Urgences en ophtalmologie Cours de
réanimation - urgences
Généralités
:
La notion d’urgence recouvre bien entendu tous les cas où l’intégrité du
globe oculaire et/ou de la fonction visuelle est menacée, mais déborde
également sur les situations dont le caractère urgent est avant tout
ressenti par le malade.
Ceci est dû à l’aspect spectaculaire de certaines
affections pourtant bénignes et à la crainte ressentie par le patient d’une
dégradation visuelle irréversible, qui consulte alors souvent de façon
hâtive.
Ces mêmes facteurs incitent parfois le généraliste à diriger le
patient immédiatement vers un centre spécialisé, alors qu’il pourrait
dans un nombre non négligeable de cas effectuer tout ou partie de la prise
en charge et administrer les premiers soins.
Nous aborderons donc certaines pathologies qui ne relèvent pas de
l’urgence médicale en tant que telle, mais qui sont une source de vive
inquiétude, voire d’angoisse réelle chez certains patients, ce qui
implique la nécessité d’une prise en charge rapide.
A - Matériel nécessaire à l’examen ophtalmologique
en urgence
:
– Une échelle d’acuité visuelle type Monoyer.
– Un trou sténopéique qui permet de corriger partiellement le défaut
optique de l’oeil lors de l’estimation de l’acuité visuelle.
– Un ophtalmoscope ou, à défaut, une lampe portative fournissant un
faisceau lumineux homogène.
En plus de la lumière blanche, certains
ophtalmoscopes disposent d’un éclairage en lumière bleue.
– Quelques collyres (présentés en unidoses) à visée diagnostique :
anesthésiques de contact (Novésinet), colorants (Fluorescéinet).
– Quelques spécialités à visée thérapeutique : collyres myotiques
(Pilocarpine Martinet 2 %t, Glaucostatt), collyre bêtabloquant,
Diamoxt (ampoules pour injection intraveineuse à 500 mg, comprimés
à 250 mg), collyre antibiotique.
B - Techniques d’examen
:
1- Mesure de l’acuité visuelle
:
Elle est effectuée séparément pour chaque oeil, en utilisant une échelle
type Monoyer. Placée à la distance préconisée, elle permet de quantifier
l’acuité visuelle (de 1/10 à 10/10).
En cas d’acuité visuelle inférieure à
un dixième, la baisse d’acuité visuelle peut être évaluée grâce à la
mesure approximative de la distance maximale permettant au patient de
décompter les doigts.
En cas d’acuité visuelle effondrée, il faut évaluer
l’existence d’une perception lumineuse en projetant vers l’oeil du patient
une source lumineuse (stylo-lampe, ophtalmoscope).
Si celle-ci est
perçue (perception lumineuse positive), on teste la capacité du patient à
en repérer la direction (perception lumineuse orientée).
La cécité vraie
correspond à l’absence de toute perception lumineuse.
2- Évaluation du champ visuel aux doigts
:
Elle est effectuée en demandant au patient de fixer un point fixe et
d’identifier les mouvements des index de l’examinateur qui explore ainsi
les différentes parties du champ visuel.
Cet examen peut être effectué
séparément pour chaque oeil et, effectué avec soin, il permet parfois de
suspecter un type d’atteinte (hémianopsie, quadranopsie...).
3- Appréciation du tonus oculaire
:
On demande au patient de regarder en bas sans cligner.
Le médecin place
ses index droit et gauche dans le sillon orbitopalpébral.
Par des pressions
alternatives de ses index sur le globe, il en apprécie très délicatement la
dureté.
4- Recherche d’un corps étranger dans le cul-de-sac
palpébral supérieur :
Le malade regardant vers le bas, le médecin saisit, entre le pouce et
l’index de la main gauche, la racine des cils.
L’index de la main droite
s’appuie sur la partie supérieure du tarse de la paupière supérieure
pendant que la main gauche se relève en allongeant légèrement la
paupière supérieure et dévoilant ainsi son versant conjonctival.
5- Ablation d’un corps étranger cornéen superficiel
:
Après instillation d’un collyre anesthésique, le malade est allongé et fixe
un point repère.
Le corps étranger est enlevé avec un coton-tige ou une
pointe mousse stérile.
Le recours secondaire au spécialiste est cependant nécessaire, pour
compléter l’ablation (rouille...), vérifier l’absence de perforation
associée et la cicatrisation cornéenne.
6- Examen de la surface cornéenne : test à la fluorescéine
Excitée par une lumière bleue, la fluorescéine a la propriété d’émettre
un rayonnement vert.
Après instillation d’une goutte de collyre à la
fluorescéine, on demande au patient de cligner plusieurs fois.
Puis, on
illumine en lumière bleue la surface cornéenne au moyen d’un
ophtalmoscope ou d’un stylo-lampe destiné à cet usage (à défaut de
lumière bleue, un faisceau de lumière blanche peut également être
utilisé).
En cas d’intégrité de la surface cornéenne, la fluorescence
induite a une répartition homogène.
En cas de perte de cette intégrité
(kératite, ulcération, brûlure...), la fluorescence induite sera inhomogène
car la fluorescéine se répartira préférentiellement au niveau des
anomalies de surface.
7- Examen du fond d’oeil
:
Il est possible au lit du malade et nécessite l’usage d’un ophtalmoscope.
Il doit être effectué en cas de suspicion d’affection rétinienne ou
du nerf optique et est possible même en l’absence de dilatation
pupillaire.
OEil rouge
:
C’est un motif de consultation urgente très fréquent en ophtalmologie,
car la simple constatation d’une rougeur oculaire a souvent une forte
connotation anxiogène, d’autant plus intense qu’elle s’accompagne de
signes fonctionnels (douleurs, baisse d’acuité visuelle).
