Anatomie du vieillissement craniofacial
Cours de Médecine Dentaire
Introduction
:
Le vieillissement de la face doit être envisagé
comme la résultante d’un processus global qui affecte
l’ensemble des tissus qui composent la face.
Il faut donc considérer successivement :
• le vieillissement cutané, qui est le plus apparent
et qui est étroitement lié à l’exposition
solaire ;
• le vieillissement des plans sous-cutanés de la
face, qui explique la ptose cutanée faciale très
variable suivant les localisations ;
• le vieillissement musculaire des muscles masticateurs,
qui ne peut être totalement séparé
du vieillissement neurosensoriel ;
• le vieillissement osseux facial, marqué par un
phénomène majeur : l’édentation et la résorption
osseuse qui en dépend.
Vieillissement cutané facial
:
Le vieillissement cutané est sans doute, après le
grisonnement des cheveux, le meilleur marqueur du vieillissement apparent d’un individu.
Il se
manifeste à la fois par des modifications moléculaires,
cellulaires, histologiques et cliniques. Il
convient d’aborder successivement ces différents
aspects du vieillissement cutané.
A - Altérations moléculaires et cellulaires
responsables du vieillissement cutané :
Deux grandes théories ont été émises pour expliquer
le vieillissement cellulaire.
Il s’agit d’une part
de l’altération des mécanismes assurant la vie de la
cellule, et d’autre part de l’apoptose ou « mort
cellulaire programmée génétiquement ».
Ces théories
permettent d’expliquer chacune une partie des
altérations suivantes qui participent à ce vieillissement
cellulaire :
• diminution de la prolifération cellulaire : Hayflick
a montré en 1964 que les lignées cellulaires
in vitro ont une durée définie de multiplication
;
• perte des télomères des chromosomes : au
cours de la vie se produit un raccourcissement
progressif des télomères (séquences d’acide
désoxyribonucléique [ADN] qui terminent les
chromosomes).
Ceci entraîne une perte de matériel
génétique et des lésions de l’ADN ;
• apoptose : cette mort cellulaire qui serait prévue
génétiquement pourrait être responsable
de l’amincissement de la peau par perte cellulaire
de kératinocytes (qui sont les cellules de
l’épiderme) et des fibroblastes présents dans
le derme ;
• ralentissement du renouvellement de la machinerie
cellulaire : il traduit par des modifications
du cycle cellulaire telles que l’oxydation,
l’altération des communications intercellulaires,
et la formation de radicaux libres.
B - Altérations histologiques liées au
vieillissement cutané :
Le vieillissement cutané s’exprime au niveau de
toutes les couches de la peau.
1- Épiderme :
On observe une diminution de l’épaisseur de l’épiderme
et une diminution de la taille des crêtes
épidermiques, ce qui se traduit par un aplatissement
de la jonction dermoépidermique.
Les kératinocytes
peuvent présenter une anisocytose.
Une parakératose puis une acanthose précèdent l’apparition
de lésions précancéreuses telles la kératose
actinique, ou néoplasiques (carcinomes basocellulaires
ou spinocellulaires).
Il se produit une diminution de la densité des
mélanocytes au niveau des zones qui ne sont pas
régulièrement exposées au soleil, rendant la peau
plus sensible aux ultraviolets.
Il se produit une
hétérochromie des zones cutanées exposées au soleil,
c’est-à-dire un mélange de zones hyperpigmentées
et de zones hypopigmentées.
La diminution des cellules de Langerhans réduit
l’immunité de la peau et pourrait diminuer les
mécanismes de défense contre les tumeurs cutanées.
2- Derme
:
Il présente globalement une atrophie au cours du
vieillissement normal liée à une diminution de la
densité en fibrocytes, et des altérations de la matrice
extracellulaire.
Celle-ci se traduit par une
raréfaction des protéoglycanes, des glycosaminoglycanes
et de la fibronectine.
La quantité de collagène
de type 1 diminue, ce qui altère les propriétés
mécaniques de la peau.
Le nombre de fibres
d’élastine est également en diminution.
3- Hypoderme
:
Dans la région cervicofaciale, se produit une atrophie
de l’hypoderme.
