Urgences en oto-rhino-laryngologie Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
Les urgences en oto-rhino-laryngologie
(ORL) regroupent des pathologies de types
très différents.
Elles peuvent concerner le
système vasculaire, le système respiratoire
ou le système sensoriel.
Certaines
(hémorragies, dyspnées) sont susceptibles de
mettre en jeu le pronostic vital à très brève
échéance.
D’autres (urgences infectieuses)
sont potentiellement graves par leurs
complications.
D’autres enfin (surdité,
vertige, paralysie faciale) sont des urgences
différées, ne mettant pas en jeu la vie du
patient, mais représentant de véritables
« urgences neurosensorielles ».
Hémorragies
:
Les hémorragies ORL sont fréquentes.
L’extériorisation de la perte sanguine rend
leur diagnostic souvent facile et la richesse
de la vascularisation faciale et oropharyngée
explique leur gravité potentielle.
Il convient
en premier lieu d’estimer la perte sanguine,
moins par l’interrogatoire du patient qui la
surestime souvent que par les signes
généraux (pouls, tension artérielle, pâleur)
et par les examens complémentaires
(numération globulaire, hématocrite)
demandés en urgence.
De fait, la correction
des signes de choc hypovolémique et la
compensation de l’éventuelle déplétion sanguine s’imposent souvent en urgence,
concomitamment aux gestes locaux
d’hémostase sur lesquels nous reviendrons
pour chaque cas particulier, et au traitement
spécifique d’une éventuelle étiologie.
A - HÉMORRAGIES NASALES
:
L’importante vascularisation des fosses
nasales est assurée à la fois par les
branches de la carotide externe (artère
sphénopalatine issue de l’artère maxillaire
interne), et par les branches de la carotide
interne (artères ethmoïdales antérieure et
postérieure , branches de l'artère
ophtalmique).
Les deux systèmes
s’anastomosent à la partie antérieure de la
cloison nasale, au niveau de la zone de Kiesselbach, autrement nommée « tache
vasculaire ».
Il est important de
retenir que même si l’origine des épistaxis
(quelle que soit leur gravité) reste souvent
indéterminée, elles peuvent être, surtout en
cas de récidive, le symptôme révélateur de
nombreuses affections nasosinusiennes ou
générales qu’il convient de savoir rechercher
une fois le problème hémorragique aigu
résolu.
En dehors des épistaxis très abondantes avec
retentissement hémodynamique où la
réanimation doit prévaloir, le préalable
essentiel au traitement est l’examen du
patient en position assise, après mouchage,
aspiration, puis anesthésie et rétraction de la
muqueuse par application d’un coton imbibé
de Xylocaïnet 5 % naphazolinée, permettant
de distinguer deux situations bien
différentes.
1- Épistaxis bénignes de faible
abondance
:
Le plus souvent antérieures, elles sont
fréquentes chez l’enfant, par fragilité de la
zone de Kiesselbach et microtraumatismes
(grattage répété).
Elles cèdent habituellement
soit spontanément, soit à la pression bidigitale prolongée (5 min minimum), ou
au tamponnement du vestibule narinaire par
des mèches hémostatiques (Coalgant,
Surgicelt).
Leur récidive peut rendre
nécessaire une cautérisation chimique de la
tache vasculaire par de l’acide chromique à
33 % ou du nitrate d’argent.
On déconseille
la cautérisation bilatérale simultanée, qui
peut être à l’origine de perforations
secondaires de la cloison nasale.
Parfois,
l’artériole responsable est visible, et son
hémostase directe par coagulation à la pince
bipolaire peut être effectuée.
Une pommade
grasse permet d’éviter la formation
secondaire de croûtes et donc la récidive
précoce de l’épistaxis.
2- Épistaxis de moyenne abondance
ou graves
:
Elles nécessitent en règle une hospitalisation.
Il est indispensable de calmer et de rassurer
le patient, éventuellement en s’aidant d’un
anxiolytique per os, de contrôler les à-coups
tensionnels (Adalatet sublingual, Lénitralt
spray), de surveiller la perte sanguine par
des numérations globulaires répétées.
Les
techniques d’hémostase sont nombreuses.
