
La
première réparation oesophagienne chirurgicale est réalisée par Barrett en 1947 et Le Brigand rapporte, en 1960, le premier cas guéri
chirurgicalement en France.
Le nombre des observations de ruptures
spontanées de l’oesophage augmente progressivement pour dépasser
actuellement les 1 000 cas.
La rupture de l’oesophage survient habituellement chez un homme
dans la cinquantaine, souvent éthylique ou atteint d’une affection
neurologique.
La fréquence est de l’ordre de un à trois cas pour 6 000
autopsies.
C’est une « déchirure d’une zone macroscopiquement
saine de la paroi de l’oesophage thoracique, habituellement
consécutive à un effort et plus particulièrement un vomissement »
(Cerbonnet-Couinaud).
Sur le plan anatomopathologique, la brèche oesophagienne est
linéaire, longitudinale, étendue sur 2 à 10 cm, siégeant sur
l’oesophage inférieur à 2,5, voire 7,5 cm, du cardia.
Le siège est postérolatéral gauche dans 70 % des cas.
Il est lié à une diminution
de rôle de soutien des structures anatomiques voisines et à une
angulation entre l’oesophage thoracique et abdominal.
La
musculeuse se rompt en premier.
La situation anatomique de
l’oesophage explique la communication entre la lumière
oesophagienne, la plèvre, le médiastin, voire plus rarement le
péricarde.
Les autres localisations sont beaucoup plus rares.
La rupture du tiers
moyen est fréquemment associée à un diverticule épibronchique.
Des contractions inappropriées du diaphragme peuvent entraîner
une rupture de l’oesophage abdominal.
Enfin, la localisation
cervicale est exceptionnelle en rapport avec une faiblesse de la
bouche de Killian.
Physiopathologie
:
Même si le mécanisme physiopathologique exact de la rupture
spontanée de l’oesophage reste mal élucidé, deux facteurs semblent
intervenir : d’une part, un facteur mécanique : l’élévation brusque
de la pression oesophagienne et, d’autre part, un facteur fonctionnel
entravant les mécanismes habituels de réduction d’une
hyperpression brutale.
Les vomissements se déroulent en deux
phases.
Des secousses abdominodiaphragmatiques (retching)
rythmées, brèves, sans rejet, apparaissent, les piliers du diaphragme
sont contractés et l’oesophage est fermé.
La pression intragastrique
atteint 120-200 mmHg alors que celle de l’oesophage est à 35-
50 mmHg. Lors de la seconde phase, une contraction prolongée
abdominodiaphragmatique avec relâchement des piliers du
diaphragme entraîne l’expulsion du liquide gastrique et une
élévation brutale de la pression intraoesophagienne.
Les
vomissements, en expulsant le contenu oesophagien, réduisent
rapidement l’hyperpression oesophagienne.
Dans la rupture
oesophagienne spontanée, ce mécanisme est entravé par une
incoordination musculaire.
Des ondes péristaltiques inefficaces, une
dyskinésie oesophagienne ou un dysfonctionnement du muscle cricopharyngien sont à l’origine de cette incoordination.
L’absorption d’alcool, un repas trop copieux, certains médicaments
(Desféral, Atropine, etc), des lésions gastro-oesophagiennes
préexistantes, etc, majorent ce dysfonctionnement.
Pour la paroi oesophagienne, il existe de multiples équivalents aux
efforts de vomissements : l’hyperpression brutale intra-abdominale
et/ou thoracique, l’absorption massive d’aliments, le hoquet, la toux,
l’éternuement, les crises convulsives, la défécation, le coït, les
accouchements, les contusions abdominales...
Dans le syndrome de Mallory-Weiss (1929), hémorragies digestives
hautes à la suite d’efforts de vomissements avec déchirure radiaire
incomplète de la muqueuse et de la sous-muqueuse de la jonction
oesocardiale, les lésions sont sans doute causées par une élévation
brutale de la pression intraoesophagienne.
Dans certains cas, la rupture apparaît totalement spontanée, mais il
existe une fragilité oesophagienne : oesophagite peptique, hernie
hiatale, endobrachyoesophage, sténose cicatricielle, diverticule,
médicaments (corticoïdes), pathologie vasculaire (hypertension
artérielle, athérome, insuffisance cardiaque), stress, encéphalites, etc.
L’autre grand domaine des lésions transmurales de l’oesophage
concerne les plaies et les perforations.