Au cours du vieillissement normal se produit une
atrophie cutanée par diminution des éléments
constitutifs des trois couches de la peau.
C - Modifications cliniques du vieillissement
normal :
Il est souvent difficile à apprécier au niveau de la
face, qui est une zone exposée au soleil pour laquelle
vieillissement normal et vieillissement actinique
sont souvent intriqués.
Il est cependant possible de noter chez les sujets âgés qui ne se sont pas
exposés au soleil (souvent pour des raisons culturelles)
les éléments suivants :
• une atrophie et une fragilité de la peau ;
• une perte de l’élasticité qui rend plus visibles
les rides d’expression ;
• une xérose ;
• des altérations fonctionnelles telles qu’un retard
à la cicatrisation, et une diminution des
capacités de thermorégulation.
D - Vieillissement actinique :
Il est particulièrement important au niveau de la
face qui est très exposée au soleil.
Les lésions
histologiques observées sont les suivantes :
• une alternance de zones d’hypertrophie et de
zones d’atrophie de l’épiderme ;
• des atypies nucléaires des kératinocytes (dyskératose,
parakératose) ;
• une pigmentation irrégulière avec alternance
de zones hyperpigmentées et dépigmentées ;
• une horizontalisation et un épaississement de
la jonction dermo-épidermique ;
• une élastose du derme (accumulation de substance
présentant des similitudes avec les fibres
élastiques).
Les lésions cliniques sont les suivantes :
• un épaississement cutané ;
• des rides profondes ;
• une sécheresse cutanée ;
• une laxité cutanée augmentée ;
• des télangiectasies ;
• une pigmentation irrégulière ;
• des lésions actiniques (kératoses, carcinomes,
mélanose de Dubreuilh).
E - Autres causes du vieillissement
pathologique de la peau
:
Le tabac potentialise l’effet des ultraviolets et
aggrave le vieillissement actinique.
Il favorise notamment
l’apparition d’une élastose du derme.
La ménopause : la carence oestrogénique,
lorsqu’elle n’est pas compensée par un traitement substitutif, favorise l’atrophie cutanée et la perte
d’élasticité de la peau.
Vieillissement des tissus sous-cutanés
de la face :
A - Système musculoaponévrotique superficiel
(SMAS)
:
Au niveau de la face, le tissu sous-cutané est représenté
par une couche musculoaponévrotique particulière
appelée système musculoaponévrotique superficiel
(SMAS).
Sous ce terme générique, on
retrouve selon les auteurs des structures différentes.
Le SMAS comprend au sens strict du
terme le fascia parotidien dans la région faciale, le
muscle platysma dans la région cervicale auquel il
est attaché, le fascia temporal superficiel qui le
poursuit dans la région temporale et le petit muscle
risorius (inconstant) tendu du fascia superficiel du
muscle masséter au modiolus.
Certains auteurs appellent SMAS l’ensemble des tissus sous-cutanés de
la face, considérant que toute la face est couverte
par ce système, qui est pourtant difficile à mettre
en évidence au niveau de la partie antérieure de la
face chez l’homme.
Il ne faut pas confondre le SMAS
avec les muscles peauciers de la face qui possèdent
une insertion périostée profonde et une insertion
cutanée superficielle, et qui vont donc traverser les
tissus sous-cutanés au cours de leur trajet.
Le SMAS, très dense à la partie latérale de la face (au niveau du fascia parotidien) s’affaiblit donc en
avant de la parotide, est traversé par les muscles
peauciers et le corps adipeux de la bouche, rendant
son individualisation par la dissection très difficile.
Au cours du vieillissement normal, il se produit un
relâchement du SMAS, à l’exception du fascia parotidien
qui reste assez adhérent à la glande.
Le platysma se réduit chez le sujet âgé.
Ce phénomène
va faciliter la constitution de hernies graisseuses
entre les muscles peauciers de la face, particulièrement
entre les deux muscles zygomatiques
et entre les deux muscles platysmas, qui aggravent
la ptose cutanée.
