Les explorations radio-isotopiques dans le domaine de la cardiologie
sont aujourd’hui de pratique quotidienne.
Elles sont très largement
dominées par les études de perfusion et de viabilité myocardique
ayant trait à la pathologie coronaire.
Les radiopharmaceutiques
utilisés comme le thallium 201 (201Tl) ou les traceurs technétiés
comme le sestamibi (Cardiolite) ou la tétrofosmine (Myoview)
sont des traceurs de flux et de viabilité.
Les principales indications
sont le dépistage de l’ischémie myocardique, la recherche d’une resténose après reperméabilisation et la recherche de viabilité ou
d’ischémie résiduelle après infarctus avant d’envisager un geste de
revascularisation.
Aujourd’hui, la scintigraphie myocardique de
perfusion connaît un regain d’intérêt supplémentaire grâce à la
synchronisation à l’électrocardiogramme (ECG) qui permet le calcul
de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), l’appréciation
de l’épaississement systolique et la cinétique segmentaire. Ces
paramètres, corrélés à l’aspect perfusionnel, font partie des valeurs
pronostiques.
D’autres explorations restent de pratique courante, comme
l’angioscintigraphie cavitaire aux globules rouges marqués pour le
calcul de la fraction d’éjection et l’analyse de la cinétique
segmentaire grâce aux images de phase et d’amplitude.
Ses
indications ont diminué depuis le développement de la
tomoscintigraphie synchronisée qui permet le calcul de la FEVG ;
elles se limitent au calcul de la fraction d’éjection au cours des
chimiothérapies cardiotoxiques et dans le domaine de la
rythmologie.
Enfin, il existe d’autres examens plus rarement pratiqués comme la
scintigraphie à la méta-iodo-benzylguanidine (MIBG) permettant
d’apprécier l’innervation sympathique dans des cardiopathies
évoluées dans le cadre d’un bilan prégreffe.
D’autres molécules comme les acides gras marqués ou les anticorps antimyosines par exemple ont fait l’objet de quelques publications
scientifiques ; leur utilisation en pratique courante n’est pas à l’ordre
du jour.
Scintigraphie myocardique
de perfusion et pathologie coronaire
:
Le principe de l’examen consiste à administrer une molécule
radioactive à tropisme cardiaque par voie intraveineuse au décours
d’un test de stimulation afin d’apprécier le reflet de la perfusion du
myocarde en situation de stress, puis éventuellement au repos.
A - ASPECTS TECHNIQUES
:
1- Choix du test de stimulation
:
Le test de stimulation représente le premier temps de l’examen.
Il
doit être rigoureux pour permettre une interprétation optimale des
images scintigraphiques qui lui succèdent.
Il doit être réalisé et
interprété par un cardiologue.
L’épreuve d’effort est le test de stimulation à retenir chaque fois que
possible.
Il s’agit d’une stimulation physiologique qui permet
d’obtenir des signes électriques interprétables et parfois de
reproduire la symptomatologie angineuse ou dyspnéique.
Elle est
réalisée sur bicyclette ergométrique ou, plus rarement en France, sur
tapis roulant.
Pour être valide, l’épreuve d’effort doit atteindre au
moins 85 % de la fréquence maximale théorique (FMT).
L’injection de dipyridamole (Persantine) représente une stimulation
pharmacologique basée sur la vasodilatation artériolaire.
Celle-ci
s’avère supérieure en aval d’une artère perméable à celle d’une artère sténosée, entraînant un phénomène de vol vasculaire aux
dépens du territoire ischémique. Le protocole consiste à administrer
une dose de 0,56 mg/kg en 4 minutes.
L’injection du traceur
radioactif a lieu à l’issue de 3 minutes supplémentaires.
Un autre
protocole comprenant l’injection de 0,84 mg/kg a été décrit ; les
effets indésirables (céphalées, hypotension artérielle) sont plus
importants, sans efficacité supplémentaire prouvée.
Le dipyridamole comprend les mêmes contre-indications
cardiologiques que l’épreuve d’effort et une contre-indication
propre : l’asthme.
L’administration de café, de thé ou de chocolat est
déconseillée le jour de l’examen car ils risquent de rendre le produit
inefficace.
L’efficacité du dipyridamole en tant que test de
stimulation scintigraphique a été parfaitement documentée.
Elle n’est pas physiologique et n’entraîne que rarement des signes
cliniques ou électriques.
