Utilisation des antihypertenseurs en obstétrique Cours de
Gynécologie Obstétrique
Introduction
:
Traiter par des médicaments spécifiques une hypertension artérielle chez une
femme enceinte peut sembler de prime abord une réalité relativement simple.
Or, les approches du problème sont souvent confuses, du fait des
classifications variées proposées pour l’hypertension de la femme enceinte et
des significations parfois différentes données à un même terme.
C’est pourquoi il nous a semblé utile de rappeler la définition clinique des
nombreux syndromes regroupés sous l’appellation « hypertension de
grossesse ».
La distinction entre ces différents désordres hypertensifs, qui tous
peuvent conduire aux complications majeures que sont l’éclampsie,
l’hématome rétroplacentaire ou le HELLP syndrome (Haemolysis ; Elevated
Liver enzyme ; Low Platelet count), se base sur la notion fondamentale d’un
état provoqué par la grossesse ou indépendant de celle-ci.
États hypertensifs provoqués par la grossesse : c’est la classique hypertension
gravidique, ou encore hypertension induite par la grossesse.
Elle peut être :
– isolée, sans protéinurie ; c’est l’hypertension gravidique qualifiée en
anglais de transient ou gestational.
Elle débute en général après la 20e
semaine d’aménorrhée (SA) et disparaît dans les 3 mois qui suivent
l’accouchement ;
– compliquée de protéinurie ; par analogie à l’appellation anglaise, cette
situation est qualifiée aujourd’hui de « prééclampsie ».
On appelle « syndromes vasculorénaux de la grossesse » ou toxémie, ou
gestose, les états déclenchés par la grossesse, caractérisés par la triade
symptomatique : hypertension, protéinurie, oedèmes.
Le terme « néphropathie gravidique » désigne les états hypertensifs de la
grossesse dans lesquels le rein est concerné.
Cette appellation est
restrictive, car le rein n’est pas concerné dans tous les états hypertensifs
de grossesse.
États hypertensifs indépendants de la grossesse : ce sont les hypertensions
chroniques et, par extension, les protéinuries indépendantes de la grossesse.
Ils sont en général décelés avant la 20e semaine, parfois révélés par la
grossesse, et persistent après l’accouchement.
On appelle « prééclampsie surajoutée » une augmentation de la tension
artérielle ou une majoration de la protéinurie provoquée par la grossesse sur
ces pathologies chroniques.
Dans un premier temps, nous rappellerons les notions de pharmacologie
propres à chaque antihypertenseur : pharmacocinétique, avec ce qu’elle a
de particulier à l’état de grossesse lorsque ces données sont disponibles,
propriétés pharmacodynamiques, effets indésirables...
Dans ce même
chapitre, nous exposerons les indications, conseils d’utilisation, contreindications,
en restant dans le cadre strict des termes des autorisations de
mise sur le marché (AMM) telles qu’elles sont formulées dans le
dictionnaire Vidal et le Guide national de prescription 1998.
Nous ne
manquerons pas de constater que les contraintes imposées par la prise en
charge des mères hypertendues ne permettent pas toujours de respecter le
cadre de l’AMM, et que la pratique est parfois en discordance avec
celle-ci.
C’est pourquoi, dans le deuxième chapitre, nous traitons plus précisément de
l’utilisation des antihypertenseurs au quotidien de l’obstétrique.
Lorsque
l’état des patientes nécessite des prescriptions dites « horsAMM », le choix
des conduites thérapeutiques est guidé par la validation qui en a été faite par
la communauté scientifique.
Enfin, dans un troisième temps, nous traiterons succinctement de l’impact de
ces médicaments sur le foetus et le nouveau-né.
La clonidine abaisse les pressions artérielles systoliques et diastoliques par
diminution du tonus du centre bulbaire de contrôle de la pression artérielle.
Elle ralentit la fréquence cardiaque par augmentation du tonus vagal.
* Pharmacocinétique :
L’absorption par voie orale est bonne, la concentration plasmatique maximale
(Cmax) est obtenue vers la troisième heure.
