L’uvéite de l’enfant est moins fréquente que celle de l’adulte et, bien qu’il
soit difficile de déterminer avec précision sa fréquence exacte du fait des
différents biais de recrutement selon les auteurs, une incidence de 6 à 8 %de
l’ensemble des uvéites (adultes et enfants) semble pouvoir être retenue à partir
des chiffres de la littérature.
De même que chez l’adulte, l’uvéite peut
être le reflet d’une maladie ophtalmologique spécifique, comme l’iridocyclite
hétérochromique de Fuchs, l’ophtalmie sympathique, ou représenter l’un des
symptômes d’une maladie systémique.
L’origine d’une uvéite semble plus
simple à étudier chez l’enfant en raison d’un meilleur suivi et d’étiologies
moins nombreuses que chez l’adulte, permettant un diagnostic étiologique
précis dans 60 %des cas contre 45 à 50 %des cas chez les patients adultes.
La découverte d’une uvéite chez l’enfant, quelle qu’en soit l’étiologie, doit
conduire à un traitement spécifique dans le but d’éviter les complications que
sont la kératopathie en bandelette, les synéchies postérieures, la
cataracte, le glaucome et l’oedème maculaire cystoïde, qui peuvent
compromettre la fonction visuelle.
La gravité de l’atteinte oculaire chez
l’enfant est liée à un début volontiers plus insidieux conduisant à un
diagnostic plus tardif, ainsi qu’à la chronicité de l’inflammation.
Ces deux
éléments expliquent le plus mauvais pronostic visuel que chez l’adulte.
Par
ailleurs, l’approche thérapeutique est un compromis entre la nécessité du
contrôle de l’uvéite et les effets secondaires de la corticothérapie chez ces
enfants en pleine croissance.
En raison du nombre important des étiologies à l’origine de l’uvéite, plusieurs
classifications ont été proposées pour préciser l’orientation diagnostique.
La
plus commune consiste à envisager l’uvéite en fonction de son siège
anatomique (antérieure, intermédiaire, postérieure, panuvéite) ; d’autres
classifications retiennent l’aspect granulomateux ou non de l’inflammation,
son mode évolutif, voire son association à d’autres pathologies (maladies
infectieuses, auto-immunes...).
Nous retiendrons dans cet exposé la
classification anatomique qui nous semble la plus didactique.
Prise en charge de l’enfant présentant
une uvéite :
La prise en charge ne se conçoit pas sans un interrogatoire précis de
l’enfant et des parents afin de cerner et de limiter le plus possible les
causes potentielles qui seront à rechercher lors du bilan clinique et paraclinique.
En particulier, l’état des différents appareils (antécédents
dermatologiques, rhumatologiques, gastro-intestinaux...) doit être précisé
à la recherche de maladies pouvant être reliées à l’uvéite, d’autant que,
chez l’enfant, l’uvéite est plus fréquemment associée à des maladies
systémiques.
Les examens de laboratoire demandés systématiquement
sans orientation clinique préalable sont, en effet, d’un moindre intérêt
pour le diagnostic.
Uvéite antérieure
:
A - Arthrite chronique juvénile :
L’arthrite chronique juvénile (ACJ) est la pathologie systémique le plus
fréquemment associée à l’iridocyclite chez l’enfant.
Elle représente un
groupe de pathologies articulaires inflammatoires qui débutent avant l’âge de
16 ans et qui évoluent pendant au moins 3 mois.
Ces arthrites
inflammatoires sont habituellement divisées en trois sous-groupes : atteinte
systémique, polyarticulaire et oligoarticulaire.
Le risque d’uvéite est déterminé par la nature de l’arthrite de l’enfant lors de
la période initiale des 6 mois, même si d’autres articulations peuvent, par la
suite, être touchées.
Au terme de ces 6 mois d’évolution, on distingue trois
formes cliniques.
1- Forme oligoarticulaire :
Elle est définie par l’atteinte d’au maximum quatre articulations dans les
6 mois qui suivent le début de la maladie.
Cette forme est la plus fréquente et
comprend 50 % des patients atteints d’ACJ.
Ce sont ces patients qui vont
présenter une uvéite puisqu’ils représentent la grande majorité des uvéites
survenant lors de l’ACJ.
Ce groupe des atteintes oligoarticulaires est luimême
divisé en :
– une forme de début précoce (type I) qui atteint la petite fille avant l’âge de
5 ans, avec une iridocyclite chronique fréquente et des anticorps
antinucléaires positifs ;
– une forme de début tardif (type II) qui atteint surtout les garçons, avec une
uvéite antérieure aiguë récidivante et une évolution ultérieure éventuelle vers
la spondylarthrite ankylosante.
2- Forme polyarticulaire :
Cinq articulations au moins sont concernées.
Les filles sont, là encore, plus
souvent atteintes que les garçons.
L’uvéite survient dans seulement 5 % des
cas et généralement chez les enfants chez lesquels le facteur rhumatoïde est
négatif.
3- Forme systémique (maladie de Still)
:
Elle se manifeste par une atteinte inflammatoire générale avec de la fièvre, un
rash cutané, une hépatosplénomégalie, une atteinte articulaire absente ou très
modérée, cela chez des enfants de moins de 5 ans.
L’atteinte oculaire y est
exceptionnelle.
4- Signes cliniques. Évolution
:
L’uvéite de l’ACJ est le plus fréquemment une iridocyclite chronique, non
granulomateuse, bilatérale chez 71 % des enfants.
Il n’est pas rare de
découvrir l’uvéite au stade de complications car l’inflammation oculaire est
habituellement asymptomatique, insidieuse et ne s’accompagne pas de
rougeur oculaire.
Ces complications sont la cataracte, le glaucome, la kératopathie en bandelettes, les synéchies postérieures et la phtise du
globe.
Puis, l’iridocyclite se
développe chez la moitié des enfants atteints dans les 2 ans après le début de
l’arthrite. Dans la forme oligoarticulaire, un examen ophtalmologique
systématique doit être pratiqué tous les 4 mois.
En cas d’anticorps
antinucléaires positifs, l’examen est pratiqué plus fréquemment, tous les 2
mois.
Il a été recommandé de suivre les patients atteints d’ACJ pendant 7 ans
après le début de la maladie, mais souvent le suivi est plus prolongé, une
poussée inflammatoire oculaire plus tardive étant toujours à redouter.
Les
enfants atteints de la forme polyarticulaire doivent faire l’objet d’un examen
ophtalmologique tous les 6 mois, alors que les patients ayant une forme
systémique sont examinés annuellement.
Il n’y a pas de
corrélation entre le degré d’activité inflammatoire de l’arthrite et
l’inflammation oculaire.