Elles sont plus polymorphes
dans leurs mécanismes et dans leurs aspects macroscopiques.
Elles
sont deux à trois fois plus nombreuses que les ruptures spontanées
et dominées par les perforations perendoscopiques (70 à 80 %), dont
la fréquence a été multipliée par quatre.
L’utilisation de
fibroscopes souples a réduit le nombre des perforations mais,
parallèlement, le nombre des examens s’est accru de manière
exponentielle.
Le risque de perforation lors d’une endoscopie varie
entre 0,06 et 2 %, s’accroît à 4 ou 5% pour les actes interventionnels.
Avec les endoscopes rigides ou au cours
des intubations trachéales, les perforations siègent
préférentiellement au niveau du triangle de Killian, sur la paroi
postérieure de l’hypopharynx, en dessous du muscle
cricopharyngien.
Les autres sièges sont représentés par le
rétrécissement aortique, la bronche souche gauche et l’hiatus
oesophagien.
L’agitation du malade, l’extraction de corps étrangers
pointus, la corticothérapie préalable, l’existence de lésions
oesophagiennes et l’arthrose cervicale sont des facteurs de risque.
Les traumatismes peuvent entraîner une plaie perforante (balle,
coup de couteau), mais également une rupture oesophagienne à
thorax fermé.
Ces lésions sont très rares, la rupture est souscarénaire
avec parfois nécrose oesophagienne secondaire.
Les
barotraumatismes par irruption brutale d’air dans l’oesophage
(souffle près de la face, éclatement d’un pneu au cours de son
gonflage, oesophagogramme en double contraste) sont une cause
exceptionnelle de rupture oesophagienne.
La chirurgie
périoesophagienne ou oesophagienne peut être à l’origine d’une plaie
oesophagienne parfois méconnue.
Les corps étrangers pointus
déglutis (appareils dentaires) peuvent perforer l’oesophage.
Enfin, certaines lésions oesophagiennes se compliquent de
perforation plus ou moins bouchée, voire plutôt d’une fistulisation :
cancers oesophagiens ou bronchiques, oesophagites
infectieuses, médicamenteuses ou inflammatoires...
Enfin dans certains cas, qu’elle soit provoquée ou spontanée, la
rupture oesophagienne peut être limitée (intramurale), réalisant une
dissection oesophagienne respectant la couche musculaire externe.
La connaissance de circonstances étiopathogéniques facilite
l’établissement du diagnostic.
Inversement, des circonstances
inhabituelles peuvent égarer le diagnostic et favoriser la
méconnaissance de la lésion oesophagienne.
Quel que soit le mode
de présentation, la radiologie doit visualiser les signes indirects et
les signes directs de la communication entre la lumière
oesophagienne et le médiastin ou la plèvre.
Clinique
:
Le tableau caractéristique est représenté par la rupture
oesophagienne spontanée de l’oesophage ou syndrome de
Boerhaave.
L’anamnèse permet de retrouver les circonstances de l’épisode aigu.
La douleur, signe d’alarme important, apparaît brutalement après plusieurs efforts de vomissements.
Elle est très intense, continue, à
type de brûlure ou de déchirure, localisée à la base thoracique
gauche ou rétrosternale.
Des irradiations épigastriques ou dorsales,
voire des cervicalgies, sont possibles.
La déglutition exacerbe la
douleur (odynophagie), ce qui cause une fausse hypersialorrhée.
À
l’inverse, une polydipsie pour l’eau froide est parfois notée, signe
rare mais spécifique.
Le patient est très anxieux et dyspnéique.
L’infiltration aérienne rétropharyngienne peut être à l’origine d’une
voie nasonnée.
L’examen physique recherche un emphysème sous-cutané, des
signes thoraciques et des signes abdominaux.
L’emphysème souscutané
cervical est inconstant et tardif, donnant une
crépitation neigeuse caractéristique à la palpation.
Lorsqu’il est
minime, il n’est retrouvé qu’à la palpation minutieuse des creux susclaviculaires
et de l’espace situé en arrière de la fourchette sternale.
Il existe dans 60 % des cas et apparaît généralement dans les 6
heures qui suivent la perforation.
La classique triade de Mackler :
vomissements, douleurs thoraciques et emphysème sous-cutané est
rarement complète d’emblée.
Les signes thoraciques sont dominés
par un épanchement pleural liquidien ou aérique, notamment à
gauche.