Peu de choses sont connues sur
les particularités éventuelles de la pharmacocinétique chez la femme enceinte.
On suppose que la diffusion tissulaire est analogue à ce qui est décrit chez
l’adulte en dehors de la grossesse, c’est-à-dire préférentielle au niveau du
cerveau, à un moindre degré au niveau du foie, du rein et de la rate.
On note
cependant que, pour des doses journalières moyennes de l’ordre de 0,30 à
0,40 mg, les concentrations plasmatiques sont fréquemment élevées chez les
femmes enceintes, supérieures à 2 ng/mL, limite au-dessus de laquelle la
clonidine peut avoir un effet hypertenseur.
Le passage transplacentaire est
rapide et l’équilibre des concentrations mère/enfant est atteint en quelques
heures.
Elle est également sécrétée dans le lait.
Elle est éliminée pour
deux tiers environ par voie urinaire, et le reste par voie hépatique et biliaire.
La demi-vie (T½) terminale d’élimination est de 20 à 24 heures.
* Contre-indications
:
Les syndromes dépressifs sévères et l’hypersensibilité à l’un des composants
des spécialités commerciales sont les seules contre-indications absolues.
* Précautions d’emploi :
Elle est déconseillée chez la femme enceinte ou qui allaite.
On doit éviter
l’arrêt brusque du traitement qui exposerait à une remontée rapide de la
tension artérielle, notamment mais pas uniquement pour les posologies
élevées.
* Interactions :
Des interactions pharmacodynamiques ont été décrites avec de nombreux
médicaments, provoquant soit une majoration de l’effet antihypertenseur
(Baclofène-Irex), soit une inhibition de celui-ci (indométacine,
antidépresseurs, imipraminiques, corticoïdes).
Cela a pour conséquence de
déconseiller ce type d’association.
Avec les bêtabloquants non cardiosélectifs,
l’arrêt brutal de la clonidine entraîne une augmentation importante de la
pression artérielle avec risque d’hémorragie cérébrale.
* Effets indésirables :
Outre la somnolence, on peut signaler : sécheresse de la bouche, troubles
digestifs divers, asthénie et vertiges, rétention sodée, troubles du rythme
cardiaque.
C’est probablement l’antihypertenseur qui a été le plus largement prescrit
pendant la grossesse dans les 3 dernières décennies, et pour lequel on possède
une bonne expérience du devenir à long terme des enfants issus de ces
grossesses.
* Propriétés :
La méthyldopa diminue la pression artérielle par stimulation des récepteurs
centraux alpha-adrénergiques.
Elle n’exerce pas d’effet notable sur les
fonctions cardiaques ou rénales.
* Pharmacocinétique :
Les données de la littérature sur les particularités de la cinétique de la méthyldopa pendant la grossesse sont particulièrement pauvres.
D’une
façon générale, l’absorption et la biodisponibilité par voie orale sont très
variables d’un sujet à un autre.
Elle est métabolisée en alpha-méthyldopa, qui
serait responsable de l’action antihypertensive.
La diffusion se fait
principalement au niveau du cerveau, après traversée de la barrière hématoencéphalique.
Elle traverse également le placenta, le rapport des
concentrations foetomaternelles étant situé entre 0,70 et 1,22.
La T½
plasmatique se situe aux environs de 1 heure 30 à 2 heures.
Elle est éliminée
par voie rénale, et la clairance rénale est légèrement augmentée chez la femme
enceinte.
Malgré cela, les concentrations plasmatiques observées chez les
mères traitées à des doses de 250 mg à 1 g/j se situent dans les mêmes limites
que pour les adultes hypertendus, aussi bien pour la méthyldopa (240-
600 ng/mL) que pour son métabolite actif (50-3 000 ng/mL).
* Contre-indications :
Son usage est contre-indiqué en cas d’état dépressif grave, de maladie
hépatique évolutive ou d’antécédents d’hépatite, d’anémie hémolytique,
d’accident vasculaire cérébral ou coronarien récent, d’hypersensibilité aux
différents constituants des présentations commerciales.