Alors que l’arthrite diminue et se résout avec l’âge,
l’uvéite reste souvent chronique et peut persister à l’âge adulte.
Le
diagnostic précoce de l’inflammation oculaire est très important car il diminue
la morbidité de la maladie.
B - Spondylarthropathies juvéniles
:
Ce sont des affections observées plus tardivement dans l’enfance et plutôt
chez le garçon.
L’uvéite accompagnant ces pathologies rhumatismales
inflammatoires, à l’origine de 16 %des uvéites antérieures de l’enfant, est
moins fréquente que dans la forme pauciarticulaire de l’ACJ de la petite fille.
Elle se différencie de l’uvéite de l’ACJ par son caractère volontiers aigu et sa
fréquente localisation unilatérale.
En effet, si les deux yeux peuvent présenter
une inflammation, il est très inhabituel que cette atteinte soit simultanée.
Il
s’agit d’une uvéite non granulomateuse qui dure environ 2 à 3 semaines et
répond bien au traitement corticoïde local.
Contrairement à la forme de
l’adulte, les spondylarthropathies juvéniles débutent fréquemment par une
oligoarthrite périphérique et sont de type indifférencié au stade initial de leur
évolution.
Des antécédents familiaux de formes différenciées de
spondylarthrite ankylosante, d’arthrite réactionnelle ou d’arthrite psoriasique
sont volontiers retrouvés.
La survenue d’une uvéite aiguë chez un garçon
porteur d’une oligoarthrite est considérée, en l’absence d’atteinte axiale, de
psoriasis ou d’entérocolopathie symptomatique, comme un élément
important en faveur du diagnostic de spondylarthropathie.
La forte
association avec l’antigène HLA B27 dans 95 % des spondylarthrites
ankylosantes de l’adulte et de l’enfant n’est pourtant pas spécifique de la
spondylarthrite ankylosante puisqu’on peut retrouver cet antigène
d’histocompatibilité dans d’autres formes d’uvéites antérieures, comme le
syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, certaines entérocolopathies ou
l’arthrite psoriasique.
Chez la plupart des patients, le facteur rhumatoïde est
absent.
1- Spondylarthrite ankylosante juvénile :
Elle affecte surtout les garçons âgés de plus de 10 ans et débute par une atteinte
des articulations périphériques des membres inférieurs.
L’atteinte oculaire
consiste principalement en des épisodes récurrents d’uvéite antérieure qui
peuvent être suffisamment sévères pour entraîner la formation de membranes
fibrineuses ou d’un hypopion dans la chambre antérieure.
L’uvéite peut
précéder ou suivre l’arthrite et leurs niveaux d’activité ne sont pas corrélés.
2- Syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter juvénile
:
Il représente une entité clinique rare chez l’enfant (moins de 1 % des enfants
présentant une uvéite antérieure).
Le tableau classique comprend l’arthrite,
l’urétrite et la conjonctivite, mais l’iritis, chronique ou aiguë, peut être
retrouvée.
L’évolution est le plus souvent courte et favorable.
3- Arthrite psoriasique juvénile
:
Elle associe une atteinte des articulations des doigts ou des orteils, un
psoriasis, une atteinte unguéale et une uvéite antérieure chronique (3 % des
cas d’uvéite antérieure de l’enfant).
Cette entité survient plus fréquemment chez la fille que chez le garçon.
Les
anticorps antinucléaires sont présents et l’antigène HLA-B27 est retrouvé
dans les formes comprenant une atteinte des sacro-iliaques.
4- Entérocolopathies (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique)
:
Elles peuvent s’associer à une inflammation modérée des grosses articulations
ou des sacro-iliaques chez l’enfant.
L’atteinte de nombreux tissus oculaires
peut coexister, mais l’iridocyclite est la plus fréquente. Elle évolue
parallèlement à l’atteinte articulaire et digestive dans la forme avec arthrite
périphérique.
C - Uvéites virales :
1- Herpès simplex :
L’iridocyclite à Herpès simplex peut être sévère à modérée et s’accompagne
de synéchies postérieures, de précipités rétrodescemétiques et souvent d’une
atteinte cornéenne (kératite disciforme, stromale, voire épithéliale).
Ces
formes sont dues à des récurrences du virus qui réalisent le même tableau
clinique que chez l’adulte.
La primo-infection du nouveau-né réalise un
tableau plus spécifiquement pédiatrique.
L’infection est alors systémique
avec des localisations viscérales multiples dont l’atteinte oculaire avec une
uvéite antérieure et postérieure, cette dernière dominée par une choriorétinite
avec nécrose rétinienne.
2- Varicelle :
Elle peut s’associer à une uvéite antérieure au cours de laquelle une vasculite
irienne entraîne des zones d’ischémie visibles sous forme d’atrophie irienne
en secteurs.
Là encore, une kératite stromale ou dendritique peut
accompagner l’uvéite.
La nécrose rétinienne aiguë est exceptionnelle chez
l’enfant.
3- Autres virus
:
Les autres uvéites virales ont des aspects peu différents de ceux des uvéites
virales de l’adulte.
Une lésion particulière de rétinite se voit dans la rougeole
et peut précéder la panencéphalite sclérosante subaiguë de Van Bogaert : il
s’agit d’une lésion fugace, orangée, arrondie, oedémateuse, accompagnée de
quelques hémorragies superficielles, localisée plutôt au pôle postérieur.
Elle
laisse un stigmate évocateur sous forme d’un semis de lésions atrophiques
punctiformes de l’épithélium pigmentaire dans les régions paramaculaires.
Ces cicatrices constituent un élément important de diagnostic lorsque l’enfant
présentera quelques années plus tard les troubles neurologiques de la maladie
de Van Bogaert qui sera confirmée par la scanographie cérébrale.
D - Causes plus rares
:
1- Maladie de Kawasaki :
Il s’agit d’une vascularite aiguë caractérisée par de la fièvre, des adénopathies
cervicales, des lésions muqueuses et cutanées avec desquamation de la peau
des mains et des pieds.
Cette maladie idiopathique touche surtout le
nourrisson et l’enfant jeune.
Elle peut s’associer à des arthrites ou à des
atteintes cardiaques (anévrismes coronariens, arythmie, myocardite).
Une
hyperhémie bilatérale de la conjonctive bulbaire est présente dans 96 % des
cas, de même qu’une uvéite antérieure dans 66 % des cas.
Cette
inflammation oculaire est modérée et se résout sans laisser de séquelles.
2- Syphilis :
C’est une cause rare d’uvéite chez l’enfant.
L’atteinte oculaire peut survenir
dans les formes acquise et congénitale.