Le signe d’Hamman ou mediastinal crunch
comparable à un frottement péricardique correspond à un
emphysème médiastinal. Les signes abdominaux sont isolés ou
associés aux précédents : défense ou contracture épigastrique.
La
triade de Barrett associe : défense des hypocondres, dyspnée et
emphysème sous-cutané.
Des signes généraux peuvent être associés, voire dominer la
présentation clinique : collapsus cardiovasculaire avec état syncopal,
choc septique ou même détresse respiratoire avec polypnée, cyanose
et encombrement bronchique.
Les diagnostics différentiels cliniques sont multiples : infarctus du
myocarde, embolie pulmonaire, ulcère perforé, pancréatite ou
fissuration d’un anévrisme de l’aorte thoracique...
Les perforations oesophagiennes peuvent prendre un aspect clinique
identique, avec néanmoins quelques variantes car la perforation peut
siéger sur tous les segments oesophagiens.
Ainsi, les perforations
hautes causent plus facilement un emphysème sous-cutané cervical.
De plus, l’anamnèse est primordiale, car elle précise et détermine
l’acte traumatisant qui a précédé l’apparition des signes cliniques.
Lorsque le diagnostic est retardé, quelle que soit la cause initiale,
les signes cliniques sont constitués par un tableau septique de médiastinite avec ou sans pleurésie purulente.
Traitement
:
La perforation ou la rupture de l’oesophage est la plus grave des
perforations digestives, c’est une urgence chirurgicale.
La
réanimation comprend, sous antibiothérapie, la mise au repos de
l’oesophage et le drainage des épanchements pleuraux.
Le traitement
chirurgical associe suture primitive de la brèche oesophagienne et
large drainage du médiastin.
Spontanément, la mortalité atteint 65 %
dans les 24 heures et 90 % dans les 48 heures.
Si le geste
chirurgical est précoce, c’est-à-dire dans les 24 heures qui suivent la
perforation, la mortalité est réduite à 36 %.
Le retard du traitement
spécifique accroît la mortalité et majore les complications
postopératoires en les multipliant par deux.
Imagerie médicale
:
Trois groupes de techniques radiologiques peuvent être envisagés :
radiographies sans préparation, scanner et opacification
oesophagienne.
Désormais, le scanner est devenu l’examen essentiel
et prédominant.
A - RADIOGRAPHIES SANS PRÉPARATION
:
Elles comprennent les clichés du thorax de face et de profil, le cliché
de profil du cou et la radiographie de l’abdomen sans préparation
debout et couché.
Réalisées systématiquement à l’admission, les radiographies du
thorax peuvent d’emblée suggérer le diagnostic.
Elles sont
également utiles pour la surveillance postopératoire.
La rupture ou la perforation oesophagienne met en communication
la lumière oesophagienne contenant de l’air et des espaces de densité
tissulaire : le médiastin, les tissus sous-cutanés et des cavités
virtuelles, plèvre et péricarde.
La présence anormale d’air dans
ces espaces est recherchée sur les clichés sans préparation : pneumomédiastin, emphysème sous-cutané, pneumothorax et
pneumopéricarde.
Le pneumomédiastin est d’expression radiologique variable en
fonction des structures qui vont être silhouettées par l’air.
Ce sont les gros vaisseaux médiastinaux qui sont surtout visualisés,
notamment l’aorte thoracique et ses branches cervicales, soit
l’artère pulmonaire et la veine cave supérieure.
Dans le tissu médiastinal, l’air se répartit d’une manière fibrillaire ou feuilletée
avec des lignes longitudinales verticales radiotransparentes.
Ces clartés linéaires peuvent s’étendre dans la région cervicale.
L’air médiastinal peut dessiner le reliquat thymique avec une image en «
voile de bateau ».
Les structures contenant de l’air, trachée et
bronches, ont une paroi bien visible en raison de l’air qui les délimite
à l’extérieur.
Au voisinage du diaphragme gauche, le signe de Nacleiro représente l’air compris entre le bord gauche de
l’oesophage en dedans et la coupole diaphragmatique gauche en
dehors.
Le signe du diaphragme continu est constitué par
la présence d’air entre le péricarde et le diaphragme.
L’air peut
également délimiter le coeur sur sa paroi postérieure et sur sa face
antérieure en arrière du sternum.