Il a été décrit des « points fixes ostéocutanés de
la face » qui sont en réalité des zones d’adhérence
du derme au SMAS, lui-même adhérent au périoste :
• Psillakis a décrit un point fixe orbitaire situé en
regard de la suture frontozygomatique ;
• Mac Gregor a décrit un point fixe zygomatique
situé sur le cintre maxillozygomatique au niveau
du processus temporal de l’os zygomatique
;
• Furnas a décrit un point fixe mandibulaire au
niveau de la partie latérale de la symphyse
mandibulaire au niveau du bord inférieur de la
mandibule.
Ces points fixes vont délimiter des zones anatomiques
de ptose cutanéoaponévrotique.
Ainsi entre le point zygomatique en arrière et le
point mandibulaire se trouve limitée la « bajoue »
ou ptose cutanée jugale.
Ces points ont aussi l’intérêt
de mettre en évidence que la chirurgie de
vieillissement cutané de la face est une chirurgie
qui devrait ascensionner les tissus de la face, et non
seulement les retendre vers l’arrière.
B - Région orbitaire :
Au niveau des paupières, le septum (couche fibreuse
qui sépare la graisse palpébrale souscutanée
de la graisse orbitaire) devient déhiscent
et laisse se constituer des hernies graisseuses qui
forment les « poches palpébrales » dont l’exérèse
est réalisée au cours des blépharoplasties esthétiques.
L’aponévrose du releveur de la paupière supérieure
devient également déhiscente, ce qui favorise
la constitution d’un ptosis dit involutif ou
sénile.
Il se produit une saillie de la partie latérale de
l’arcade sourcilière due à la résorption du tissu
adipeux sourcilier, l’apparition de rides frontoglabellaires
et d’une ptose frontosourcilière.
Vieillissement musculaire facial
:
Cet aspect du vieillissement facial est sans doute le
plus mal connu et le plus difficile à étudier.
En effet, les études morphologiques ne peuvent
nous renseigner que sur la taille, la surface musculaire,
mais ces éléments sont bien insuffisants pour
appréhender une structure dynamique.
L’étude de
la force musculaire est bien difficile à réaliser au
niveau de la face, car les mouvements que l’on peut
tester (ouverture ou fermeture buccale par exemple)
font interagir plusieurs muscles, sans parler de
l’innervation motrice.
A - Généralités
:
Au cours du vieillissement, on a mis en évidence
d’une manière générale au niveau de tous les muscles
de l’organisme :
• au plan fonctionnel, une myopathie dégénérative
responsable d’une diminution de 30 % environ
de la masse musculaire totale entre 30 et
80 ans.
Le mécanisme principal en est la diminution
du nombre et de la taille des fibres
musculaires, des vaisseaux et une diminution
des activités enzymatiques musculaires.
La diminution
du nombre de neurones moteurs participe
sans doute à cette myopathie ;
• au plan morphologique, une diminution du volume
des muscles par diminution de la densité
et de la surface musculaire.
Certaines particularités des muscles de la face
ont été mises en évidence.
B - Muscles peauciers de la face
:
L’anatomie des muscles peauciers de la face se
modifie.
Selon Rubinstenn, le muscle abaisseur de
la lèvre inférieure se situe en avant du muscle
platysma chez le sujet âgé, ce qui s’explique probablement
par la raréfaction des fibres du muscle
platysma.
Si on compare l’activité neuromusculaire
de la lèvre inférieure à celle de la partie supérieure
de la face, on constate qu’il se produit au cours du
vieillissement un déséquilibre de l’activité neuromusculaire
aux dépens de la lèvre supérieure.
L’anatomie superficielle du nez subit des modifications
importantes.
Dans la moitié des cas se produit
une infiltration graisseuse globale des muscles
peauciers du nez.
Cette infiltration pourrait
participer à la chute de la pointe du nez décrite
chez les sujets âgés.
Le plus souvent, les muscles
de la pointe du nez, dilatateur et constricteur de la
narine, et partie alaire du muscle nasal notamment involuent, ce qui explique qu’il est important dans
une rhinoplastie chez le sujet âgé de privilégier la
fonction et d’utiliser des techniques conservatrices.