Dans la syphilis congénitale, l’uvéite, granulomateuse ou non, peut être antérieure, accompagnant la kératite
interstitielle, ou postérieure, s’associant à un aspect poivre et sel du fond
d’oeil.
L’inflammation intraoculaire est plus communément retrouvée dans la
forme acquise et survient à la phase secondaire de l’infection.
L’atteinte
postérieure peut prendre la forme d’une hyalite, d’une choriorétinite, d’une
vascularite, d’une papillite.
Une inflammation oculaire persistante en dépit
d’une corticothérapie doit alerter le praticien de la possibilité d’une syphilis.
Dans ces cas suspects, un test de dépistage par le VDRL (Venereal Disease
Research Laboratory) et le TPHA (Treponema pallidum haemagglutination
assay) est effectué.
Actuellement, de nombreux cas de syphilis sont associés
à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), de sorte
que le diagnostic d’une syphilis chez l’enfant, et surtout chez l’adolescent,
doit faire rechercher une infection par le VIH.
3- Tuberculose
:
C’est aussi une cause rare d’uvéite de l’enfant.
Comme la syphilis, la
tuberculose peut s’accompagner de toutes les formes d’inflammation oculaire
et doit être recherchée dans toute uvéite répondant mal à la corticothérapie.
L’iridocyclite est typiquement granulomateuse.
Les enfants suspects de
tuberculose doivent bénéficier d’une intradermoréaction à la tuberculine et
d’une radiographie pulmonaire.
4- Autres causes
:
La néphrite interstitielle aiguë avec uvéite est une pathologie rénale très rare
qui semble résulter d’une réaction immune aux antibiotiques, aux antiinflammatoires
non stéroïdiens ou à une infection.
Les grands enfants ou
adolescents sont le plus souvent touchés.
Outre l’insuffisance rénale aiguë et
le syndrome inflammatoire sévère, il existe une uvéite antérieure aiguë
bilatérale, s’étendant parfois au segment postérieur qui peut précéder,
accompagner ou suivre l’atteinte rénale.
La pseudotumeur inflammatoire de l’orbite, outre les signes oculaires
habituels (exophtalmie, ptosis, diplopie, atteinte oculomotrice), peut
s’accompagner d’une uvéite, contrairement à la forme de l’adulte.
Les enfants
présentant une uvéite ont des risques plus importants de récurrence de la
pseudotumeur inflammatoire, de même que lorsqu’il existe une uvéite
bilatérale.
Uvéite intermédiaire
:
L’uvéite intermédiaire (pars planite) est une pathologie bilatérale dans 80 %
des cas, mais elle peut être asymétrique ou même unilatérale à un stade
précoce.
Dans sa forme habituelle, elle est asymptomatique jusqu’à ce que la
maladie entraîne un retentissement marqué sur la vision.
Les symptômes sont
très ténus et donc difficiles à exprimer pour l’enfant : généralement il s’agit
de myodésopsies avec baisse d’acuité visuelle ou de métamorphopsies en cas
d’oedème maculaire.
L’inflammation du segment antérieur est minime, ce qui
explique la quasi-absence de douleurs ou de photophobie.
Une hyalite avec
des cellules vitréennes antérieures est le premier signe d’examen.
Des
exsudats caractéristiques en « oeufs de fourmi » ou en « banquise » peuvent être présents à la surface de la pars plana ou de la rétine
périphérique adjacente.
Ils sont presque toujours situés à la partie inférieure
et requièrent parfois une dépression sclérale pour être visibles.
Leur présence
est le témoin d’une inflammation plus sévère.
Une cataracte sous-capsulaire
postérieure débutante, des périphlébites rétiniennes périphériques ou un
oedème péripapillaire peuvent accompagner l’uvéite intermédiaire.
L’évolution est très variable, avec parfois une chronicité qui conduit à des
complications retentissant sur l’acuité visuelle : la cataracte sous-capsulaire
postérieure dans 42 % des cas et l’oedème maculaire cystoïde dans 28 % des
cas.
D’autres complications peuvent être dues à l’uvéite intermédiaire : le
glaucome secondaire et la kératopathie en bandelettes sont rares, la présence
d’une néovascularisation périphérique (surtout en cas de « banquise ») peut
entraîner des hémorragies intravitréennes à répétition, une organisation du
vitré et, à terme, un décollement de rétine.
La pathogénie de l’uvéite intermédiaire est mal connue et le bilan étiologique
presque toujours négatif.
On recherche plus particulièrement une sarcoïdose
ou une maladie de Lyme et, en cas d’atteinte unilatérale, une toxocarose.
Uvéite postérieure
:
Les jeunes patients se plaignent peu lors d’atteintes uvéales postérieures,
même en cas de baisse d’acuité visuelle importante.
Tout au plus est exprimée
chez les plus âgés une sensation de vision floue ou de corps flottants.
La
variabilité est grande dans le délai entre les symptômes initiaux et la première
consultation chez l’ophtalmologiste : un enfant est vu beaucoup plus
tardivement qu’un adulte pour la même pathologie, ce qui peut aggraver le
retentissement fonctionnel, d’autant que les régions maculaires et
paramaculaires sont fréquemment affectées dans l’uvéite infantile.
A - Toxoplasmose
:
La toxoplasmose oculaire est la première cause d’uvéite postérieure de
l’enfant, rassemblant 50 à 70 %des cas d’uvéite postérieure.
Elle est due à
une infection par un protozoaire intracellulaire, Toxoplasma gondii.
L’ingestion de la forme enkystée (bradyzoïte), kystes dans la viande ou
oocystes dans les déjections des chats, est la principale source d’infestation
chez l’homme.
La forme enkystée a une prédilection pour le tissu cardiaque,
musculaire et nerveux, en particulier rétinien.
La rupture des kystes entraîne
la prolifération de la forme active (tachyzoïte), cause des réactivations
particulières à cette infection.
L’infection congénitale résulte de l’ingestion de la forme enkystée
(bradyzoïte) par la femme enceinte non infectée, suivie par son passage
transplacentaire vers le foetus.
En France, où le dépistage sérologique de la
femme enceinte est obligatoire, 2 000 à 5 000 femmes par an font une
séroconversion pendant leur grossesse (Paris, 1996).
Le risque de passage transplacentaire augmente au cours de la grossesse.
Au premier trimestre, ce
risque est de 10 %, mais les lésions sont les plus sévères, marquées par une
atteinte du système nerveux central (microcéphalie, calcifications
intracrâniennes, convulsions, retard mental) ou un avortement spontané.
En
cas d’atteinte neurologique, l’atteinte ophtalmologique est associée dans
94 % des cas.
Au cours du deuxième trimestre, le risque de passage transplacentaire est de 30 % et passe au troisième trimestre à 60 %.
