Interactions entre les virus de l’immunodéficience humaine et des hépatites B, C et delta Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Le VIH et les virus des hépatites B (VHB), delta (VHD) et C (VHC)
partagent les mêmes voies de transmission (principalement
parentérale, sexuelle et verticale).
Cette superposition des groupes à
risque rend compte d’une fréquence élevée de co-infection.
Il
importe de préciser les interactions réciproques des infections VIH
et des virus hépatotropes VHC, VHB et VHD sur les plans clinique,
biologique, histologique et virologique.
Les questions principales
sont : l’infection par les virus hépatotropes modifie-t-elle l’histoire
naturelle de l’infection VIH ?
L’infection par le VIH modifie-t-elle
l’histoire naturelle de ces hépatites ?
Surtout, en quoi les nouvelles
stratégies thérapeutiques antirétrovirales (trithérapie) qui permettent
une restauration de la réponse immunitaire vont-elles modifier
l’histoire naturelle des hépatites virales ?
Histoire naturelle des infections
virales hépatotropes :
A -
VIRUS DE L’HÉPATITE B
:
L’infection par le VHB est largement répandue dans le monde : on
estime à plus de 300 millions le nombre de porteurs chroniques du
virus de l’hépatite B sur le globe. On distingue schématiquement :
– des régions à forte prévalence de l’antigène HBs (Afrique, Asie
du Sud-Est) ;
– des régions à prévalence intermédiaire (Italie, Afrique du Nord,
Espagne du Sud, Grèce, Japon) ;
– des régions de prévalence faible (Europe du Nord et États-Unis)
où respectivement 5 à 10%, 2 à 5 % et moins de 2 % de la population
générale sont porteurs chroniques de l’antigène HBs.
La transmission du VHB est principalement parentérale, sexuelle et
maternofoetale.
Dans les zones de forte endémie, la contamination
est de type vertical (Asie) ou horizontal en période périnatale
(Afrique).
La physiopathogénie de l’hépatite B est essentiellement
immunomédiée.
La réponse immunitaire, en particulier cellulaire,
induit la nécrose hépatocytaire par reconnaissance des antigènes
viraux exprimés sur la membrane des hépatocytes.
Ces mécanismes
pathogéniques, où l’interaction hôte-virus a un rôle central, rendent
compte de la diversité de présentations de cette hépatite.
1- Clinique
:
Après la contamination, la durée d’incubation varie de 1 à 3 mois et
est en moyenne de 10 semaines.
Soixante-dix à 90 % des infections
aiguës sont asymptomatiques et la fréquence d’hépatite aiguë
symptomatique augmente avec l’âge au moment de la
contamination.
Dans la forme classique on observe une phase préictérique durant
3 à 7 jours, faite de symptômes non spécifiques à type de nausées,
asthénie et anorexie.
Parfois, il existe un syndrome associant fièvre,
arthralgies et urticaire.
L’ictère va durer en moyenne 2 à 3 semaines.
Au stade d’hépatite aiguë, l’activité des aminotransférases est
constamment augmentée de 10 à 30 fois les valeurs normales.
L’évolution des marqueurs sérologiques peut être résumée de la
façon suivante : l’antigène HBs est détecté environ 3 semaines avant
les signes cliniques et disparaît généralement dans le mois suivant ;
sa persistance au-delà de 2 mois fait craindre le passage à la chronicité de l’infection virale.
Les anticorps antiHBs neutralisants
sont détectés de façon retardée (1 à 6 mois).
L’anticorps antiHBc
apparaît dès le début de la symptomatologie (immunoglobulines M
[IgM]) et persiste pendant la phase d’infection aiguë, puis pendant
la phase de guérison (IgG).
L’antigène HBe apparaît peu avant
l’ictère et disparaît rapidement après le début des signes cliniques,
avec apparition précoce des anticorps antiHBe.
L’acide
désoxyribonucléique (ADN) du VHB est constamment détecté au
cours de l’hépatite aiguë.
Une hépatite fulminante complique environ 1 % des hépatites aiguës
B symptomatiques.
Elle est définie par l’apparition d’une
encéphalopathie hépatique associée à une diminution du facteur V
inférieure à 30 % survenant dans les 15 premiers jours de l’ictère ou
jusqu’à 3 mois après celui-ci pour les hépatites subfulminantes.
Le VHB est la cause la plus fréquente dans le monde d’hépatite
fulminante d’origine virale.
En France, le virus B est en cause
dans environ 70 % des hépatites fulminantes d’origine virale.
L’évolution fulminante est plus fréquente en cas de co-infection par
le virus delta.
La mortalité globale en l’absence de transplantation
hépatique est d’environ 80 %, et est plus faible en cas de disparition
précoce de l’antigène HBs.
En cas d’évolution spontanément
favorable, le passage à la chronicité est exceptionnel.
Le problème principal de l’infection virale B est celui du portage
chronique de l’antigène HBs.
Il survient dans 0,5 à 10 % des cas chez
l’adulte immunocompétent, mais plus fréquemment chez les
enfants infectés tôt dans la vie (jusqu’à 90 %) ou chez les
immunodéprimés (30 à 100 %). En l’absence de mesures
prophylactiques, plus de 70 % des enfants nés de mère ayant une
infection active par le VHB développent une infection chronique.
Dans une étude prospective, 29 % des sujets de moins de 4 ans
devenaient porteurs chroniques de l’antigène HBs contre 7,7 % chez
les sujets de plus de 30 ans.
À côté de l’âge lors de la
contamination et des situations d’immunosuppression patente, les
facteurs influençant le passage à la chronicité sont principalement
immunogénétiques mais restent discutés.
Il a été suggéré que le
passage à la chronicité était associé à l’absence d’HLA-DR2 et à la
présence d’HLA-DR7.
Des études comparatives ont montré que
l’absence de passage à la chronicité était associée à une forte réponse
immune cellulaire dirigée contre les antigènes HBc et HBe avec un
profil de type TH1.
Le fait que le passage à la chronicité soit moins
fréquent en cas d’hépatite aiguë symptomatique renforce cette
hypothèse.
L’infection chronique par le VHB est définie classiquement par le
portage de l’antigène HBs 6 mois après l’hépatite aiguë.
Elle est
caractérisée par son polymorphisme de présentation incluant
l’existence de porteurs sains de l’antigène HBs, une modification de
la réplication virale au cours du temps avec des arrêts spontanés de
multiplication virale, mais aussi des épisodes de réactivation et une
évolution possible vers la cirrhose et le carcinome
hépatocellulaire.