La conjonctive
est un tissu richement vascularisé et une vasodilatation même modérée
est très perceptible à ce niveau.
La notion d’oeil rouge embrasse un
éventail de pathologies variées, allant des affections bénignes aux
véritables urgences mettant en jeu le pronostic oculaire.
A - Glaucome aigu
:
1- Rappels
:
Le glaucome aigu est une brusque élévation de la pression intraoculaire
causée par l’obstruction subite des voies naturelles de drainage et de
résorption de l’humeur aqueuse en raison d’un blocage pupillaire.
Le traitement est d’une extrême urgence car l’élévation aiguë de la
pression oculaire compromet la vascularisation de la tête du nerf optique
et de la rétine.
2- Signes d’appels
:
Typiquement :
– début brutal ;
– douleurs atroces oculaires et périorbitaires ;
– baisse très importante de l’acuité visuelle ayant débuté par la
perception de halos colorés ;
– nausées, voire vomissements parfois importants et pouvant faire
égarer le diagnostic.
3- Signes d’examen
:
L’oeil est rouge, larmoyant.
Il existe un cercle périkératique (anneau
rouge encerclant la cornée).
La cornée est terne et moins transparente (car oedémateuse).
La pupille est en semi-mydriase aréflexique (non réactive à
l’illumination directe).
La chambre antérieure est étroite : en éclairant
celle-ci de façon oblique, l’iris semble très proche de la cornée.
La palpation aux doigts révèle un oeil extrêmement dur.
Ce tableau doit faire porter le diagnostic de crise de glaucome aigu par
fermeture de l’angle.
Le recours au spécialiste s’impose d’urgence.
Celui-ci précisera la valeur de la pression intraoculaire (souvent
comprise entre 50 et 70 mmHg), constatera la présence d’un angle
iridocornéen fermé sur 360° et poursuivra le traitement qui doit être mis
en route par le médecin généraliste.
Le diagnostic est parfois difficile en cas de formes moins typiques :
– crises moins violentes, surtout marquées par une vision de brouillard
avec halos colorés, de résolution spontanée (les rechercher à
l’interrogatoire) ;
– crises à composante digestive majeure ;
– crises d’emblée bilatérales, éventualité rare mais toujours possible.
Dans ces cas difficiles, certains arguments peuvent orienter le
diagnostic :
– arguments de terrain : sexe féminin, hypermétropie, âge supérieur à
50 ans, race asiatique ;
– arguments anamnestiques : antécédents d’épisodes similaires
spontanément résolutifs avec baisse d’acuité visuelle, halos colorés,
survenue après un stress, une anesthésie générale, une prise
médicamenteuse, l’instillation d’un collyre...
4- Traitement
:
Il est d’extrême urgence et doit être débuté par le médecin généraliste,
avant transfert rapide en milieu spécialisé.
Le traitement médical vise
un double objectif : faire diminuer la pression intraoculaire et lever le
blocage pupillaire afin de réapprofondir l’angle iridocornéen et
d’effectuer l’iridectomie périphérique.
5- Traitement médical
:
Par voie systémique.
– Un comprimé à 250 mg et une ampoule intraveineuse de 500 mg
d’acétazolamide Diamoxt, puis un comprimé toutes les 6 heures.
L’acétazolamide agit au niveau de récepteurs situés sur le corps ciliaire
et entraîne une diminution de la synthèse de l’humeur aqueuse.
Le délai
d’action est d’environ 3 minutes après injection intraveineuse et sa durée
comprise entre 3 et 6 heures.
– Par voie intraveineuse, 500 mL de Mannitol Aguettantt à 20% à
passer en 45 minutes, éventuellement précédés d’une dose de charge
(50 mL en 3 minutes).
Le délai d’action est d’environ 30 minutes.
Les
effets indésirables de cet agent osmotique sont la déshydratation,
l’hypovolémie, avec risque de rétention aiguë en cas d’adénome.
Ce
traitement est contre-indiqué en cas d’insuffisance cardiaque et nécessite
une surveillance attentive (fréquence cardiaque, tension artérielle).
– Un antalgique.
– Un sédatif.
Par voie locale.
– Dès que la tension oculaire diminue, on débute l’instillation d’un
collyre myotique : Pilocarpine Martinett 1 % ou 2 % ou Glaucostatt
(myotique de synthèse), une goutte toutes les 30 minutes.
La
surveillance de la pression oculaire s’impose et l’administration du
collyre myotique est interrompue en cas de remontée tensionnelle.
6- Traitement chirurgical
:
Dès que la pression oculaire redevient normale, le traitement
prophylactique de la récidive est impératif : l’iridectomie périphérique
chirurgicale ou au laser argon et/ou Yag.
Ce geste permet la réalisation
d’un shunt entre l’espace rétro-irien et l’angle iridocornéen.
Si la pression oculaire reste élevée ou remonte après l’iridectomie en
raison de synéchies angulaires (accolements entre l’iris et le trabéculum
responsables d’une gêne à l’évacuation de l’humeur aqueuse), il faut
effectuer une intervention filtrante (trabéculectomie).
7- Traitement préventif
:
Il repose sur l’examen ophtalmologique avant prescription de
médicaments contre-indiqués en cas de risque de glaucome par
fermeture de l’angle et avant dilatation pupillaire, et également sur
l’iridectomie chirurgicale ou laser préventive sur les yeux prédisposés.
B - Traumatismes oculaires
:
L’interrogatoire du patient et l’histoire clinique permettent, le plus
souvent, de retrouver l’origine traumatique de la symptomatologie.
