Les cardiopathies par obstacle du coeur droit sont des anomalies définies
par un obstacle organique sur la voie pulmonaire et un septum interventriculaire intact.
Les obstacles de siège valvulaire pulmonaire sont les
plus fréquents.
Mais il existe également des obstacles supravalvulaires, touchant généralement
les branches, ainsi que sous-valvulaires.
Sténose de la valve pulmonaire
:
Elles représentent 90% des sténoses pulmonaires et environ 9% de
l’ensemble des cardiopathies congénitales.
On décrira successivement
la forme typique, la plus fréquente, et des formes atypiques qui s’en
distinguent par la gravité de la sténose et/ou l’anatomie de l’appareil
valvulaire.
A - Forme typique de l’enfant
:
1- Anatomie pathologique
:
L’appareil valvulaire mal formé se présente comme un dôme percé d’un
orifice rétréci plus ou moins excentré : le gicleur.
Le dôme est constitué
de l’appareil valvulaire qui est le siège de symphyses commissurales.
Le tissu est en règle générale mince, membraneux et peut devenir au fil
du temps épais, rigide et parfois calcifié.
En aval, l’artère pulmonaire est le siège d’une dilatation poststénotique
souvent importante avec une lésion de jet sur l’endothélium du toit du
tronc pulmonaire.
En amont, le ventricule droit est hypertrophié, conséquence directe de
l’augmentation de son travail d’éjection.
L’hypertrophie concentrique
est fonction du degré de la sténose.
L’infundibulum participe à
l’hypertrophie ventriculaire, souvent à un degré tel qu’il est responsable
d’un obstacle fonctionnel autonome sous-orificiel.
Cet obstacle est en
général réversible en quelques mois, après la levée de la sténose
valvulaire.
2- Diagnostic
:
Dans la grande majorité des cas, l’affection n’est responsable d’aucune
gêne fonctionnelle ni d’aucune complication pendant l’enfance.
C’est la découverte fortuite d’un souffle dans les premiers mois de la vie d’un
nourrisson normal qui attire l’attention.
Ce souffle est éjectionnel, souvent intense, frémissant et surtout
inauguré par un claquement protosystolique d’éjection.
La radiographie montre en règle générale un coeur de volume normal,
des poumons normalement vascularisés, une saillie prononcée de l’arc
moyen gauche traduisant la dilatation poststénotique du tronc
pulmonaire.
L’échocardiographie montre l’image en dôme de l’appareil
valvulaire épaissi.
Le jeu des valvules est limité et le dôme se met en
tension brutale en systole.
Le tronc pulmonaire apparaît fortement dilaté.
Les parois du ventricule droit sont hypertrophiées et le septum interventriculaire est plat en télésystole, voire convexe vers le ventricule
gauche lorsque la pression ventriculaire droite est suprasystémique.
L’apport des investigations doppler est considérable.
En raison des
vélocités sanguines élevées, il est nécessaire de recourir au doppler
continu.
Sous réserve que le capteur soit bien orienté dans l’axe du flux poststénotique, on obtient une mesure du gradient parfaitement corrélée
aux valeurs du cathétérisme cardiaque.
3- Traitement
:
Les progrès du cathétérisme interventionnel ont beaucoup fait évoluer
le traitement de cette malformation ces dernières années : la
valvuloplastie pulmonaire percutanée est devenue le traitement électif.
On la pratique à l’aide d’un cathéter dont l’extrémité est équipée d’un
ballonnet gonflable. Son calibre en inflation totale doit être supérieur à
celui de l’anneau pulmonaire, de 20 à 40 %.
Le gonflage du ballon au
travers de la valve entraîne une rupture des raffés commissuraux, ou plus
souvent une déchirure de la valve elle-même
La chute du gradient
de pression transorificiel est en règle immédiate, mais peut se faire en
deux temps à cause de la réaction infundibulaire hypertrophique.
Celle-ci est régressive en quelques semaines à quelques mois.
Les
résultats de cette procédure sont excellents et durables, l’insuffisance
valvulaire rare et toujours discrète.
L’attitude thérapeutique consiste donc aujourd’hui à porter l’indication
d’une valvuloplastie pulmonaire percutanée dès que le gradient de
pression transorificiel maximal est supérieur à 50 mmHg.
Cette limite
est même abaissée par beaucoup à 30 mmHg en raison de la simplicité
et de l’innocuité du geste face au risque, même faible, de constitution
d’une réaction infundibulaire et de la forte majoration éventuelle à
l’effort d’une hypertension ventriculaire droite pourtant modérée au
repos.