* Précautions d’emploi :
Les recommandations d’emploi sont très nombreuses pour la méthyldopa.
Outre la somnolence, on doit surveiller la fonction hépatique pendant les 2 à
3 premiers mois de traitement.
Celui-ci sera interrompu définitivement en cas
de fièvre, de perturbation de la biologie hépatique ou d’ictère, d’anémie
hémolytique ou de mouvements choréoathétosiques.
L’arrêt du traitement
n’est pas suivi de phénomène de rebond ; les chiffres tensionnels reviennent
en général au niveau antérieur au traitement en 1 à 2 jours.
La méthyldopa
n’est pas déconseillée pendant la grossesse et l’allaitement.
* Interactions
:
La plupart des interactions signalées pour la clonidine sont valables pour la
méthyldopa, la diminution de l’effet antihypertenseur avec les corticoïdes
conduit à déconseiller cette association.
L’association de la méthyldopa à un
traitement par le lithium peut entraîner une augmentation de la lithémie avec
atteinte de valeurs toxiques en lithium.
* Effets indésirables :
Beaucoup d’effets indésirables de la méthyldopa sont les mêmes que ceux de
la clonidine.
On peut y ajouter les troubles hépatiques, qui vont de la simple
perturbation des tests fonctionnels jusqu’à la nécrose hépatique mortelle.
Il
faut également signaler les troubles hématologiques (anémie hémolytique, positivation du test de Coombs, perturbations de la formule sanguine), les
troubles cutanés (syndrome de Lyell), les troubles allergiques (fièvre,
syndrome lupique, péricardite), l’hyperprolactinémie, les arthralgies et
myalgies.
B - Bêtabloquants :
1- Aspects pharmacologiques communs :
Les bêtabloquants se distinguent essentiellement par quatre particularités :
– la bêta-1 sélectivité qui limite la bronchoconstriction (acébutolol, aténolol,
bétaxolol, métoprolol) ;
– l’activité sympathomimétique intrinsèque qui limite la bradycardie ou
l’aggravation du syndrome de Raynaud (acébutolol, pindolol) ;
– la voie d’élimination (hépatique ou rénale) ;
– une éventuelle activité alpha-bloquante (labétalol).
Ils possèdent en commun bon nombre de caractéristiques d’utilisation.
C’est
pourquoi nous traiterons celles-ci d’une manière globale, et nous signalerons
à propos de chaque molécule ce qui lui est spécifique.
Par souci de clarté de
l’exposé, nous ne traiterons pas de façon exhaustive toutes les molécules de
cette classe, mais seulement celles qui ont fait l’objet de travaux en
obstétrique publiés dans la littérature internationale.
* Propriétés
:
Les bêtabloquants abaissent la pression artérielle par inhibition compétitive
des catécholamines au niveau des récepteurs bêta-adrénergiques du coeur et
des vaisseaux.
Ils exercent également leurs effets de compétition au niveau
d’autres organes (bronches, reins).
* Contre-indications :
Chez la femme enceinte, on prêtera une attention particulière aux contreindications
suivantes : blocs auriculoventriculaires (BAV) du deuxième ou du
troisième degré, hypersensibilité à ce type de molécule, asthme et
bronchopneumopathies chroniques obstructives sévères, bradycardie sévère,
maladies du sinus.
*
Précautions d’emploi :
Il conviendra de renforcer l’autosurveillance glycémique des diabétiques, de
prévenir l’anesthésiste (diminution des réactions cardiovasculaires de
compensation) et de ne jamais arrêter brutalement le traitement.
Dans le cas
contraire, on pourrait observer des signes d’hyperactivité sympathique, voire
un rebond tensionnel.
* Interactions :
La liste des interactions est longue.
Soulignons en particulier celles avec les
anesthésiques volatils halogénés et les produits de contraste iodés (réduction
des capacités de compensation cardiovasculaire), certains inhibiteurs calciques (troubles de l’automatisme et de la conduction cardiaques), la clonidine (augmentation de la pression artérielle à l’arrêt de celle-ci),
l’insuline (augmentation de l’incidence de l’hypoglycémie avec les
bêtabloquants non cardiosélectifs et, avec tous les bêtabloquants, masquage
de la tachycardie accompagnant l’hypoglycémie), les anti-inflammatoires
non stéroïdiens (AINS) et les corticoïdes (diminution de l’effet
antihypertenseur).