Cependant, il faut savoir évoquer cette étiologie chez les enfants,
volontiers dissimulateurs, et les patients dont l’interrogatoire est
impossible.
Les traumatismes oculaires font l’objet d’un développement
particulier.
C - Hémorragie sous-conjonctivale
:
Elle se présente comme une rougeur isolée d’un secteur de la
conjonctive bulbaire et est absolument indolore.
Elle est le plus souvent
spontanée et sans gravité.
Elle peut survenir sur un terrain de fragilité
vasculaire, notamment en cas de poussée d’hypertension artérielle.
L’évolution se fait vers la résorption spontanée progressive sur une
quinzaine de jours.
Si l’hémorragie se répète, il est utile de prescrire un
bilan d’hémostase et de contrôler la pression artérielle.
L’hémorragie sous-conjonctivale peut cependant survenir dans un
contexte traumatique et son importance n’est pas forcément en rapport
avec la violence de la contusion.
Dans ce cas, il faut systématiquement
suspecter une perforation oculaire et ne pas hésiter à adresser le patient
vers un centre spécialisé.
D - Conjonctivites
:
Ce sont des atteintes inflammatoires de la conjonctive.
Elles peuvent être
uni- ou bilatérales d’emblée ou se bilatéraliser.
1- Signes d’examen
:
Elles associent :
– une rougeur oculaire plutôt diffuse et moins vive que celle d’une
hémorragie sous-conjonctivale ;
– des paupières collées le matin, avec des cils englués par des sécrétions
croûteuses ou squameuses ;
– une sensation de corps étranger, de prurit ;
– des sécrétions d’aspect variable (claires à purulentes).
Il n’y a pas de baisse de l’acuité visuelle, ni de douleurs, ni de
photophobie, ni d’hypertonie oculaire, ni de cercle périkératique.
L’hyperhémie prédomine généralement sur la conjonctive tarsale et
dans les culs-de-sac conjonctivaux, qui abritent souvent des sécrétions.
Il faut également rechercher à ce niveau des papilles (saillies
érythémateuses) et des follicules (saillies rosées translucides).
Il faut rechercher une éventuelle adénopathie satellite prétragienne à la
palpation.
Les conjonctivites sont fréquentes chez le nourrisson et le jeune enfant
et représentent souvent un motif de consultation de caractère urgent pour
les parents inquiets par une rougeur oculaire parfois majeure et qui peut
être uni- ou bilatérale ou s’accompagner d’un oedème palpébral
spectaculaire.
Elles émaillent très souvent l’évolution d’une
rhinopharyngite qu’il faut rechercher et traiter.
2- Étiologie
:
L’étiologie d’une conjonctivite peut être bactérienne, virale ou
allergique.
La notion de contage est importante pour les deux premières
étiologies.
La présence d’un prurit et d’antécédents allergiques est très
en faveur de la troisième.
L’évolution peut être plus ou moins longue
malgré un traitement adapté et le risque principal réside dans la survenue
de complications cornéennes.
3- Traitement
:
Il repose sur les prescriptions de collyres antiseptiques ou antibiotiques,
associés à une hygiène oculaire (nettoyages au sérum physiologique,
hygiène des mains...).
E - Kératites
:
Ce sont des atteintes inflammatoires de la cornée.
1- Signes d’examen
:
Elles associent :
– une impression de corps étranger ;
– une photophobie majeure, douloureuse avec céphalées ;
– un blépharospasme ;
– un larmoiement intense.
L’acuité visuelle est abaissée.
Le tonus oculaire est normal.
Il existe un
cercle périkératique. L’abondance des sécrétions est très variable.
Un examen attentif de la cornée à l’ophtalmoscope peut révéler un léger
trouble, voire des ponctuations ou irrégularités dans les formes sévères.
La perte de l’intégrité de la surface de la cornée peut être
facilement objectivée après instillation d’un collyre à la fluorescéine et
illumination de la cornée par une lumière bleue.
2- Étiologie
:
Les étiologies en sont variées :
– les traumatismes ;
– les kératoconjonctivites infectieuses qui répondent aux mêmes
étiologies que les conjonctivites infectieuses : bactérienne et virale.
Parmi ces dernières, il faut insister sur la kératite liée au virus de l’herpès
qui peut revêtir plusieurs formes et évolue classiquement par poussées.
La kératite dendritique réalise la forme classique de kératite herpétique :
le test à la fluorescéine est positif et l’hyperfluorescence délimite un
secteur en forme d’arborescence (dendrite).
Cet aspect est
classique mais inconstant et il existe des formes trompeuses.
3- Traitement
:
Les corticoïdes locaux sont contre-indiqués en première intention dans
tous les cas de kératite superficielle, en particulier en cas de suspicion
d’herpès.
Le recours à l’ophtalmologiste est nécessaire pour apprécier
l’importance exacte des lésions et instaurer un traitement à visée
antalgique et étiologique.
Le traitement associe :
– des collyres mydriatiques (soulageant le spasme ciliaire et les
douleurs) ;
– des antiseptiques ou antibiotiques en cas de surinfection ;
– des cicatrisants ;
– un pansement occlusif dans les formes sévères.
Devant une kératite hyperalgique, le médecin généraliste peut réaliser
un pansement occlusif après instillation de pommade antibiotique, avant
d’adresser le patient vers un centre spécialisé.
F - Uvéites
:
1- Étiologie
:
Elles sont définies par l’atteinte inflammatoire de l’iris et/ou du corps
ciliaire.
Elles sont le plus souvent unilatérales.
Il existe des douleurs oculaires à type de lancements, de tension,
associées à une baisse d’acuité visuelle et une photophobie.
