Urgences traumatiques oculaires
Cours d'Ophtalmologie
Les urgences traumatiques oculaires regroupent les contusions
oculaires (60 % des cas) et les plaies cornéennes
et (ou) sclérales.
Les limites ne sont pas définies aussi
rigoureusement en pratique car l’élément contusif apparaît
toujours en pathologie perforante à un degré variable.
Étiologie
:
Cette pathologie traumatique frappe avant tout des sujets
jeunes, du sexe masculin.
Les enfants sont très souvent
concernés et représentent à eux seuls le quart des plaies
perforantes.
A - Circonstances de survenue :
On note 5 grandes causes de traumatisme :
• les accidents de travail sont très largement impliqués, ils
pourraient être en partie prévenus puisque l’utilisation de
verres de protection n’est retrouvée que chez 6% des
patients ;
• les accidents liés au bricolage ou à une activité domestique
représentent un quart des traumatismes oculaires ;
• les accidents de la circulation voient leur fréquence et
leur gravité en régression, probablement grâce au port obligatoire
de la ceinture de sécurité ;
• les accidents de sport se placent en seconde position dans
le cas des contusions oculaires ; mais celles-ci peuvent être
graves, une rupture du globe étant présente dans 10 % des
cas ;
• les agressions (grenaille, plomb, explosif) auxquelles
nous rattachons les accidents de chasse se trouvent en dernière
position par leur fréquence, mais leur gravité est liée
à leur bilatéralité.
L’absorption d’alcool est retrouvée
dans 43 % des cas d’agression oculaire, et 6% des
patients sont sous l’effet de drogues illicites.
B - Agent traumatisant :
• Les coups par ballons ou balles (de golf par exemple) sont
responsables du quart des contusions oculaires, suivis par
les coups de poing et les traumatismes par branchages.
• Si le verre (28 %) du pare-brise et d’autres objets coupants
(20 %) comme les ciseaux sont des agents évidemment
responsables des plaies oculaires, la mise en cause
d’objets mousses dans 32 % des cas explique le manque de
prévention possible et la constitution de plaies irrégulières,
non franches, donc difficiles à suturer.
• L’agent traumatisant peut être resté à l’intérieur de l’oeil :
dans 66 % des cas, c’est un corps étranger intraoculaire
(CEIO) magnétique volontiers consécutif à un accident de
travail de l’industrie métallurgique.
Il devra impérativement
être retiré après diagnostic de sa localisation.
• Agents chimiques : les traumatismes chimiques représentent
de vraies urgences ophtalmologiques et le traitement
doit commencer avant même l’examen oculaire : l’irrigation
continue de toute la partie antérieure de l’oeil
(cornée, conjonctive et culs-de-sac) doit être pratiquée
immédiatement après la projection de l’agent chimique.
Les bases sont particulièrement toxiques et entraînent une
dissolution des protéines permettant leur pénétration en
profondeur qui se poursuit les jours suivants.
Les acides
vont coaguler les protéines et les lésions seront fixes immédiatement.
L’examinateur doit contacter le centre anti-poison
le plus proche afin de déterminer la toxicité du produit.
• Agents thermiques : les paupières représentent une
défense efficace pour ce type de traumatismes. Lors de brûlures
par le feu, si l’oeil est atteint, il existe alors d’autres
lésions associées faciales, parfois graves.
Lors de projection
de métal en fusion, la gravité est liée à la température
de fusion (risque de perforation si métal à haut point de
fusion comme le fer, l’acier, l’aluminium).
Lors de brûlures
électriques, l’examinateur doit déterminer la puissance,
l’ampérage et le voltage de la source électrique, et
le lieux d’entrée et de sortie.
On retrouvera souvent les brûlures
liées à la soudure sans protection, qui induit des
lésions cornéennes superficielles, extrêmement douloureuses
(coup d’arc) mais bénignes.
L’ophtalmie des neiges est provoquée par les rayons ultraviolets,
à la suite d’une excursion sur un glacier ou d’une
journée de ski par beau temps, ou encore au décours d’une expostion sous lampe à bronzer si les yeux n’étaient pas
protégés.
Les radiations solaires sont susceptibles d’occasionner
d’autres dégâts graves comme au cours des éclipses
de soleil.