Néanmoins, le dipyridamole est réservé aux
situations où l’épreuve d’effort est impossible ou quand
l’accélération de la fréquence cardiaque n’est pas souhaitable en
raison d’artefacts scintigraphiques induits comme dans les blocs de
branche gauche (BBG).
Lorsque l’épreuve d’effort est possible mais
s’il est prévisible que le patient n’atteigne pas au moins 85 % de la FMT (patient fatigué, arthropathie invalidante, prise de
bêtabloquants), il est alors conseillé de réaliser une stimulation
mixte par injection de dipyridamole suivie d’une épreuve d’effort
poussée au maximum des possibilités du patient.
Cette technique
diminue les effets secondaires du dipyridamole et entraîne une
« redistribution » du flux sanguin des organes périphériques vers
les organes centraux comme le coeur, ce qui permet d’obtenir des
images de meilleure qualité.
Elle permet de surcroît l’obtention d’un
tracé électrique parfois contributif.
L’injection de dobutamine représente une alternative rare à une
épreuve d’effort impossible et un asthme contre-indiquant l’usage
du dipyridamole.
Le protocole consiste à atteindre au moins 85 %
de la FMT.
L’injection commence à la dose de 5 µg/kg/min pendant
3 minutes puis 10, 20, 30, voire 40 µg/kg/min par paliers de
3 minutes.
Il est souvent proposé d’injecter une dose de 0,5 à 1 mg
en intraveineuse d’atropine en fin d’épreuve afin de ne pas utiliser
une trop grande dose de dobutamine dont les effets indésirables sont
importants.
L’adénosine est un vasodilatateur direct.
Le protocole consiste en
l’administration de 140 µg/kg/min d’adénosine pendant 6 minutes.
Les contre-indications et les précautions d’emploi sont les mêmes
que pour le dipyridamole.
L’adénosine est disponible en France
depuis l’année 2000, mais son usage est pour l’instant réservé aux
hôpitaux.
2- Choix du radiopharmaceutique
:
*
Thallium
:
Le 201Tl, commercialisé dès le milieu des années 1970, est le radiopharmaceutique qui a bénéficié du plus grand nombre d’études
en termes d’ischémie et de viabilité myocardiques.
Sa structure
moléculaire est proche de celle du potassium. Le 201Tl est un radioisotope
artificiel produit par un cyclotron ; chaque dose est
commandée pour le jour de l’examen.
Le 201Tl émet plusieurs rayonnements X et gamma dont les
principaux sont représentés par des pics d’énergie de 69 et 80 keV.
La demi-vie de l’isotope est de 73 heures.
Une fois injecté, le 201Tl pénètre à l’intérieur des cellules
myocardiques par transport actif en utilisant les pompes
sodium/potassium.
Le coefficient d’extraction à l’état basal ou après
accélération de la fréquence cardiaque est de 87 %.
Le 201Tl ne
reste pas dans les cellules ; il se produit un échange permanent entre
les milieux intra- et extracellulaire apparaissant dès la 20e minute
après l’injection (phénomène de redistribution).
Cette
caractéristique impose le passage immédiat sous la caméra dès la
fin de l’épreuve d’effort pour apprécier le reflet de la perfusion
myocardique de l’effort.
La dose absorbée avec le thallium en
utilisant 160 MBq (4 mCi) est de 35 mSv.
* Traceurs technétiés
:
Les traceurs technétiés sont apparus secondairement sur le marché
dans le début des années 1990. Deux molécules sont disponibles en
France : le sestamibi (Cardiolite) et la tétrofosmine (Myoview).
Ces
molécules non radioactives sont marquées le jour de l’examen avec
du technétium (Tc), 99mTc, en permanence disponible dans un
service de médecine nucléaire.
Le traceur injecté par voie
intraveineuse se fixe sur les mitochondries des cellules
myocardiques.
Le pic d’émission est de 140 keV, ce qui réduit les
phénomènes d’atténuation tissulaire.
Ce pic d’énergie, plus élevé
que celui du 201Tl, est de surcroît mieux adapté aux caractéristiques
des gamma caméras.
La dose absorbée après injection de 1 200 MBq
(30 mCi) est de 9 mSv, soit quatre fois inférieure à celle du 201Tl.
Fait
important, il n’existe pas de phénomène de redistribution après
injection des radiopharmaceutiques technétiés, ce qui permet la réalisation de
l’examen de manière différée (30 à 45 minutes) à l’épreuve
d’effort.
3- Protocoles d’examen
:
Il existe de très nombreux protocoles d’examen décrits dans la
littérature.
Ils présentent des avantages plus pratiques que cliniques.