L’examen retrouve la présence d’un cercle périkératique, l’absence de
sécrétions purulentes, une cornée claire avec test à la fluorescéine
négatif.
Il existe souvent des anomalies pupillaires : myosis,
déformation pupillaire en cas de synéchies iriennes (accolements entre
iris et cristallin).
Il existe parfois un hypopion, niveau liquide
blanc ou jaunâtre dans la chambre antérieure, et qui correspond à la
sédimentation de cellules inflammatoires.
L’hypopion n’est pas
spécifique de l’uvéite et peut se rencontrer au cours de toute pathologie
oculaire inflammatoire ou infectieuse sévère.
Le diagnostic différentiel peut être difficile avec la kératite unilatérale,
et surtout avec la crise de glaucome aigu.
Les iritis évoluent sur un mode chronique, avec poussées itératives.
Elles
peuvent traduire une atteinte générale et il faut rechercher une infection
de voisinage (oto-rhino-laryngologique [ORL], dentaire) ou à distance,
une atteinte virale, une maladie rhumatismale. Sarcoïdose, brucellose,
tuberculose, toxoplasmose, syphilis, sont recherchées en fonction du
contexte.
2- Traitement
:
Il est toujours symptomatique, et étiologique chaque fois que possible.
Le traitement symptomatique associe :
– des mydriatiques qui lèvent ou préviennent les synéchies et le spasme
ciliaire ;
– des corticoïdes qui sont administrés par voie locale, et parfois
générale.
Le traitement étiologique est par définition en rapport avec l’étiologie
de l’uvéite, quand celle-ci est identifiée, et sort du cadre de l’urgence.
G - OEil rouge et contexte particulier
:
1- Patient porteur de lentilles de contact
:
Le port de lentilles de contact prédispose aux complications infectieuses
(conjonctivites, kératites).
Le risque est plus élevé avec les lentilles
souples hydrophiles et en cas de port prolongé.
En plus des
complications infectieuses non spécifiques (conjonctivites, kératites),
les infections oculaires chez les porteurs de lentilles de contact ont
plusieurs particularités :
– il existe parfois un retard diagnostique car la lentille souple fait
pansement et masque les douleurs initiales ; il n’est donc pas rare de voir
un patient consulter d’emblée pour un ulcère cornéen infectieux, parfois
visible à l’oeil nu sous la forme d’une opacité blanchâtre de taille variable
sur la cornée ;
– on retrouve avec une fréquence élevée des germes à Gram négatif, et
le port de lentilles souples expose au risque de kératite amibienne en cas
d’exposition à de l’eau stagnante (piscine, lac, eau du robinet) ; cette
complication, liée à l’infection du tissu cornéen par un protozoaire
(amibe), peut avoir des conséquences redoutables en cas de retard
diagnostique et met en jeu le pronostic visuel.
Dans tous les cas, il faut retirer la lentille et une consultation
ophtalmologique s’impose.
2- Après anesthésie générale
:
Il faut éliminer deux diagnostics :
– le glaucome aigu par fermeture de l’angle ;
– la kératite d’exposition ; il s’agit d’une dessiccation de la cornée par
fermeture palpébrale incomplète (lagophtalmie) ; non traitée (occlusion
des paupières, pommade à la vitamine A), elle peut évoluer vers la
perforation cornéenne et mettre en jeu le pronostic visuel.
3- Après chirurgie oculaire
:
Toute rougeur oculaire après chirurgie oculaire doit faire éliminer une
complication infectieuse secondaire, a fortiori si elle s’accompagne de
douleurs, d’un oedème des paupières…
L’avis d’un ophtalmologiste est
nécessaire, afin d’éliminer le diagnostic d’endophtalmie.
En conclusion
Devant un patient qui consulte en urgence pour un oeil rouge et indolore,
les diagnostics d’hémorragie sous-conjonctivale ou de conjonctivite
sont relativement aisés.
Ces affections peuvent être totalement prises en
charge par le médecin généraliste et ne réclament l’avis du spécialiste
qu’en cas de complications secondaires ou d’échec du traitement de
première intention.
En présence d’un oeil rouge et douloureux, il faut toujours penser à
éliminer un glaucome aigu qui représente en fait la seule véritable
urgence et pour qui tout délai diagnostique évitable est immédiatement
péjoratif.
Il est, de plus, beaucoup plus pardonnable de poser ce
diagnostic par excès que de passer à côté.
En cas de kératite ou d’uvéite,
le recours au spécialiste est nécessaire mais peut être différé en fonction
du degré de l’atteinte.
Devant un oeil rouge, le médecin généraliste doit donc adresser (en
urgence ou de façon différée selon le diagnostic supposé) en milieu
ophtalmologique tout patient présentant un ou plusieurs des signes de
gravité suivants :
– antécédent traumatique ;
– baisse d’acuité visuelle rapide ou brutale ;
– photophobie, test à la fluorescéine positif ;
– douleurs oculaires ou périoculaires ;
– anomalie du réflexe photomoteur ;
– patient porteur de lentilles de contact ;
– patient ayant un antécédent de chirurgie oculaire.
Baisse d’acuité visuelle
(en dehors du contexte traumatique) :
La baisse brutale d’acuité visuelle est un motif très fréquent de
consultation en urgence. Nous ne reviendrons pas sur ses étiologies
associées à un oeil rouge (glaucome par fermeture de l’angle, kératites,
uvéites) ou qui surviennent au décours d’un traumatisme.
Nous
étudierons donc les baisses d’acuité visuelle survenant sur des yeux
« blancs » et indolores.