2- Acébutolol (Acébutolol RPG, Sectral)
:
* Pharmacocinétique :
Par voie orale, l’absorption est rapide et la Cmax est atteinte en 2 heures
environ.
La T½ plasmatique apparente est de 2 à 5 heures chez l’adulte
hypertendu mais dans le post-partum immédiat, elle est beaucoup plus longue
(7 à 24 heures).
Il en est de même pour son métabolite actif, le diacétolol (8 à
37 heures contre 5 à 12 heures).
En cours de grossesse, ces différences, si elles
existent, n’influencent pas les taux plasmatiques.
On observe, lors de
l’administration de doses répétées de 200 à 1 200 mg/j, des concentrations de
10 à 660 ng/mLpour l’acébutolol et de 30 à 3 000 ng/mLpour le diacétolol.
Dans les conditions d’un traitement chronique, les concentrations foetales et
maternelles sont à l’équilibre 4 à 6 heures après la prise médicamenteuse :
l’élimination est à la fois rénale et hépatique (50 %-50 %).
Acébutolol et
diacétolol sont excrétés dans le lait à des concentrations qui, pour des
posologies moyennes et en l’absence d’insuffisance rénale, ne contreindiquent
pas formellement l’allaitement.
3- Aténolol (Aténolol, Bétatop, Ténormine)
:
* Pharmacocinétique :
Sa biodisponibilité par voie orale est de 50 %, avec une très faible variabilité
interindividuelle.
Sa T½ pharmacologique est longue (environ 18 heures),
son élimination se fait majoritairement par voie rénale. Hydrosoluble, il
semble qu’il traverse un peu moins rapidement le placenta que d’autres
bêtabloquants liposolubles.
Cependant, cette particularité revêt plus de
signification pour l’administration unique alors que, dans les conditions
habituelles avec des doses répétées, l’équilibre entre les concentrations
maternelle et foetale est rapidement atteint ; 10 à 12 heures après la prise, le
rapport moyen des concentrations est de 1,13.
Il est également excrété dans
le lait à des concentrations trois fois plus fortes que dans le plasma.
* Interactions :
Il existe une interaction avec les pansements gastro-intestinaux qui diminuent
l’absorption digestive de l’aténolol.
4- Bétaxolol (Kerlone)
:
* Pharmacocinétique
:
Par voie orale, il est rapidement et totalement absorbé.
En raison d’un effet de
premier passage hépatique très faible, sa biodisponibilité est élevée (85 %) et
la variabilité interindividuelle des concentrations plasmatiques très faible.
Il
est métabolisé en grande partie en produits inactifs et éliminé par voie biliaire.
La T½ sanguine d’élimination est de 15 à 20 heures en dehors de la grossesse.
Chez la femme qui vient d’accoucher, elle se situe dans les mêmes valeurs
(16 à 22 heures).
Pendant la grossesse, les concentrations observées avec des
doses de 10 à 40 mg/j sont les mêmes que chez tous les adultes
hypertendus.
Après passage transplacentaire, l’équilibre des
concentrations foetus/mère est rapidement obtenu, et leur rapport est voisin
de l’unité 4 à 6 heures après la prise.
5- Labétalol (Trandate)
:
C’est un alphabêtabloquant non cardiosélectif.
*
Pharmacocinétique
:
Son absorption digestive est rapide et la Cmax est obtenue à la deuxième
heure.
On observe un effet de premier passage hépatique.
Il est éliminé par
voie rénale, et sa T½ est de 4 heures environ.
Elle est très comparable chez la
femme enceinte (2 à 7 heures).
L’équilibre des concentrations foetus/mère
semble long à obtenir avec une variabilité interindividuelle importante.
*
Contre-indications :
La principale contre-indication est l’insuffisance hépatique.