Il est classique de débuter par l’imagerie de stress, puis l’imagerie
de repos seulement en cas d’anomalie.
Certains préfèrent débuter
par une imagerie de repos : traceurs technétiés ou thallium, avec
une imagerie de stress réalisée dans tous les cas avec un traceur
technétié (deux séries d’images obligatoires avec ces protocoles).
Le choix du ou des traceurs est lié à l’expérience du médecin
nucléaire, mais aussi à son type de recrutement.
En effet, il est
aujourd’hui habituel de préférer les traceurs technétiés pour le
diagnostic primaire de maladie coronarienne car il existe moins
d’artefacts, car moins d’atténuation avec ces traceurs, alors que le
thallium est plus volontiers utilisé en tant que traceur de viabilité
chez les patients ayant présenté un infarctus.
Ces notions très
classiques sont aujourd’hui remises en question dans des
publications récentes démontrant l’intérêt des traceurs technétiés
dans la viabilité myocardique.
Les acquisitions des images par la caméra sont réalisées en France
en mode tomographique (single photon emission computed
tomography [SPECT]), puis reconstruites et présentées sous forme de coupes par
un traitement informatique.
Le patient
est placé en décubitus dorsal ou ventral ; cette dernière
position permet de diminuer les artefacts observées sur la paroi
inférieure et améliore ainsi la spécificité de l’examen.
Le patient
doit rester immobile pendant une durée de 10 à 20 minutes en
fonction du type de caméra utilisé.
4- Gated SPECT
:
L’acquisition des images peut être réalisée de manière synchronisée
à l’ECG (méthode du gating).
Le cycle est enregistré à partir des
ondes R et divisé en 8 ou 16 segments.
Un certain nombre de cycles sont enregistrés sur une durée de 40 à 60 secondes par image.
L’ordinateur détermine automatiquement les volumes diastolique et
systolique, et surtout calcule la FEVG.
L’ordinateur permet
également d’apprécier l’épaississement systolique, ce qui dans
certains cas, facilite l’interprétation des défauts perfusionnels non
réversibles et fait ainsi la distinction entre infarctus (diminution de
l’épaississement systolique) et artefact (épaississement normal).
Enfin, la modélisation des contours ventriculaires, appréciable à
chaque moment du cycle, donne la possibilité de visualiser sur
l’écran la cinétique ventriculaire mettant en évidence des zones
hypo- ou akinétiques.
Plusieurs logiciels permettant l’exploitation des données ont été
proposés.
Le protocole du Cedars Sinaï a été parfaitement validé et
les valeurs de FEVG parfaitement corrélées à celles des autres
techniques d’imagerie.
Les traceurs technétiés ainsi que le thallium ont été utilisés.
Il existe
une supériorité des traceurs technétiés sur le thallium en raison
d’une meilleure qualité des images obtenues ainsi que d’une plus
grande fiabilité et reproductibilité des valeurs de FEVG calculées.
5- Aspect pratique
:
Quels que soient les protocoles utilisés, certaines recommandations
au patient permettent un déroulement optimal de l’examen.
Ces
recommandations sont généralement fournies lors de la prise de
rendez-vous.
– Il est inutile et même déconseillé d’être à jeun car une épreuve
d’effort va être réalisée.
Le jeûne de quelques heures peut être
conseillé uniquement dans la recherche de viabilité où aucun test
d’effort n’est pratiqué.
– Une tenue adaptée (jogging) est conseillée pour permettre une
épreuve d’effort dans des conditions optimales.
– Il convient de ne prendre ni thé, ni café, ni chocolat le matin de
l’examen.
En effet, ils risquent de rendre inefficace le dypiridamole
éventuellement administré.
– Le patient doit être prévenu que l’examen peut s’étendre sur une
demi-journée (6 heures maximum) même s’il existe des intervalles
libres entre les deux parties de l’examen.
Les contre-indications de l’examen sont celles de l’épreuve d’effort.
L’injection de
Persantine n’est pas une alternative à une contreindication
cardiologique de l’épreuve d’effort.
L’épaule gauche
bloquée ou peu mobilisable peut être un obstacle à la réalisation de
l’examen dans de bonnes conditions (en décubitus dorsal, le bras
gauche est placé au-dessus de l’épaule ; en décubitus ventral, les
deux bras sont en extension).
B - ASPECTS CLINIQUES
:
1- Aspects sémiologiques habituels
:
Lorsque la perfusion est normale après le test de stimulation, il
n’existe pas de sténose coronarienne significative pour entraîner une
ischémie.