L’interrogatoire est un temps très important de l’examen et doit
permettre d’éliminer les baisses progressives d’acuité visuelle, de
préciser le caractère strictement unilatéral ou bilatéral, de recueillir les
antécédents médicaux et les signes associés.
Il faut ensuite essayer de
préciser l’importance de la baisse visuelle (perception lumineuse
négative, perception lumineuse orientée, décompte des doigts,
quantification en dixièmes avec l’échelle de Monoyer, et ce pour chaque
oeil), et sa vitesse d’installation.
L’étude du jeu pupillaire (réflexe photomoteur) et de la lueur pupillaire est systématique.
L’examen du
fond d’oeil revêt dans ce cadre nosologique une importance toute
particulière et permet le plus souvent d’orienter, voire de poser, le
diagnostic.
Il est donc important pour l’urgentiste de se familiariser avec
ce type d’examen et de savoir au minimum différencier un fond d’oeil
normal d’un fond d’oeil pathologique.
A - Thrombose de la veine centrale de la rétine
ou de ses branches :
1- Forme typique
:
Elle se traduit par une baisse d’acuité visuelle brutale, unilatérale, et
d’importance variable (acuité peu diminuée à effondrée).
Elle survient souvent chez le sujet âgé, parfois au réveil :
– le reflet pupillaire est habituellement normal ;
– les diamètres pupillaires peuvent être inégaux avec un réflexe photomoteur moins vif du côté atteint ;
– l’examen du fond d’oeil revêt ici une importance particulière et son
aspect est souvent très évocateur ; il révèle :
– de nombreuses hémorragies rétiniennes superficielles en
flammèches, disséminées au pôle postérieur, et s’étendant parfois
jusqu’en extrême périphérie ; ces hémorragies peuvent être plus
profondes, en nappe ;
– des veines dilatées, tortueuses et foncées ;
– un oedème de la papille optique, qui a un aspect saillant, des bords
flous et est entourée par des hémorragies radiaires, en flammèches ;
– un oedème au pôle postérieur, caractérisé par un aspect grisâtre de
la rétine, qui est parcourue par des artères rétrécies, parfois
filiformes ;
– des nodules cotonneux (ou dysoriques) sont parfois associés à ce
tableau ; ils traduisent un arrêt localisé du flux axoplasmique neuronal
et leur nombre est proportionnel à l’importance de l’ischémie
rétinienne.
Le recours au spécialiste s’impose afin :
– de confirmer le diagnostic en réalisant une angiographie rétinienne à
la fluorescéine ; cet examen a également une valeur pronostique car il
permet de distinguer les formes oedémateuses des formes ischémiques,
ces dernières étant plus péjoratives (risque accru de complications néovasculaires) ;
– d’effectuer le diagnostic différentiel avec les autres causes de baisse
brutale de la vision (neuropathie optique ischémique antérieure aiguë,
occlusion de l’artère centrale de la rétine, rétinopathie hypertensive ou
diabétique sévère...) ;
– de débuter la prise en charge thérapeutique ; aucun traitement curatif
(anticoagulants, antiagrégants au long cours, hémodilution...) n’a
vraiment fait la preuve de son efficacité, mais certains patients peuvent
bénéficier d’un traitement par antiagrégants plaquettaires au long cours ;
en revanche, il est primordial de prévenir les complications à moyen et
long terme (néovascularisation prérétinienne, irienne, glaucome
néovasculaire), et d’éviter une récidive controlatérale en traitant les
facteurs de risques identifiés lors du bilan ; la prévention des
complications repose sur la répétition des examens angiographiques et
la photocoagulation des territoires ischémiques.
Le pronostic fonctionnel de cette affection est assez péjoratif, puisqu’il
est démontré que plus de la moitié des patients atteints ont une acuité
visuelle à terme inférieure à 2/10.
2- Formes particulières
:
Formes limitées à une branche veineuse rétinienne : la baisse d’acuité
visuelle est variable et les signes limités au territoire de l’occlusion.
Formes du sujet jeune : elles sont rares et de bon pronostic.
En conclusion
Les occlusions veineuses rétiniennes représentent une cause de baisse
brutale de l’acuité visuelle, survenant souvent sur un terrain particulier.
L’examen du fond d’oeil est évocateur.
Le recours au spécialiste
s’impose pour confirmer le diagnostic et prévenir les complications.
B - Cataracte du sujet adulte
(cataractes séniles ou préséniles) :
Elle est définie par l’opacification progressive du cristallin.
La cataracte ne constitue pas une urgence mais elle peut constituer un
diagnostic différentiel, et la prise de conscience subite des troubles
causés par celle-ci peut amener le patient à consulter en urgence
1- Signes d’appels
:
Ils sont variables et associent :
– baisse d’acuité visuelle, ressentie par le patient comme un voile ou
une sensation de brouillard ;
– diplopie monoculaire ;
– sensation d’éblouissement à la lumière vive.
2- Examen par le médecin généraliste
:
Il objective la baisse d’acuité visuelle qui peut être uni- ou bilatérale,
parfois asymétrique, et prédominant en vision de loin ou de près, selon
le type de cataracte.
L’examen à la lampe de poche révèle la présence d’un reflet grisâtre ou
jaunâtre, mieux perçu en éclairage légèrement oblique, avec
conservation du réflexe photomoteur.
Ce reflet est
particulièrement visible après dilatation pupillaire.
En cas de cataracte
évoluée (reflet rougeâtre, voire ambré), l’examen du fond d’oeil peut être
difficile, voire impossible (cataracte blanche, avec opacification
complète du cristallin, l’acuité visuelle étant alors réduite à une simple
perception lumineuse orientée).