L’enfant développe seulement une choriorétinite parfois associée à des
adénopathies diffuses ou à une hépatosplénomégalie.
La forme acquise après
la naissance est plus rare mais non exceptionnelle et peut donner une atteinte rétinochoroïdienne.
La forme du nouveau-né est bilatérale dans 85 % des cas et les enfants sont
souvent vus au stade cicatriciel.
Un strabisme ou un nystagmus peut être un
signe d’appel en cas de cicatrice maculaire, de cataracte ou d’atrophie
optique.
Chez l’enfant plus âgé, l’aspect des lésions est proche de celui de
l’adulte.
Le diagnostic, essentiellement clinique, met en évidence un foyer
ovalaire de rétinochoroïdite blanc jaunâtre entouré d’un oedème rétinien plus
ou moins important, associé à une atteinte choroïdienne et à une hyalite dense
(responsable du flou visuel).
Bien que les lésions actives soient presque
toujours unilatérales, l’oeil adelphe présente fréquemment une ou des
cicatrices atrophiques.
De même, il est fréquent de constater la présence de
lésions actives adjacentes à des cicatrices inactives.
Alors que l’oeil présente
habituellement à l’inspection un aspect calme, dans certains cas sévères une iridocyclite, granulomateuse ou non, peut accompagner l’uvéite postérieure.
En cas de doute diagnostique, on peut mettre en évidence la présence
d’anticorps spécifiques dans le sang et dans l’humeur aqueuse.
Si le nerf
optique ou la macula ne sont pas atteints, les lésions actives vont cicatriser
spontanément en quelques semaines chez l’enfant immunocompétent, sans
séquelle visuelle notable, en dehors d’un scotome absolu au niveau de la
cicatrice.
Malheureusement, la localisation maculaire unilatérale, voire
bilatérale, est la plus fréquente.
Les indications thérapeutiques chez l’enfant sont les mêmes que chez
l’adulte : foyers maculaires et interpapillomaculaires, foyers juxtapapillaires,
baisse d’acuité visuelle supérieure à 1/10 ou inflammation vitréenne
marquée.
B - Toxocarose :
La toxocarose est une maladie de l’enfant acquise par l’ingestion d’oeufs de Toxocara canis, un ascaris parasitant l’intestin des chiens.
Depuis l’intestin
de l’enfant infesté, Toxocara migre par voie sanguine dans de nombreux
organes, spécialement le foie, le cerveau, les poumons, les yeux et la peau,
entraînant un syndrome de larva migrans viscéral fugace, souvent
asymptomatique.
Il atteint le jeune enfant vers l’âge de 2 ans et s’accompagne
d’une leucocytose avec hyperéosinophilie.
La forme oculaire de la maladie est retrouvée chez les enfants dont l’âge
moyen est de 7 ans.
Elle n’est pas associée à des symptômes systémiques, ni
à une hyperéosinophilie.
En pratique, l’atteinte oculaire est unilatérale, plus
volontiers à gauche, mais elle peut prendre plusieurs formes cliniques.
Le
granulome postérieur se manifeste par un foyer blanc jaunâtre en relief au
niveau du pôle postérieur et s’associe à une réaction vitréenne en regard.
Des
tractions rétinovitréennes peuvent s’étendre au nerf optique ou à la macula.
Cet aspect lésionnel survient habituellement chez l’enfant de 6 à
14 ans et entraîne une baisse d’acuité visuelle marquée et une leucocorie.
Le
granulome périphérique est découvert à un âge plus tardif, surtout lorsque
l’acuité visuelle est normale.
Il se localise souvent en zone inférieure et peut
alors être confondu avec la « banquise » de l’uvéite intermédiaire.
L’unilatéralité de la lésion est en faveur du diagnostic de toxocarose car les
lésions de « banquise » sont bilatérales.
Les complications rencontrées dans
cette forme périphérique sont l’hétérotopie maculaire, le strabisme ou la
baisse d’acuité visuelle, par l’intermédiaire de tractions vitréorétiniennes.
L’endophtalmie chronique s’observe chez les jeunes enfants (de 2 à 9 ans) et
se manifeste par une hyalite souvent importante avec baisse d’acuité visuelle.
Il peut alors y avoir une réaction inflammatoire en chambre antérieure.
L’évolution peut se faire vers une rétraction rétinienne majeure avec
décollement de rétine.
La toxocarose fait partie du diagnostic différentiel du rétinoblastome.
Bien
que des calcifications dans les foyers anciens aient été rapportées dans de rares
cas de toxocarose, ce signe échographique et tomodensitométrique est très
en faveur du rétinoblastome.
Une aide au diagnostic est apportée par la
présence d’anticorps spécifiques anti-Toxocara canis dans le sang ou dans l’humeur aqueuse.
La présence d’éosinophiles dans l’humeur aqueuse peut
conforter le diagnostic.
Les données épidémiologiques (contact intime avec
un chien), l’âge un peu plus avancé (6 à 8 ans), le sexe féminin, sont des
arguments en faveur de la parasitose.
Panuvéite
:
A -
Sarcoïdose
:
La sarcoïdose est une maladie systémique granulomateuse d’origine encore
indéterminée.
La sarcoïdose de l’enfant est peu fréquente (3 % des cas)
mais doit être systématiquement recherchée car elle peut mimer l’ACJ, autant
dans ses manifestations oculaires que systémiques.
On distingue chez l’enfant
deux formes de présentation clinique.
La majorité des patients sont atteints
entre 8 et 15 ans au début de la maladie et présentent une forme proche de
celle de l’adulte.
Dans ce groupe, l’atteinte pulmonaire est présente chez tous
les patients, même asymptomatiques.
L’uvéite est retrouvée dans 17 à
38 % des cas et peut s’accompagner d’adénopathies et d’une hépatosplénomégalie, l’arthrite étant rare dans ce groupe.
La deuxième
forme clinique se retrouve chez des patients âgés de moins de 5 ans, chez qui
l’atteinte pulmonaire est moindre (35 %des patients) mais qui présentent une
triade symptomatique comprenant une arthrite, des lésions cutanées (rash
cutané, érythème noueux) et une uvéite.
L’atteinte oculaire, qui peut être révélatrice dans 25 %des cas, est dominée
par l’uvéite antérieure qui est plus fréquente que l’uvéite postérieure.
L’iridocyclite est en général bilatérale, chronique, granulomateuse, avec des
précipités rétrodescemétiques typiques en « graisse de mouton » et des
nodules iriens (nodules de Koeppe lorsqu’ils sont situés sur le bord pupillaire,
nodules de Busacca lorsqu’ils se situent au niveau de la surface stromale
irienne ou dans l’angle iridocornéen).