* Précautions d’emploi
:
Son utilisation est associée à une mise en garde : tout signe biologique ou
clinique suggérant une atteinte hépatique doit conduire à l’arrêt immédiat du
traitement et interdire sa reprise.
* Interactions :
Avec la cimétidine, on observe une augmentation des taux plasmatiques du
labétalol, d’où une majoration de l’activité et des effets indésirables.
*
Effets indésirables
:
Des effets indésirables peuvent être observés au niveau du foie (hépatite avec
ou sans ictère, nécrose hépatique), de la sphère nerveuse (céphalées, vertiges,
crampes, fourmillements du cuir chevelu) mais aussi à type d’hypersensibilité
(oedème de Quincke).
6- Métoprolol (Lopressor, Seloken)
:
* Pharmacocinétique :
L’absorption digestive est rapide et presque complète, et la Cmax est obtenue
en 1 à 2 heures.
Il existe un effet de premier passage hépatique.
La
biodisponibilité est de 50 %.
Il est éliminé essentiellement par voie rénale. Sa
T½ est de 4 heures environ, et de 3 à 8 heures dans le post-partum. En
revanche, elle est beaucoup plus longue pour le métabolite hydroxylé actif
(12 à 72 heures).
Par contraste, l’excrétion urinaire en cours de grossesse
est augmentée, et, pour une même dose (100 mg), les concentrations
plasmatiques sont quatre fois plus basses que celles observées à distance de
l’accouchement chez une même femme.
Le métoprolol et son métabolite
actif traversent rapidement le placenta, et l’équilibre mère/foetus est atteint en
4 à 5 heures.
Il est retrouvé dans le lait maternel à des concentrations trois fois
supérieures à celles du plasma.
* Interactions :
On a observé, en cours de grossesse, de notables interférences cinétiques entre métoprolol et dihydralazine.
Cette dernière, à la dose de 50 mg/j, entraîne,
chez les femmes enceintes recevant 100 mg/j de métoprolol, une
augmentation de 38 %de l’aire sous la courbe du métoprolol et de 88 %de sa
Cmax, le temps nécessaire pour atteindre celle-ci (Tmax) passant de 1,5 à
1 heure.
En revanche, le métabolite actif n’est pas affecté. Avec la cimétidine, les taux plasmatiques du métoprolol sont augmentés avec
majoration de l’activité et des effets indésirables.
Avec les topiques
intestinaux et le phénobarbital, les taux plasmatiques de métoprolol sont
diminués.
7- Oxprénolol (Trasicor)
:
* Pharmacocinétique :
Il est rapidement absorbé par voie digestive (Tmax en 1 à 2 heures).
Éliminé
par le rein, sa T½ plasmatique est courte (1 à 3 heures).
Une seule publication
fait état de son passage transplacentaire qui montre un rapport des
concentrations foetus/mère relativement bas (0,37 en moyenne).
Dans le lait,
le rapport plasma/lait est d’environ 2 pour 1.
* Interactions :
Le risque d’ergotisme est majoré avec l’ergotamine.
8-
Pindolol (Visken)
:
* Pharmacocinétique :
L’absorption digestive est rapide, le Tmax est atteint en 1 à 2 heures.
Les
concentrations plasmatiques varient peu d’un individu à l’autre, en raison
d’un faible passage hépatique, et la biodisponibilité est élevée (85 %).
L’élimination est essentiellement urinaire, et la T½ est d’environ 3 heures.
Chez la femme enceinte, il semble que les concentrations plasmatiques soient
plus basses et le Tmax est atteint moins rapidement que chez l’adulte bien
portant.
L’équilibre foetus/mère est atteint en 2 à 4 heures, et le ratio des
concentrations est de 0,7 environ. Le rapport lait/plasma est de 1,6.
L’absorption digestive est rapide : Tmax atteint en 2 heures.
Il existe une
assez large variabilité de la biodisponibilité interindividuelle, et donc des
concentrations plasmatiques obtenues pour une dose déterminée.