C - Muscle frontal
:
Le muscle frontal est souvent considéré comme
faisant partie intégrante d’un seul muscle peaucier occipitofrontal réunissant le muscle occipital en
arrière et le muscle frontal en avant, unis par la
galéa aponévrotique.
Ce muscle présente des antagonistes
(muscle corrugator du sourcil et muscle
procerus).
Au cours du vieillissement, l’action du
muscle frontal diminue, entraînant une ptose de la
partie latérale du sourcil et un déséquilibre de la
balance muscle frontal/muscle antagoniste au profit
des muscles corrugator et procerus.
Les chirurgiens
qui pratiquent l’exérèse sous endoscopie de
ces deux muscles tentent de faciliter ainsi la mise
en tension du muscle frontal, et par la même occasion
de la peau frontale.
Selon Gola, le muscle
digastrique occipitofrontal n’existe pas.
La galéa
aponévrotique reçoit le muscle occipital sur sa face
profonde et le muscle frontal sur sa face superficielle.
Il décrit une unité cutanéo-musculoaponévrotique
frontale (UCMA) qui ptose vers
l’avant à cause du relâchement de la galéa.
D - Muscles masticateurs
:
Les muscles masticateurs subissent également des
modifications morphologiques.
Selon Gaudy, le
muscle masséter subit des modifications structurales
liées à l’âge qui concernent le muscle masséter
superficiel et le masséter intermédiaire :
• la couche superficielle du muscle masséter superficiel
présente une aponévrose qui tend à
devenir plus épaisse et à s’allonger ; ce phénomène
étant d’autant plus important que le
patient est édenté sans prothèse.
Cette notion
était déjà notée dans les travaux de Gaspard
;
• la couche profonde du muscle masséter superficiel
présente chez le sujet âgé édenté non
appareillé, d’épaisses lames tendineuses indépendantes
les unes des autres ;
• le muscle masséter intermédiaire présente une
insertion mandibulaire dont la hauteur tend à
diminuer avec l’âge.
On peut supposer que des modifications de
même nature se retrouvent sur les autres muscles
élévateurs de la mandibule.
Les muscles abaisseurs de la mandibule (autres
que le platysma dont nous avons déjà parlé), c’est-à-dire les muscles digastriques, géniohyoïdiens et
mylohyoïdiens subissent également un relâchement
lié à l’âge qui se traduit par une ptose de l’os
hyoïde, un angle cervicomentonnier ouvert, normalement
entre 105 et 120° selon Ellenbogen avec
un aspect de pseudo-double menton.
Vieillissement neurosensoriel
:
Le but n’est pas, dans ce chapitre, de détailler le
vieillissement neurologique, mais de résumer brièvement
les conséquences tout à fait fondamentales
de ce vieillissement au niveau de la face.
A - Vieillissement visuel :
Il est essentiellement marqué par l’opacification du
cristallin, par la diminution du diamètre pupillaire
qui favorise le rétrécissement du champ visuel, la
dégénérescence maculaire liée à l’âge et à l’accumulation
de matériel hyalin au niveau de la rétine.
B - Vieillissement cochléovestibulaire :
Les cellules ciliées de l’oreille interne se contractant
moins bien, on observe une presbyacousie liée
à l’âge.
Les sujets âgés utilisent moins leur système
vestibulaire, ce qui peut générer des troubles de
l’équilibre.
Vieillissement osseux craniofacial
:
Le vieillissement osseux facial est dominé par la
perte des dents et la résorption alvéolaire qu’elle
entraîne.
Ce vieillissement, autrefois considéré
comme normal est maintenant à décrire à part, ce
qui amène à distinguer le vieillissement normal et
le vieillissement lié à l’édentation.
La difficulté
essentielle est de faire la part entre ce qui revient à
la perte des dents et des phénomènes d’apposition
et de résorption osseuse attribuables uniquement
au vieillissement.
D’une manière générale, Delachapelle et al.
ont mis en évidence, sur des téléradiographies de
profil de sujets d’âge différent, de grandes tendances
:
• flexion de la tête sur la colonne cervicale et
augmentation de la lordose cervicale ;
• tendance au prognathisme mandibulaire par
ouverture de l’angle goniaque ;
• tendance au rétrognathisme facial qui serait
liée plutôt à l’édentation qu’à l’âge.