Une photocoagulation de la région rétinienne centrale
peut en résulter avec diminution de l’acuité visuelle.
• Traumatismes liés à des animaux : les traumatismes les
plus classiques sont représentés par les morsures de chiens
et les pénétrations intraoculaires de poils d’animaux en particulier
de chenilles et de tarentules.
Dans le premier cas,
la connaissance de l’animal (chien ou chat ou autres), sera
nécessaire pour identifier une maladie transmissible possible
(comme la rage...).
Le risque infectieux est très élevé
et la reconstruction chirurgicale rendue difficile par les tissus souvents déchiquetés.
Les poils de chenilles ou tarentules sont souvent de diagnostic
retardé, mais n’induisent rarement plus qu’une
réaction inflammatoire du segment antérieur.
Diagnostic
:
A - Diagnostic positif :
1- Examen clinique :
Dans le cadre de l’urgence, l’examen du patient n’est pas
toujours facile : la douleur, la peur et l’ingestion éventuelle de drogues (sédatifs ou alcool) sont des éléments qui vont
rendre le patient peu coopératif.
L’examen de l’enfant n’est
souvent possible que sous anesthésie générale.
Les deux yeux seront toujours comparés.
• Examen externe :
– une luxation antérieure se voit dans les fracas de la face,
mais aussi lors d’accident de ski (coup de bâton) ou après
forte pression du pouce sur le côté de l’oeil (certains aliénés).
La luxation en arrière est plus rare, lors de graves traumatismes cranio-faciaux.
L’avulsion du globe est la projection
de l’oeil en avant à travers des paupières souvent
déchirées avec un arrachement du nerf optique.
L’accident
est provoqué par un coup de corne de vache par exemple.
La cécité est totale et le chirurgien ne peut que compléter
l’énucléation ;
– des plaies cutanées ou l’existence de corps étrangers au
niveau cutané sont mises en évidence ;
– l’état des paupières est évalué : plaies, corps étranger
sous la paupière (éversion à réaliser), intégrité des voies
lacrymales (atteinte des points ou canaux lacrymaux).
• Acuité visuelle : bien que cette mesure ne soit pas toujours
facile à réaliser, elle reste importante d’une part, pour
l’examinateur comme élément diagnostique et pronostique,
d’autre part, pour le patient qui peut apprécier la récupération
visuelle dans le temps, ou qui réalise rapidement le
mauvais pronostic, lorsqu’il n’a plus de perception lumineuse.
• Mouvements oculaires : après avoir éliminé une plaie
évidente oculaire, l’examinateur peut évaluer les muscles
oculomoteurs.
Il note la présence d’un strabisme avec ou
sans diplopie, spontanément, ou lors de mouvements du
globe.
Ces signes orientent vers la paralysie d’un muscle,
sa section possible ou son incarcération dans une fracture
de l’orbite.
• Pupilles : l’examen des pupilles chez le patient traumatisé
est extrêmement important car il peut indiquer une
pathologie intracrânienne ou des lésions responsables
d’une baisse visuelle.
Leurs formes, leurs localisations et
leurs réactions à la lumière sont évaluées.
• Examen oculaire à la lampe à fente : en dehors des gros
traumatisés ne pouvant s’asseoir, ou des patients présentant
un éclatement oculaire évident avec absence de perception
lumineuse, l’examen à la lampe à fente est absolument
indispensable, permettant ainsi le bilan exact des
lésions :
– conjonctive : elle est examinée avec plus de précision
malgré un chémosis ou une hémorragie ; une plaie
conjonctivale et (ou) sclérale associée est mise en évidence.
Les petits corps étrangers sont retrouvés au niveau de la
conjonctive bulbaire ou palpébrale : ces derniers exposent
aux traumatismes cornéens répétitifs et doivent être enlevés
rapidement ;
– cornée : l’intégrité de l’épithélium est affirmée après l’instillation
d’une goutte de fluorescéine et l’examen en
lumière bleue.
Le signe de Seidel confirme la présence
d’une plaie perforante, un oedème cornéen peut apparaître,
diffus ou localisé.