Une étude au repos est dans ce cas inutile.
Lorsqu’il existe un défaut perfusionnel, une seconde série d’images
réalisées au repos est nécessaire. Si le défaut se corrige au repos, il
existe une sténose significative entraînant une ischémie réversible.
Si le défaut ne se corrige pas, il s’agit classiquement d’un
infarctus (le traceur ne peut se fixer sur du tissu nécrosé) ou
plus rarement d’une sténose hyperserrée d’installation lente ayant
conduit à une hibernation sous-jacente ou encore d’un artefact.
Ces
deux derniers points sont développés ultérieurement.
2- Pièges et artefacts
:
La présence de zones d’hypoperfusion inférieure a longtemps été
considérée comme le tendon d’Achille de la scintigraphie, diminuant
ses valeurs de spécificité dans les premières publications.
Cet
artefact peut être maîtrisé par le positionnement du patient en
décubitus ventral et l’utilisation de traceurs technétiés.
La
présence de zones d’hypoperfusion antérieure et apicale chez la
femme peut être liée à une atténuation mammaire.
L’utilisation des traceurs technétiés et du gated SPECT permet de
limiter ces artefacts.
La présence d’un BBG entraîne des hypofixations antérieure et
septale, réversibles ou non.
L’utilisation de
Persantine
comme test de stimulation préalable en réduit l’importance.
L’interprétation de la scintigraphie en cas de défauts sur ce territoire
doit être extrêmement prudente.
L’existence d’un stimulateur cardiaque peut entraîner des défauts perfusionnels inférieurs.
L’interprétation de défauts sur ce
territoire doit être prudente chez ces patients.
Des lésions tritronculaires équilibrées peuvent conduire à de fausses
images normales, du fait de la réduction du flux sanguin dans tous
les territoires vasculaires.
Cet aspect contraste généralement avec la forte positivité de l’épreuve d’effort préalable et peut s’accompagner
d’une élévation du rapport de l’activité pulmonaire sur l’activité
cardiaque.
L’« effet reverse » correspond à une détérioration de l’aspect perfusionnel au repos par rapport à l’effort sur un territoire donné.
Cet aspect est habituel au cours des atteintes microcirculatoires de
la sarcoïdose ou de la sclérodermie. Dans la pathologie coronarienne,
il peut correspondre à un artefact ou à une sténose coronarienne,
mais avec développement d’une circulation collatérale de
suppléance.
3- Performances diagnostique et pronostique
:
Si les performances cliniques de la scintigraphie dans le dépistage
de l’ischémie sont bien connues, des études récentes se sont
attachées à étudier la valeur pronostique de la scintigraphie, ce
qui permet dans certains cas d’orienter la démarche
thérapeutique.
* Valeur diagnostique
:
De très nombreuses études ont été réalisées pour évaluer la
sensibilité et la spécificité de la scintigraphie myocardique dans le
dépistage de l’ischémie.
Une méta-analyse reprenant rétrospectivement les résultats
observés sur 1 447 patients a déterminé une sensibilité de 92 % et
une spécificité de 68 %.
Néanmoins, il existait un biais
méthodologique surestimant le nombre de faux positifs, minorant
ainsi la valeur de spécificité.
La spécificité observée avec le thallium
serait en fait autour de 80 %.
De surcroît, plusieurs études ont
montré que si la sensibilité était comparable entre sestamibi et
thallium, la spécificité était supérieure avec le sestamibi (93 % contre
80 % pour le thallium) du fait d’une moindre atténuation tissulaire,
en particulier chez la femme ou le patient obèse.
* Scintigraphie et autres examens diagnostiques
:
L’épreuve d’effort simple est généralement l’examen demandé en
première intention en cas de suspicion de maladie coronaire.
Qu’elle
soit réalisée sur tapis roulant ou bicyclette ergométrique, l’épreuve
d’effort doit permettre d’atteindre au moins 85 % de la FMT pour
être valide.
D’après les résultats d’une méta-analyse, la sensibilité
moyenne du test est de 68 % et sa spécificité moyenne de 77 %, en
prenant comme critère un sous-décalage du segment ST supérieur à
1 mm.
L’échographie de stress repose sur le principe de l’appréciation de
la cinétique ventriculaire gauche au cours de l’accélération de la fréquence cardiaque.
L’accélération est généralement obtenue par
injection de dobutamine.
D’après les résultats d’une métaanalyse
portant sur un total de 2 246 patients, la sensibilité de
l’examen est évaluée à environ 80 %, la spécificité à 84 %.
