Utilisation des antihypertenseurs en obstétrique
(Suite) Cours de
Gynécologie
Obstétrique
Utilisation des antihypertenseurs
:
Avant de prescrire un ou plusieurs antihypertenseurs, le diagnostic
d’hypertension est posé après avoir réalisé un bilan initial dans un contexte
d’urgence plus ou moins grande.
Outre son intérêt diagnostique, ce bilan
permet de détecter les critères de gravité maternels ou foetaux et de choisir les
modalités adéquates pour débuter le traitement (en ambulatoire ou en
hospitalisation).
L’ensemble de ces démarches diagnostiques et
thérapeutiques est schématisé sous forme d’un arbre décisionnel.
A - Diagnostic d’hypertension et bilan initial :
1- Diagnostic d’hypertension chez une femme enceinte
:
Les seuils d’hypertension de grossesse sont le résultat d’un consensus entre
l’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) et
l’International Society for the Study of Hypertension in Pregnancy (ISSHP).
L’hypertension artérielle chez la femme enceinte est définie comme une
valeur de systolique supérieure ou égale à 140 mmHg et/ou de diastolique
supérieure ou égale à 90 mmHg.
Le diagnostic peut également être évoqué
devant la constatation d’une élévation de la pression artérielle d’au moins
15 mmHg pour la diastolique ou de 30 mmHg pour la systolique par rapport
aux valeurs d’avant la grossesse ou de début de grossesse.
Cette notion
d’élévation tensionnelle permet de dépister les hypertensions artérielles
précoces, avant la 20e semaine.
L’hypertension artérielle est considérée
comme sévère pour une systolique supérieure ou égale à 160 mmHg et une
diastolique supérieure ou égale à 110 mmHg.
Elle est considérée comme
modérée pour des chiffres en permanence inférieurs à ceux-ci, mais
supérieurs à 140-90.
Ces valeurs doivent être retrouvées à plusieurs heures d’intervalle (3 à
6 heures).
La mesure de la pression artérielle est délicate chez une femme
enceinte, car la systolique est très labile : pratiquer cette mesure chez une
femme au repos, détendue, à distance de l’examen gynécologique, en position
assise.
Le brassard, de dimension adaptée (problème des obèses), doit être à
la même hauteur que le coeur ; la diastolique est lue à la disparition des sons
de Korotkow (phase V) ; cependant, il peut arriver que cette phase soit
difficile à distinguer chez certaine femmes enceintes ; on se base alors sur la
phase IV (diminution des sons). Par ailleurs, la phaseVest le repère sur lequel
se basent les appareils d’enregistrement automatisé.
2- Bilan initial :
Ce bilan initial clinique et paraclinique a pour but de conforter le diagnostic
d’hypertension artérielle et de constituer un élément de référence pour la suite
de la grossesse.
Il peut se faire en ambulatoire, mais aussi en hospitalisation
de jour ou en hospitalisation conventionnelle de courte durée.
Il sera à la fois
maternel et foetal :
– bilan maternel : biologique (numération et formule sanguine, plaquettes, créatininémie, uricémie, glycémie, kaliémie, crase, bilan hépatique,
protéinurie des 24 heures, examen cytobactériologique des urines [ECBU])
et vasculaire (enregistrement continu de la pression artérielle par Dinamapt
(mesure non invasive automatisée de la pression artérielle) ou par MAPA
(mesure ambulatoire de la pression artérielle), électrocardiogramme
(ECG), fond d’oeil ;
– bilan foetal : recherche d’une hypotrophie ou de signes de souffrance foetale
chronique : hauteur utérine, comptage des mouvements actifs, monitorage
cardiaque, échographie (courbes de croissance, dépistage d’un oligoamnios,
score de Manning), vélocimétrie sanguine maternelle et foetale.
B - Traitement ambulatoire
:
Il convient à la prise en charge des hypertensions modérées, qu’elles soient
induites par la grossesse ou chroniques et antérieures à la grossesse.
La
décision de prescrire un antihypertenseur sera prise sur la constatation de
l’échec ou de l’insuffisance des mesures hygiénodiététiques (en particulier de
la mise au repos strict) imposées pour obtenir la baisse tensionnelle.
On
débute habituellement le traitement par une monothérapie pour passer en
bithérapie (initiée souvent lors d’une courte hospitalisation) si le résultat est
jugé insuffisant.
Dans les cas où l’hypertension modérée est associée à un
critère de gravité maternel ou foetal (retard de croissance intra-utérin : RCIU),
la mise sous antihypertenseur se fera en hospitalisation.