2- Trois phases évolutives
:
L’évolution naturelle de l’infection chronique par le VHB peut être
schématisée en trois phases :
– la première phase, de durée variable (quelques mois à plusieurs
années), est marquée par une multiplication active du virus dont les
marqueurs sont l’ADN du VHB et l’antigène HBe dans le sérum, et
la présence de l’antigène HBc dans le noyau des hépatocytes ; durant
cette phase, l’infectiosité du malade est importante ;
– la deuxième phase est marquée par l’arrêt progressif et spontané de
la multiplication virale qui est parfois associé à une accentuation de
la nécrose hépatocytaire avec élévation transitoire des transaminases,
vraisemblablement due à la réponse immunitaire cytotoxique ;
l’arrêt spontané de la multiplication virale coïncide souvent dans le
temps avec la phase de développement de la cirrhose.
La
survenue d’une « exacerbation » au cours de l’hépatite chronique
peut être liée à différentes causes : arrêt spontané de la
multiplication virale, réactivation, surinfection virale en particulier
par le VHD ou le VHC ;
– au cours de la troisième phase, le sujet est toujours porteur
chronique du virus (antigène HBs positif) mais les signes de
multiplication virale ont disparu et les anticorps antiHBe sont
présents.
Le risque est l’aggravation dans le temps de la cirrhose
vers ses complications d’hypertension portale ou de carcinome
hépatocellulaire.
Cependant, la maladie reste le plus souvent
inactive.
3- Événements modifiant l’évolution
:
Plusieurs événements peuvent émailler l’infection chronique par le VHB.
* Variations de la multiplication virale
:
La séroconversion dans le système « e » est définie par l’apparition
d’un anticorps HBe chez un sujet initialement porteur de l’antigène
HBe.
Cette séroconversion doit être distinguée des sujets ayant un
anticorps HBe du fait d’un virus mutant préC.
Elle survient avec
une incidence annuelle de 5 à 25% au cours de l’hépatite chronique
B.
Elle est contemporaine d’un arrêt de multiplication virale avec
une négativation de l’ADN du VHB détecté par hybridation et
s’accompagne d’une diminution de l’activité de l’hépatite qui se
traduit par une normalisation de l’activité des transaminases.
Elle
est précédée dans les 3 mois, chez environ un tiers des sujets, par
une exacerbation de l’hépatite avec une majoration de la cytolyse
hépatique pouvant se manifester bruyamment par une insuffisance
hépatocellulaire ou une décompensation oedématoascitique.
Après
la clairance de l’antigène HBe, l’apparition de l’anticorps HBe
survient dans deux tiers des cas et parfois de façon retardée.
La
séroconversion peut être contemporaine d’une évolution vers la
cirrhose.
La majorité des sujets ayant présenté une séroconversion « e » vont
rester porteurs de l’Ag HBs.
L’incidence annuelle de séroconversion
« s », définie par l’apparition de l’anticorps HBs, varie de 0 à 1%
selon les études.
Cette séroconversion s’accompagne d’une
amélioration nette en termes d’activité histologique et d’une
disparition quasi complète d’une multiplication virale résiduelle,
15 % des sujets ayant une polymerase chain reaction (PCR) positive à
12 mois versus 80 % en cas de séroconversion « e ».
Cette
séroconversion « s » ne met pas totalement à l’abri de réactivations
ultérieures en cas de survenue d’immunosuppressions, de survenue
de carcinome hépatocellulaire en cas de cirrhose constituée.
La réactivation est définie par une reprise de la multiplication virale
avec un ADN du VHB de nouveau détectable par les techniques
d’hybridation, associée à une cytolyse hépatique chez un sujet ayant
antérieurement cessé sa multiplication.
Cette définition ne peut être
restreinte à la réapparition de l’antigène HBe chez des patients ayant
antérieurement un anticorps HBe détectable.
Cette réactivation peut
être spontanée ou apparaître au décours d’une immunosuppression.
Elle survient majoritairement dans les 2 ans suivant l’arrêt de la
multiplication virale, souvent dans l’intervalle précédant l’apparition
de l’anticorps HBe appelé fenêtre « e », et peut se présenter sous
une forme fulminante. Son incidence annuelle varie de 5 à 15%
selon les études.
Elle guérit le plus souvent spontanément mais peut,
surtout en cas de récidive, favoriser l’évolution vers l’aggravation
des lésions et donc vers la cirrhose et ses complications : 28 % des
patients biopsiés après l’épisode de réactivation vont évoluer vers la
cirrhose.
Ces variations de la multiplication virale n’existent pour ainsi dire
pas pour les autres virus delta ou C.
* Surinfections virales
:
Une surinfection virale par le VHD ou le VHC peut modifier la
présentation ou l’évolution de l’infection VHB, avec en particulier
l’apparition d’un déséquilibre de multiplication virale.
La surinfection par le VHC au cours d’une hépatite B est caractérisée
par des lésions hépatiques plus sévères, une inhibition de la
réplication du VHB rendant compte de certains profils sérologiques
(anticorps antiHBc positif isolément) et d’une augmentation de clairance du VHB.
Ce déséquilibre de réplication virale rend
compte de cas de réactivation d’hépatite B après traitement efficace
de l’hépatite C chez des sujets co-infectés.
La surinfection virale
delta entraîne un arrêt de la multiplication virale B. En cas de triple
infection virale B, C et delta, il n’est pas rare qu’un seul virus se
multiplie.
B - VIRUS DE L’HÉPATITE D
:
Le virus delta est un virus à acide ribonucléique (ARN) défectif
ayant besoin du VHB pour sa réplication et dont la prévalence est
élevée dans certaines régions d’endémie tropicales et subtropicales
(Afrique, Proche-Orient) et certaines populations telles les
toxicomanes par voie veineuse et les homosexuels.
On distingue
deux situations différentes :
– la co-infection VHB-VHD (infection simultanée par les deux
virus) ;
– la surinfection delta d’un sujet porteur chronique de l’Ag HBs
(infection séquentielle).
La co-infection s’associe à un risque accru d’hépatite fulminante
(environ 5 % des cas).
Dans une série de 71 cas d’hépatite fulminante
B, la prévalence des marqueurs d’infection delta était de 33,8 %
comparé à 4,2 % en cas d’hépatite aiguë B non fulminante.
En cas
de co-infection, l’évolution se fait habituellement vers la guérison
spontanée (en l’absence d’hépatite fulminante) et l’évolution vers la
chronicité est très rare.
La surinfection par le VHD d’un patient ayant une hépatite
chronique B est caractérisée par des lésions hépatiques plus sévères
et une évolution plus fréquente vers la cirrhose.
Le risque
d’évolution vers la chronicité de l’hépatite delta est d’environ 75 %.
Dans une étude italienne concernant 146 sujets porteurs chroniques
de l’Ag HBs suivis en moyenne 5 ans, les patients co-infectés par
le VHD (12,5 %) évoluaient vers la cirrhose dans 77 % des cas contre
23 % de ceux infectés par le seul VHB.