Le pneumopéricarde est rare dans
les lésions oesophagiennes et se manifeste par de l’air qui visualise
les contours cardiaques.
Au niveau pleural, l’épanchement est
souvent mixte aérien et liquidien ; il est fréquent, décelé chez
80 à 90 % des patients.
Dans deux tiers des cas, il siège à gauche et il
est bilatéral dans 70 % des cas.
À l’inverse, la présence d’air dans la
cavité péricardique est exceptionnelle.
Les contours cardiaques sont
soulignés par un fin liseré aérique sur la radiographie de face.
Le pneumomédiastin peut diffuser dans les espaces sous-cutanés et
donner naissance à un emphysème sous-cutané.
Ce sont
des bandes et des clartés radiotransparentes souvent fibrillaires dans
les muscles de la paroi thoracique.
Sur l’incidence de profil du cou,
le pneumomédiastin peut être décelé par l’existence d’une clarté
longitudinale rétropharyngée appelée signe de Minnegerode.
En cas de diagnostic tardif, des signes de médiastinite apparaissent
avec un élargissement de celui-ci dont les contours sont flous.
Des
clartés médiastinales anormales peuvent correspondre à une
médiastinite abcédée.
Les poumons peuvent présenter des
opacités alvéolaires, voire des images d’abcès.
Un épanchement
pleural cloisonné est également possible.
Lorsque la perforation concerne l’oesophage abdominal, un
pneumopéritoine peut remplacer le pneumomédiastin.
Il est
exceptionnel que l’air diffuse dans l’espace rétropéritonéal.
B - SCANNER THORACIQUE
:
De plus en plus, maintenant, devant un drame thoracique
hyperalgique non cardiaque, c’est le scanner thoracique qui est
réalisé.
Les suspicions d’embolie pulmonaire permettent désormais
les découvertes précoces de perforations oesophagiennes.
Techniquement, l’examen est effectué en mode spiralé sans contraste
puis, ensuite, une seconde hélice après injection de produit de
contraste au temps artérioveineux est effectuée.
La première hélice a
habituellement une épaisseur de 8 à 10mmavec des reconstructions
pulmonaires.
Pour l’injection avec contraste, la quantité est comprise entre 120-180 mL.
Le débit est de 3 mL/s, avec un délai de 25 à
90 secondes en fonction de la suspicion clinique.
Des coupes fines
sont réalisées, de 3 à 5mm, avec reconstruction chevauchée
(1,5-3 mm).
Le pitch varie entre 1,25 et 2,0.
Les signes de pneumomédiastin doivent être recherchés avec des
fenêtres adaptées (type pulmonaire).
Le scanner est beaucoup
plus sensible que la radiographie du thorax pour déceler de petites
clartés aériques médiastinales.
Celles-ci entourent les vaisseaux et
les viscères médiastinaux.
La graisse médiastinale apparaît
hétérogène et floue également.
D’autres signes associés sont
possibles : épanchements pleuraux liquidiens et/ou hydroaériques
, lésions parenchymateuses, emphysème sous-cutané et
pneumopéricarde.
L’examen peut être complété par l’administration
orale d’un contraste iodé hydrosoluble de faible osmolarité.
Ce
produit de contraste peut identifier le site de la perforation, mais
celui-ci n’est pas toujours visualisé.
Souvent, on constate du contraste dans le médiastin ou dans la plèvre.
Des modifications
positionnelles en décubitus latéral ou procubitus peuvent faciliter le
passage de contraste dans le médiastin.
Il est possible également
maintenant de réaliser une endoscopie oesophagienne virtuelle.
La tomodensitométrie permet également d’identifier une
anomalie oesophagienne comme une hernie hiatale.
En dehors de la phase initiale, le scanner thoracique est également
réalisé au cours de l’évolution postopératoire.
L’absorption de
produit de contraste permet d’affirmer l’étanchéité de la lumière
oesophagienne.
Les collections pleurales ou médiastinales peuvent
être traitées par drainage percutané sous contrôle scanographique.
C - TRANSIT OESOPHAGIEN
:
Il peut également être effectué pour affirmer le diagnostic et préciser
l’importance et la topographie des lésions.
Il est réalisé en première
intention, lorsque la perforation est suspectée avec un acte
instrumental (endoscopie) ou lorsque l’état clinique du patient est
peu alarmant.
Dans le cas contraire, il est effectué en complément
du scanner.