1- Intérêt des antihypertenseurs
:
Bien que le traitement antihypertenseur ne traite que le symptôme
hypertension, son intérêt a été démontré aussi bien dans les hypertensions
sévères où il prévient les hémorragies cérébrales, causes très fréquentes de
décès maternels que dans les hypertensions modérées pour lesquelles il
permet de prévenir l’hypertension sévère.
En revanche, il ne permet pas de
prévenir la survenue de la protéinurie ni d’aucune autre complication.
De
même, il n’influence ni la fréquence de survenue d’un RCIU, ni le taux de
mortalité périnatale.
2- Choix de l’antihypertenseur
:
Dans l’hypothèse où il ne s’agit pas d’une hypertension chronique déjà traitée,
il est souhaitable d’utiliser en premier les médicaments dont les effets sur la
grossesse sont connus et acceptables, car la preuve du meilleur
antihypertenseur dans cette indication n’est pas faite malgré de nombreux
essais comparatifs.
* Antihypertenseurs d’action centrale :
En raison de son antériorité dans le domaine et de la très large utilisation qui
en a été faite, la méthyldopa (Aldomet) reste encore le médicament de
première intention pour beaucoup de praticiens.
Elle semble prévenir les
avortements tardifs, en particulier dans les hypertensions chroniques ou
gravidiques apparues avant la 20e semaine.
– dose d’entretien : augmentation de 250 mg par paliers de 48 heures,
jusqu’à une dose usuelle de 0,75 à 1,5 g/j.
L’effet indésirable le plus souvent constaté est la sédation, habituellement
transitoire, survenant en début de traitement ou lors de l’augmentation des
doses.
Cet effet sédatif peut être un adjuvant précieux à la mise au repos des
femmes enceintes.
Il faut cependant rester vigilant vis-à-vis de la survenue
possible de troubles psychiques (cauchemars, états dépressifs) ou de troubles
cardiovasculaires avec apparition (ou aggravation) d’oedèmes.
La clonidine (Catapressan) a été également l’objet d’une large utilisation et
n’a révélé à ce jour aucun effet tératogène.
Elle présente les mêmes effets
secondaires que la méthyldopa.
La posologie est progressive :
– dose initiale : 0,15 mg au coucher ;
– dose d’entretien : 0,15 à 0,30 mg matin et soir, sans dépasser 1 mg/j.
*
Bêtabloquants :
Ils sont bien souvent aujourd’hui prescrits en première intention, sur des
arguments de meilleure tolérance ou/et d’efficacité.
Leur supériorité sur la méthyldopa dans la prévention de l’hypertension sévère n’a pas été prouvée.
Cependant, une étude comparative avec le labétalol (Trandate) semblerait
montrer, en monothérapie, une meilleure efficacité sur le contrôle
tensionnel.
On peut raisonnablement penser que les autres molécules
appartenant à cette même classe ne soient pas très différentes en termes d’effet
sur la pression artérielle.
Le choix du bêtabloquant se base sur un produit dont
la relative innocuité est documentée (acébutolol, aténolol, bétaxolol,
labétalol).
Logiquement, on devrait préférer les molécules bêta-1 sélectives
en cas de diabète ou d’asthme peu sévère.
On vérifie l’absence de toute contreindication
: hypersensibilité aux bêtabloquants, BAV de deuxième ou
troisième degré, maladies du sinus auriculaire, asthme sévère. Le traitement
débute par des doses faibles, et l’augmentation se fait par paliers de 48 heures
ou plus.
On prend soin de rester dans les limites de posologies recommandées
en dehors de la grossesse, en une seule prise le matin, sauf pour le labétalol
(2 prises/j) :
Dans le cadre du traitement ambulatoire, deux études contrôlées ont évalué
soit la nifédipine, soit l’isradipine.
La nifédipine s’est montrée plus
efficace que le repos seul pour prévenir les interruptions de grossesse pour
hypertension sévère chez des femmes protéinuriques, tandis que l’isradipine
(supérieure au placebo) n’a permis d’obtenir la baisse des chiffres tensionnels
que chez les femmes non protéinuriques.
Actuellement, on peut dire que les
inhibiteurs calciques ont donné pendant la grossesse des résultats similaires
aux autres antihypertenseurs.
Il faut noter qu’en France, ils sont déconseillés
chez la femme enceinte.
Leur utilisation en première intention dans les
situations d’hypertension artérielle modérée ne semble pas être justifiée
d’autant que le sixième rapport du Joint National Committee sur le traitement
de l’hypertension artérielle (1997) vient de rappeler qu’ils doivent être
réservés à la prescription de seconde intention.