Il existe, en cas de
surinfection par le VHD, une inhibition de la réplication du VHB se
traduisant par un ADN du VHB souvent indétectable par les
méthodes d’hybridation aux dépens d’une multiplication delta
persistante.
C - VIRUS DE L’HÉPATITE C
:
Le VHC a une transmission principalement parentérale.
Elle
rend compte de la prévalence des anticorps anti-VHC chez les
patients ayant reçu des transfusions sanguines ou des produits
dérivés du sang avant l’introduction des marqueurs indirects
d’infection non A, non B en novembre 1988 et avant le dépistage
des anticorps anti-VHC en mars 1990 (de l’ordre de 90 % chez les
hémophiles, de 5 à 10% chez les sujets transfusés ou ayant reçu des
lots de gammaglobulines polyvalentes ou spécifiques anti-D
contaminées avant un traitement par solvant/détergent).
Elle
explique aussi l’infection observée chez environ 70 à 80 % des
usagers de drogues par voie intraveineuse ou nasale et les 3 %
d’infections chez le personnel soignant liés aux piqûres accidentelles.
Les effractions cutanées avec du matériel contaminé lors de
tatouages, mésothérapie, percements unique ou multiples,
acupuncture ou rasages collectifs sont susceptibles de transmettre le
virus de l’hépatite C comme d’autres voies de contamination
parentérale (médecine traditionnelle par ventouses ou scarifications
rituelles).
Les transmissions non parentérales chez l’immunocompétent restent
controversées.
La transmission sexuelle est théoriquement possible
mais rarement observée : la prévalence des anti-VHC est de l’ordre
de 5 % chez les homosexuels ou hétérosexuels à partenaires
multiples, mais on ne peut exclure que des modes de contamination
autres que sexuels en rendent compte.
La transmission verticale maternofoetale est notée chez environ 3 %
des enfants et exclusivement chez ceux nés de mères virémiques
sans infection VIH.
On peut donc considérer qu’il n’y a pas de
contre-indication liée à l’infection virale C pour une grossesse
normalement menée et délivrée, ni à l’allaitement maternel (le VHC
n’est pas habituellement détecté dans le lait maternel et les enfants
nés de mères infectées ne sont pas plus infectés par le VHC lorsqu’ils
ont été allaités que ceux qui ne l’ont pas été).
D’autres modes de
contamination existent puisque, après des interrogatoires poussés,
environ 20 % des patients ayant une infection par le virus de
l’hépatite C n’ont pas de facteur de risque identifié.
L’ensemble
de ces modes de contamination explique que la prévalence des tests
anti-VHC se situe autour de 1,2 % dans la population adulte.
L’histoire naturelle de l’infection virale C est caractérisée par une
hépatite aiguë survenant 5 à 45 jours après la rencontre avec le virus.
Le syndrome préictérique (arthralgies, rash cutané ou fièvre) est
observé chez moins de 20 % des patients et l’ictère chez environ 10 %
des patients.
Ce caractère le plus souvent asymptomatique de
l’hépatite aiguë explique que le diagnostic d’infection virale C soit
habituellement fait à un stade d’hépatite chronique.
L’existence
d’hépatites fulminantes liées au VHC reste discutée.
Après l’hépatite aiguë, le risque principal de l’infection virale C est
l’évolution vers la chronicité observée chez 70 à 80 % des patients.
Ceci signifie qu’environ 30 % des patients vont guérir
spontanément : la guérison est affirmée par des transaminases
durablement normales, la présence, habituellement prolongée, des
anticorps anti-VHC contrastant avec l’absence d’ARN du virus
détectable dans le sérum ; elle ne relève d’aucune prise en charge
diagnostique ou thérapeutique.
À l’inverse, en cas d’infection chronique, une hypertransaminasémie
persistante, souvent modérée, est observée dans environ 85 % des
cas.
En cas d’hypertransaminasémie, il n’est pas justifié de
rechercher l’ARN viral C qui serait présent dans plus de 95 % des
cas : il importe de réaliser la biopsie hépatique afin d’apprécier
l’activité de l’hépatopathie, sa sévérité et de préciser au mieux les
indications thérapeutiques.
Chez environ 15 à 30 % des patients, les
transaminases peuvent être normales.
Afin de distinguer les patients virémiques à transaminases normales des patients guéris non
virémiques, il est recommandé de chercher l’ARN du VHC.
Si cette
recherche est positive, signant l’infection chronique, une biopsie
hépatique est réalisée montrant, dans la moitié des cas, des maladies
hépatiques minimes et dans l’autre moitié, des maladies hépatiques
plus actives avec des scores de Knodell supérieurs ou égaux à cinq
pouvant justifier un traitement.
Le risque de l’hépatite chronique C est l’évolution vers la cirrhose
dans 10 à 20 % des cas.
La cirrhose elle-même expose à ses propres
complications d’hypertension portale (hémorragie par rupture de
varices oesophagiennes, ascite) et d’insuffisance hépatocellulaire
(astérixis ou encéphalopathie, ictère, sensibilité aux infections) ainsi
qu’à la survenue du carcinome hépatocellulaire avec une incidence
annuelle de 3 à 5 % par an à partir de la constitution de la
cirrhose.
L’histoire naturelle de l’infection virale C justifie une prise en charge
diagnostique et thérapeutique précoce afin d’éviter la cascade
évolutive de l’hépatite aiguë à l’hépatite chronique, puis à la cirrhose
et au carcinome hépatocellulaire.
Certaines manifestations extrahépatiques peuvent compliquer
l’évolution de l’infection virale C.
Il s’agit principalement de
manifestations auto-immmunes (cryoglobulinémie mixte,
glomérulonéphrite membranoproliférative, syndrome de Sjögren,
hépatite auto-immune de type II, lichen plan, etc) ou générales, telle
la porphyrie cutanée tardive sporadique de type I.
Un certain
nombre d’arguments suggèrent une association entre les thyroïdites
auto-immunes (notamment d’Hashimoto) et l’infection virale C
justifiant la recherche d’une affection thyroïdienne sous-jacente
silencieuse dans la prise en charge de tous les patients ayant une
infection par le VHC.
D - CIRRHOSES VIRALES ET CARCINOME
HÉPATOCELLULAIRE
:
1- Cirrhose
:
La cirrhose est un événement crucial dans l’histoire naturelle des
hépatites chroniques virales car ses complications propres
(hypertension portale, insuffisance hépatocellulaire et carcinome
hépatocellulaire) sont en grande partie responsables de la morbidité
et de la mortalité liées à ces infections.
Concernant l’hépatite B, l’incidence annuelle de survenue de la
cirrhose varie de 1,5 à 6 %.
Dans les études transversales, sa
prévalence est d’environ 20 %.