La
métabolisation est essentiellement hépatique, avec un effet de premier
passage important.
Son élimination par voie rénale n’est que de 20 %. Sa T½
plasmatique est de 2 à 5 heures.
De nombreux travaux ont été publiés sur sa
cinétique pendant la grossesse.
Ils ne montrent pas de particularité de
comportement de cette molécule chez la femme enceinte, y compris en cas
d’insuffisance rénale. Le passage transplacentaire est rapide, et l’équilibre
foetus/mère est atteint en 4 à 6 heures.
La fixation protéique du propranolol
est significativement plus basse chez les foetus (67 %) que chez les mères (87 %) ; la conséquence en est une augmentation de la fraction libre, donc
active, du médicament chez l’enfant, accroissant ainsi le risque d’effets
indésirables.
* Précautions d’emploi :
Une grande prudence est recommandée en cas d’insuffisance rénale ou
hépatique.
* Interactions :
Comme pour certaines molécules précédemment développées, on connaît des
interactions cinétiques du propranolol avec : la cimétidine, l’ergotamine, les
topiques gastro-intestinaux, le phénobarbital et la rifampicine.
C - Inhibiteurs calciques :
L’expérience de l’utilisation de cette classe pharmacologique au cours de la
grossesse est liée autant à ses propriétés d’inhibition de la contraction utérine
qu’à ses propriétés antihypertensives.
Une autre de ses particularités est liée
au risque tératogène de la plupart de ces molécules.
Ce risque, mis en évidence
par des études toxicologiques effectuées sur l’animal, souvent en précommercialisation des produits, a été évalué récemment chez 78 femmes
ayant été exposées aux inhibiteurs calciques pendant le premier trimestre de
la grossesse.
Les résultats ne montrent pas un risque tératogène évident.
En France, leur utilisation pendant la grossesse reste déconseillée, en
particulier au cours des 3 premiers mois ; certains font même l’objet d’une
contre-indication.
1- Aspects pharmacologiques communs :
Nous procéderons pour les inhibiteurs calciques comme pour les
bêtabloquants, en donnant un exposé synthétique des aspects
pharmacologiques communs, suivi d’une analyse plus spécifique des
molécules ayant fait l’objet de travaux pendant la grossesse, validés par leur
publication.
Ces inhibiteurs calciques représentent une classe hétérogène dans
laquelle on distingue trois groupes :
– les dihydropyridines (nifédipine, nicardipine, nitrendipine, isradipine) ;
– le vérapamil ;
– le diltiazem.
* Propriétés :
Les inhibiteurs calciques diminuent les mouvements transmembranaires du
calcium.
Ils ont des effets chronotropes et inotropes négatifs ; cette dernière
particularité impose une surveillance stricte si l’association aux bêtabloquants
est nécessaire.
Outre leurs effets sur la baisse de la pression artérielle, ils ont
un effet antiangoreux.
* Contre-indications :
Les principales contre-indications d’ordre général sont :
– l’hypersensibilité aux dihydropyridines ;
– le dysfonctionnement sinusal (diltiazem, vérapamil), les blocs
auriculoventriculaires des deuxième et troisième degrés (diltiazem,
vérapamil) ;
– l’insuffisance ventriculaire gauche avec oedème aigu pulmonaire (OAP)
(diltiazem), l’insuffisance cardiaque non contrôlée (vérapamil).
Plus particulièrement pour la grossesse, sont contre-indiqués :
– la nicardipine par voie IV (risque de souffrance foetale aiguë) ;
– la nifédipine, la nitrendipine et le diltiazem (risque malformatif chez
l’animal).
Tous les inhibiteurs calciques sont déconseillés pendant la grossesse et
l’allaitement.
* Précautions d’emploi :
Elles tiennent essentiellement à l’état cardiaque (insuffisance cardiaque,
troubles de la conduction) et aux conditions hémodynamiques précaires.
Ils
sont déconseillés chez la femme enceinte, mais la découverte d’une grossesse
au cours d’un traitement par les inhibiteurs calciques ne justifie pas
l’interruption.