Comme pour les
bêtabloquants, l’augmentation des posologies se fera par paliers d’au moins
48 heures, en prenant en compte les contre-indications de façon très
rigoureuse.
Ils ont été prescrits en obstétrique aux doses suivantes :
– isradipine (Icaz) : 5 mg d’une forme à libération prolongée en une seule
prise matinale.
Deux prises/jour de 5 mg LP ont été testées ;
– nicardipine (Loxen) : 60 mg/j en 3 prises, avec un maximum de 120 mg/j
pour les formes à libération immédiate ; 100 mg/j en deux prises pour les
formes à libération prolongée ;
– nifédipine (Adalate, Nifédipine) : 40 mg/j en deux prises, posologie que
certains ont augmentée jusqu’à 120 mg/j.
* Inhibiteurs de l’enzyme de conversion et autres antihypertenseurs
:
Il existe des cas d’hypertension chronique pour lesquels les IEC sont les seuls
capables de maîtriser l’hypertension.
Il est bien évident que, dans les cas où
tous les autres antihypertenseurs ont échoué, la prudence veut que le
traitement soit maintenu malgré l’installation de la grossesse, imposant une
surveillance foetale adaptée.
En dehors de ces cas exceptionnels, leur
administration est contre-indiquée au cours de la grossesse.
Il en est de même
pour les antagonistes de l’angiotensine II.
3- Conduite du traitement :
Il est important de rappeler que les antihypertenseurs ne viennent qu’en
complément des mesures hygiénodiététiques et qu’un bon contrôle tensionnel
ne permet pas d’éviter la survenue de complications maternelles graves telles
que l’éclampsie ou le HELLP syndrome, ou foetales comme le RCIU, voire la
mort foetale.
*
Mise au repos complet :
Elle inclut un arrêt de travail si la femme exerce une activité professionnelle,
et un soutien dans ses tâches domestiques (garde des enfants, assistante
ménagère, visites d’une sage-femme à domicile).
* Consultation
:
Elle se fait tous les 15 jours, éventuellement en hospitalisation de jour : bilan
clinique et paraclinique avec en particulier :
– examen clinique et obstétrical ;
– contrôle tensionnel ;
– adaptation thérapeutique : on veillera à dépister aussi bien les sous-dosages
thérapeutiques que les surdosages, ceux-ci pouvant provoquer des pressions
artérielles trop basses pour maintenir une perfusion utéroplacentaire
satisfaisante, principalement la nuit ou au repos en position allongée et
majorer ainsi considérablement le RCIU.
Les hypertendues chroniques
recevant déjà un traitement antihypertenseur avant d’être enceintes ont bien
souvent besoin d’un ajustement de posologie pendant le premier trimestre, la
grossesse provoquant alors naturellement une diminution tensionnelle
pouvant conduire à un surdosage thérapeutique.
L’utilisation de la MAPA
peut être intéressante pour éviter cet écueil.
En pratique, on veillera à
maintenir la diastolique supérieure ou égale à 80 mmHg mais inférieure à
100 mmHg.
Il peut arriver d’avoir à associer deux antihypertenseurs si les
résultats obtenus avec le premier sont insuffisants ; enfin, on recherche
d’éventuels effets indésirables propres à la classe thérapeutique choisie ;
– recherche de la protéinurie à la bandelette réactive ou par dosage sur la
diurèse des 24 heures au moindre doute ;
– dépistage des oedèmes (prise de poids) ;
– surveillance biologique standard avec biologie hépatique. L ’uricémie est
un bon facteur pronostique.
Elle doit rester inférieure à 350 mmol/L, et
devient très préoccupante au-delà de 600 mmol/L.
Toutefois, ces valeurs
seuils sont à interpréter en fonction de l’âge gestationnel.
L’élévation de
l’hématocrite est un signe d’aggravation de l’hypovolémie, la thrombopénie
a toujours une signification de gravité (risque de coagulation intravasculaire
disséminée [CIVD] ou de HELLP syndrome) ;
– bilan foetal : échographie, monitorage cardiaque, vélocimétrie sanguine.
Lorsque la situation semble équilibrée, une surveillance du rythme cardiaque
foetal par télémonitorage à domicile peut être proposée.
* Hospitalisation au moindre signe d’aggravation :
En fonction de l’état de la femme et des moyens localement disponibles, cette
hospitalisation pourra se faire en hospitalisation traditionnelle ou en
hospitalisation à domicile (HAD).