On peut estimer, bien qu’aucune
étude prospective détaillée ne soit disponible, qu’elle survient entre
20 à 30 ans après le contage.
Dans une analyse multivariée concernant 105 patients ayant une
hépatite chronique B (non co-infectée par le VHD et patients non
alcooliques) dont 21 (20 %) avaient évolué vers la cirrhose après un
suivi moyen de 5,5 années, le risque de survenue de cirrhose était
indépendamment associé à une activité histologique initiale
importante, une multiplication virale persistante et un âge
avancé.
L’évolution vers la cirrhose semble aussi associée à
l’existence de réactivations antérieures.
Les autres facteurs associés
à une évolution vers une hépatopathie plus sévère sont
l’immunodépression, la surinfection virale par le VHD ou le VHC et
la présence de virus mutant pré-C.
Le rôle favorisant de l’alcool dans
la survenue d’une cirrhose chez des sujets ayant une hépatite
chronique B est très probable.
La morbidité et la mortalité liées à l’infection par le VHB ou le VHC
sont principalement les conséquences de la cirrhose et de ses
complications.
Dans une étude prospective concernant 379 sujets ayant une hépatite
chronique B dont 130 avaient une cirrhose, la survie à 5 ans était
respectivement de 97, 86 et 55 % en cas d’hépatite chronique
persistante, d’hépatite chronique active et de cirrhose à l’inclusion.
En cas de cirrhose constituée, la survie à 5 ans varie de 52 à 82 %.
La survie est étroitement liée aux complications de la cirrhose, 80 %
des décès chez le cirrhotique étant directement liés à l’insuffisance
hépatique, à l’hypertension portale et au carcinome hépatocellulaire
(CHC).
Dans une autre étude prospective chez 98 sujets ayant une
cirrhose constituée, la survie à 5 ans était de 84 % en cas de cirrhose
compensée et de 14 % en cas de cirrhose décompensée définie par la
survenue d’ictère, d’ascite, d’encéphalopathie ou d’hémorragie
digestive.
Il est estimé que parmi les 347 millions porteurs chroniques de
l’antigène HBs, 13 % des femmes et 40 % des hommes meurent
d’une maladie hépatique liée au VHB, soit plus de 1 million de décès
par an.
Concernant l’hépatite C, trois facteurs principaux participent au
risque de cirrhose :
– la durée de l’infection virale (supérieure à 20 ans) ;
– l’âge au moment de la contamination (supérieur à 40 ans) ;
– une alcoolisation associée.
Ainsi, la cirrhose est observée chez environ 10 % des patients
infectés par voie parentérale ayant moins de 20 ans d’évolution et
chez 24 % de ceux ayant plus de 20 ans d’évolution.
Le temps pour
développer une cirrhose est de 20 ans chez les sujets ayant rencontré
le VHC avant 40 ans et de 9 ans pour ceux ayant rencontré le virus
après 40 ans. Une infection associée par le VHB favorise aussi
l’apparition de la cirrhose.
De façon paradoxale, les facteurs
virologiques tels que le génotype viral ou la virémie quantitative
qui conditionnent la réponse au traitement antiviral ne semblent pas
influencer le risque cirrhogène.
Pour le VHB comme pour le VHC, les complications de la cirrhose
surviennent avec une incidence annuelle d’environ 3 % et l’incidence
annuelle du CHC est du même ordre.
Leur survenue est dépendante
de la fonction hépatique, de l’intensité de l’hypertension portale,
elles-mêmes conditionnées par l’activité de l’hépatopathie virale,
c’est-à-dire directement de la persistance de la réplication virale.
2- Carcinome hépatocellulaire
:
Il est le huitième cancer par ordre de fréquence dans le monde et le
plus fréquent dans certaines régions d’Afrique et d’Asie.
Il survient
dans plus de 80 % des cas sur une cirrhose sous-jacente, le plus
souvent chez les sujets de sexe masculin.
L’association entre les
infections par le VHB et le CHC est suggérée par l’augmentation
d’incidence de ce cancer dans les zones d’endémie virale, par les
études cas-contrôles montrant que les sujets porteurs de l’antigène
HBs ou des anticorps anti-HBc avaient plus fréquemment un CHC
que les patients sans marqueur viral, avec un risque relatif de 10 à
300 dans les zones d’endémie.
Enfin, les études prospectives,
notamment à Taïwan, et les modèles animaux d’infections par les
Hepadnavirus (particulièrement le virus de la marmotte), confirment
l’association entre les infections par le VHB et le CHC.
Dans une
étude taïwanaise prospective concernant 22 707 sujets suivis pendant
3 ans, dont 15,2 % étaient porteurs de l’antigène HBs, l’incidence du
CHC était respectivement de 1 158/100 000 et de 5/100 000 chez les
sujets porteurs ou non de l’antigène HBs.
Quatre-vingt dix-sept pour
cent des patients décédés de CHC étaient antigènes HBs positifs.
Des cas de CHC ont été décrits en l’absence d’antigène HBs, voire
de tout marqueur sérologique.
Ce risque est lié non seulement à la cirrhose, mais aussi à des effets
directs du VHB incluant des mécanismes de mutagenèse
insertionnelle et de transactivation de gènes cellulaires par les
protéines virales X et préS2/S.
Bien que les mécanismes
d’hépatocarcinogenèse virale B soient acquis, il est probable qu’ils
interagissent avec d’autres facteurs étiologiques : l’alcool, le virus
de l’hépatite C ou la cirrhose elle-même.
Le risque relatif de
survenue d’un CHC en cas d’alcoolisme chronique est multiplié par
2,7.
L’association entre cirrhose liée au VHB et le CHC rend
compte de la nécessité (bien que discutée en termes d’efficacité
clinique et économique) d’un dépistage régulier en cas de cirrhose.
À côté du VHB, le VHC lui-même est associé à un risque de
carcinome hépatocellulaire, qu’il existe ou non une cirrhose.
Les
mécanismes moléculaires de hépatocarcinogenèse virale C ne sont
pas parfaitement connus, mais on sait qu’il n’y a pas de mutagenèse
insertionnelle puisque le génome du VHC, contrairement à celui du
VHB, ne peut pas directement s’intégrer dans le génome de l’hôte.
On peut spéculer sur l’existence de phénomènes de transduction de
gènes cellulaires par des protéines virales et notamment la protéine
de capside, comme cela est suggéré par les modèles animaux.
L’interféron pourrait diminuer l’incidence de survenue du CHC
secondaire à une cirrhose C mais cela reste discuté.
E - PORTAGE SAIN
:
Environ un tiers des porteurs chroniques de l’Ag HBs sont porteurs
sains.