Le patient peut alors être adressé à l’ophtalmologiste sans urgence.
3- Examen par le médecin spécialiste
:
L’examen pratique à la lampe à fente permet de définir le type et
l’importance de la cataracte (sous-capsulaire antérieure, sous-capsulaire
postérieure, corticale, nucléaire..., ces types pouvant être associés).
L’examen ophtalmologique complet peut aboutir à proposer la chirurgie
et élimine les autres causes de baisse d’acuité visuelle progressive
(neuropathie optique, glaucome chronique évolué, lésions maculaires).
Le diagnostic étiologique est établi en fonction de l’anamnèse et du type
de cataracte.
La cataracte sénile est l’étiologie la plus fréquente (patient
sénile ou présénile, absence d’autres facteurs connus). Les autres
étiologies sont les suivantes :
– cataracte iatrogène (corticothérapie locale ou générale prolongée,
radiothérapie) ;
– cataracte endocrinienne : diabète insulino- ou non insulinodépendant
(importance d’un examen ophtalmologique complet avec fond d’oeil),
insuffisance parathyroïdienne ;
– cataracte secondaire à une pathologie oculaire : myopie forte, uvéite,
tumeur…
– cataracte post-traumatique.
Le traitement de la cataracte est chirurgical et peut être effectué sous
anesthésie locale.
Il consiste en l’extraction extracapsulaire du cristallin,
avec mise en place d’un implant intraoculaire et ne relève pas de
l’urgence.
C - Rétinopathie diabétique
:
1- Signes d’appels
:
La rétinopathie diabétique est une complication insidieuse et la présence
de signes fonctionnels traduit la présence d’une rétinopathie évoluée ou
compliquée.
La rétinopathie diabétique représente la principale cause de
cécité entre 20 et 60 ans dans les pays industrialisés.
Schématiquement, une baisse d’acuité visuelle progressive, indolore,
évoque la présence d’une atteinte maculaire oedémateuse (maculopathie
diabétique).
Une baisse d’acuité visuelle brutale, indolore, traduit plutôt
une complication oculaire évolutive du diabète (occlusion vasculaire,
hémorragie intravitréenne, décollement de rétine…).
2- Examen par le médecin généraliste
:
En cas de baisse d’acuité visuelle progressive, l’interrogatoire porte sur
l’histoire de la maladie diabétique, le suivi du diabète, l’existence de
complications éventuelles, la présence d’une hypertension artérielle
associée et la notion d’un examen ophtalmologique de contrôle avec
fond d’oeil récent
La baisse d’acuité visuelle (loin/près) est quantifiée.
L’examen du fond d’oeil après dilatation est capital ; il révèle
des anomalies le plus souvent bilatérales et globalement symétriques :
– dilatation veineuse modérée à sévère ;
– microanévrismes ; ces dilatations capillaires localisées sont un signe
précoce de rétinopathie diabétique ;
– exsudats ; visibles sous la forme de petites taches blanchâtres,
brillantes, typiquement en couronne centrée par un bouquet de microanévrismes maculaires, ils traduisent l’existence d’une
extravasation capillaire pathologique (macromolécules en voie de
résorption) ;
– l’oedème rétinien ; difficile à voir directement à l’ophtalmoscope, il
est plutôt suspecté sur la présence des anomalies précédemment citées ;
– microhémorragies et nodules cotonneux (blancs, situés sur le trajet
des fibres axonales rétiniennes) ; ils traduisent plutôt l’ischémie liée à la
rétinopathie mais peuvent être également présents ;
– la présence de bouquets néovasculaires ; elle traduit l’existence d’une
rétinopathie diabétique proliférante.
Le recours à l’ophtalmologiste s’impose, sans urgence (rapidement
toutefois en cas de suspicion de rétinopathie proliférante).
Celui-ci
complète l’examen par la réalisation d’une angiographie rétinienne à la
fluorescéine, examen dont la sensibilité est supérieure à l’examen du
fond d’oeil dans la rétinopathie diabétique, en particulier dans la mise en
évidence de l’oedème intrarétinien et des néovaisseaux débutants.
Le traitement de la rétinopathie diabétique associe équilibre du diabète
(nécessité d’une coopération entre le généraliste, l’endocrinologue et
l’ophtalmologiste), photocoagulation dans certaines indications
(rétinopathie proliférante ou préproliférante, maculopathie diabétique
oedémateuse persistante…), avec nécessité d’une surveillance régulière.
D - Occlusion de l’artère centrale de la rétine
:
1- Forme typique
:
L’occlusion du tronc de l’artère centrale de la rétine est un accident
vasculaire grave, responsable d’une baisse d’acuité visuelle unilatérale,
sévère et souvent définitive.
– L’examen de l’oeil atteint révèle une vision effondrée (vague
perception lumineuse) voire absente ; une mydriase aréflexique, avec
conservation du réflexe consensuel.
– L’examen du fond d’oeil montre un oedème ischémique étendu au pôle
postérieur, sous la forme d’une pâleur rétinienne diffuse.
Le calibre
artériel est diminué. La macula est anormalement bien visible au centre,
réalisant l’aspect de « tache rouge cerise ».
– L’interrogatoire orienté du patient révèle parfois la notion d’épisodes
d’amaurose transitoire antérieurs.
Le traitement doit être instauré en urgence (la rétine ne résiste à
l’ischémie que 2 heures) et vise dans tous les cas à tenter de rétablir ou
augmenter la perfusion rétinienne en levant au moins partiellement
l’occlusion (lyse ou migration d’un thrombus, levée d’un spasme
vasculaire...).