Les principaux éléments de gravité sont :
– pour la mère :
– l’augmentation de la pression artérielle, surtout de la diastolique ;
– l’apparition d’une protéinurie ou d’une thrombopénie ;
– l’apparition d’oedèmes : une brusque prise de poids, la bouffissure du
visage sont péjoratifs chez une femme enceinte hypertendue alors qu’ils
semblent banals au cours d’une grossesse non pathologique ;
– des céphalées, associées parfois à une discrète confusion mentale, des
acouphènes, des phosphènes, une barre épigastrique, une hyperréactivité
tendineuse ;
– pour le foetus :
– des anomalies du rythme cardiaque foetal, élément décisionnel
majeur.
Les enregistrements doivent être bi- voire triquotidiens.
L’analyse automatisée permet de détecter très précocement la réduction de
la variabilité à court terme des oscillations ; la surveillance intensive
s’impose lorsque cette variabilité se situe entre 3 et 5 ms, mais l’extraction
foetale doit se faire rapidement au-dessous de 3 ms ;
– une hyperuricémie maternelle supérieure à 350 mmol/L ;
– l’installation ou l’aggravation d’un RCIU, surtout si le diamètre
bipariétal est affecté, RCIU confirmé par des échographies répétées qui
permettront également d’apprécier l’état de sénescence du placenta, de
détecter un éventuel oligoamnios ou la diminution des mouvements actifs ;
– l’existence d’une diastole nulle sur l’artère ombilicale, associée ou non
à une redistribution des flux au profit du cerveau foetal à l’examen
vélocimétrique de la carotide et de l’artère cérébrale antérieure.
* Consultation préanesthésique :
Il s’agit d’une prise en charge de plus en plus multidisciplinaire, surtout dans
les formes graves : évaluation clinique, biologique, discussion de la stratégie
de prise en charge, incluant et évaluant le pronostic foetal (avis du
néonatologiste), et de la technique d’anesthésie, en privilégiant chaque fois
que possible l’anesthésie locorégionale.
C - Traitement antihypertenseur en urgence :
C’est le traitement des poussées hypertensives révélatrices d’une toxémie ou
l’aggravant.
On parle d’hypertension artérielle sévère pour des systoliques
supérieures ou égales à 160 mmHg et des diastoliques supérieures ou égales
à 100 ou 110 mmHg.
Le traitement vise à diminuer la tension artérielle en
maintenant la perfusion cérébrale maternelle et la pression de perfusion de la
chambre intervilleuse et à obtenir une pression artérielle moyenne aux
environs de 100 en gardant une systolique toujours supérieure à 140 mmHg
et une diastolique toujours supérieure ou égale à 80 mmHg.
Il ne se conçoit
qu’en hospitalisation, instauré dans un secteur de surveillance continue et
conduit par voie IV.
Il peut être à lui seul responsable d’accidents de
souffrance foetale aiguë voire de mort in utero en raison de l’hypotension
maternelle ou simplement de la baisse trop rapide de la pression artérielle,
même si celle-ci se maintient dans les limites de la normale.
C’est pourquoi
on utilisera successivement, et de façon relativement progressive, l’expansion volémique et les antihypertenseurs, tout d’abord en mono- puis en bi-, voire
en trithérapie.
La surveillance maternofoetale sera étroite avec évaluation
quotidienne des risques de maintien de la grossesse.
Si la question de la
corticothérapie de maturation pulmonaire foetale se pose, elle pourra se faire,
fractionnée en quatre doses au lieu de deux.
1- Expansion volémique :
Elle doit être particulièrement prudente.
Proposée en raison de l’hypovolémie
liée à la maladie, elle permet parfois à elle seule d’amorcer la chute
tensionnelle avant l’utilisation des hypertenseurs.
Trois types de solutés sont disponibles : les cristalloïdes (ringer-lactate et
sérum physiologique isotonique), les colloïdes (dextrans, gélatines, amidons)
et l’albumine.
Les dextrans et les gélatines sont contre-indiqués en France
en raison de leurs risques allergiques pouvant mettre en jeu les pronostics
maternel et foetal ; les amidons n’ont pas d’AMM chez la femme enceinte.
L’albumine à 4 %est utilisée à raison de 500 mL, les cristalloïdes à raison de
700 à 1 000 mL.
L’utilisation de tels solutés soulève le problème du type de
monitorage à utiliser.