La définition stricte du « portage sain » de l’Ag HBs, implique
les cinq caractéristiques suivantes :
– l’absence de symptôme clinique ;
– l’absence d’anomalie biologique et notamment une activité sérique
des aminotransférases normale de façon répétée (au moins deux
dosages à 1 mois d’intervalle) ;
– la présence des anticorps anti-HBe sériques et l’absence de
détection de l’ADN viral par les techniques usuelles d’hybridation ;
– un foie histologiquement normal et l’absence de détection de
l’antigène HBc en immunohistochimie dans les hépatocytes ;
– l’absence d’infection associée par les VHD ou VHC.
Il ne relève habituellement d’aucune prise en charge thérapeutique
mais d’un simple suivi biologique et échographique annuel.
La réalité d’un portage sain du VHC est plus discutée et ne
concernerait que moins de 5 % des sujets infectés.
On le définira,
par analogie avec le portage sain du VHB, par des transaminases
durablement normales, des anticorps anti-VHC présents, une PCR
positive (à ce titre, la PCR du VHB est positive chez près de 50 %
des porteurs sains du VHB) et un foie histologiquement normal.
Ainsi, la biopsie hépatique apparaît majoritairement nécessaire chez
les sujets virémiques pour le VHC, même si les transaminases sont
durablement normales.
Modifications de l’histoire naturelle
en cas de co-infection par le virus
de l’immunodéficience humaine :
A - IMPACT DES INFECTIONS VIRALES HÉPATOTROPES
:
Il a été suggéré que des cofacteurs pouvaient influencer la
progression de l’infection VIH.
Les infections virales ne semblent
pas en faire partie.
Deux larges séries prospectives initiales, ayant
analysé des patients infectés par le VIH dont certains avaient une
hépatite chronique C, n’ont pas montré d’influence significative de
l’infection virale C sur la progression de l’infection VIH :
– dans la première de ces études, 17 % des patients ayant des anti- VHC, comparés à 37 % de ceux n’en ayant pas, avaient un sida
déclaré ;
– dans la seconde étude comparant 214 patients co-infectés à
212 sujets infectés par le VIH seul (comparables pour le taux de
CD4 et le nombre initial de patients au stade sida), il n’était pas
retrouvé d’évolution plus rapide vers le sida ou de détérioration
immunologique plus importante chez les patients co-infectés.
Néanmoins, plus récemment, une étude longitudinale (suivi moyen
de 3 ans) comparant 199 patients co-infectés appariés pour l’âge et
le sexe, le taux de CD4 et la classification CDC a suggéré que
l’infection par le VHC accélérait l’évolution clinique de l’infection
VIH.
Enfin, chez les hémophiles, le génotype du VHC pourrait
être impliqué dans l’aggravation de l’évolution de l’infection VIH
chez les patients co-infectés, un génotype 1 pour l’infection VHC
étant associé à une évolution plus sévère de l’infection VHC.
Ces
résultats contradictoires sont probablement liés à la nonconnaissance
de la durée exacte d’évolution des infections
rétrovirales et hépatotropes et à l’absence d’évaluation de la charge
virale VIH.
B - IMPACT DU VIRUS DE L’IMMUNODÉFICIENCE
HUMAINE SUR LES HÉPATITES VIRALES :
1- Virus de l’hépatite B
:
Comme pour le VHC qui sera plus détaillé, la co-infection par le
VIH pour le VHB se caractérise par :
– une prévalence plus élevée des marqueurs sérologiques d’infection
que dans la population générale et par une plus grande fréquence
de formes chroniques ;
– des modifications fréquentes de l’expression sérologique des
infections virales avec des phénomènes de réplication active
(détection de l’ADN viral B) contrastant avec l’absence de détection
de l’Ag HBs, voire de tout marqueur d’infection par le VHB ;
– une réplication virale accrue ;
– des modifications de l’histoire naturelle de l’infection hépatotrope
avec une hépatopathie plus sévère, caractérisée par des cirrhoses de
constitution plus fréquente et plus rapide et par une plus grande
fréquence de mortalité liée au foie.
Environ 80 à 90 % des sujets infectés par le VIH ont également été
exposés au virus de l’hépatite B et environ 10 % des sujets infectés
par le VIH sont porteurs de l’antigène HBs.
Le pourcentage
pourrait être en réalité supérieur si l’on considérait non plus la
présence de l’Ag HBs mais celle de l’ADN viral B.
L’immunosuppression liée à l’infection VIH modifie l’histoire
naturelle de l’infection virale B.
Elle est généralement responsable
d’une majoration de la réplication virale et d’une augmentation du
taux de passage à la chronicité en cas d’hépatite aiguë : une coinfection
simultanée VIH-VHB augmente ainsi significativement le
risque d’hépatite chronique du fait de l’immunosuppression plus
importante que celle observée en cas d’infection par le VHB chez un
sujet précédemment infecté par le VIH.
L’infection par le VIH
diminue la fréquence des arrêts spontanés de multiplication virale
et augmente celle des réactivations.
Les épisodes de réactivations
sont fréquents chez environ un tiers des patients et sont parfois
sévères.
L’immunosuppression associée au VIH pourrait s’accompagner
d’une majoration de la sévérité des lésions hépatiques avec une
évolution plus fréquente et plus rapide vers la cirrhose.
Cette plus
grande sévérité des lésions hépatiques en cas de co-infection n’est
pas rapportée dans toutes les études mais a été bien décrite dans
certains sous-groupes de sujets tels les toxicomanes et ceci
indépendamment de l’infection par le VHD et de la consommation
d’alcool.
Si ce dernier point peut paraître paradoxal pour le VHB
du fait du caractère habituellement immunomédié des lésions, il
rend compte en fait de la possible modification de la pathogénicité
de l’infection VHB en cas d’immunosuppression avec l’apparition
d’une cytopathogénicité directe du virus responsable à l’extrême
d’un syndrome particulier : l’hépatite fibrosante cholestatique.
Ce
syndrome qui associe une fibrose extensive, une cholestase, une
absence de nécrose et qui évolue en quelques semaines à 1 mois
vers l’insuffisance hépatique terminale est lié à une accumulation
massive d’antigènes viraux dans les hépatocytes du fait d’une
multiplication virale intense favorisée par le déficit immunitaire.
La lamivudine, couramment utilisée dans le traitement de l’infection
VIH (sous le nom d’Epivirt ou 3 TC), permet le traitement
concomitant de l’infection VHB en cas de co-infection et a
considérablement modifié l’histoire naturelle de l’infection virale B
chez les sujets co-infectés par le VIH.
Cependant, comme dans les
autres populations, le problème de la lamivudine est le risque
presque constant de réactivation à l’arrêt du traitement et
d’échappement en cas de poursuite, avec un taux d’environ 35 % à
2 ans chez les sujets co-infectés par le VIH, parfois sous une forme
de fibrose hépatique cholestasiante.