Il associe :
– massage doux du globe oculaire ;
– administration par voie intraveineuse d’une ampoule de 500 mg de Diamoxt, afin de diminuer la pression intraoculaire ;
– administration de vasodilatateurs en perfusion intraveineuse.
Le transfert urgent en milieu spécialisé s’impose afin de :
– compléter le traitement par une éventuelle ponction de chambre
antérieure destinée à abaisser rapidement la tension oculaire, une
injection rétrobulbaire de vasodilatateurs, voire l’administration de
fibrinolytiques dans certaines unités spécialisées ; s’il existe une
suspicion d’artérite temporale de Horton (une vitesse de sédimentation
doit être demandée en urgence), la mise immédiate sous corticothérapie
s’impose afin de prévenir la bilatéralisation ;
– rechercher et traiter les facteurs favorisants d’obstruction vasculaire :
maladie embolique (athéromatose, trouble du rythme cardiaque...),
troubles métaboliques... ; l’angiographie rétinienne confirme le
diagnostic et révèle parfois le siège de l’occlusion.
Le pronostic d’une occlusion du tronc de l’artère centrale de la rétine est
dramatique dans l’immense majorité des cas (cécité légale de l’oeil
atteint).
Il peut être exceptionnellement favorable dans le cas d’une prise
en charge très rapide ayant permis une reperméabilisation précoce.
La
prévention de ce type d’accident est donc essentielle et est la même que
pour tout type d’accident vasculaire.
2- Formes particulières
:
* Occlusion d’une branche de l’artère centrale de la rétine
:
Il s’agit souvent d’une branche temporale ; la perte visuelle est
sectorielle mais absolue.
Le réflexe photomoteur est diminué.
Au fond
d’oeil, l’oedème ischémique se limite au territoire de la branche occluse.
L’angiographie rétinienne révèle le siège de l’occlusion.
La prise en
charge est identique.
* Occlusion d’une artère ciliorétinienne
:
Il s’agit d’une artère inconstante, présente dans environ 15 % de la
population et issue de la circulation choroïdienne.
Elle prend en charge
tout ou partie de la région maculaire.
La symptomatologie est similaire
à celle de l’occlusion du tronc de l’artère centrale de la rétine, mais les
signes objectifs limités à l’aire centrale.
L’angiographie est très utile au
diagnostic.
La prise en charge est la même que celle d’une occlusion
issue de l’artère centrale.
E - Neuropathie ischémique antérieure aiguë
:
Elle réalise un tableau de baisse unilatérale, brutale et importante de
l’acuité visuelle, dû à un infarcissement de la tête du nerf optique
(thrombose ou embole au niveau d’une artère ciliaire).
L’examen du
fond d’oeil révèle un oedème papillaire total ou limité à un secteur de la
papille, avec des hémorragies en flammèches en regard.
Il faut
devant ce tableau éliminer une maladie de Horton et demander une
vitesse de sédimentation en urgence.
En cas de suspicion de Horton, la
corticothérapie est systématique, afin de prévenir une récidive
controlatérale.
Les autres étiologies (emboliques, thrombotiques) sont les mêmes que
celles de l’occlusion d’une artère ciliorétinienne et imposent une prise
en charge des facteurs de risque afin de prévenir des récidives
éventuelles.
Le diagnostic différentiel principal est la neuropathie optique
inflammatoire antérieure aiguë qui est due à une atteinte du nerf optique
dans le cadre d’une affection plus étendue (foyers infectieux ORL,
maladie de Behçet, vascularite…) et survient généralement dans un
contexte évocateur.
F - Neuropathie optique rétrobulbaire (NORB)
:
Elle provoque également une baisse unilatérale et profonde de l’acuité
visuelle, avec une vitesse d’installation assez variable.
Le réflexe photomoteur direct est diminué du côté atteint.
L’examen de la papille
est normal (« le patient ne voit rien, le médecin non plus »).
La première cause de NORB est la sclérose en plaques et la NORB y est
souvent inaugurale.
Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments
cliniques et paracliniques spécialisés (potentiels évoqués, champ visuel,
vision des couleurs, imagerie par résonance magnétique).
La ponction
lombaire n’est plus un examen de première intention.
La corticothérapie
en bolus a prouvé son efficacité quand à la réduction de la durée de la
poussée et doit être effectuée en milieu hospitalier.
Les autres étiologies sont nombreuses (toxiques, génétiques,
métaboliques…), de diagnostic parfois difficile, mais sont le plus
souvent d’installation progressive, bilatérales et échappent ainsi au
cadre de l’urgence.
G - Décollement de rétine
:
Il est défini par l’apparition d’un clivage entre la couche de l’épithélium
pigmentaire et les articles externes des photorécepteurs.
1- Signes d’appel
:
Ils sont nombreux mais très évocateurs et l’interrogatoire revêt ici une
importance toute particulière.
* Phosphènes
:
Ils sont décrits comme des éclairs brillants intenses, parfois situés dans
une zone précise et constante du champ visuel.
Leur apparition est
soudaine.
Ils traduisent la constitution d’une déhiscence rétinienne (trou,
déchirure).
Ils peuvent apparaître bien avant les autres signes.
* Myiodésopsies ou « mouches volantes »
:
Elles sont ressenties comme une pluie de suie noire ou un voile gris
rougeâtre.
Elles traduisent l’hémorragie du vitré accompagnant la
déchirure et qui est liée à l’avulsion d’un vaisseau rétinien.
Leur
apparition est contemporaine, ou succède dans un délai variable, à celle
des phosphènes.
La conjonction de ces deux signes n’est pas forcément synonyme de
décollement de rétine avéré et peut traduire la constitution d’un
décollement postérieur du vitré et/ou d’une déhiscence.