L’imprégnation de sang au niveau de la cornée (hématocornée)
est secondaire à un hyphéma (sang dans la chambre antérieure) volumineux et persistant, mais est rarement
immédiat ;
– chambre antérieure : une chambre antérieure étroite peut
être révélatrice d’une plaie cornéenne ou cornéo-limbique,
d’une subluxation antérieure du cristallin.
En général, lors
d’un globe intact, il est nécessaire d’examiner l’angle iridocornéen
par la gonioscopie, afin de diagnostiquer une éventuelle
lésion angulaire (recul angulaire) qui sera à l’origine
d’un glaucome secondaire.
L’hyphéma doit être quantifié
et la source de l’hémorragie identifiée si possible.
Des fragments
de cristallin, la présence de vitré ou d’autres corps
étrangers sont notés ;
– iris : l’iris peut être déformé par une lésion directe, désinsertion
de la racine de l’iris (iridodialyse), plaie, rupture
sphinctérienne, mais également par une lésion des structures
avoisinantes comme luxation du cristallin, hémorragie
du corps ciliaire...
Les corps étrangers de l’iris ne sont
pas toujours faciles à reconnaître car ils sont noyés au
départ dans un hyphéma, puis englobés rapidement dans
un granulome irien ;
– cristallin : la position du cristallin, sa stabilité et sa clarté,
l’intégrité capsulaire sont évaluées.
L’examen est fait avant,
puis après mydriase médicamenteuse.
Une subluxation ou
luxation vraie est notée, suspectée sur un iridodonésis (exagération
des mouvements de l’iris).
Parfois, le cristallin est
retrouvé luxé sous la conjonctive lors de rupture du globe
sévère.
L’existence d’une cataracte est mentionnée.
La présence
de masses cristalliniennes dans la chambre antérieure a une
conséquence directe sur la conduite à tenir chirurgicale.
Un
corps étranger peut être présent à l’intérieur même du cristallin,
n’entraînant aucune autre lésion associée à ce stade
initial de l’examen ; l’orifice d’entrée est quelquefois une
minuscule plaie cornéenne ou limbique, déjà coaptée : il
faut savoir la retrouver.
• La pression intraoculaire est évaluée au palper bidigital
en cas d’impossibilité d’asseoir le patient devant la lampe
à fente (pour les polytraumatisés).
Elle n’est bien sûr pas
mesurée lors de rupture du globe avec manifeste hypotonie
majeure.
Sa mesure est importante lors d’hyphéma :
l’élévation tensionnelle peut entraîner des lésions cornéennes
postérieures et un retentissement sur le nerf
optique.
L’hypotonie traduira une ouverture du globe passée inaperçue
parce que postérieure.
• Examen de la rétine et du vitré : lors de plaies oculaires
ou de douleurs trop importantes, l’examen du pôle postérieur
est réalisé avec l’ophtalmoscopie directe.
Le verre à
trois miroirs est réservé aux contusions oculaires sans rupture
de la paroi et permet de dépister les lésions périphériques.
Dans tous les cas, l’examinateur recherche :
– une atteinte vitréenne : décollement vitréen postérieur,
diagnostiqué parfois par la présence de pigments suspendus
dans le vitré.
Un corps étranger peut être également
présent dans le vitré, facilement visible ou dans un magma
déjà fibrino-hématique. Une hémorragie vitréenne est possible,
plus ou moins importante, pouvant empêcher l’examen
rétinien ;
– la rétine peut être le siège d’un oedème du pôle postérieur.
Différentes formes d’hémorragies rétiniennes peuvent
exister, localisées, en flammèches ou en taches, parfois
très étendues.
L’examinateur recherche un éventuel
corps étranger encastré dans la rétine et des déchirures ou
trous souvent secondaires à la traction vitréenne lors du
traumatisme.
Ils peuvent être responsables de décollement
de rétine, immédiatement ou de façon retardée : approximativement
10 à 15 % des décollements de rétine sont
secondaires à un traumatisme ;
– les atteintes choroïdiennes sont également fréquentes, en
particulier la rupture de la choroïde, qui apparaît comme
une zone linéaire plus ou moins hémorragique avec un
oedème rétinien sus-jacent ; après la résorption de l’hémorragie, cette rupture devient beaucoup plus facilement
visible avec sa couleur blanche.