Actuellement, le caractère exceptionnel de la
défaillance ventriculaire gauche en dehors d’interventions iatrogènes
sur l’équilibre hémodynamique, le risque de complication parfois gravissime
du monitorage hémodynamique invasif par cathéter de Swan-Ganz, font
réserver ce type de surveillance aux situations telles que l’oligurie persistant
malgré un remplissage prudent, les oedèmes pulmonaires, les situations ne
répondant pas à un traitement antihypertenseur classique.
Ce type de
surveillance est, pour certains, réservé uniquement au post-partum.
Ainsi, le monitorage retenu est habituellement une mesure de la pression
veineuse centrale grâce à un cathéter introduit par voie périphérique (veine
basilique ou céphalique) dans ces situations où des troubles de la crase
peuvent être présents.
2- Bêtabloquants
:
Seul le labétalol (Trandate, ampoule à 100 mg/20 mL) peut être
recommandé pour la voie IV en obstétrique.
Il sera perfusé à la seringue
électrique à la dose de 10 à 20 mg/h.
Son association à la dihydralazine permet
souvent de réduire les posologies et les effets indésirables de chacun, en
particulier la tachycardie due au Népressolt.
La mise en garde de l’AMM,
imposant l’arrêt de la thérapeutique devant tout signe clinique suggérant une
atteinte hépatique, est parfois difficile à respecter chez ces patientes dont la
fonction hépatique est souvent plus ou moins perturbée.
3- Vasodilatateurs :
En raison de ses propriétés vasodilatatrices périphériques, la dihydralazine
(Népressol) a été le vasodilatateur le plus utilisé pendant longtemps.
La
présentation pour utilisation par voie orale n’est plus commercialisée.
Sa
délivrance à la femme enceinte pour l’usage IV est soumise actuellement à
une ATU (autorisation temporaire d’utilisation) de cohorte.
Elle doit être
prescrite en seconde intention après échec ou insuffisance du labétalol ou
lorsque celui-ci est contre-indiqué.
Elle est administrée au chronofuseur ou à
la seringue électrique à raison de 1 mL/h (ou 1 mg/h) d’une solution de 25 mL
de sérum salé isotonique à 0,9 % contenant 1 ampoule de Népressolt
(25 mg/2 mL).
On augmente toutes les heures de 1 mg, mais, si l’effet tensionnel est insuffisant après perfusion de 2 mg/h pendant 1 heure, on
envisagera l’association avec un autre antihypertenseur (labétalol).
Certains
prescrivent de plus fortes doses.
On s’abstiendra formellement d’injecter en bolus chez une femme enceinte.
On peut lui associer la clonidine : 4 ampoules
de 2 mL à 0,15 mg diluées dans 500 mL de sérum glucosé à 5 % pour une
concentration de 1,2 µg/mL ; on perfuse de 1 mL/min jusqu’à 6 mL/min.
Parmi les effets indésirables de la dihydralazine, les céphalées et les douleurs
abdominales gênent la surveillance de l’évolution d’une prééclampsie.
L’urapidil (Eupressyl, Médiatensyl) s’est avéré efficace en post-partum
après échec de la dihydralazine, sans effet indésirable majeur (nausées,
céphalées).
Les solutés injectables se présentent sous forme d’ampoules de
25 mg/5 mLou 50 mg/10 mL.
La dose initiale est injectée en bolus de 25 mg
sur 20 secondes, suivie d’une perfusion à la seringue électrique : 2 mg/min,
soit 1 mL/min de 100 mg dans 50 mL de soluté isotonique.
La dose
d’entretien est de 9 à 30 mg/h soit 4,5 à 15 mL/h (en moyenne 7,5).
Le relais
peut ensuite être pris par voie orale : 60 à 120 mg/j en deux prises.
Bien que n’étant pas classé dans la pharmacopée avec les antihypertenseurs,
le sulfate de magnésie peut être intéressant, en particulier en cas d’éclampsie,
en raison de ses propriétés vasodilatatrices transitoires et potentialisatrices
des autres antihypertenseurs.
Ces propriétés s’exercent par effet direct et
indirect (compétition calcique), permettant d’obtenir une augmentation de la
production d’acide adénosine monophosphorique (AMP) cyclique, une
atténuation de la réponse vasculaire aux substances pressives, une diminution
des taux plasmatiques de rénine-angiotensine et d’enzyme de conversion de
l’angiotensine, une production de PGI2 (prostacycline) par les cellules
endothéliales.
Son effet compétitif avec le calcium au niveau des canaux
ioniques des membranes présynaptiques induit un bloc neuromusculaire
significatif pour des taux sanguins de magnésium supérieurs à 8 mmol/L à
partir desquels les réflexes ostéotendineux disparaissent (leur surveillance est
indispensable à la conduite du traitement).