Elles doivent être employées rationnellement,
dans une escalade thérapeutique
dictée par le contrôle clinique nasal
(rhinoscopie antérieure) mais surtout oropharyngé (examen à l’abaisse-langue) de
l’efficacité du procédé adopté.
3- Tamponnement antérieur
:
Il est réalisé par l’introduction, sous contrôle
de la vue, à l’aide d’une pince coudée, de
mèches grasses tassées en accordéon à partir
du fond des fosses nasales (cavum).
Pour
être satisfaisant, le méchage antérieur
nécessite au minimum deux feuilles de Biogazet, de 20 centimètres de côté, pour
chaque cavité nasale.
Il s’agit donc d’un
geste assez douloureux, dont la réalisation
est grandement facilitée par l’anesthésie
locale préalable.
Le tamponnement antérieur
bloqué, assuré par une traction antérieure
du chef distal, permet de basculer vers
l’arrière le tamponnement qui vient ainsi
bloquer la choane.
Le méchage est laissé en
place de 1 à 3 jours, sous couvert d’une
antibiothérapie (amoxicilline : 500 mg trois
fois par jour), pour éviter une surinfection
sinusienne, et d’un traitement antalgique
(paracétamol).
Plusieurs alternatives sont possibles à cette
technique classique :
– mise en place de packing nasal compressé
prêt à l’emploi (Merocelt), qu’il suffit ensuite
d’imbiber de sérum pour qu’il s’expande et
fasse ainsi hémostase ;
– tamponnement par mèche hémostatique
(Surgicelt), dont le caractère résorbable évite
le traumatisme du déméchage, en particulier
chez les patients présentant un trouble de
l’hémostase non réversible ;
– tamponnement par sonde à double
ballonnet, qui est une solution
intermédiaire entre les méchages antérieur
et postérieur, le ballonnet distal bloquant la
choane et le ballonnet proximal la fosse
nasale.
4- Tamponnement postérieur
:
Il ne doit être proposé que quand un
méchage antérieur correctement mis en
place s’avère être inefficace de par la
persistance d’un écoulement sanglant visible
sur la paroi pharyngée postérieure.
Ses
indications sont rares.
Il s’agit d’une
manoeuvre très douloureuse et traumatisante,
qu’il convient d’effectuer chez un
patient au minimum sédaté, au mieux sous
anesthésie générale.
La technique en est
cependant simple, consistant en la mise en
place, dans le cavum, d’un tampon de
mèches grasses.
Une sonde de Nélaton est
introduite dans la cavité nasale et récupérée
dans la cavité buccale.
La mèche est alors
fixée à l’extrémité de la sonde.
La traction
antérieure de celle-ci permet alors de
bloquer le méchage au niveau choanal.
Un
fil de rappel reste sorti par la bouche, de
façon à faciliter l’ablation du tampon.
Ce
geste sera systématiquement complété par
un méchage antérieur.
Il est possible de faire, dans le cadre de
l’urgence non spécialisée, une manoeuvre de
blocage choanal, à la fois plus rapide et
moins traumatisante quoique moins efficace,
qui consiste à introduire dans la fosse nasale
hémorragique une sonde urinaire à
ballonnet (sonde de Fowley) dont le
ballonnet, une fois positionné dans le
cavum, est gonflé avec de l’eau. On
terminera également ici par un méchage
antérieur.
5- Autres techniques
:
* Embolisation
:
Elle est particulièrement intéressante en cas
d’échec des techniques précédentes, ou dans
le cadre des pathologies de la crase sanguine où les gestes de méchage sont agressifs pour
la muqueuse, tant lors de leur réalisation
que lors du déméchage.
Elle consiste à
obturer l’artère distale hémorragique, après
repérage par cathétérisation suprasélective
des branches de la carotide externe.
La voie
d’abord est le plus souvent fémorale, bien
qu’un abord carotidien soit possible.
* Ligatures artérielles par voie endonasale
:
Elles peuvent être réalisées par vidéochirurgie
endoscopique endonasale, en
particulier pour la ligature de la
sphénopalatine à son émergence au niveau
de la queue du cornet moyen.
C’est une
technique chirurgicale peu invasive qui
permet d’obtenir une hémostase dans un
nombre important de cas, et qui supplante
aujourd’hui les techniques par abord
externe.