• Examen du nerf optique : le traumatisme du nerf optique
est fréquent lors de traumatismes orbitaires ou crâniens.
L’examen du pôle postérieur peut mettre en évidence une
papille strictement normale, qui s’atrophie secondairement,
traduction d’un traumatisme majeur intra-canaliculaire
(rupture, compression par hémorragie...).
Dans des cas plus
évidents, on retrouve un oedème avec la perte de la visibilité
de la circonférence papillaire, ou des hémorragies péripapillaires.
2- Examens paracliniques en urgence
:
• Radiographies et tomographies : une radiographie du
crâne (face, profil) est systématique si un traumatisme crânien
est associé.
Dès qu’une plaie oculaire est suspectée,
une radiographie orbitaire est indispensable afin d’éliminer
un corps étranger intraoculaire radio-opaque.
Une
radiographie de face (incidence de Blondeau) et un profil strict seront
pratiqués
• Scanner et imagerie par résonance magnétique : actuellement,
en cas de doute sur la présence d’un corps étranger
intraoculaire, ou sur sa localisation, les tomodensitométries
sont demandées systématiquement, en urgence,
avant la chirurgie.
Les corps étrangers intraoculaires métalliques
de moins de 1 millimètre sont ainsi facilement repérés ; les corps étrangers non radio-opaques ne sont
détectés que lorsqu’ils ont une taille un peu plus large.
La
localisation exacte peut être déterminée, ainsi que le
nombre de corps étrangers.
L’évaluation de la paroi orbitaire,
des tissus mous, du cône musculo-aponévrotique est
rendu facile grâce à cet examen.
Les atteintes du nerf
optique peuvent être également suspectées ou diagnostiquées.
L’imagerie par résonance magnétique apporte une définition
supérieure de l’image et réalise de véritables coupes
anatomiques de l’oeil et de l’orbite.
Elle est utilisée pour
déterminer des atteintes des tissus mous et la présence et localisation de corps étrangers intraoculaires non métalliques
comme des végétaux, morceaux de plastique ou de
verre, présents dans l’oeil, l’orbite et les annexes.
Les corps
étrangers intraoculaires ferreux présenteraient quelques
mouvements dans le champ magnétique, selon certains
auteurs, ce qui contre-indiquerait son utilisation systématique
lors de la présence de corps étrangers intraoculaires
métalliques.
• Échographie oculaire : utilisée en l’absence de plaie, elle
permet de déterminer l’état du cristallin et de la rétine,
lorsque les milieux oculaires ne sont pas transparents.
B - Diagnostic étiopathogénique :
Il permet de séparer les lésions induites par une simple
contusion des atteintes plus graves en rapport avec une plaie
oculaire.
1- Contusion oculaire fermée :
Cliniquement au moment du choc, le malade ressent une
vive douleur, il voit « 36 chandelles ».
Selon la gravité des
lésions, cette douleur disparaît rapidement ou persiste et
s’étend, le trouble visuel reste passager ou s’aggrave.
• Syndrome contusif du segment antérieur :
– l’hémorragie sous-conjonctivale est souvent présente,
parfois abondante :
– les érosions cornéennes sont superficielles et douloureuses.
Un oedème de cornée réalise la kératite post-contusive,
le plus souvent régressive ;
– l’hyphéma est fréquent mais de gravité variable ;
– l’atteinte de l’iris peut se traduire par une mydriase posttraumatique,
fréquente et volontiers régressive.
Si elle persiste,
elle est due à une rupture du sphincter irien.
Parfois
une iridodialyse se produit et la pupille devient ovalaire.
L’angle iridocornéen peut être modifié (recul)
avec le risque d’hypertonie secondaire ;
– les cataractes contusives sont fréquentes mais rarement
immédiates.
La rupture de l’appareil suspenseur du cristallin
(zonule) entraîne une subluxation du cristallin, plus
rarement une luxation totale dans la chambre antérieure ou
dans le vitré.
• Syndrome contusif du segment postérieur :
– l’hémorragie intravitréenne rend l’examen rétinien
impossible ;
– le syndrome de Berlin associe une baisse de l’acuité
visuelle avec un oedème blanc et diffus de la rétine
centrale.