La
sensibilité dépend néanmoins du nombre de lésions coronaires ; elle
varie de 74 % chez les patients monotronculaires à 92 % chez les
patients tritronculaires.
L’échographie de stress présente
l’inconvénient d’être très opérateur dépendant et peut être limitée
par la faible échogénicité de certains patients.
La coronarographie permet, à partir d’une sonde rétrograde
introduite dans une artère périphérique, d’opacifier directement le
ventricule gauche et les vaisseaux coronaires.
Cette technique
permet de visualiser et de quantifier la ou les sténoses coronariennes.
Au cours du même examen, il est possible de dilater
l’artère sténosée par angioplastie transluminale (ATL) et de déposer
un ressort (stent) sur le site dilaté afin de diminuer le risque de
resténose.
Il s’agit d’un examen invasif demandé d’emblée en phase
aiguë ou en cas d’ischémie documentée.
* Valeur pronostique
:
De nombreuses études se sont penchées sur la valeur pronostique
de la scintigraphie de perfusion.
Il s’agit d’études rétrospectives,
réalisées sur un grand nombre de patients pendant plusieurs années.
Toutes les études, qu’elles aient été réalisées avec du 201Tl ou du sestamibi, montrent que la mortalité coronarienne observée dans
l’année était toujours inférieure à 0,5 % en cas de scintigraphie
myocardique d’effort ou de perfusion normale.
En revanche, ce taux
se situait entre 2 et 3 % en cas d’anormalité.
Une autre étude plus récente, réalisée rétrospectivement sur 6 ans
et sur une population de probabilité intermédiaire de maladie
coronaire, a montré qu’en cas de scintigraphie normale, le taux de
décès coronarien ou d’infarctus du myocarde était égal à celui
observé sur la population générale.
En cas d’anomalie scintigraphique, l’incidence de survenue de tels événements est
corrélée à l’étendue des anomalies perfusionnelles observées au
décours des images poststimulation.
Enfin, cette même étude a
montré que la scintigraphie apporte une valeur pronostique additive
à celle de la clinique et de l’épreuve d’effort simple.
La détermination systématique de la fraction d’éjection ventriculaire
par le gated SPECT, en particulier dans le postinfarctus, procure une
valeur pronostique supplémentaire.
C - APPLICATIONS CLINIQUES
:
La scintigraphie myocardique est schématiquement indiquée dans
trois situations cliniques distinctes.
1- Diagnostic de maladie coronaire
:
Le risque de maladie coronarienne dépend de l’existence d’un angor,
de l’âge et du sexe.
L’existence de facteurs de risque (antécédents
familiaux, tabac, dyslipidémie, diabète, stress, hypertension artérielle
[HTA]) augmente cette probabilité.
Lorsqu’il existe un risque élevé de maladie coronaire, une épreuve
d’effort simple est généralement suffisante.
Si celle-ci est positive,
l’indication de la coronarographie est alors posée.
Si celle-ci est
négative, la scintigraphie permet de vérifier qu’il ne s’agit pas d’un
faux négatif de l’épreuve d’effort.
Lorsqu’il existe un risque faible de maladie coronaire, une épreuve
d’effort simple est également suffisante.
Si celle-ci est positive, la
scintigraphie permet de vérifier qu’il ne s’agit pas d’un faux positif
de l’épreuve d’effort avant d’envisager une coronarographie.
Lorsqu’il existe un risque intermédiaire, la scintigraphie est indiquée
d’emblée, l’indication de la coronarographie étant alors posée en
fonction des résultats de la scintigraphie.
Cette démarche diagnostique, pour être valide, implique la
réalisation d’une épreuve d’effort maximale et interprétable.
Cette
situation « idéale » n’est en pratique pas toujours vérifiée et la
scintigraphie, plus sensible et plus spécifique, est indiquée, en
particulier dans les situations suivantes :
– présence d’un BBG (ECG d’effort ininterprétable) avec un test de
stimulation par injection de Persantine sans épreuve d’effort
associée ;
– présence d’un stimulateur cardiaque ;
– réalisation d’une épreuve d’effort préalable sous-maximale ;
– suspicion de maladie coronarienne chez la femme (difficultés
d’interprétation de l’ECG d’effort) ;
– hypertrophie ventriculaire gauche (nombreux faux positifs de
l’ECG d’effort).
Enfin, il existe des populations particulières pour lesquelles
méconnaître une pathologie coronarienne présente un risque accru
avant un geste chirurgical non urgent.