La valvulotomie chirurgicale sous circulation extracorporelle ne garde
que quelques indications qui sont en fait les échecs ou les mauvaises
indications du cathétérisme : forme très sévère avec orifice
punctiforme ; hypertrophie ventriculaire droite importante restreignant
le volume de la cavité ; hypoplasie marquée de l’anneau pulmonaire ;
réaction infundibulaire sévère et ancienne fixée par de la fibrose et
requérant un geste spécifique. Les résultats sont généralement bons, bien
qu’une insuffisance valvulaire pulmonaire soit fréquente.
B - Forme sévère du nouveau-né
:
Il arrive que la sténose valvulaire soit si serrée, qu’elle se révèle dès les
premiers jours de vie par un syndrome de shunt droite/gauche néonatal.
La cardiopathie se rapproche alors de l’atrésie pulmonaire à septum
intact, mais n’en reste pas moins différente dans son pronostic et ses
indications thérapeutiques.
Dans ces formes, la sténose est très serrée ménageant un orifice
punctiforme. Par définition, il y a un passage ventriculopulmonaire et la
cardiopathie n’est pas exclusivement dépendante de la perméabilité du
canal artériel.
Le ventricule droit et la valve tricuspide sous-jacente
peuvent être modérément sous-développés, mais ont en règle une
structure et des dimensions normales.
L’hypertrophie ventriculaire
droite est importante, altérant la compliance diastolique de la cavité. Le
foramen ovale est toujours perméable, souvent dilaté et autorise un shunt
droite/gauche à l’étage auriculaire.
L’arbre artériel pulmonaire est
normal ou un peu hypoplasique.
Dans ces formes, la cyanose est quasi constante, et apparaît en général
très tôt après la naissance. Des signes de défaillance cardiaque droite
peuvent lui être associés.
Sur le cliché thoracique, le coeur est souvent augmenté de volume et la
vascularisation pulmonaire diminuée.
Le traitement de cette malformation est une urgence.
Après mise en
condition du patient (ventilation assistée, correction de l’acidose,
perfusion de prostaglandines E1 pour dilater le canal artériel), il faut
procéder à un cathétérisme cardiaque dont l’objectif est de tenter une
levée de la sténose par une dilatation au ballonnet.
Cette
procédure est plus difficile et plus dangereuse que chez le grand enfant.
Elle est parfois même impossible (impossibilité de passer le cathéter à
travers l’orifice, mauvaise compliance du ventricule droit, anatomie
défavorable de la valve, anneau hypoplasique).
Dans ce cas, on porte une indication chirurgicale immédiate consistant,
sous circulation extracorporelle, à lever l’obstacle orificiel par
valvulotomie, valvulectomie ou élargissement infundibulopulmonaire
transvalvulaire.
Très souvent, on y associe une anastomose systémicopulmonaire destinée à assurer un débit pulmonaire suffisant
dans les semaines postopératoires, le temps que la compliance et la
capacité de la cavité ventriculaire droite soient redevenues normales.
Dans l’ensemble, le pronostic reste sévère mais s’est très nettement
amélioré ces dernières années.
C - Formes atypiques
:
Elles sont souvent observées au sein de syndromes constitutionnels polymalformatifs d’origine génétique, familiaux ou sporadiques, dont
les plus connus sont le syndrome de Noonan et le syndrome LEOPARD.
La lésion est le plus souvent, sinon toujours, une dysplasie : les valves
sont exubérantes, myxoïdes, mal individualisées, épaisses et peu
mobiles.
En règle générale, la sténose est peu ou moyennement serrée.
L’artère pulmonaire est de taille normale.
Il n’existe pas de dilatation poststénotique du tronc.
On peut observer des sténoses étagées des
branches pulmonaires.
On observe parfois des anomalies associées du ventricule gauche,
déformé par une hypertrophie asymétrique, ainsi que des troubles de
conduction électrocardiographiques.
Le traitement de ces malformations est difficile.
La valvuloplastie
percutanée est souvent inefficace.
Les formes serrées doivent être
d’emblée confiées aux chirurgiens.
La simple commissurotomie
valvulaire est souvent inefficace.
Le traitement nécessite alors une
exérèse complète de la valve et parfois un élargissement de l’anneau.
Sténose des branches pulmonaires
:
Les sténoses de l’artère pulmonaire et de ses branches sont le plus
souvent associées à d’autres malformations comme la sténose valvulaire
pulmonaire, la tétralogie de Fallot ou les défauts septaux.