Une uvéite non granulomateuse est
beaucoup plus rare.
L’atteinte du segment postérieur se caractérise par une
pars planite avec une hyalite et des exsudats périphériques (« oeufs de
fourmi » ou « banquise ») à la périphérie rétinienne, une papillite, des
périphlébites moniliformes et la présence de granulomes rétiniens ou
choriorétiniens plus rarement.
Ces manifestations inflammatoires peuvent se
compliquer d’oedème maculaire ou de néovaisseaux papillaires ou rétiniens.
D’autres atteintes oculaires sont possibles comme les granulomes
conjonctivaux, la kératopathie en bandelettes et l’infiltration orbitaire pouvant
entraîner une exophtalmie, associée parfois à une infiltration cutanée
périoculaire (lupus pernio).
L’atteinte de la glande lacrymale est rare chez
l’enfant.
Le bilan étiologique comprend une radiographie pulmonaire à la recherche
de signes spécifiques, surtout chez les grands enfants.
L’enzyme de
conversion de l’angiotensine est physiologiquement élevée chez l’enfant, ce
qui rend son dosage moins contributif.
En l’absence de manifestations
générales typiques et pour confirmer le diagnostic, des biopsies de la peau,
des adénopathies superficielles et de la conjonctive sont très utiles, surtout s’il
existe au niveau de ces tissus des lésions repérables cliniquement.
En
l’absence de lésion accessible, et en fonction de la gravité de l’atteinte, une
ponction biopsie hépatique, qui s’avère être un examen de grande valeur, peut
être proposée.
B - Maladie de Behçet :
La maladie de Behçet est une vascularite oblitérante de cause inconnue qui
peut survenir à n’importe quel âge, surtout chez l’adulte jeune, mais aussi
dans de rares cas chez l’enfant.
Le diagnostic repose sur la présence d’une aphtose buccale, d’ulcérations génitales, d’une uvéite récidivante et d’autres
lésions (érythème noueux, phlébites, arthrites...).
Cette pathologie a une
grande incidence dans les pays du pourtour méditerranéen, du Moyen-Orient
et de l’Extrême-Orient (Japon).
Les formes familiales de la maladie de Behçet
représentent 18 % des formes de l’enfant.
Les manifestations oculaires surviennent dans 70 à 85 % des cas.
Une iridocyclite récurrente et bilatérale, parfois associée à un pseudohypopion
transitoire (remarqué dans un tiers des cas) constitue le signe
ophtalmologique le plus typique.
L’atteinte du segment postérieur est
habituelle et comporte une vascularite occlusive, souvent associée à
des hémorragies rétiniennes, des exsudats ou une hyalite.
La récurrence des
poussées inflammatoires non traitées conduit à la cécité par l’intermédiaire
de plages de nécrose rétinienne, d’oedème maculaire cystoïde chronique,
d’atrophie optique, de décollement de rétine secondaire à une rétinopathie
ischémique néovasculaire.
L’uvéite antérieure récidivante entraîne
l’apparition d’une cataracte et d’un glaucome.
Malgré une prise en charge
thérapeutique de plus en plus adaptée, la cécité touche deux tiers des patients
après 10 ans d’évolution.
Le diagnostic est clinique dans la majorité des cas, mais le typage HLA peut
être utile pour poser le diagnostic : le HLA B5 (et son dérivé Bw51) est
présent chez plus de la moitié des patients d’origine méditerranéenne ou
japonaise, moins fréquent dans les autres groupes ethniques.
C - Syndrome de Vogt-Koyanagi-Harada :
Le syndrome deVogt-Koyanagi-Harada est une panuvéite associée à d’autres
lésions systémiques (dermatologiques et neurologiques) dont l’étiologie est
inconnue.
C’est une pathologie qui s’observe surtout chez l’adulte jeune entre
20 et 40 ans, mais peut survenir occasionnellement chez l’enfant.
Les lésions
oculaires sont bilatérales, à début souvent asymétrique. Une photophobie accompagne l’iridocyclite granulomateuse douloureuse.
L’examen du
segment postérieur met en évidence de multiples soulèvements rétiniens
exsudatifs de localisation souvent inférieure qui peuvent être précédés de choroïdite multifocale.
Une hyalite et une papillite peuvent accompagner
l’atteinte rétinochoroïdienne.
Un syndrome grippal accompagné de
céphalées, de baisse de l’audition, d’acouphènes, de raideur méningée
précède l’apparition des signes ophtalmologiques.
Les signes
dermatologiques deviennent prédominants après la phase aiguë et le début de
la régression des signes ophtalmologiques.
Ils associent une alopécie, une poliose, un vitiligo.
Le diagnostic est surtout clinique en l’absence de test de
laboratoire spécifique.
La pléiocytose retrouvée dans le liquide
céphalorachidien au cours du syndrome grippal est non spécifique et c’est
surtout l’angiographie, parfois complétée par l’échographie oculaire, qui
apporte le plus d’arguments diagnostiques lorsqu’elle est possible chez
l’enfant.
D - Maladie de Lyme :
Cette pathologie est due au spirochète Borrelia burgdorferi transmis par la
piqûre d’une tique.
Trois stades de la maladie ont été décrits, chacun
s’accompagnant d’une atteinte oculaire particulière.
Le stade 1 est caractérisé
par une conjonctivite accompagnée de macules érythémateuses migratoires
et d’un syndrome pseudogrippal.
Dans le stade 2, les signes cardiaques
(myocardite, arythmie) et les signes neurologiques (méningite et radiculonévrite) sont au premier plan.
Des paralysies oculomotrices (nerfs
oculomoteur et abducens) et du nerf facial ainsi qu’une kératite interstitielle
constituent les signes oculaires de ce stade.
Enfin, le stade 3 associe des signes
systémiques (arthrites, atteinte du système nerveux central avec
manifestations neuropsychiques) et des signes ophtalmologiques d’atteinte
du tractus uvéal : uvéite antérieure granulomateuse avec synéchies
postérieures et pars planite, choroïdite, névrite optique.
La recherche
d’anticorps spécifiques permet de poser le diagnostic.
Au cours du stade 1, les
anticorps sont absents ou à un titre faible, mais au cours des stades 2 et 3 les
anticorps sont présents chez 95 % des patients atteints.
E - Autres panuvéites plus rares
:
L’ophtalmie sympathique est une panuvéite granulomateuse rare, bilatérale,
qui se développe après un traumatisme pénétrant d’un oeil ou parfois après
une chirurgie intraoculaire.
Il n’existe pas de particularité pédiatrique par
rapport à l’adulte, si ce n’est une grande réserve quant à l’indication
d’énucléation de l’oeil traumatisé préconisée par certains auteurs.