2- Virus de l’hépatite D
:
Classiquement, la réplication du VHB est inhibée dans les hépatites
chroniques delta : la surinfection aboutit le plus souvent à l’arrêt de
la réplication du VHB, avec l’apparition des antiHBe, la disparition
de l’Ag HBe, de l’ADN viral B et parfois même à la disparition de
l’Ag HBs.
À l’inverse, les marqueurs de la multiplication virale delta
deviennent détectables.
Le diagnostic de la surinfection repose sur
la présence immédiate de l’Ag HBs sérique et des IgG anti-HBc, la
négativité des IgM anti-HBc (qui affirme le caractère aigu des
hépatites B) ; l’ADN viral B est habituellement négatif.
L’antigène
delta est présent dans le foie, avec une localisation surtout
intranucléaire et parfois cytoplasmique, sauf dans les formes
fulminantes où il est plus souvent indétectable.
L’ARN du VHD est
présent dans le foie et dans le sérum. La persistance prolongée des
IgM antidelta et un titre d’IgG antidelta supérieur à 1/1 000
marquent le passage à la chronicité.
Les lésions hépatiques sont
habituellement plus sévères en cas de surinfection virale delta qu’en
cas d’hépatite chronique B : l’aspect histologique est plus
inflammatoire, l’atteinte lobulaire plus marquée et il existe une
dégénérescence éosinophile des hépatocytes.
Chez les patients co-infectés par le VIH, l’immunosuppression liée
au VIH lève l’effet inhibiteur de l’infection delta sur la multiplication
virale B.
L’ADN du VHB et parfois l’antigène HBe peuvent être
détectables et l’antigénémie delta, habituellement de courte durée
chez l’immunocompétent, peut persister.
De même,
l’immunohistochimie de l’antigène delta hépatique suggère une plus
forte réplication virale delta en cas de co-infection par le VIH, qui
pourrait rendre compte d’une hépatopathie plus sévère et d’une
moindre réponse thérapeutique.
3- Virus de l’hépatite C
:
* Prévalence accrue
:
Chez les patients infectés par le VIH, la prévalence des anti-VHC
varie selon le facteur de risque de contamination ; elle est en
moyenne de 10 à 30 % comparée aux 1,2 % dans la population non
infectée par le VIH.
Elle est d’environ 5 % chez les homosexuels, de
60 à 90 % chez les hémophiles et les toxicomanes par voie
veineuse.
La fréquence de la transmission maternofoetale du VHC
est augmentée en cas de co-infection par le VIH (20 % versus 0 à
3 %) ainsi que la transmission sexuelle : les conjointes
d’hémophiles ayant des anti-VHC sont infectées par le VHC dans
3 % des cas si leur partenaire a une séropositivité VIH associée et
dans 0 % des cas si leur partenaire est séronégatif pour le VIH.
* Modifications sérovirologiques
:
L’infection par le VIH entraîne plusieurs modifications des
caractéristiques sérologiques de l’infection VHC.
Comme dans
d’autres situations d’immunodéficience, on observe chez ces patients
une diminution de réactivité vis-à-vis des antigènes du virus de
l’hépatite C qui augmente la fréquence des tests sérologiques
recombinant immonoblot assay (RIBA) indéterminés (10 à 25 %),
définis par une réactivité vis-à-vis d’un seul antigène.
De plus, il
existe, dans 10 % des cas environ, des phénomènes de séroréversion
définis par la négativation d’une sérologie anti-VHC antérieurement
positive.
Cette fréquence majorée de RIBA indéterminés et de
séroréversion chez les patients infectés par le VIH rend nécessaire la
recherche de l’ARN sérique du VHC par PCR et ceci d’autant plus
qu’il n’existe pas, chez ces patients immunodéprimés, de corrélation
entre l’activité sérique des transaminases et l’existence d’une
hépatite chronique.
La prévalence globale d’une virémie détectable n’est pas différente
chez les patients infectés ou non par le VIH.
Dans une étude
prospective comparant les caractéristiques de l’infection VHC chez
150 patients ayant une hépatite chronique C infectés ou non par le
VIH, l’ARN du VHC était détecté dans des proportions
comparables, chez respectivement 91 et 83 % des patients.
Comme le laissait suggérer l’augmentation des transmissions maternofoetale et sexuelle de l’infection VHC en cas de co-infection
par le VIH, une augmentation de la réplication du VHC est observée
dans toutes les situations d’immunosuppression.
Dans une étude
comparative de la charge virale C selon le statut VIH, une virémie C
supérieure à 107 copies/mL était observée chez 50 % des patients
infectés par le VIH contre 1,5 % des patients non infectés.
Si la
majorité des études n’ont pas montré de corrélation entre
l’importance de la virémie C et la sévérité de l’hépatopathie chez les
immunocompétents, il se peut que cette augmentation ait des
conséquences chez les immunodéprimés.
La distribution des différents génotypes du virus de l’hépatite C est
intimement liée aux facteurs de risque de contamination.
Le
génotype 1b est prédominant dans les contaminations posttransfusionnelles
ou sporadiques et les génotypes 1a et 3a sont
majoritaires chez les toxicomanes par voie veineuse.
L’infection
par le VIH ne modifie apparemment pas cette distribution
génotypique. Les infections mixtes, c’est-à-dire concernant au moins
deux génotypes différents, ne semblent pas plus fréquentes en cas
d’infection VIH.
* Modifications de l’histoire naturelle
:
Comme chez les patients immunocompétents, l’hépatite aiguë liée
au VHC est habituellement asymptomatique.
Il n’existe pas de
données claires indiquant un risque augmenté d’hépatite fulminante
ou de passage à la chronicité chez les patients infectés par le VIH ;
cela peut seulement refléter que l’infection par le VHC a souvent
précédé l’infection par le VIH.
Les mécanismes par lesquels le VHC entraîne des lésions hépatiques
n’ont pas été clairement déterminés.
Il existe à la fois des
arguments pour une cytotoxicité directe telle que l’efficacité rapide
de l’interféron-alpha et les lésions plus sévères chez les patients
immunodéprimés (transplantés) et des arguments pour des
mécanismes lésionnels immuno-induits tels que l’absence de
corrélation entre la charge virale C et l’intensité des lésions
hépatiques, les hépatites sévères pouvant survenir au décours de
chimiothérapies au moment du « rebond » immunitaire ou la
corrélation entre l’infiltrat lymphocytaire (CD4 et CD8)
intrahépatique et l’activité des lésions observées.
La plupart des études ont montré, en cas d’infection chronique C et
de co-infection VIH, une sévérité accrue des lésions histologiques.
Une évolution, non seulement plus fréquente mais aussi plus rapide,
vers la cirrhose est habituellement observée.
Dans notre expérience
des usagers de drogue ou des hémophiles ayant une infection virale
C, la cirrhose est deux à trois fois plus fréquente chez les patients
infectés par le VIH.