L’examen est indiqué dans
les chirurgies vasculaires et les chirurgies lourdes lorsqu’il existe
des facteurs de risque ou des antécédents de coronaropathie
connus.
La coronarographie et une revascularisation ne sont
indiquées en préopératoire qu’en cas d’anomalie scintigraphique
patente.
2- Coronarien connu
:
Chez un coronarien connu, la scintigraphie myocardique est
indiquée, soit dans le dépistage systématique d’une resténose
(dilatation ou pontage), soit en cas de réapparition de douleurs
atypiques avant une éventuelle coronarographie.
L’ATL représente une technique de reperméabilisation artérielle non
chirurgicale, nécessitant une hospitalisation de très courte durée.
Sa
principale complication est la fréquence de la resténose dans les
6 premiers mois (pic de resténose entre 3 et 6 mois).
Le diagnostic de resténose peut être avancé par la réapparition de
douleurs thoraciques et la positivité de l’épreuve d’effort.
Cependant, 20 à 35 % des patients qui présentaient des douleurs
thoraciques avant l’intervention deviennent asymptomatiques au
décours de l’ATL en cas de resténose.
Les patients qui
présentaient une ischémie silencieuse avant l’ATL restent
asymptomatiques, même en cas de resténose.
Les performances de
l’ECG d’effort dans cette situation clinique sont décevantes, avec une
sensibilité variant entre 24 et 52 % et une spécificité entre 33 et 88 %
.
À l’opposé, les performances de la scintigraphie dans cette
indication précise restent inchangées : la scintigraphie d’effort garde
une sensibilité de 93 % après resténose contre 52 % pour l’ECG
d’effort seul avec une spécificité également inchangée.
Cette
supériorité se confirme tout particulièrement chez les patients
asymptomatiques, avec une sensibilité de 90 % pour la scintigraphie
d’effort contre 30 % pour l’épreuve d’effort seule.
Les valeurs
prédictives positives et négatives de la scintigraphie d’effort sont
également supérieures à celles de l’épreuve d’effort seule.
Cependant, la scintigraphie d’effort réalisée dans le mois suivant la
dilatation peut montrer des défauts perfusionnels réversibles, sans
resténose coronarographique.
Ce phénomène est fréquent puisqu’il
concerne 55 % des patients dilatés.
Ces défauts se corrigent
progressivement pour disparaître à partir du deuxième mois.
La
valeur prédictive positive apparaît donc mauvaise dans le mois qui
suit la dilatation, ce qui incite à ne pratiquer la scintigraphie qu’à
partir du deuxième mois en cas de suspicion de resténose.
Bien que la scintigraphie d’effort soit reconnue comme l’examen non
invasif le plus performant, sa place n’est cependant pas parfaitement
définie.
Pour certains, elle n’est indiquée qu’en cas de réapparition
de douleurs thoraciques ou d’épreuve d’effort anormale chez des
patients asymptomatiques.
Pour d’autres, elle doit être en
outre systématique à l’issue des 6 premiers mois, afin de dépister
une ischémie silencieuse et établir une valeur pronostique.
Le pontage aortocoronarien est une technique de revascularisation
chirurgicale à partir de greffons artériels ou veineux.
En cas de
dysfonctionnement du pontage, la clinique est, comme dans lessuites d’angioplastie, souvent peu symptomatique et peu
spécifique, en raison de douleurs pariétales postchirurgicales.
L’épreuve d’effort seule présente une sensibilité de 50 % contre 80 %
pour la scintigraphie d’effort, la spécificité restant identique, entre
80 et 90 % pour les deux techniques.
À l’inverse de l’ATL où le risque de resténose est infime après le
sixième mois, le risque de dysfonction du pontage coronarien est
continu et s’observe plus volontiers après plusieurs années.
En cas
d’ischémie documentée, l’attitude thérapeutique consiste souvent en
une réintervention chirurgicale.
La place de la scintigraphie dans
cette indication est discutée au cas par cas, en particulier devant la
réapparition de douleurs thoraciques, afin de documenter une
ischémie, d’éliminer une origine pariétale, ou encore pour explorer
une aggravation d’une dysfonction ventriculaire gauche pour
laquelle on suspecte une origine ischémique.
La scintigraphie, motivée par des douleurs thoraciques atypiques
chez un patient coronarien avec des sténoses intermédiaires non
dilatées ou des lésions très distales non dilatées connues, présente
plusieurs intérêts. Elle permet de documenter une éventuelle
ischémie et d’en préciser son importance.
C’est en fonction de
l’intensité et de l’étendue de l’ischémie qu’une indication de
revascularisation peut être au mieux discutée.