En effet,
chez l’enfant, l’oeil est un facteur de la croissance harmonieuse de l’orbite et
du massif facial.
Une inflammation intraoculaire avec uvéite antérieure et/ou postérieure a été
décrite au cours de nombreuses maladies inflammatoires et auto-immunes
(périartérite noueuse, sclérodermie, dermatomyosite...).
Dans une affection rare d’évolution sévère, à début néonatal, appelée CINCA
syndrome (chronic infantile neurologic cutaneous and articular syndrome),
l’atteinte oculaire (conjonctivite, kératite, oedème papillaire, atrophie optique,
panuvéite) est responsable d’une amblyopie et d’une cécité à un âge plus
avancé.
Diagnostic différentiel
:
Ce sont toutes les entités cliniques qui se présentent comme une uvéite
antérieure ou postérieure.
Leur diagnostic est important car les différentes
étiologies mimant une uvéite sont souvent de nature cancéreuse, avec toutes
les conséquences qu’un traitement inapproprié pourrait engendrer pour
l’enfant.
Traitement
:
Le traitement des uvéites de l’enfant est avant tout médical, local ou général,
faisant appel aux molécules anti-inflammatoires.
La chirurgie est réservée aux
complications et le plus souvent à distance d’une poussée.
Enfin, certaines
étiologies appellent un traitement spécifique.
A - Traitement médical local :
Il est presque toujours indiqué et fait essentiellement appel aux antiinflammatoires,
particulièrement stéroïdiens.
1- Corticoïdes :
Ils sont généralement utilisés sous forme de collyre, en évitant les spécialités
contenant un antibiotique associé, source inutile de sélection de germes
résistants.
L’état clinique et l’évolution conditionnent le rythme
d’administration et le type de produit utilisé.
La puissance antiinflammatoire
décroît dans l’ordre suivant : dexaméthasone, prednisolone,
fluorométholone, médrysone, hydrocortisone.
La décroissance de la
corticothérapie locale doit être très lente et subordonnée à une étroite
surveillance clinique, les signes fonctionnels étant souvent peu marqués.
Il
peut apparaître une corticodépendance qui oblige à rechercher la dose
minimale efficace et à associer un autre traitement anti-inflammatoire, général
ou local.
Les pommades corticoïdes sont utiles par leur action plus prolongée,
particulièrement la nuit.
Les injections sous-conjonctivales sont difficiles à
pratiquer et surtout à répéter chez l’enfant, alors que le traitement est souvent
de longue durée.
Elles peuvent être remplacées à la phase aiguë par des
instillations très fréquentes et/ou de la pommade.
Certains proposent des
injections sous-ténoniennes de corticoïdes retard (triamcinolone), avec
cependant les difficultés du geste chez l’enfant et le risque infectieux.
* Effets secondaires
:
Les effets secondaires des corticoïdes locaux sont les mêmes que chez
l’adulte, avec les difficultés d’examen et la pauvreté des signes fonctionnels
liés au terrain.
Ainsi, l’hypertonie oculaire ne peut être mesurée qu’après l’âge
de 3 à 4 ans si l’enfant est coopérant.
Le champ visuel ne peut guère être relevé
avec fiabilité avant 7 à 8 ans.
L’apparition de cette hypertonie est
génétiquement déterminée et proportionnelle à la puissance antiinflammatoire
de la molécule.
L’arrêt du traitement n’apporte pas toujours
la disparition de l’hypertonie, d’autant que cette dernière peut être une
conséquence directe de l’uvéite.
Il en va de même pour la cataracte liée à la
corticothérapie et surtout à l’inflammation prolongée.
Enfin, le risque
infectieux, en particulier viral, est augmenté par la corticothérapie locale.
2- Collyres mydriatiques
:
Ils sont généralement associés à la corticothérapie locale, les uvéites de
l’enfant étant souvent très synéchiantes malgré une évolution à bas bruit
comme dans l’ACJ.
L’atropine doit être utilisée à la concentration
de 0,3 % chez le nourrisson et 0,5 % chez l’enfant, en recommandant de
comprimer le point lacrymal après l’instillation et en prévenant les parents du
risque de passage systémique avec effets généraux (flush).
La néosynéphrine
doit être utilisée à la concentration de 5 % et avec prudence, en raison
également du risque de passage systémique (hypertension artérielle).
Enfin, le tropicamide à 0,5 %est plutôt réservé aux formes les moins inflammatoires
ou en relais de l’atropine après la phase aiguë.
L’effet cycloplégique des
parasympatholytiques est antalgique mais peut, en cas d’utilisation
prolongée, nécessiter une correction bifocale ou par verres progressifs afin
d’éviter une amblyopie ou une perturbation de la scolarité.
3- Traitements hypotonisants
:
Ils traitent le glaucome lié à l’inflammation et aux corticoïdes.
L’hypertonie
peut parfois persister après résolution de l’uvéite et nécessiter un traitement
au long cours. Les bêtabloquants sont le plus couramment utilisés, en
respectant les contre-indications générales habituelles.
Les autres collyres antiglaucomateux sont également efficaces, bien que leur place ne soit pas
clairement définie dans cette indication.
Il convient naturellement d’éviter les
parasympathomimétiques, qui induisent un myosis, et peut-être le latanoprost, qui pourrait exacerber l’inflammation.
4- Collyres anti-inflammatoires non stéroïdiens
:
Ils n’ont qu’un intérêt adjuvant dans le traitement des uvéites de l’enfant, en
association à la corticothérapie afin de diminuer les doses de celle-ci.
Leur
efficacité individuelle n’est pas démontrée.
Un cas particulier d’utilisation de
ces molécules est la présence d’un oedème maculaire cystoïde, où
l’indométacine à la dose de trois gouttes par jour serait efficace.
B - Traitement médical général
:
Les indications de ce traitement sont généralement les uvéites sévères et/ou
associées à une pathologie générale.
1- Corticoïdes
:
Ils sont utilisés en première intention.
Ils inhibent la synthèse des
prostaglandines, des leucotriènes et de certaines cytokines, avec une action
anti-inflammatoire et immunosuppressive.
L’efficacité des molécules le plus
couramment utilisées se répartit comme suit, dans l’ordre décroissant : dexaméthasone et bétaméthasone ; méthylprednisolone ; prednisone et
prednisolone.
L’administration se fait par voie orale le plus souvent. Les bolus
de méthylprednisolone intraveineuse (250 mg/m2 de surface corporelle 3
jours de suite) exigent chez l’enfant une surveillance particulière : monitorage
cardiaque et de la pression artérielle, ionogrammes sanguins répétés.
Le
risque cataractogène est non négligeable.