Il possède ainsi des propriétés tocolytiques.
Il potentialise les curares et les antihypertenseurs ; son
association aux inhibiteurs calciques est contre-indiquée, car elle peut
entraîner des hypotensions sévères difficilement contrôlables ; de même, il
augmente les risques d’instabilité hémodynamique secondaire à l’installation
de l’analgésie péridurale.
Il se présente sous forme d’ampoules de 10 mL de solution à 15 % (1,5 g de
sulfate).
On injecte en IV un bolus de 4 g en 20 minutes, puis une perfusion
continue de 1 à 2 g à la seringue électrique.
4- Inhibiteurs calciques :
En France, leur administration par voie IV fait l’objet d’une contre-indication
chez la femme enceinte.
Ils sont encore réservés pour beaucoup d’auteurs à
l’utilisation de recours après échec des précédents antihypertenseurs souvent
en association avec eux. Seule la nicardipine (Loxen) est disponible pour la
voie IV.
Elle est perfusée à la dose de 1 à 6 mg/h, parfois après un bolus de
0,5 mg (ampoules à 5 mg/5 mL et 10 mg/10 mL).
Un intérêt particulier de la nicardipine peut tenir à son effet tocolytique qui, dans l’hypothèse où la
naissance prématurée de l’enfant est inévitable à brève échéance, permet de
gagner le temps nécessaire à l’induction de la maturation pulmonaire par les
corticoïdes.
La crainte de la majoration du risque d’hémorragie du postpartum
paraît injustifiée par rapport à la pratique lorsque l’administration IV
est prudente et titrée (obtention de l’effet antihypertenseur par administration
fractionnée de petites doses).
Enfin, elle contre-indique l’emploi du sulfate
de magnésie en cas d’éclampsie.
La nifédipine par voie sublinguale doit être formellement évitée, car, dans ces
conditions d’administration, elle a été responsable d’hypotension artérielle
maternelle brutale génératrice de souffrance foetale aiguë.
D - Conduite à tenir dans le post-partum :
1- Poursuite ou arrêt du traitement :
En règle générale, l’arrêt d’un traitement antihypertenseur doit être
progressif.
Dans le cas particulier du post-partum, on gardera à l’esprit
l’éventualité toujours possible de la survenue d’une crise d’éclampsie, ce qui
motivera la prudence et le soin avec lesquels on surveillera la patiente.
La question de l’arrêt du traitement ne se pose que pour l’hypertension
apparue en cours de grossesse.
Pour l’hypertension chronique, on envisage le
réajustement thérapeutique progressif avec les mêmes antihypertenseurs et
les mêmes posologies qu’avant la grossesse, et cela au cours de la première
semaine du post-partum.
Pour l’hypertension apparue en cours de grossesse, la vitesse d’arrêt du
traitement est fonction de la gravité de l’hypertension avant l’accouchement
et des chiffres tensionnels obtenus sous traitement pendant le post-partum.
Dans tous les cas, le traitement est poursuivi pendant les 4 à 5 premiers jours,
à doses moyennes si la tension artérielle est contrôlée et stable, par voie orale
d’emblée ou après 24 à 48 heures de voie IV.
Dès la deuxième semaine de
post-partum, si la tension artérielle s’est rapidement normalisée, on peut
envisager la diminution prudente du traitement pour aboutir à l’arrêt 1 mois
après l’accouchement.
Cependant, il n’est pas rare que le traitement soit
maintenu 1 à 2 semaines de plus.
2- Bilan néphrologique :
Il est habituel de pratiquer un bilan néphrologique entre le cinquième et le
septième jour du post-partum et un second 2 à 3 mois plus tard.
Ce dernier
devra être planifié avant la sortie de maternité.
Dans le post-partum immédiat, seul un bilan clinique et biologique devrait
suffire en l’absence de symptomatologie rénale sévère.
Deux mois après
l’accouchement, on doit réaliser dans tous les cas un bilan clinique,
biologique et échographique.
L’urographie IV et la ponction-biopsie rénale
devraient être réservées au bilan réalisé en seconde intention, sur signes
d’appel des résultats du précédent bilan, ou en raison d’un contexte de
néphropathie préexistant à la grossesse.
3- Allaitement
:
Dans l’immense majorité des cas, l’allaitement peut être envisagé, même si la
mère continue à prendre son traitement antihypertenseur, quel qu’il soit.
Toutefois, il serait préférable qu’une surveillance médicale de l’enfant puisse
être assurée dans les premiers jours de vie, surtout si celui-ci présente par
ailleurs des signes d’imprégnation par les antihypertenseurs reçus in utero.