* Ligatures artérielles par voie externe
:
Dernier recours de l’arsenal thérapeutique,
surtout employées en traumatologie faciale
(fractures de Le Fort), avec abord chirurgical transsinusien de l’artère maxillaire interne,
associé à une ligature des artères
ethmoïdales par voie para-latéronasale.
En
cas d’extrême urgence, la ligature de la
carotide externe est de réalisation plus facile,
mais son résultat est plus aléatoire, compte
tenu de la richesse des anastomoses.
6- Bilan étiologique
:
Il ne sera effectué qu’après le traitement
symptomatique permettant de distinguer les
épistaxis essentielles des épistaxis
symptômes.
L’examen des cavités
nasales au fibroscope ou à l’optique rigide
est incontournable, permettant de faire le
bilan précis de toutes les anomalies de la
muqueuse nasale et du cavum.
Un examen
tomodensitométrique des sinus de la face,
en coupes axiales et coronales, s’il est jugé
utile après cet examen, complète le bilan
morphologique rhinosinusien.
B - HÉMORRAGIES
PHARYNGOLARYNGÉES
ET CERVICALES :
1- Hémorragies des cancers
:
L'évolution des tumeurs oro- et
hypopharyngées ou laryngées expose
particulièrement à la survenue d’une
hémorragie.
Schématiquement, deux
situations peuvent être rencontrées :
– dans la première, l’hémorragie est liée à
une évolution ou à une récidive tumorale.
Les tentatives d’hémostase sont ici le plus
souvent peu efficaces, relevant d’une prise
en charge palliative ;
– dans la seconde, l’hémorragie est la
conséquence d’une ulcération trophique
secondaire à une irradiation ou à des
séquelles postopératoires.
Dans ce cas, tout
doit être tenté pour obtenir une hémostase
efficace.
Il faut en urgence diminuer le saignement
par compression manuelle, et corriger la
spoliation sanguine de façon à maintenir un
débit cérébral efficace.
Il est également
essentiel de maintenir la liberté des voies
aériennes : chez le patient trachéotomisé en
mettant en place une canule à ballonnet
gonflé, chez le patient non trachéotomisé par
une intubation si celle-ci est possible ou par
la réalisation rapide d’une trachéotomie.
L’hémostase nécessite le plus souvent une
ligature artérielle rendue souvent difficile
par les antécédents d’irradiation et de
chirurgie.
Il convient de lier d’abord, de
tenter de ligaturer sélectivement le vaisseau
responsable, puis en cas d’échec, l’artère
carotide externe homolatérale.
La couverture
des tissus irradiés par des lambeaux musculocutanés (muscle grand pectoral,
muscle grand dorsal…) permettent de
limiter le risque de nécrose et donc les
risques hémorragiques.
2- Plaies artérielles ou veineuses
cervicales
:
Suspectées devant toute plaie pénétrante
cervicale, elles constituent une urgence
absolue, car le collapsus hémorragique, les
troubles ventilatoires par hématome
compressif, les déficits neurologiques (bas
débit, migration d’embole vasculaire,
thrombose) menacent en permanence la vie
du patient.
L’hémorragie de sang veineux ou artériel
par une plaie cervicale impose une prise en
charge immédiate sur les lieux du
traumatisme, visant à limiter la perte
sanguine (par compression manuelle ou par
pansement), à assurer la liberté des voies aérodigestives supérieures (position latérale
de sécurité, intubation orotrachéale), et à
organiser le transfert du patient vers un
centre où la plaie pourra être explorée
chirurgicalement et le vaisseau en cause
ligaturé ou suturé après clampage.
Le bilan et le traitement de lésions
traumatiques associées laryngées (plaies,
hématomes…), osseuses (fractures du massif
facial, trauma du rachis cervical…), ou
neuromusculaires, relèvent de la prise en
charge spécialisée après un bilan clinique,
endoscopique et radiologique réalisé en
urgence.
3- Hémorragies postamygdalectomie
:
Les tests d’hémostase préopératoires et les
techniques réglées d’amygdalectomie en
dissection sous anesthésie générale en
limitent le risque.
Mais, quelle que soit la
technique chirurgicale, le résultat est une
grande surface cruentée oropharyngée,
pouvant être responsable d’hémorragies tant
immédiates (avant la sixième heure), que
retardées (du 8e au 12e jour), lors de la chute
d’escarre.