En effet, d’une part, il
est des sténoses coronariennes dont le degré de signification est
difficile à préciser et c’est l’étude de la perfusion qui mesure la
conséquence de la sténose et apprécie son retentissement, d’autre
part, l’importance de la suppléance perfusionnelle de la circulation
collatérale, en particulier dans les sténoses d’installation
lente, est particulièrement bien appréciée par la scintigraphie,
ce qui contribue à évaluer le retentissement réel d’une sténose.
Le bénéfice
d’une revascularisation chirurgicale par rapport à un
renforcement du traitement médical dans cette population n’a été
démontré que chez des patients présentant une ischémie avérée et
étendue.
Enfin, dans
cette population de patients coronariens connus, la
scintigraphie garde sa valeur pronostique et permet ainsi de
stratifier le risque futur.
3- Postinfarctus
:
Dans le postinfarctus, la scintigraphie myocardique est indiquée
pour apprécier l’existence d’ischémie sur d’autres territoires que
celui de la nécrose, ou pour rechercher une viabilité (hibernation)
avant une éventuelle revascularisation.
Au décours immédiat d’un infarctus, il est habituel en France de
réaliser une coronarographie.
En effet, elle présente l’intérêt de
visualiser la ou les sténoses coronariennes, de proposer une
revascularisation sur le territoire de l’infarctus ou sur d’autres
territoires en cas d’atteintes pluritronculaires et aussi d’apprécier la
cinétique segmentaire et la fraction d’éjection.
Cependant, sa
réalisation systématique et la dilatation systématique de l’artère
responsable, au décours immédiat et non en phase aiguë, sont
remises en question par certains, en particulier dans les infarctus
sans onde Q.
En pratique, ce sont 50 à 70 % des patients
hospitalisés pour infarctus qui devraient bénéficier d’une
coronarographie, en retenant comme critères d’inclusion les facteurs
de mauvais pronostic.
* Avant la coronarographie
:
Avant la coronarographie, la scintigraphie de stress (effort dès qu’il
est possible ou Persantine, ou idéalement dans cette situation
adénosine) permet d’apprécier la taille de l’infarctus, mais surtout
l’existence ou non d’une ischémie résiduelle dans le territoire de
l’infarctus.
Elle permet d’apprécier en outre l’existence d’autres
territoires ischémiques pouvant traduire des lésions pluritronculaires
significatives.
Enfin, la détermination aujourd’hui systématique de
la FEVG par la technique du gated SPECT permet une appréciation
pronostique supplémentaire utile à la stratégie thérapeutique.
* Après la coronarographie
:
Lorsqu’une coronarographie est réalisée, la scintigraphie pratiquée
a posteriori est utile dans deux situations distinctes :
– il existe des lésions coronariennes intermédiaires à la
coronarographie n’ayant pas fait l’objet d’une revascularisation : ces
lésions sont-elles cliniquement significatives ?
La scintigraphie est
réalisée afin de rechercher une ischémie dans le territoire incriminé ;
– le patient présente une FEVG basse avec des lésions (généralement
multiples) n’étant accessibles qu’à un pontage aortocoronarien.
Cette
intervention n’est justifiée que si le myocarde en aval de la sténose
est viable, qu’il s’agisse de myocarde viable résiduel sidéré (au
décours de l’infarctus) ou de myocarde hibernant en aval de sténose
serrée ancienne.
Une scintigraphie de repos (sans test de stimulation
préalable) est suffisante pour rechercher cette viabilité.
Classiquement, le thallium a été pendant longtemps considéré
comme le traceur de viabilité par excellence.
Aujourd’hui, toutes les
études réalisées avec les traceurs technétiés montrent une parfaite
équivalence entre ces deux types de molécules, avec des valeurs
de sensibilité entre 73 et 100 % et de spécificité entre 55 et 86 %.
L’administration de dérivés nitrés avant l’injection du traceur a été
proposée par certains afin d’améliorer les performances de la
technique.
Enfin, la scintigraphie au 18FDG a été proposée pour la recherche de
viabilité avec une sensibilité de valeur moyenne 84 % mais une
spécificité moyenne de 66 %.
À l’heure actuelle, seulement cinq
centres dans toute la France disposent d’un tel équipement, ce qui
en limite les indications.
En conclusion, la scintigraphie myocardique se révèle extrêmement
intéressante pour ses performances diagnostiques dans les cas
douteux ou difficiles en diagnostic primaire, mais aussi dans le suivi
des reperméabilisations coronaires et dans le postinfarctus.