Laude et al. ont montré l’absence de modification
de la base du crâne au cours du vieillissement.
Une étude plus récente utilisant la même méthode
sur un plus grand nombre de sujets a permis
de préciser les grandes lignes évolutives de l’extrémité
céphalique au cours du vieillissement :
• augmentation de l’épaisseur de la calvaria ;
• augmentation de la lordose cervicale et perte
de hauteur globale ;
• peu de modifications concernant la mandibule
;
• augmentation de la dimension verticale postérieure
du massif facial, alors que la partie
antérieure du maxillaire restait stable.
Ces deux études montrent la complexité des
modifications osseuses du massif facial au cours du
vieillissement, alors qu’au niveau de la colonne
vertébrale cervicale il y a moins de controverses.
La plupart des auteurs considèrent que la perte
de hauteur de l’étage inférieur maxillomandibulaire
de la face liée à l’édentation a pour conséquences
:
• l’accentuation des plis nasogéniens ;
• une perte de projection labiale ;
• une proéminence du menton (menton de sorcière).
A - Vieillissement mandibulaire :
La plupart des auteurs qui se sont intéressés à ce
sujet ont comparé la mandibule édentée et la mandibule
dentée. L’un des premiers auteurs à avoir
décrit ce vieillissement est Enlow.
Celui-ci a décrit
le vieillissement de la mandibule comme un
processus qui se manifeste par :
• une apposition osseuse sur les faces linguale et
vestibulaire de la partie basale du corps de la
mandibule, ce qui se traduit par une augmentation
de la largeur de l’os mandibulaire alors
que la partie alvéolaire du corps est marquée
par une résorption ;
• un recul de la partie alvéolaire de la symphyse
mandibulaire par résorption de la face vestibulaire,
alors que la partie basale tend à s’épaissir
;
• la branche de la mandibule devient plus étroite
dans les plans antéropostérieur et latéromédial
;
• l’apparition d’une encoche préangulaire qui
peut être liée à une ouverture de l’angle goniaque.
Les constatations de Enlow ne sont pas argumentées
par une étude scientifique sur de nombreux
cas, mais rapportent l’expérience importante de
l’auteur.
C’est la raison pour laquelle de nombreuses
études ont suivi, qui cherchaient à établir des
différences statistiquement valables entre mandibule
dentée et édentée.
La diminution de hauteur de l’os mandibulaire
au niveau du corps de la mandibule est l’élément le
plus souvent retrouvé.
Selon certains auteurs, elle
ne se produit pas seulement après l’édentation
mais semble être un processus continu lié à l’âge, accentué par les pertes dentaires.
D’autres auteurs ont montré que la
perte osseuse mandibulaire liée à l’édentation ne
portait pas seulement sur l’os alvéolaire mais aussi
sur l’os basal.
Carlsson et Persson ont montré
qu’au niveau de la partie antérieure de la mandibule
la hauteur d’os diminue de 2 mm dans les
2 premiers mois après extraction, un peu plus de
4 mm 1 an après et environ 7 mm à 5 ans en
moyenne.
Cette diminution de hauteur de la mandibule
édentée est plus importante chez la femme que
chez l’homme, ce qui suggère que l’ostéoporose
pourrait jouer un rôle.
Cette résorption alvéolaire
après édentation plus importante chez la femme
que chez l’homme est confirmée par d’autres études.
Bras et al. suggèrent que la résorption osseuse
chez l’édenté n’est pas seulement liée à des facteurs
locaux, mais serait également corrélée à une
perte de la masse de calcium osseux mesurée par absorptiométrie.
Lorsqu’il se produit une perte de hauteur de la
mandibule, apparaît une apposition osseuse au niveau de la corticale interne qui compense la perte
de diamètre de la mandibule par un phénomène
d’adaptation fonctionnelle.
La résorption osseuse est variable selon les différentes
parties du corps de la mandibule.