Foetus, nouveau-né et antihypertenseurs
maternels :
A - Foetus, hypertension maternelle et antihypertenseurs
:
L’hypertension de grossesse représente, même en dehors de toute
considération médicamenteuse, un lourd handicap en termes de mortalité et
de morbidité pour le foetus et le nouveau-né.
En 1970, la mortalité périnatale
se chiffrait à 19,2 ‰ de la population normotendue de la Grande-Bretagne
alors qu’elle atteignait 33,7 ‰ chez les femmes hypertendues avec
protéinurie.
Ce risque augmente significativement avec l’élévation de la
pression diastolique et double s’il s’y ajoute une protéinurie.
La fréquence
du RCIU, complication foetale de l’hypertension de grossesse la plus
fréquente et peut-être aussi la plus grave, est de plus de deux fois supérieure
à celle de la population non hypertendue.
Il n’est ni déclenché ni aggravé par
les antihypertenseurs, et les études comparatives disponibles à ce jour n’ont
pas montré l’intérêt du traitement médicamenteux pour prévenir son apparition.
Il convient de rappeler que la méthyldopa utilisée entre la 16e et la
20e semaine de grossesse peut entraîner un retard de croissance très spécifique
du périmètre crânien sans que le reste du développement corporel en soit
affecté.
Le taux de prématurité est toujours supérieur à celui de la population générale
et, selon la gravité de l’hypertension, sa nature chronique ou strictement
gravidique, la lourdeur du traitement, son taux s’étage de 11 à 22 %.
La fréquence de la souffrance foetale aiguë est très difficile à apprécier tant les
critères de diagnostic diffèrent d’une étude à l’autre. Une étude déjà ancienne
mais menée sur un très large échantillon de population (plus de
6 000 grossesses) a montré cependant que cette fréquence était beaucoup plus
grande au cours de l’hypertension que dans la population normale mais pas
plus élevée que celle des autres grossesses à haut risque.
D’après une étude
plus récente, il semblerait qu’elle apparaisse plus volontiers lors d’une
aggravation de l’hypertension ou/et chez des femmes insuffisamment traitées,
mais aussi en cas de traitement trop brutal.
La relation étroite entre la profonde
hypotension maternelle induite par l’administration d’antihypertenseurs
(diazoxide, hydralazine, labétalol, nifédipine) et la brusque altération de l’état
foetal ou la situation critique néonatale a été largement
démontrée.
L’existence préalable d’un RCIU est un facteur aggravant.
Une attention toute particulière doit être portée à la détection du moindre
signe de souffrance foetale au cours du travail ou du traitement d’une urgence
hypertensive (cardiotocographie, mesure du pH sanguin in utero, oxymétrie
de pouls...).
On sait en effet que la tolérance à l’hypoxie d’un foetus sous
antihypertenseur maternel est nettement moins bonne que celle de témoins
normaux.
B - Nouveau-né et antihypertenseurs maternels
:
1- Risques dus aux antihypertenseurs :
La naissance d’un enfant de mère hypertendue doit être considérée comme
une « naissance à risque » au même titre qu’a été qualifiée de « grossesse à
risque » le temps de sa gestation.
Les modalités de cette naissance seront
fixées par consensus multidisciplinaire, dans lequel obstétriciens, sagesfemmes,
échographistes, anesthésistes-réanimateurs et pédiatres
néonatologistes se seront impliqués. Dans le cas (idéal) où l’unité de lieu
permet à l’information d’être véhiculée facilement, la prise en charge de
l’enfant en sera simplifiée.
En revanche, si celui-ci doit être transféré dans une
unité de soins distante du lieu de la naissance, on veillera à transmettre aux
pédiatres, en même temps que l’enfant, des informations détaillées sur :
– tous les médicaments reçus par la mère : nom précis, date de début du
traitement, modalités d’administration, date et heure de la dernière dose,
posologie ;
– état de la mère dans les heures qui ont précédé la naissance : contrôle tensionnel, protéinurie, complications, type d’anesthésie...
L’importance de l’héritage médicamenteux dans les difficultés d’adaptation
néonatale précoce n’est plus à démontrer.
On sait qu’avant la naissance, les
concentrations maternelle et foetale d’antihypertenseurs s’équilibrent
rapidement lors des administrations répétées ou des perfusions IV ; le rapport
des concentrations foetus/mère se situe entre 0,4 et 1,2 selon les molécules et
le délai entre la dernière administration et la naissance.