On utilise ensuite la prednisone ou
la prednisolone per os à la dose de 1 mg/kg/j, voire plus, avec une
décroissance très progressive (par exemple 10 % tous les 8 à 15 jours).
Il est
préférable d’administrer le traitement 1 jour sur 2, le matin pour éviter le
retentissement sur la croissance.
Aux précautions d’usage chez l’adulte
(régime désodé au-dessus de 0,5 mg/kg/j, pauvre en sucres rapides,
adjonction de potassium) s’ajoutent chez l’enfant la prescription de calcium
et de vitamine D.
* Effets secondaires propres à l’enfant
:
Ils résident surtout dans le retard de croissance en cas de traitement prolongé.
Les autres effets indésirables sont communs avec l’adulte : prise de poids,
hyperglycémie, ostéonécrose aseptique de la tête fémorale, atrophie
corticosurrénalienne, sensibilité aux infections et, au niveau oculaire,
cataracte et glaucome aggravés par l’inflammation.
2- Autres traitements :
L’insuffisance du traitement corticoïde, ses effets secondaires, l’apparition
d’une dépendance ou d’une résistance nécessitent parfois l’emploi d’un
traitement immunosuppresseur.
Celui-ci ne peut s’envisager qu’en
collaboration avec le pédiatre.
Parmi les principales molécules utilisées,
on peut citer :
– le cyclophosphamide ; plutôt utilisé dans les granulomatoses de type
Wegener et dans les affections auto-immunes, il est responsable de cystite
hémorragique, de cytopénie et de stérilité ;
– le chlorambucil ; utilisé dans l’ACJ et les maladies auto-immunes, il
peut être responsable de stérilité ;
– l’azathioprine ; prescrit pour les uvéites corticorésistantes, les ophtalmies
sympathiques, les pars planites et la maladie de Behçet, il expose à un
risque de leucopénie ;
– leméthotrexate ; il s’emploie dans les ACJ, la sarcoïdose, les affections
auto-immunes ; il est responsable de mucites et de cytopénies ;
– la ciclosporine ; elle s’emploie par voie orale ou intraveineuse dans la
sarcoïdose, les pars planites, la maladie de Behçet, la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada ; elle agit sur les lymphocytes et son administration
peut être contrôlée par un dosage sanguin ; elle peut induire une hypertension
artérielle et une insuffisance rénale.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent revêtir un intérêt comme
traitement adjuvant afin de diminuer les doses de corticoïdes.
Enfin, la prescription d’acétazolamide peut aider à passer un cap aigu
d’hypertonie mais ne constitue habituellement pas un traitement au long
cours.
C - Indications du traitement médical :
Les indications thérapeutiques ne peuvent être que schématiques, le
traitement étant en permanence adapté en fonction de l’évolution clinique.
Les uvéites antérieures isolées, sans atteinte d’un autre compartiment de l’oeil
ni signes généraux, relèvent d’une corticothérapie locale associée à un
traitement mydriatique.
L’apparition d’une hypertonie nécessite l’emploi
d’un traitement adapté.
Un oedème maculaire cystoïde fait prescrire un collyre
anti-inflammatoire non stéroïdien, éventuellement associé à de
l’acétazolamide.
Une corticothérapie générale peut être proposée dans les cas suivants : uvéite
antérieure associée à un oedème maculaire cystoïde persistant, uvéite
intermédiaire, uvéite postérieure, pathologie générale évolutive.
Ce
traitement est entrepris en accord avec le pédiatre qui en a souvent déjà posé
l’indication pour des raisons extraophtalmologiques.
Les anti-inflammatoires
non stéroïdiens par voie générale trouvent ici leur rôle adjuvant.
Les traitements immunosuppresseurs sont envisagés en association ou en
remplacement du traitement corticoïde en cas de corticodépendance ou de
corticorésistance, d’effets secondaires trop importants des corticoïdes ou s’ils
sont requis par la pathologie générale.
L’ordre suivant d’utilisation, sujet à
variation selon la pathologie et les auteurs, peut être proposé dans l’ACJ :
méthotrexate, ciclosporine, azathioprine, chlorambucil.
Le traitement est associé chaque fois que possible au traitement spécifique de
la maladie causale.
D - Traitement chirurgical :
Celui-ci intervient le plus souvent à un stade de prise en charge des
complications.
Celles-ci peuvent intéresser toutes les structures de l’oeil.
1- Cataracte
:
Elle résulte de l’inflammation chronique et des traitements corticoïdes locaux
et généraux. Il est essentiel de préciser un certain nombre de points : densité
de l’opacité et son retentissement visuel (amblyopie selon l’âge de l’enfant),
fréquence des poussées, lésions associées (synéchies iridocristalliniennes,
opacité cornéenne, hypertonie, anomalies du segment postérieur).
L’intervention ne peut avoir lieu qu’après une période de calme du segment
antérieur supérieure à 3 mois, sauf urgence liée à l’état du segment postérieur
(décollement de rétine).
Une préparation préopératoire est recommandée
par la plupart des auteurs : poursuite du traitement qui a permis une
rémission prolongée, corticothérapie générale (1mg/kg/j de prednisone)
débutée 2 jours avant l’intervention, pour certains flash peropératoires de
méthylprednisolone par voie intraveineuse (4 mg/kg).
La technique
chirurgicale consiste le plus souvent en une phacophagie, plus rarement
une extraction extracapsulaire ou une phacoémulsification.
L’utilisation du vitréotome permet de limiter la taille de l’incision, de lever des synéchies et
de régulariser la pupille, de pratiquer une iridectomie périphérique et une
vitrectomie antérieure.
Une injection intracamérulaire (200 mg) et une
injection sous-conjonctivale (4 mg) de dexaméthasone semblent
souhaitables.
La plupart des auteurs s’accordent pour contre-indiquer l’implantation chez
les enfants atteints d’uvéite, particulièrement en cas d’ACJ.
Cependant, quelques séries font état de résultats satisfaisants dans des cas bien
sélectionnés, avec utilisation d’implants à surface modifiée, en polyméthylmétacrylate, sans trous de positionnement.
À l’exception de
situations particulièrement favorables (absence de poussées inflammatoires depuis longtemps chez un grand enfant ou un adolescent, possibilité de
réaliser un capsulorhexis et d’implanter dans le sac), la prudence est encore
de mise.
Le traitement postopératoire comporte la décroissance progressive selon
l’inflammation de la corticothérapie générale et une corticothérapie locale
adaptée à l’état clinique.
Les complications habituelles de la chirurgie de la cataracte voient leur
fréquence augmenter sur ce terrain inflammatoire : oedème maculaire
cystoïde, décollement de rétine, hypertonie et surtout inflammations et
infections.