Quelle
que soit la région mandibulaire, la perte de volume
osseux peut dépasser 65 % du volume initial avant édentation.
Dans la région incisivocanine, la hauteur de la
mandibule peut varier de 30 mm à moins de 5 mm
en cas d’atrophie très sévère.
L’épaisseur de la
mandibule est de 10 à 15,5 mm au niveau du
menton, et de 8,5 à 13 mm au niveau des canines.
La corticale est toujours plus épaisse à la face
linguale qu’à la face labiale, en raison des insertions
osseuses puissantes qui siègent sur cette face
(muscles génioglosses, géniohyoïdiens, et digastriques).
Il se produit une inclinaison linguale de la
mandibule plus marquée dans la région canine que
dans la région incisive.
Dans la région prémolaire, la résorption osseuse
peut également dépasser 65 % du volume osseux
initial avant édentation.
Selon le stade d’atrophie,
la distance entre le bord alvéolaire et le canal
mandibulaire peut varier entre 20,5 et 0,5 mm.
Alors que l’épaisseur de la mandibule varie de 8 à
13,1 mm au niveau de l’os basal, elle peut n’être
que de 1 mm au niveau de la crête alvéolaire en cas
de crête en lame de couteau.
Dans la région molaire, la résorption peut aussi
dépasser 65 % du volume initial osseux.
Le diamètre
transversal est plus important que dans la région antérieure, et peut aller de 1 à 10 mm.
La distance
entre le bord alvéolaire et le canal mandibulaire va
de 17,5 à 1 mm.
Dans certains cas exceptionnels, le
nerf alvéolaire inférieur affleure sous la muqueuse,
pouvant ainsi faire l’objet de traumatismes par des
prothèses dentaires.
D’autres variations ont été mises en évidence sur
la mandibule édentée, notamment la tendance au
prognathisme mandibulaire.
Il faut sans doute se
méfier des études qui mesurent la projection de la
mandibule par rapport au maxillaire, car en cas
d’édentation mandibulaire non appareillée, il se
produit une rotation mandibulaire qui projette le
menton vers l’avant.
Unger et al. n’ont retrouvé
aucune relation entre la longueur de la mandibule
et la résorption osseuse chez l’édenté.
D’autres
facteurs ont été évoqués qui pourraient expliquer
un éventuel prognathisme authentique en dehors
de toute rotation mandibulaire.
Il s’agit notamment de l’angle goniaque. Sa variation
éventuelle au cours de l’édentation reste un
sujet de controverse.
Alors qu’Enlow avait décrit
une augmentation de l’angle goniaque chez le sujet
édenté retrouvée par Ohm et Silness qui, selon
Enlow, se traduisait par l’apparition fréquente
d’une encoche préangulaire, des études plus récentes
ne retrouvent aucune corrélation entre l’angle
goniaque et les éléments suivants : âge du patient,
édentation, et importance de la résorption alvéolaire.
La position du condyle mandibulaire pourrait être
plus antérieure chez les patients édentés, ce qui
pourrait favoriser un prognathisme mandibulaire.
B - Vieillissement de l’articulation temporomandibulaire :
Cette articulation condylaire présente pour particularité
d’être une articulation couplée à l’articulation
controlatérale dont le fonctionnement est lié
à l’occlusion dentaire.
On peut donc comprendre
que, bien que cette articulation ne soit pas une
articulation portante, comme le genou et la hanche
dont le vieillissement se traduit par un processus de
dégénérescence arthrosique presque obligatoire,
l’édentation notamment molaire augmente les
contraintes mécaniques qui s’exercent sur cette
articulation.
L’autre particularité importante de
cette articulation est d’être divisée en deux compartiments
supérieur et inférieur par le passage du
tendon du muscle ptérygoïdien latéral épaissi qui
forme un disque articulaire.
Les surfaces osseuses
en présence (processus condylaire de la mandibule,
fosse mandibulaire et tubercule articulaire de l’os
temporal) sont le plus souvent l’objet d’une déminéralisation
diffuse et d’un amincissement des corticales
osseuses sans dégénérescence arthrosique.
Le disque articulaire est marqué en général par un
amincissement sans perforation.