L’élimination de ces
médicaments et de leurs métabolites actifs se fait beaucoup plus lentement
chez le nouveau-né que chez l’adulte ; même pour les antihypertenseurs dont
la demi-vie est relativement courte chez l’adulte (2 à 3 heures) on observe des
demi-vies plus longues pendant la première semaine de vie : habituellement
plus de 12 heures, voire 50 à 70 heures suivant la molécule et/ou l’état
clinique de l’enfant.
Ces longues demi-vies peuvent être majorées par des
ascensions tardives des concentrations circulantes à j2 ou j3, ascensions
qui peuvent s’expliquer par différents phénomènes, en particulier des
modifications hémodynamiques et de la répartition des compartiments
hydriques ainsi que la levée des shunts au niveau des secteurs profonds.
Toutes les fonctions vitales sont fragiles pendant les premiers jours de vie.
Les antihypertenseurs dont les cibles sont le coeur, les vaisseaux, les poumons,
le cerveau, le rein, peuvent induire des troubles de l’adaptation néonatale.
De
nombreuses publications ont fait état de ces troubles, documentés parfois par
leur relation avec les concentrations circulantes de médicament.
Au premier plan, on peut citer les troubles cardiovasculaires : hypotension
transitoire parfois sévère, rebonds hypertensifs à j2 et j3, pression artérielle
basse pendant plusieurs heures voire jours, fréquence cardiaque lente
permanente, brefs accès de bradycardie profonde (parfois retardés à j2 ou j3).
Les antihypertenseurs, en particulier les bêtabloquants, ont été suspectés
d’avoir une responsabilité dans la survenue de détresse respiratoire ou
d’apnées, par action directe sur les récepteurs bêta-adrénergiques des
poumons et des centres de la commande ventilatoire.
Les perturbations de la
fonction rénale ont été également observées, soit par action directe sur les
récepteurs rénaux, soit indirecte secondaire à des pressions de perfusion
rénale trop basses.
Cela est particulièrement vrai pour les IEC.
La littérature
fait état de 16 cas d’oligoanurie, dont sept mortels, chez des enfants nés de
mères traitées.
Dans plus de la moitié des cas, aucun diurétique n’était
associé à l’IEC ; le seul élément commun à ces observations était la
constatation d’une profonde hypotension néonatale.
Cela justifie les réserves
particulièrement strictes liées à l’utilisation des IEC en obstétrique.
Enfin,
quelques accidents digestifs à type d’iléus méconial ont été signalés chez des
nouveau-nés dont la mère avait reçu de la méthyldopa ; bien que rarissimes,
ces accidents revêtent parfois un aspect pseudochirurgical qu’il est important
de connaître pour éviter à l’enfant une intervention inutile : leur évolution est
spontanément favorable et ne nécessite qu’une prise en charge médicale.
2- Surveillance du nouveau-né :
Même si, d’emblée, l’enfant va bien, on doit surveiller tension artérielle,
fréquences cardiaque et respiratoire, diurèse.
– La tension artérielle : elle doit être prise pendant le sommeil, deux
fois/24 h, pendant 48 heures.
Normalement, elle doit augmenter
progressivement de j1 à j3.
Les enfants à risque d’hypotension grave, et donc
à surveiller en milieu spécialisé, sont ceux dont la tension artérielle est soit
basse d’emblée, soit à la limite inférieure de la normale sans augmentation à
j2.
– Les fréquences cardiaque (au stéthoscope) et respiratoire (observation
clinique).
– La diurèse : noter la présence de mictions en salle de travail ou de
césarienne et par la suite lors des changes.
Cette surveillance pourra se faire au chevet de la mère, si l’enfant est né à
terme, sans retard de croissance sévère, sans hypoxie intrapartum.
Elle sera
maintenue à j2, même en l’absence de troubles à j1.
Le cadre de cet exposé ne nous permettait pas d’aborder dans son
ensemble la prise en charge de l’hypertension de grossesse et de ses
complications.
L’utilisation des antihypertenseurs ne vise qu’au
traitement du seul symptôme qu’est l’hypertension artérielle :
déclenchée ou aggravée par la grossesse, elle ne peut être mieux
traitée que par l’accouchement lui-même.
De sa sévérité dépendent le
pronostic vital et les éventuelles séquelles pour la mère et pour l’enfant.
Dans un certain nombre de cas, les antihypertenseurs permettront de
contrôler l’évolution de cette hypertension dans des conditions
suffisantes de sécurité pour la mère en permettant à la grossesse
d’atteindre un âge gestationnel compatible avec la vie de l’enfant.