Dans un tiers
des cas, elles sont isolées et s’intègrent alors souvent à un contexte
malformatif extracardiaque : embryopathie, dont la rubéole congénitale
en est l’exemple le plus connu, syndromes constitutionnels complexes
comme le syndrome de Williams et Beuren (faciès particulier, débilité
mentale, sténose aortique supravalvulaire) ou le syndrome d’Alagille
(hypoplasie des canalicules biliaires intrahépatiques, malformation
vertébrale, faciès plat avec hypertélorisme).
A - Anatomie pathologique
:
L’aspect le plus habituel est celui en « chapelet », les zones de sténose
étant séparées par des zones de dilatation relative.
Dans d’autres cas plus
rares, il existe une hypoplasie diffuse de l’arbre artériel pulmonaire.
Enfin, il peut y avoir une agénésie d’une branche pulmonaire associée à
des sténoses sur l’autre branche.
B - Diagnostic
:
L’anomalie peut être suspectée lorsqu’il existe à l’auscultation un
souffle systolique éjectionnel peu intense, irradiant dans le dos, mais
surtout transversalement vers les aisselles.
Il n’y a pas de clic d’éjection.
Parfois, c’est un souffle continu que l’on entend de façon diffuse en
rapport avec un gradient systolodiastolique d’une sténose très serrée, ou
le développement de fistules de suppléance entre artère bronchique et
artère pulmonaire distale.
Sur la radiographie standard, le coeur est de volume normal.
On peut
parfois observer des images d’opacité hilaire en « grappe ».
L’échographie bidimensionnelle reconnaît l’intégrité de la valve
pulmonaire, une hypertrophie ventriculaire droite et un aplatissement du
septum interventriculaire en télésystole.
Seules les parties proximales
des branches pulmonaires peuvent être visualisées, et souvent de façon
incomplète, par voies suprasternale et sous-claviculaire.
Le calibre des
vaisseaux est alors anormalement petit et le doppler couleur identifie à
leur niveau l’accélération du flux sanguin. La mesure du gradient n’est
pas fiable comme toujours en cas d’obstacles étagés.
C’est pourquoi, le cathétérisme droit et les angiographies pulmonaires
gardent ici de bonnes indications.
Elles précisent le siège des
sténoses, leur étendue, la morphologie des segments pré- et poststénotiques, une éventuelle hypoplasie du tronc de l’artère
pulmonaire et la présence de malformations associées.
C - Traitement
:
Les formes modérées ne justifient aucun traitement.
Dans les formes serrées, on peut essayer un cathétérisme interventionnel
par dilatation.
Cette procédure est longue, difficile, dangereuse.
Les
sténoses ont tendance à récidiver, justifiant alors la mise en place
d’endoprothèses vasculaires.
Les plasties d’élargissement chirurgical ne peuvent s’appliquer qu’à de
rares formes isolées et proximales.
Sténoses sous-valvulaires
:
Ce sont des obstacles musculaires ou fibromusculaires développés à
l’intérieur du ventricule droit.
L’orifice pulmonaire est normal.
La sténose est liée à l’hypertrophie de
la bande pariétale et de la bande septale de l’infundibulum.
Dans certains
cas, la sténose est située plus bas, liée à l’hypertrophie de la bande
modératrice et divisant le ventricule droit en deux chambres distinctes :
on parle alors de « ventricule droit à double chambre ».
Ces sténoses correspondent parfois à la fermeture spontanée de
communications interventriculaires dites à « poumons protégés ».
Le tableau clinique est celui de toute sténose pulmonaire.
Le souffle est
souvent plus bas situé.
Il n’y a pas de clic d’éjection.
À la radiographie,
il n’y a pas de convexité de l’arc moyen gauche.
L’échocardiographie confirme le caractère normal des valves
pulmonaires qui présentent parfois un aspect de fermeture précoce mésosystolique.
L’hypertrophie sous-pulmonaire est clairement
identifiée, et le gradient doppler à son niveau facile à évaluer.
Le cathétérisme est à réserver aux cas douteux : la ventriculographie
droite précise le siège et le degré de la sténose.
Dans les formes modérées, le gradient devra être vérifié chaque année,
car beaucoup de ces sténoses ont un caractère évolutif.
Le traitement ne peut être chirurgical.
Il est indiqué dans les formes
serrées dont le gradient dépasse 40 à 50 mmHg.
La lésion est abordée
par une courte infundibulotomie verticale.
Le tissu musculaire et/ou
fibreux qui fait obstacle est réséqué et la ventriculotomie refermée par
un patch d’élargissement. Le pronostic est excellent.