Il est généralement régressif en quelques jours ;
– des hémorragies de la rétine sont souvent intrarétiniennes,
avec baisse de la vision si elles sont situées dans la région
maculaire.
Elles peuvent former des poches de sang prérétiniennes
qui parfois se rompent dans le vitré ;
– le décollement de rétine est consécutif à une désinsertion
périphérique ou une déchirure géante de la rétine et survient
plus facilement sur des yeux fragilisés (myopes forts) ;
- le trou maculaire se manifeste par une baisse de l’acuité
visuelle importante (scotome central).
Il est lié à une
traction vitréenne postérieure au cours d’un traumatisme ou, s’il apparaît plus
tardivement, à une nécrose tissulaire ;
– le pronostic de la rupture de la choroïde dépend de son
siège : si la macula est intéressée, le trouble visuel est considérable,
sinon elle peut n’entraîner aucun trouble fonctionnel.
• Une fracture de l’orbite peut être provoquée si la contusion
est très violente.
La radiologie systématique fait le diagnostic.
En cas de fracture du plancher de l’orbite, il peut
exister une incarcération du muscle droit inférieur dans la
brèche accomagnée d’un trouble de l’élévation oculaire.
Une réfection du plancher de l’orbite libère les muscles et
remet le globe en place.
2- Contusion ouverte :
La contusion est parfois si violente qu’elle entraîne une
rupture de la coque sclérale au niveau de ses points les plus
fragiles : insertions musculaires, cicatrice de cataracte, ou
parfois à l’opposé du coup, c’est-à-dire au niveau du pôle
postérieur.
L’oeil est aveugle, plein de sang et très mou.
La
rupture de la sclère peut être cachée par le chémosis hémorragique
(infiltration saillante et hémorragique de la
conjonctive).
Le traitement chirurgical est celui de toute
plaie ouverte du globe oculaire.
3- Plaies pénétrantes du globe :
• Souvent le diagnostic de plaie du globe est évident et le
blessé est dirigé en urgence sur un service spécialisé.
Dans les cas les plus graves, l’oeil peut être dilacéré, les
paupières déchirées, le contenu de l’oeil en partie expulsé.
De façon moins grave, la plaie cornéenne même anfractueuse
est parfois bouchée par l’iris qui s’extériorise en
dehors du globe oculaire.
L’hyphéma est constant avec
hypotonie.
La plaie peut être sclérale avec segment antérieur normal
mais toujours oeil mou.
Cornéo-sclérale, la plaie est associée
à une hernie d’iris, de corps ciliaire ou de choroïde.
• Parfois la perforation est minime, spontanément étanche
et peut passer inaperçue.
La douleur est vive au moment
de l’impact, la chute de l’acuité visuelle plus ou moins
importante.
L’ophtalmologiste cherche une plaie cornéenne avec signe
de Seidel provoqué par la pression, ou une petite plaie sclérale
sous une hémorragie conjonctivale modérée.
Le cristallin peut également être touché par l’agent
pénétrant et développer une cataracte blanche qu’il faut
extraire secondairement.
• Dans tous les cas de plaies, un corps étranger intraoculaire
doit être suspecté même si l’orifice est minime avec
peu de dégâts dans le globe.
La radiographie puis le scanner
lèveront le doute avant tout geste chirurgical.
Le corps étranger intraoculaire peut se situer dans la
chambre antérieure, sur l’iris ou dans l’angle iridocornéen.
Plus souvent, on le retrouve dans le cristallin ou
dans le vitré, parfois posé sur la rétine, parfois fiché dans
la rétine.
Il peut pénétrer soit par la cornée, soit plus latéralement
par la sclère.
La chirurgie des corps étrangers intraoculaires est une chirurgie
d’urgence (risque de métallose secondaire).
Enfin, le corps étranger peut rester superficiel : sur la cornée,
ce sont les pailles. De nature extrêmement variable (éclat
métallique, poudre de pétard, poussière...) ils entraînent une
douleur importante, un larmoiement, un blépharospasme.
L’ablation après instillation d’un collyre anesthésique est en
général aisée et entraîne un soulagement immédiat.