Sur le plan technique, différents produits de contraste peuvent être
discutés : produits iodés hypertoniques, produits iodés de faible osmolarité et sulfate de baryum.
Les produits iodés
hypertoniques (Gastrografine) entraînent une réaction oedémateuse
aiguë de la muqueuse bronchique en cas de fausses routes ou de
fistules oesobronchiques, il est donc préférable d’employer des
produits de faible osmolarité.
Nous avons l’habitude d’utiliser de
l’ioxaglate (Hexabrix) dilué à 50 % pour opacifier l’oesophage.
Si
cette étude est négative, nous la complétons par une opacification
avec du sulfate de baryum (Micropaquet dilué à 50 %).
L’examen est positif lorsqu’une partie du produit de contraste se
localise en dehors des contours de l’oesophage.
Le produit
de contraste peut rester localisé au contact du bord oesophagien,
doubler la lumière oesophagienne ou opacifier une cavité médiastinale ou pleurale, voire péricardique.
Un chenal plus ou
moins large peut relier transversalement ou longitudinalement la
lumière oesophagienne.
Parfois, l’opacification extraoesophagienne est massive, gênant la
visualisation de la zone de communication.
La communication entre
l’oesophage et l’arbre bronchique est exceptionnelle, en dehors des
perforations oesophagiennes sur cancer oesophagien et dans la
majorité des cas, l’opacification bronchique est secondaire à une
inhalation.
Dans certains cas, aucune extravasation de produit de
contraste n’apparaît, mais l’oesophage est pathologique avec des
lésions ulcéreuses profondes.
Enfin, dans quelques cas, le transit
oesophagien est négatif.
Il peut s’agir d’erreurs techniques (quantité
de contraste insuffisante ou dilution trop importante), d’une rupture
ou d’une perforation de petite taille avec oedème oesophagien
obstruant l’orifice de communication, enfin d’un examen tardif avec déjà colmatage de la plaie oesophagienne.
C’est pour ces raisons
qu’une étude complémentaire avec du sulfate de baryum est
nécessaire.
Dans ces cas, si la suspicion clinique est forte, la
tomodensitométrie est indiquée pour étudier le retentissement médiastinal qui conditionne l’attitude thérapeutique.
Par ailleurs, le transit oesophagien opaque fournit des
renseignements sur la cause de la perforation en déterminant sa
topographie et la morphologie de l’oesophage périlésionnel :
topographie haute dans les perforations au cours d’une anesthésie,
topographie basse au niveau d’un cardiospasme, perforation
au sein d’une sténose bénigne ou tumorale maligne,
enfin perforation sur corps étranger.
L’aspect de l’oesophage
après évolution favorable peut également être contrôlé
radiologiquement.
Formes cliniques
:
En dehors de la forme typique du syndrome de Boerhaave, il existe
d’autres formes cliniques de rupture de l’oesophage plus ou moins
complètes au sein de la paroi oesophagienne, ce sont les perforations
de l’oesophage cervical, les perforations de l’oesophage thoracique,
les perforations de l’oesophage abdominal, les traumatismes par
corps étrangers et le syndrome de Mallory-Weiss.
A - PERFORATIONS DE L’OESOPHAGE CERVICAL
:
La plupart des perforations endoscopiques et lors des intubations
trachéales siègent sur l’oesophage cervical, notamment sur la paroi
postérieure, près de la zone cricopharyngienne.
Cette région est
sensible en raison de la compression de l’oesophage contre le rachis cervical.
L’existence d’un diverticule de Zencker, d’une hyperlordose
cervicale ou d’ostéophytes cervicaux favorisent de tels accidents.
La
perforation peut siéger au sein d’un sinus piriforme.
Souvent, la
perforation n’est pas évoquée au moment de l’examen.
Quelques
heures plus tard, le patient présente une dysphagie, une douleur
cervicale, voire de la fièvre.
L’examen clinique peut retrouver un
emphysème sous-cutané.
En cas de méconnaissance de l’accident,
un abcès rétropharyngien peut s’installer progressivement et
s’exprimer à distance.
Le traitement de ces perforations de
l’oesophage cervical relève, en dehors de larges déchirures
oesophagiennes, des thérapeutiques conservatrices médicales :
antibiothérapie, alimentation parentérale.
Il s’agit néanmoins d’un
accident sérieux puisque la mortalité totale est un peu inférieure à
15 %.