La valeur
pronostique dorénavant prise en compte dans le risque
d’événements coronariens graves pouvant survenir dans l’année
permet de conforter, voire d’orienter les décisions thérapeutiques.
Enfin, le calcul systématique de la fraction d’éjection, ainsi que
l’appréciation de la cinétique segmentaire et de l’épaississement
systolique permettent une approche cardiologique plus globale et
améliorent la spécificité de la technique.
Étude de la fonction ventriculaire
(ou angioscintigraphie cavitaire)
:
A - ASPECTS TECHNIQUES
:
Le principe repose sur le marquage des globules rouges sanguins
du patient afin de rendre radioactif le compartiment vasculaire.
L’activité contenue dans le ventricule gauche est mesurée au cours
de la diastole, puis de la systole.
Le marquage du compartiment vasculaire est basé sur l’injection
intraveineuse de 1 à 1,5 mL de pyrophosphate stanneux, complétée
20 minutes plus tard par une injection de 740 MBq de 99mTc.
L’acquisition des images synchronisées à l’ECG est potentiellement
réalisée de plusieurs manières :
– étude au premier passage : il s’agit d’une acquisition très rapide
permettant de visualiser l’embole radioactif lors de son premier
passage dans le ventricule droit, puis dans le ventricule gauche ;
– à l’équilibre par la méthode du « mode liste » : tous les cycles sont
enregistrés en continu puis « triés », ce qui permet d’éliminer des
cycles aberrants ;
– à l’équilibre par la méthode du « mode frame » : les cycles sont
enregistrés et immédiatement superposés, puis divisés en
16 segments.
L’image visualisée correspond à une séquence
cardiaque complète obtenue en fait de la sommation d’un très grand
nombre de cycles.
La valeur de la FEVG est calculée sur
l’incidence oblique antérieure gauche (OAG).
C’est le mode
d’acquisition le plus courant.
Le traitement informatique basé sur la
décomposition des cycles par analyse de Fourier permet d’obtenir
des images paramétriques dites de phase et d’amplitude qui
renseignent sur l’amplitude et la phase de la contractilité
ventriculaire.
Outre l’OAG, d’autres incidences comme le profil
gauche ou l’oblique antérieur doivent permettre de préciser la
contractilité et l’existence de zones dyskinétiques.
B - ASPECTS CLINIQUES
:
L’angioscintigraphie cavitaire est toujours considérée comme
l’examen de référence pour la détermination de la FEVG.
Cependant, ses indications dans le bilan de la maladie coronaire, en
particulier dans le postinfarctus, ont considérablement diminué
depuis la généralisation du gated
SPECT, qui permet à la fois une
étude perfusionnelle et le calcul de la FEVG.
Néanmoins, l’examen
reste très indiqué dans deux situations cliniques distinctes :
– dans la surveillance de la fonction cardiaque au cours des
chimiothérapies cardiotoxiques comprenant de l’adriamycine.
L’examen peut être renouvelé à chaque fois que nécessaire,
permettant ainsi un suivi rigoureux ;
– en rythmologie pour la recherche d’une dysplasie arythmogène
du ventricule droit.
La valeur de la FEVG importe peu et ce
sont les images de phase à la recherche de foyers dyskinétiques qui
sont primordiales.
Les trois sites les plus évocateurs sont
l’infundibulum, l’apex et la région sous-tricuspidienne.
Par
conséquent, l’examen doit être réalisé sous trois incidences qui sont,
l’oblique antérieur gauche, le profil gauche et l’oblique antérieur
droit, afin de visualiser au mieux ces différentes régions.
Toujours en rythmologie, mais chez des patients porteurs de
stimulateurs cardiaques multisites, l’angioscintigraphie permet
d’apprécier les valeurs de fraction d’éjection et d’adapter au mieux
l’électrostimulation.
Étude de l’innervation sympathique
:
L’examen consiste à explorer l’innervation sympathique du
myocarde.
Le principe de l’examen repose sur l’injection de MIBG
marquée avec 200 MBq d’iode 123.
Ce radiopharmaceutique est
stocké par les neurones et reflète ainsi la recapture des
catécholamines.
Il n’est pas spécifique du tissu cardiaque.
Néanmoins, le calcul d’un index de fixation-coeur médiastin peut
être calculé.
En cas d’insuffisance cardiaque, cet index diminue, ce
qui contribue à apprécier la sévérité de l’atteinte cardiaque.
Ce
type de scintigraphie reste limité aux bilans des transplantations
cardiaques.