C - Diagnostic différentiel :
Avec les autres urgences oculaires le diagnostic différentiel
ne se pose généralement pas car l’interrogatoire
retrouve la notion du traumatisme.
Ce problème peut cependant exister avec l’enfant chez qui le traumatisme
sera toujours suspecté lors d’une lésion oculaire unilatérale
récente (rougeur avec larmoiement).
Principes du traitement
:
A - Traitement curatif
:
1- Lors d’une contusion oculaire :
Il n’y a pas habituellement d’indication de traitement chirurgical
immédiat.
– La pression intraoculaire doit être surveillée et un traitement hypotonisant instauré si besoin : collyre b-bloquant
(Timoptol, Bétoptic...), acétazolamide en comprimé (Diamox)
ou mannitol 20 % en perfusion si la tension oculaire
est très élevée.
– Le traitement de l’hyphéma est médical sous surveillance
hospitalière : repos strict en position semi-assise avec pansement
oculaire (binoculaire chez l’enfant pour éviter l’amblyopie).
Exceptionnellement, le traitement est chirurgical
avec lavage de la chambre antérieure si on note une hématocornée, un hyphéma ne régressant pas avec une
hypertonie oculaire, un hyphéma > 10 jours, ou un
hyphéma récidivant
– La luxation du cristallin ou subluxation n’est une urgence
chirurgicale que si elle est responsable de troubles du tonus
(hypertonie surtout) ou d’oedème de cornée.
La luxation
dans le vitré est souvent bien tolérée et la chirurgie peut
être retardée.
– Enfin la cataracte traumatique contusive, volontiers en
rosace postérieure, est opérée plus tardivement, comme
l’éventuel décollement de rétine.
2- Lors de plaies oculaires :
Une antibiothérapie large (pipérilline + quinolone) par voie
générale et la prophylaxie du tétanos sont d’emblée instaurées
(v. encadré thérapeutique).
– Si la plaie cornéenne est étanche (inférieure à 2 mm) sans
déplacement et sans lésion sous-jacente, un pansement
occlusif discrètement compressif peut suffire. Une lentille
de contact a été proposée pour des plaies de 1 mm.
– Dans tous les autres cas, la plaie cornéenne ou sclérale
doit être suturée en maîtrisant les hémorragies (électrocoagulation) et en la nettoyant de tous les tissus qui auraient
pu s’incarcérer : l’iris, avec résection possible s’il y a
nécrose ou suspicion de contamination, le corps ciliaire, le
vitré qui est source de complications rétiniennes s’il reste
inclus dans la plaie.
La suture est effectuée avec des fils
non résorbables bien tolérés de taille 10/0 pour la cornée à
6/0 pour la sclère.
– Les corps étrangers superficiels ou intracornéens sont
volontiers extraits sous anesthésie locale à la curette ou à
la pique.
Des collyres antibiotiques et cicatrisants permettent
une guérison généralement rapide (3-4 jours).
Les corps étrangers intraoculaires sont extraits après localisation
très précise : avec un électro-aimant pour les corps
étrangers magnétiques ; sinon avec des pinces, avec ou sans vitrectomie s’ils sont sur la rétine.
3- Brûlures chimiques :
Elles justifient un lavage à grande eau (douche) de la surface
oculaire et des culs-de-sac conjonctivaux pendant plusieurs
minutes.
Une pommade vitaminée ou antibiotique
diminuera la formation des brides conjonctivocornéennes
secondaires cicatricielles.
Leur pronostic est souvent
sombre.
B - Traitement préventif :
Le port de lunettes de protection dans certaines activités
professionnelles, dans certains sports et lors de bricolage
est recommandé notamment chez les patients à risque : monophtalmes, forts myopes, patients ayant des antécédents
de chirurgie du globe oculaire.
L’éviction de jouets dangereux (fléchettes) diminuera le
risque de traumatisme chez l’enfant.
La fermeture à clef ou le rangement en hauteur des produits
à usage ménager pourrait considérablement limiter
les brûlures chimiques oculaires et parfois digestives.
Enfin, depuis l’obligation du port de ceinture de sécurité
et l’équipement des voitures de pare-brise feuilleté triplex,
le nombre de plaies par bris de pare-brise a considérablement
diminué.