Ce chiffre est bien sûr nettement meilleur que celui des autres
perforations oesophagiennes.
Les signes radiologiques sont dominés par l’emphysème souscutané
qui se révèle par des clartés gazeuses délimitant les plans
musculaires du cou et de la partie supérieure du thorax, associé
souvent à un pneumomédiastin.
Sur les clichés de profil du cou,
l’espace prévertébral est élargi et contient des clartés gazeuses (signe
de Minnegerode).
Parfois, un abcès peut être suspecté devant
un niveau hydroaérique prévertébral.
La trachée est déviée en avant.
L’opacification contrastée aux hydrosolubles n’est qu’inconstamment
positive lorsque la perforation est petite.
Le passage du contraste de
l’hypopharynx à l’oesophage est rapide et des clichés en série
doivent être exposés rapidement.
En cas d’examen négatif,
l’opacification au sulfate de baryum peut identifier et topographier
la fuite.
Cinquante pour cent des perforations cervicales sont
méconnues par les produits hydrosolubles.
Contrairement aux
perforations de l’oesophage thoracique, le scanner est peu bénéfique
pour la localisation cervicale en dehors des complications abcédées.
B - PERFORATIONS DE L’OESOPHAGE THORACIQUE
:
Les perforations oesophagiennes siègent habituellement près de la
jonction oesogastrique, plus rarement au niveau des compressions
extrinsèques aortiques ou bronchiques.
Des perforations peuvent
également être localisées au-dessus ou au sein des sténoses,
notamment en cas d’actes d’endoscopie interventionnelle
(dilatation).
Enfin la perforation peut survenir au cours d’une
chirurgie oesophagienne.
Au niveau thoracique, les signes cliniques sont souvent parlants :
douleurs thoraciques intenses, emphysème sous-cutané,
vomissements.
La douleur peut irradier dans l’épaule ou l’épigastre
et égarer le diagnostic à l’origine parfois d’un retard diagnostique et
thérapeutique (chirurgie) très préjudiciable au malade.
Les anomalies radiologiques sont fréquentes notamment sur les
radiographies du thorax qui sont anormales neuf fois sur dix.
Ces
anomalies comprennent un élargissement du médiastin, un pneumomédiastin et des épanchements pleuraux liquidiens ou
hydroaériques.
L’opacification de l’oesophage aux produits
hydrosolubles non ioniques met fréquemment en évidence
l’extravasation de produit de contraste, notamment au voisinage de
la jonction oesogastrique en direction du médiastin ou de la plèvre.
Comme 15 à 25 % des perforations thoraciques sont
méconnues par les produits hydrosolubles, il est indispensable de
compléter un examen apparemment négatif par une opacification
barytée.
Lorsque l’état clinique du patient est précaire ou lorsqu’il
existe des doutes diagnostiques, il est préférable de remplacer
l’opacification oesophagienne par un scanner thoracique.
Cet examen
peut être réalisé au cours ou après opacification oesophagienne.
Le
scanner décèle facilement les clartés médiastinales anormales d’un
pneumomédiastin, les épanchements et les collections médiastinales
et pleurales.
C - PERFORATION DE L’OESOPHAGE ABDOMINAL
:
Ces perforations sont relativement rares. Les signes thoraciques sont
souvent moins nets, voire absents.
Le tableau clinique est plutôt
abdominal surtout s’il existe un pneumopéritoine.
La perforation
peut également s’effectuer en direction de l’arrière-cavité des
épiploons.
Enfin, la perforation peut survenir dans une
hernie hiatale. Le sac herniaire limite la diffusion de l’infection.
Le
diagnostic de ces perforations est souvent difficile au transit
oesophagien car le contraste passe rapidement de l’oesophage distal
dans l’estomac et il est difficile de bien distendre toute la poche à
air.
Le scanner est l’examen de choix pour déceler ces perforations
qui sont généralement limitées.
D - TRAUMATISMES OESOPHAGIENS PAR CORPS
ÉTRANGERS :
Dans 80 % des cas, les corps étrangers oesophagiens ou
hypopharyngiens concernent les enfants.
Il s’agit de pièces ou de
jouets.
Chez l’adulte, la plupart des corps étrangers qui traumatisent
l’oesophage sont alimentaires : arêtes, os de volaille et autres
aliments très durs. Plus exceptionnellement, ce sont des prothèses
dentaires.