Elle impose
cependant le recours au spécialiste qui fait un examen soigneux de la
totalité du fond d’oeil, avant de poser éventuellement l’indication d’une
prophylaxie par photocoagulation au laser argon.
* Voile gris ou noir
:
Il est décrit comme une amputation du champ visuel et traduit le
soulèvement rétinien.
Il débute dans un secteur périphérique du champ
visuel et son extension est progressive.
Quand il atteint le champ visuel
central, il est responsable d’une baisse d’acuité visuelle.
Ses contours
sont parfois mal définis ou variables en fonction des mouvements de la
tête du patient.
Le siège du voile est diamétralement opposé à celui du
soulèvement, selon le principe de correspondance rétinienne.
La triade « phosphènes - myiodésopsies - amputation du champ visuel »
est très évocatrice de décollement de rétine constitué.
L’interrogatoire
doit faire préciser l’existence de facteurs de risque pour le décollement
de rétine :
– l’existence d’une myopie même modérée ;
– l’existence d’un traumatisme oculaire ou céphalique même ancien ou
d’une intervention chirurgicale ophtalmologique (cataracte...) ;
– l’existence d’antécédents familiaux de décollement de rétine.
2- Examen par le médecin généraliste
:
L’examen par le médecin généraliste est parfois difficile :
– analyse du champ visuel aux doigts ou à l’aide d’une source de faible
luminosité à la recherche d’une amputation ;
– après dilatation pupillaire au tropicamide, il est possible de constater
l’existence d’un reflet gris dans l’aire pupillaire ; il correspond à la rétine
décollée, qui est parfois visible et reconnaissable à sa fine
vascularisation ; elle peut être mobile, flottante aux mouvements de la
tête ; son étude est de ce fait malaisée, la mise au point sur l’ensemble de
la rétine décollée étant impossible.
Le transfert en milieu spécialisé doit être effectué sans délai, car la
surface décollée s’accroît progressivement.
3- Examen en milieu spécialisé
:
L’ophtalmologiste peut :
– compléter l’examen ophtalmologique par une étude précise du fond
d’oeil visant à établir la topographie exacte du décollement, son étendue
(l’atteinte de la macula étant un facteur de mauvais pronostic) et le
nombre et la localisation de la (ou des) déchirure(s) responsable(s) ;
– effectuer le traitement du décollement de rétine qui est toujours
chirurgical ; schématiquement, il peut être effectué par voie externe
(cryoapplication, indentation externe...) dans les décollements de rétine
dits « simples », ou par voie interne (vitrectomie, tamponnement interne
par gaz ou silicone) dans les décollements « compliqués » (récidive,
déchirures géantes...) ;
– effectuer la prophylaxie au laser (photocoagulation) au niveau
d’éventuelles lésions prédisposantes sur l’oeil adelphe.
En conclusion
La triade « phosphènes - myiodésopsies - voile » est quasi
pathognomonique du décollement de rétine.
Mais elle manque souvent
ou est incomplète et il faut penser à l’éventualité d’un décollement de
rétine devant une baisse d’acuité visuelle chez un sujet jeune, et
rechercher d’autres facteurs de risques énoncés précédemment.
En
présence de l’un de ces signes, et même si l’examen du fond d’oeil à
l’ophtalmoscope semble normal, le recours au spécialiste s’impose.
Le
traitement d’un décollement de rétine constitué est chirurgical et le
pronostic visuel est meilleur lorsque la prise en charge est précoce.
Le traitement préventif du décollement de rétine est fondamental et
repose sur l’examen systématique et répété par le spécialiste des sujets à
risques ou au décours d’événements favorisants (traumatisme).
Il
convient également d’insister sur le rôle bénéfique des protections
oculaires (sports violents, milieu professionnel à risque...).
H - Hémorragie du vitré (hors contexte traumatique)
:
Le malade présente une baisse de l’acuité visuelle, avec parfois une
vision rouge foncé.
L’interrogatoire doit :
– rechercher la survenue de phosphènes, de voile, qui orientent vers un
décollement de rétine ;
– éliminer la possibilité d’un traumatisme responsable ;
– s’enquérir d’éventuels antécédents généraux (diabète) ou oculaires
(occlusion de la veine centrale ou d’une de ses branches).
L’examen à l’ophtalmoscope révèle une lueur pupillaire diminuée, voire
absente.
Le fond d’oeil n’est pas ou peu visible.
Le malade doit être adressé au spécialiste sans urgence.
Celui-ci peut
préciser l’étiologie de l’hémorragie en s’aidant de l’échographie en
mode B : déchirure et décollement de rétine, tumeur…
Parfois, cet
examen est normal et l’examen du fond d’oeil après résorption de
l’hémorragie révèle la présence de néovaisseaux rétiniens à l’origine du
saignement et compliquant l’évolution d’une rétinopathie diabétique ou
d’une occlusion veineuse passée inaperçue.
I - Choriorétinopathie séreuse centrale
:
Elle réalise typiquement un tableau survenant chez un homme jeune
après un stress ou une prise de corticoïdes et associe : baisse d’acuité
visuelle unilatérale d’installation rapide, indolore, oeil calme et parfois métamorphopsies (déformation des images) et/ou scotome central.
Le diagnostic repose sur l’examen du fond d’oeil en milieu spécialisé
(visualisation d’un décollement séreux rétinien dans l’aire maculaire) et
est confirmé par la réalisation d’une angiographie rétinienne à la
fluorescéine.
L’évolution est généralement bonne en l’absence de
traitement, avec réapplication progressive du décollement séreux
rétinien et disparition des signes fonctionnels. Des récidives ultérieures
sont toutefois possibles.