Alors que chez les sujets contaminés avant l’âge
de 40 ans, une cirrhose est présente chez 10 % des
immunocompétents (et se constitue en 20 ans environ), elle existe
chez 22 % des immunodéprimés (et se constitue en moyenne après
14 ans d’évolution).
Les mécanismes expliquant une majoration
des lésions en cas d’infection par le VIH n’ont pas été précisément
analysés.
L’alcoolisation chronique, qui est un des facteurs
indépendamment associés au risque de cirrhose chez les
immunocompétents, semble peu intervenir chez les sujets infectés
par le VIH.
Il se peut que l’augmentation de la réplication virale ait
un rôle déterminant.
4- Modifications et intrications thérapeutiques
:
* Virus de l’hépatite B
:
Les bénéfices à long terme du traitement antiviral des hépatites
chroniques sont imparfaitement évalués dans la population générale.
Cependant, le facteur principal associé à une survie sans
complications d’une hépatite virale B est la clairance de l’antigène HBe, plus rapidement (voire plus fréquemment) obtenue par le
traitement antiviral.
Il apparaît donc que, du fait d’une diminution
de l’évolution vers la cirrhose et ses complications, l’efficacité d’un
traitement par interféron est associée à un bénéfice clinique à long
terme.
Pour les patients co-infectés par le VIH, il a été suggéré que les
traitements classiques par interféron-alpha ou vidarabine étaient moins
efficaces qu’en l’absence d’infection par le VIH.
Cependant, une
fréquence non négligeable d’arrêts de multiplication virale était
obtenue chez des patients ayant souvent une hépatopathie sévère.
Le bénéfice clinique de ces traitements ne pouvait être évalué,
puisque ces patients mouraient principalement de leur infection VIH.
La situation a désormais totalement changé.
En effet, les
thérapeutiques antirétrovirales, et au moins la lamivudine et
l’adéfovir, ont une puissante efficacité contre le VHB dont le mode
réplicatif inclut une étape de reverse transcription sur laquelle les
analogues nucléosidiques inhibiteurs de la reverse transcriptase
peuvent exercer leur efficacité.
Parallèlement à cette efficacité
antivirale croissante, la restauration immunitaire, autorisée par les multithérapies anti-VIH, devrait permettre un contrôle optimal des
infections virales B des sujets co-infectés par le VIH et ainsi diminuer
la morbidité et la mortalité liées à l’infection virale B. Cependant, on
ne méconnaîtra pas les risques :
– d’hépatites médicamenteuses possiblement accrues et notamment
aux inhibiteurs de protéases en cas d’hépatites préexistantes,
notamment d’hépatite chronique B ;
– d’une majoration des lésions hépatiques, liée à la restauration
immunitaire autorisée par les multithérapies anti-VIH ;
– de réactivations, parfois sévères, en cas d’arrêt de la molécule
efficace sur la multiplication virale B ;
– en cas de prolongation du traitement, d’un échappement lié à la
sélection de souches mutées minoritaires en début de traitement et
évoluant parfois sous une forme sévère, voire sous la forme d’une
fibrose hépatique cholestasiante.
C’est de nouveau insister sur l’importance des traitements
prophylactiques par la vaccination précoce des enfants ou
adolescents avant l’exposition aux risques viraux.
L’analyse des
conséquences de la prophylaxie par la vaccination universelle contre
l’hépatite B montre une modification nette des complications liées à
l’infection par le VHB dans une population donnée, particulièrement
dans les zones de haute endémie. Dans une étude récente à Taïwan,
où la vaccination de masse a débuté en 1984, l’incidence du CHC
diminuait chez les enfants vaccinés à la naissance : l’incidence
annuelle du CHC chez les enfants de 6 à 14 ans a diminué
significativement de 0,7 entre 1981 et 1986, à 0,57 entre 1986 et 1990,
puis à 0,36 pour 100 000 enfants entre 1990 et 1994.
On se souviendra que l’infection par le VIH diminue
significativement, d’autant plus que le déficit immunitaire est
profond, l’efficacité vaccinale.
* Virus de l’hépatite C
:
L’interféron-alpha était le seul traitement ayant une efficacité prouvée
dans le traitement de l’hépatite chronique C.
Ce traitement instauré
à doses standards (3 millions d’unités trois fois par semaine par voie
sous-cutanée pendant 6 ou 12 mois) induisait une normalisation des
transaminases chez environ la moitié des patients traités définissant
la réponse primaire.
La moitié de ces patients rechutaient dans les
6 mois suivant l’interruption du traitement (rechuteurs).
Vingt-cinq
pour cent des sujets traités étaient répondeurs à long terme.
Une clairance précoce de la virémie apparaît comme un facteur
prédictif positif de réponse primaire et prolongée.
La réponse à
l’interféron est corrélée à une virémie faible, une hétérogénéité
génomique faible, un génotype autre que 1b et à l’absence de
cirrhose.
Chez les répondeurs à long terme, il existe dans la
moitié à deux tiers des cas, une clairance de l’ARN du virus C dans
le sérum, le foie et les cellules mononucléées, pouvant correspondre
à une guérison.
La plupart des études ayant analysé l’efficacité du traitement par
interféron-alpha de l’hépatite chronique C chez des patients infectés par
le VIH suggèrent que la réponse primaire (normalisation des
transaminases à la fin du traitement) est équivalente chez les
patients infectés ou non par le VIH ; une réponse prolongée est
observée dans 0 à 40% des cas, résultats comparables à ceux
rapportés en l’absence d’infection VIH.
Il existe dans certaines
études une corrélation entre la réponse au traitement et l’importance
du déficit immunitaire défini par le taux des CD4 ; par ailleurs,
un effet-dose et un effet-durée, tels que rapportés dans la population
générale, sont suggérés chez les sujets infectés par le VIH.
Comme l’infection VIH augmente la virémie,
l’hétérogénéité génomique et la fréquence des cirrhoses, facteurs
négatifs de réponse à l’interféron, on peut s’étonner que les résultats
en termes de réponse thérapeutique ne soient pas clairement
différents en cas ou non d’infection par le VIH.
Le taux de réponse
primaire équivalent chez les patients infectés par le VIH pourrait,
en partie, être lié à une fréquence plus importante de génotype
« bon répondeur au traitement » (de type 3, par exemple), en
particulier chez les patients toxicomanes.
Une étude a suggéré que
le traitement par interféron pouvait entraîner un gain de survie chez
des patients infectés par le VIH ayant une hépatite chronique C.
L’évaluation de l’efficacité des traitements doit donc prendre en
compte les données virologiques qui conditionnent largement la
réponse.
L’ensemble de ces résultats, notamment la plus grande
fréquence de détérioration histologique, pose la question de
l’indication des traitements antiviraux chez les sujets infectés par le VIH.