* Interactions :
Les interactions cinétiques ou pharmacodynamiques sont très nombreuses.
Signalons celles avec les bêtabloquants (hypotension, défaillance cardiaque),
les corticoïdes (diminution de l’effet antihypertenseur), les antidépresseurs imipraminiques et les neuroleptiques (risque d’hypotension), la rifampicine
(diminution des concentrations d’inhibiteur calcique).
* Effets indésirables :
Ils sont variés.
Certains s’estompent après les premières semaines de
traitement : bouffées vasomotrices, céphalées, troubles digestifs, asthénie,
réactions cutanées allergiques. Isradipine (Icaz)
Pharmacocinétique
L’absorption par voie orale est lente et complète, le Tmax est de 6 à 7 heures.
L’effet de premier passage hépatique est important, laT½est de 8 heures pour
la forme à libération immédiate.
Les métabolites sont inactifs.
L’élimination
se fait par voie urinaire (65 %) et bilaire.
2- Nicardipine (Loxen)
:
* Pharmacocinétique :
L’absorption par voie orale est rapide et complète. L’élimination est à la fois
biliaire et rénale.
La T½ est de 3 ou 4 heures.
Elle traverse le placenta ; le
rapport des concentrations foetus/mère est de 0,50 à 1,12 après administrations
orales répétées.
Elle est dénuée d’effet inotrope négatif, ce qui permet de l’utiliser en cas
d’insuffisance cardiaque ou de l’associer aux bêtabloquants.
*
Pharmacocinétique :
L’absorption digestive est très rapide, la T½ plasmatique relativement brève :
3 à 4 heures chez l’adulte hypertendu.
Chez les patientes prééclamptiques, la
T½ est considérablement diminuée (1,3 ± 0,43 heures), ainsi que la Cmax ; la
clairance rénale, responsable de l’élimination de 80 % du médicament, est
multipliée par quatre.
Il n’a pas été établi si cette accélération du
métabolisme et de l’élimination de la nifédipine pendant la grossesse était
corrélée à une diminution des effets.
La molécule traverse le placenta et les
concentrations maternelle et foetale sont très proches.
Elle passe également
dans le lait maternel.
4-
Nitrendipine (Baypress, Nidrel)
:
* Pharmacocinétique :
L’absorption digestive est pratiquement complète ; l’effet de premier passage
hépatique très important a pour conséquence une biodisponibilité absolue très
faible.
La T½ est variable (8 à 23 heures). L’élimination se fait presque à
égalité par voies biliaire et urinaire.
L’absorption digestive est complète, suivie d’un intense effet de premier
passage hépatique (faible biodisponibilité).
La Cmax est obtenue en 1 ou
2 heures, la T½ est très variable en administration chronique : 4 à 12 heures.
Le norvérapamil est un métabolite actif dont la concentration plasmatique
peut égaler celle du composé parent.
L’élimination est rénale pour 70 % du
produit. Il traverse le placenta et le ratio foetus/mère est de 24 à 40 %.
Il
passe très faiblement dans le lait. Diltiazem (Tildiem (mono- ou bi-), Deltazen LP, Dilrène LP,
Diltiazem MSD LP, Diacor LP)
Pharmacocinétique
Son absorption digestive est rapide, la Cmax est obtenue en 3 heures.
La T½
plasmatique est de 4 à 8 heures, l’élimination est majoritairement biliaire.
D - Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine
:
1- Aspects pharmacologiques communs :
En raison de leur foetotoxicité, notamment rénale, les inhibiteurs de l’enzyme
de conversion (IEC) sont contre-indiqués pendant la grossesse.
On peut
également leur imputer quelques cas d’anomalie de la voûte crânienne
lorsqu’ils ont été utilisés en début de grossesse et la question d’un éventuel
risque tératogène n’est pas encore éclaircie.
* Propriétés :
Ils inhibent la conversion de l’angiotensine I en angiotensine II.
Ils ont pour
effet de diminuer de la rétention hydrosodée par diminution de la sécrétion
d’aldostérone.