Dans un certain
nombre de cas, une arthrose vraie est constatée au
niveau des surfaces articulaires, marquée par
l’existence de géodes, d’ostéophytes, de tassements
du processus condylaire souvent associés à
des perforations du disque articulaire.
La fréquence
de ces perforations dans une population
âgée varie selon les auteurs.
C - Vieillissement maxillaire :
La résorption de l’os alvéolaire maxillaire chez les
patients édentés est plus lente qu’au niveau de la
mandibule.
Selon Atwood et Coy et
Tallgren, la résorption verticale est de 0,1 mm
par an pour le maxillaire.
Une classification de la
résorption osseuse alvéolaire maxillaire après édentation a été établie par Fallschüssel.
Cette résorption osseuse est plus importante
dans la partie antérieure du maxillaire que
dans la partie postérieure.
Dans la région incisivocanine, la hauteur des os
maxillaires mesurée entre crête alvéolaire et paroi
inférieure des cavités nasales varie entre 20 et
8 mm.
Dans la région prémolomolaire, même si la résorption
osseuse liée à l’édentation est moins importante,
la hauteur d’os maxillaire est moins importante
en raison de l’expansion du sinus
maxillaire qui se poursuit tout au long de la vie.
Dans certains cas, le sinus maxillaire envahit totalement
la crête alvéolaire qui se réduit alors à une
lamelle extrêmement fine.
Cette expansion du sinus
maxillaire vers la cavité buccale serait aussi
aggravée par l’édentation.
Elle est souvent maximale
en regard du site où a commencé la perte
dentaire, c’est-à-dire habituellement dans la région
molaire.
La hauteur d’os varie dans la région prémolomolaire maxillaire entre 21 et 0,5 mm.
C’est dans la région de la tubérosité maxillaire
que la résorption osseuse est la moins importante.
La distance entre crête et sinus maxillaire varie
entre 10 et 4 mm.
Laude a bien mis en évidence une tendance au
rétrognathisme facial au cours du vieillissement.
Ce recul maxillaire est dû à une atténuation des piliers de la face zygomatiques et canins.
Ces modifications
seraient plutôt liées à l’édentation qu’à
l’âge.
D - Vieillissement crânien
:
Selon Gola, il se produit une involution osseuse
crânienne qui est due à la réduction des fonctions
manducatrices avec l’âge.
L’accentuation des bosses
frontales s’explique par l’atrophie osseuse
autour des sinus frontaux.
Conclusion
:
Les manifestations cliniques du vieillissement, bien
qu’elles soient apparentes au niveau de la face, restent encore l’objet de controverses.
C’est le cas notamment pour le vieillissement
osseux craniofacial.
Il est difficile de savoir ce qui
revient à l’édentation dans ce processus de vieillissement
osseux.
D’une manière plus générale, le
vieillissement est la résultante de facteurs multiples
génétiques, environnementaux (tels que le
soleil pour la peau et l’édentation pour l’os), et
hormonaux, pour ne citer qu’eux.
La difficulté pour
analyser scientifiquement ce processus est qu’il est
très compliqué d’étudier chez les mêmes patients
la morphologie faciale aux âges extrêmes de la vie.
Jost avait montré par une étude photographique
tout au long de la vie sur les mêmes sujets que la
pointe du nez ne tombait pas avec l’âge
contrairement à l’opinion encore actuellement généralement
admise, mais des études de ce type
sont très rares.
Si les manifestations cliniques du
vieillissement sont difficiles à étudier, au plan fondamental
de nombreux auteurs ont tenté de donner
un sens à ce processus.
Williams a proposé la théorie
suivante : parmi les protéines qui favorisent le
développement de l’homme et assurent sa fécondité,
certaines pourraient aussi favoriser le déclenchement
ultérieur de notre vieillissement.
Ceci expliquerait
que ces protéines aient été transmises au
cours de l’évolution, car avant d’avoir un effet
néfaste elles constituent un avantage pour notre
espèce qui aurait été sélectionné.
Cette conception
un peu finaliste traduit notre connaissance
encore très partielle du vieillissement.