Ces résultats encore insuffisants viennent d’être bouleversés par
l’introduction de la combinaison ribavirine/interféron-alpha dans la
population générale.
En effet, plusieurs larges études récentes ont
confirmé, chez les patients répondeurs rechuteurs comme chez les
naïfs, l’efficacité supérieure de la bithérapie (3 millions d’unités
d’interféron-alpha trois fois par semaine par voie sous-cutanée et
1 000 mg/j de ribavirine) comparée à la monothérapie (interféron-alpha
seul) en termes de réponse biologique et virologique.
L’éradication virale obtenue chez 35 à 95 % des sujets traités est
largement dépendante des facteurs virologiques (génotype et
virémie quantitative) qui semblent devoir devenir des outils de
routine pour les choix thérapeutiques.
La bithérapie est assez bien
tolérée malgré un arrêt du traitement plus fréquemment nécessaire
(10 à 20 % selon la durée de 6 ou 12 mois du traitement).
Il est
recommandé d’effectuer une surveillance rapprochée du taux
d’hémoglobine en début de traitement du fait des risques d’anémie
hémolytique.
Ainsi, la bithérapie apparaît en 1999 comme le
traitement de référence des hépatites chroniques C des sujets naïfs et rechuteurs. Ceci est vrai aussi pour les patients co-infectés par le
VIH.
Le problème est celui d’un risque d’interférence (rapportée in
vitro) de la ribavirine avec la phosphorylation d’autres analogues
nucléosidiques comme la zidovudine ou la stavudine, qui perdraient
ainsi de leur efficacité antirétrovirale.
Bien que nous n’ayons pas
observé d’effet majeur de la combinaison sur la charge rétrovirale
où les CD4 des 21 premiers patients co-infectés par le VIH, la
prudence est justifiée en cas de combinaison anti-VHC et une
surveillance renforcée du traitement antirétroviral est
recommandée.
Les données précédemment exposées concernent principalement les
patients infectés par le VIH avant l’introduction de la trithérapie
antirétrovirale.
Celle-ci a certainement permis une amélioration de
la survie ; on ne peut alors exclure que l’impact de l’infection
virale C (encore peu important car responsable de moins de 1 % de
la mortalité des sujets infectés par le VIH suivis dans les services de
médecine interne et de pathologie infectieuse) n’en soit ainsi
modifié en termes de morbidité et de mortalité.
La restauration immunitaire induite par la trithérapie pourrait
majorer l’activité et/ou la fibrose hépatique liées au VHC.
En effet,
bien que les mécanismes par lesquels le VHC entraîne des lésions
hépatiques ne soient pas clairement élucidés, il existe des
arguments pour des mécanismes lésionnels immuno-induits tels que
l’absence de corrélation entre la charge virale C et l’intensité des
lésions hépatiques chez les sujets immunocompétents, l’existence
d’hépatites sévères pouvant survenir au décours de chimiothérapies
au moment du « rebond » immunitaire et surtout l’existence d’une
corrélation entre l’infiltrat lymphocytaire (CD4 et CD8)
intrahépatique et l’activité des lésions hépatiques observées.
Si
la physiopathogénie de l’infection virale C est principalement
immuno-induite, la restauration immunitaire liée à la trithérapie pourrait
théoriquement aggraver les lésions histologiques chez les patients
co-infectés.
Des observations
d’aggravation des lésions histologiques sous trithérapie ont ainsi
été rapportées mais aucune étude n’a
clairement montré que la trithérapie était associée de façon durable
à une détérioration histologique.
En effet, d’une part la co-infection
seule est associée à une aggravation spontanée des lésions
hépatiques et d’autre part seuls les patients présentant des signes
d’aggravation hépatologique ont été évalués histologiquement dans
les études préliminaires précitées.
À l’inverse, le VHC, comme le VHB et particulièrement en situation
d’immunosuppression, pourrait être directement cytopathogène et
responsable du syndrome de fibrose hépatique cholestasiante.
Comme la trithérapie ne semble pas modifier à moyen terme la
réplication virale C, on ne peut attendre de modifications par
la trithérapie de ce qui est dépendant de la charge virale C, et
notamment la réponse thérapeutique.
Enfin, des hépatites aux antiprotéases ont été décrites et semblent
être observées majoritairement chez des patients ayant une infection
virale B ou C.
Dans une étude, une hépatite au ritonavir définie par une activité
des aminotransférases supérieure à dix fois la normale était notée
chez dix patients sur 141 (7 %) ; neuf de ces dix patients avaient une
sérologie virale C positive et sept d’entre eux ne présentaient pas
d’hépatite après changement de l’antiprotéase.
Dans un autre
travail, une hépatite définie par une activité des aminotransférases
supérieure à cinq fois la valeur normale était observée chez trois
patients sur 133 (2 %) qui avaient, au moment de l’hépatite, une
sérologie virale C positive ; dans cette étude, la survenue d’une
séroconversion C chez deux des trois patients (la virémie C était
retrouvée rétrospectivement positive avant toute trithérapie)
suggérait que ces hépatites pourraient être liées à la restauration
immunitaire.
Ces hépatites aiguës, en plus du rôle de la restauration immunitaire,
posent la question d’une toxicité hépatique intrinsèque des antiprotéases, éventuellement favorisée par l’existence d’une
hépatopathie virale sous-jacente.
À cet égard, il sera intéressant
d’évaluer la prévalence de survenue d’hépatite aiguë chez des
patients co-infectés recevant une trithérapie incluant un inhibiteur
non nucléosidique de la reverse transcriptase (en l’absence de toute
antiprotéase).
Il reste à déterminer si ces hépatites aiguës pourraient
s’accompagner, à moyen terme, d’une détérioration histologique.
Conclusion
:
La co-infection par le VIH modifie l’histoire naturelle des infections B,
C et delta.
Elle est responsable d’une évolution plus sévère avec une évolution plus
fréquente vers la cirrhose, probablement du fait d’une majoration de la
réplication virale de ces virus.
L’efficacité des traitements antiviraux classiques restait médiocre en
termes de réponse à long terme.
Si l’impact des infections virales C et B
en termes de mortalité était encore récemment au second plan par
rapport à d’autres problèmes, il est important, à l’avenir, avec les
espoirs liés à l’efficacité de la trithérapie, de mieux définir :
– les patients pouvant bénéficier d’un traitement antiviral ;
– les modalités thérapeutiques (association à la ribavirine,
augmentation des doses et des durées pour le VHC, place de nouvelles
molécules telles l’adéfovir pour le VHB) pour obtenir une diminution
de la mortalité et de la morbidité liées à leur hépatite chronique B et
C ;
– le retentissement des nouvelles thérapeutiques antirétrovirales sur
les infections virale B et C.