Ceci se traduit chez l’hypertendu par une baisse des pressions
systolique et diastolique sans modification de la fréquence cardiaque.
* Contre-indications :
Les contre-indications absolues sont liées à l’existence d’une hypersensibilité
à l’un des composants ou à un antécédent d’oedème de Quincke lié à la prise
d’IEC.
* Précautions d’emploi
:
Pour éviter le risque d’hypotension excessive, en particulier chez les sujets
présentant une déplétion hydrosodée importante, une défaillance cardiaque
congestive ou une sténose artérielle rénale, il convient de mettre en route le
traitement de façon très progressive ; pour la même raison, il est nécessaire
de l’interrompre 24 à 48 heures avant une anesthésie générale programmée ;
enfin, il faut l’arrêter définitivement en cas d’apparition d’un oedème.
* Interactions :
Avec les diurétiques hyperkaliémiants et les sels de potassium, on peut
observer une hyperkaliémie sévère.
Avec les diurétiques, les antidépresseurs
imipraminiques et les neuroleptiques, existe un risque d’hypotension brutale.
Enfin, au cours des traitements par le lithium, on observe une hyperlithémie
par diminution de la clairance rénale du lithium.
2- Captopril (Captolane, Lopril)
:
* Pharmacocinétique :
L’absorption digestive est rapide (Cmax atteint en 1 heure), importante
(75 %), la T½ plasmatique de 1 à 2 heures ; l’élimination se fait par voie
rénale.
L’existence, constatée chez le foetus et le nouveau-né, d’une inhibition
durable de l’enzyme de conversion est un argument indirect en faveur du
passage transplacentaire du captopril ainsi que de l’énalapril.
Il est
également retrouvé dans le lait à 1 % des concentrations sanguines
maternelles.
3- Énalapril (Rénitec)
:
* Pharmacocinétique
:
Son absorption est rapide et importante (plus de 60 %).
Il est transformé en énalaprilate, inhibiteur actif de l’enzyme de conversion, dont la Cmax est
atteinte en 3 à 4 heures.
L’élimination est essentiellement rénale.
Il traverse
le placenta et passe dans le lait.
Vasodilatateurs
Les antihypertenseurs vasodilatateurs constituent une classe très hétérogène : alphabloquants (prazosine, urapidil), dihydralazine, minoxidil, diazoxide,
nitroprussiate de sodium.
L’expérience la mieux documentée dans la
littérature concerne la dihydralazine, aussi bien en anténatal qu’en postnatal.
Quelques publications rapportent également l’utilisation de l’urapidil en postpartum.
4- Dihydralazine (Népressol)
:
* Propriétés :
Elle exerce une action vasculaire périphérique directe en produisant une
vasodilatation artériolaire.
L’hypotension obtenue détermine une tachycardie
réflexe et un accroissement du débit cardiaque.
* Contre-indications
:
La principale contre-indication est l’insuffisance cardiaque à débit élevé.
* Pharmacocinétique
:
L’absorption digestive est rapide, la Cmax est atteinte en ½ heure.
La T½ est
brève, de l’ordre de 1 heure.
La dihydralazine traverse le placenta, elle est
retrouvée en quantité très faible dans le lait.
5- Urapidil (Eupressyl, Médiatensyl)
:
* Propriétés :
Vasodilatateur puissant et rapide, il agit par blocage des récepteurs alpha1-
adrénergiques postsynaptiques et par effet sur la régulation tensionnelle au
niveau central.
La diminution de la pression artérielle est secondaire à une
diminution des résistances totales sans modification du débit ni de la
fréquence cardiaque.
* Interactions :
Il majore l’effet hypotenseur des inhibiteurs calciques, des antidépresseurs,
des imipraminiques, des neuroleptiques et des anesthésiques (expansion
volémique).
* Pharmacocinétique
:
Par comparaison avec la dihydralazine, il présente l’intérêt de posséder une
présentation orale.
L’absorption digestive est sans particularité, la Cmax est
atteinte en 4 à 6 heures.
La biodisponibilité est bonne (72 %), la T½
plasmatique moyenne est de 4,7 heures.