La différence entre ces deux dernières complications n’est pas
toujours aisée à faire.
Une endophtalmie doit être soupçonnée devant des
signes persistants malgré une augmentation du traitement corticoïde.
Une
antibiothérapie locale intravitréenne et générale parentérale doit être
entreprise au moindre doute.
Une complication particulière à ce terrain est le
risque d’hypotonie et de phtyse, d’autant plus élevé qu’il y a eu une
inflammation prolongée et sévère.
Ce risque est aggravé par la présence d’une
membrane cyclitique exerçant une traction sur le corps ciliaire et doit
conduire à un renforcement du traitement corticoïde.
2- Glaucome :
En cas de glaucome résistant au traitement médical, une chirurgie ou le laser
(iridotomie en cas de synéchies étendues ou trabéculorétraction) peuvent être
envisagés, qui peuvent exacerber l’inflammation avec un risque
inflammatoire, hémorragique et de récidive des synéchies.
Les précautions
pré-, per- et postopératoires sont les mêmes que pour une intervention de
cataracte.
On pratique le plus souvent une trabéculectomie.
L’utilisation des
systèmes de drainage est souvent vouée à l’échec sur ce terrain.
3- Pathologie cornéenne :
Les atteintes de la cornée, particulièrement la kératopathie en bandelettes de
la triade de Still, sont accessibles à un traitement par pelage cornéen très doux
associé à l’application d’éthylène-diamine-tétra-acétique calcique.
L’emploi du laser excimer peut être envisagé en l’absence de vascularisation
et avec une bonne coopération.
Les greffes de cornée sont exceptionnellement
requises.
4- Autres techniques :
La vitrectomie est proposée par certains auteurs, éventuellement en même
temps que la chirurgie de la cataracte.
Le but de cette technique est de
diminuer l’antigénicité du vitré, traiter un oedème maculaire cystoïde et
faciliter l’accès des molécules anti-inflammatoires à leur site d’action.
L’intérêt de cette chirurgie est discuté.
Enfin, d’autres techniques chirurgicales sont parfois mises en oeuvre dans le
cadre des uvéites de l’enfant : intervention pour décollement de rétine, photocoagulation de zones de rétine ischémiques, cryoapplication en cas de
pars planite et jusqu’aux interventions mutilantes (éviscération, énucléation)
dans les cas les plus sévères d’oeil non voyant et douloureux.
E - Traitement spécifique :
En matière d’uvéites de l’enfant, les traitements spécifiques correspondent
principalement aux causes infectieuses.
1- Infections virales :
Les uvéites herpétiques sont traitées par l’aciclovir, généralement per os
(comprimés ou suspension buvable).
L’administration se fait en cinq prises
comme chez l’adulte, en adaptant la dose de chaque prise en fonction du
poids.
La voie intraveineuse est utilisée chez l’immunodéprimé (250 mg/m2
de surface corporelle toutes les 8 heures).
La durée du traitement est en
général de plusieurs semaines, avec dans certains cas un traitement d’entretien
à doses réduites pour prévenir les récidives.
La fonction rénale doit être
surveillée par le dosage de la créatininémie.
Un traitement par aciclovir local
(pommade) est associé, sauf en cas d’ulcération épithéliale importante.
Une
corticothérapie locale et générale est souvent instituée après quelques jours
de traitement antiviral.
Les infections à cytomégalovirus au cours du syndrome immunodéficitaire
acquis ou chez l’immunodéprimé (par exemple après transplantation)
répondent aux mêmes traitements que chez l’adulte : ganciclovir et foscarnet.
La voie intravitréenne n’est pas utilisable chez l’enfant sans anesthésie
générale.
2-
Infections parasitaires :
* Toxoplasmose
:
Elle répond aux mêmes indications thérapeutiques que chez l’adulte : sujet
immunodéprimé, foyer menaçant la fonction visuelle, inflammation
importante.
On utilise la pyriméthamine à la dose de 1 mg/kg/j per os.
Le
risque d’anémie par carence en folates oblige à administrer de l’acide folique
(5 mg deux fois par semaine) et à surveiller l’hémogramme.
La sulfadiazine
est associée à ce traitement à la dose de 150 mg/kg/j en prévenant les parents
du risque d’allergie grave qui doit faire interrompre le traitement et consulter
immédiatement.
Une allergie aux sulfamides fait préférer la clindamycine
(15 mg/kg/j).
Une corticothérapie générale est associée après 48 heures de
traitement.
La durée totale du traitement est généralement de 1 mois environ.
La spiramycine est réservée au traitement de la femme enceinte.
* Toxocarose
:
Le traitement de la toxocarose n’est pas totalement codifié.
Bien qu’une
corticothérapie générale soit le plus souvent utile à la phase initiale de hyalite,
l’efficacité des médicaments antiparasitaires est controversée : diéthylcarbamazine et thiabendazole s’utilisent en cure de 15 jours, avec
souvent des effets secondaires imposant l’arrêt du traitement et un risque
d’exacerbation des signes après la mort du parasite.
Plusieurs auteurs
préconisent la vitrectomie en cas d’hyalite sévère persistante, de décollement
de rétine tractionnel, de membrane cyclitique.
Citons enfin le traitement d’affections parasitaires plus rares : la cysticercose
traitée par praziquantel, corticothérapie et vitrectomie ; l’onchocercose
traitée par l’ivermectine et une corticothérapie en cas d’inflammation sévère.
3- Infections bactériennes :
La syphilis est traitée par pénicilline G (50 000 UI/kg/j) en intraveineuse
pendant 2 semaines.
Une corticothérapie générale est associée afin d’éviter
l’exacerbation des signes inflammatoires (réaction d’Herxheimer).
En cas
d’allergie à la pénicilline, on peut utiliser l’érythromycine ou une tétracycline
chez le grand enfant n’ayant plus le risque de jaunissement dentaire.
La tuberculose n’est pas toujours formellement identifiée comme cause de
l’uvéite.
En cas de doute, un traitement d’épreuve par l’isoniazide peut être
tenté.
Il est relayé par une trithérapie ou quadrithérapie classique si les signes
cliniques diminuent.
La maladie de Lyme est traitée au stade 1 par l’amoxicilline (50 mg/kg/j)
pendant 2 semaines.
En cas d’allergie, on peut utiliser l’érythromycine. Les
uvéites du stade 3 réagissent aux céphalosporines de troisième génération par
voie intraveineuse (ou intramusculaire) pendant 3 semaines.
4- Infections fongiques
:
Les molécules utilisées sont les mêmes que chez l’adulte (amphotéricine B,
fluconazole, itraconazole), à doses adaptées.