Les os de volaille et les arêtes se logent habituellement à
la jonction pharyngo-oesophagienne.
Mais certains aliments peuvent
se bloquer sur l’oesophage distal au niveau de la jonction
oesogastrique ou au sein d’une sténose ou d’un anneau.
Dans 80 à
90 % des cas, ces aliments passent dans l’estomac et sont
spontanément éliminés. Seulement 15 à 20 % des corps étrangers
alimentaires nécessitent un acte thérapeutique spécifique.
Cliniquement, le patient se plaint de dysphagie haute ou de
sensation de corps étrangers dans la gorge.
Les corps étrangers
bloqués sur l’oesophage distal se manifestent par une douleur
thoracique brutale suivie d’aphagie avec sensation de « boule »
épigastrique.
Seulement 1 % des corps étrangers se compliquent de
perforation.
Radiologiquement, les corps étrangers sont recherchés surtout sur
les radiographies de face et de profil du cou.
Il est difficile de
différencier les os et les arêtes des calcifications des cartilages cricoïdien ou aryténoïde.
Les opacifications pharyngooesophagiennes,
réalisées avec des produits hydrosolubles puis du
sulfate de baryum, visualisent rarement les impactions d’arêtes ou
d’os de volaille dans l’oesophage cervical.
En revanche, sur
l’oesophage distal, au voisinage d’une sténose ou de la
jonction oesogastrique, la colonne opaque s’arrête brutalement audessus
du corps étranger.
L’obstruction peut être totale ou partielle.
Le corps étranger peut siéger dans un diverticule. Pour
réduire le blocage par corps étranger, il est possible de provoquer
un relâchement du sphincter inférieur de l’oesophage en injectant
du glucagon en intraveineux.
L’administration de comprimés
effervescents peut également aider au passage du corps étranger en
accroissant brutalement la pression intraoesophagienne.
Il est
recommandé d’éviter cette distension brutale par comprimés
effervescents si le blocage dure depuis plus de 24 heures.
Dans ce
cas, un risque de perforation est possible.
E - SYNDROME DE MALLORY-WEISS
:
Le syndrome de Mallory-Weiss est une lacération longitudinale
linéaire de la muqueuse oesophagienne au voisinage du cardia.
Cette
lésion survient à la suite de vomissements répétés et importants et
se manifeste souvent par une hématémèse.
On intègre dans ce
syndrome toutes les lésions identiques ou voisines d’autres
étiologies : toux intense, répétée, efforts de poussée aux toilettes,
traumatisme épigastrique, vomissements après prise d’alcool, corps
étrangers contondants, voire endoscopie traumatique...
C’est la cause de 5 à 10% des hématémèses. Elle est parfois massive
et la mortalité atteint 3 %.
Le traitement est habituellement médical.
Dans 95 % des cas, le diagnostic est endoscopique.
Le transit
oesogastrique en double contraste peut les mettre en évidence sous
la forme d’ulcérations superficielles longitudinales linéaires de 1 à
4 cm de longueur.
Ces ulcères peuvent s’étendre sur le
cardia, mais ils siègent habituellement sur l’oesophage distal. Ils
ressemblent à des ulcères d’oesophagite peptique.
Ils sont parfois
associés à une hernie hiatale.
Conclusion
:
Au cours des dernières années, la plus grande disponibilité des scanners
et l’accroissement de la rapidité des examens grâce au mode hélicoïdal
ont favorisé l’emploi en urgence du scanner pour tous les tableaux
aigus thoraciques ou abdominaux.
L’approche des lésions traumatiques
aiguës de l’oesophage a ainsi été modifiée.
La plupart des ruptures de
l’oesophage sont désormais diagnostiquées au scanner.
Le scanner est en
effet très sensible pour déceler le signe essentiel des perforations
oesophagiennes à savoir le pneumomédiastin.
Le scanner élimine
facilement la plupart des diagnostics différentiels, en dehors de
l’infarctus du myocarde, que sont l’embolie pulmonaire, la dissection
aortique, la péricardite, la pneumopathie, l’épanchement pleural.
Le scanner rend également possibles les gestes de radiologie interventionnelle.
L’opacification oesophagienne peut être réalisée au
cours du scanner, mais elle reste identique lorsque le scanner est négatif
ou lorsque la suspicion clinique est forte (examen endoscopique) et
lorsque l’état clinique est peu alarmant.