Leur diagnostic est en règle facile chez un
patient récemment opéré, devant des rejets
de sang rouge par la bouche et, à l’examen,
la présence d’un caillot venant combler la
loge amygdalienne opérée.
Le transfert
immédiat dans un centre chirurgical ORL
est indispensable.
Il convient alors, après
avoir pris en compte les conséquences
générales de la spoliation sanguine, d’aspirer
le caillot et de tenter de réaliser une
hémostase par compression à la compresse
montée.
En cas d’échec, seule une reprise
chirurgicale sous anesthésie générale permet
la cautérisation du vaisseau responsable ou
bien la suture des piliers sur une gaze
hémostatique, en cas de saignement en
nappe.
Exceptionnellement, ces gestes sont
insuffisants et conduisent à une ligature de
la carotide externe.
4- Hémorragies postadénoïdectomie
:
Elles sont rares, le plus souvent précoces,
liées à la persistance d’un reliquat
adénoïdien dont l’exérèse suffit à réaliser
l’hémostase.
Il peut parfois s’agir d’une plaie
d’une artère vomérienne pouvant nécessiter
un méchage postérieur selon la technique sus-décrite.
Les hémorragies tardives des adénoïdectomies sont en règle de faible
abondance, liées à une surinfection, le plus
souvent justiciables d’un traitement
symptomatique.
Déficits aigus
neurosensoriels :
A - VERTIGES
:
Il sort de ce propos de détailler la prise en
charge diagnostique et thérapeutique de
l’ensemble des pathologies vertigineuses,
puisque n’entrent dans le cadre de l’urgence
que les grands vertiges rotatoires
périphériques aigus, témoignant de l’atteinte
brutale de l’appareil vestibulaire.
Sont donc
exclus toutes les sensations d’instabilité
chronique, les malaises, les pertes de
connaissance et autres faux vertiges.
Par ailleurs, toute anomalie de l’examen
neurologique (déficit sentivomoteur, atteinte
des paires crâniennes, syndrome méningé…)
doit faire craindre une lésion centrale
vasculaire (syndrome de Wallenberg) ou
tumorale, et conduire à faire des
explorations paracliniques (ponction
lombaire [PL]) ou radiologiques (examen
tomodensitométrique, imagerie par
résonance magnétique [IRM]).
La symptomatologie du déficit vestibulaire
unilatéral est univoque.
Il s’agit d’un grand
vertige rotatoire intense, provoquant la
chute, s’accompagnant de manifestations
végétatives (nausées, vomissements), parfois
associé à une hypoacousie ou à des
acouphènes. L’examen clinique montre
un syndrome vestibulaire harmonieux.
Le
nystagmus horizontorotatoire (défini par sa
secousse rapide) est constant et bat du côté
opposé à la lésion, la déviation des index et
la chute sont homolatérales au déficit.
L’otoscopie, à la recherche d’une lésion
tympanique, fait partie intégrante de
l’examen de tout patient vertigineux.
1- Traitement de la crise
vertigineuse aiguë :
Il associe les antivertigineux (Tanganilt
intraveineux direct : 2 à 3 ampoules par
24 heures ; Agyraxt), et les antiémétiques
(Primpérant, Vogalènet intraveineux) qui
sont systématiquement associés en présence
de manifestations neurovégétatives.
Les
perfusions de solutés hypertoniques
(mannitol 10 % 250 mL en 1 heure) sont
indiquées dans la maladie de Ménière.
Le repos en chambre obscure et les sédatifs
(benzodiazépines, hypnotiques) sont parfois
utiles dans les crises très violentes, mais leur
emploi peut entraver la compensation
centrale qui permet une récupération de la
fonction d’équilibre malgré la persistance
d’une aréflexie vestibulaire.
2- Étiologies
:
Le traitement de la crise vertigineuse aiguë
doit précéder le diagnostic étiologique qui
s’appuie sur une batterie d’examens paracliniques (audiométrie tonale et vocale,
potentiels évoqués auditifs [PEA], électro- et
vidéonystagmographie, posturographie,
examen tomodensitométrique ou IRM…)
que nous ne détaillons pas ici et qui ne
peuvent être envisagés qu’une fois le patient
soulagé.
B - PARALYSIES FACIALES
PÉRIPHÉRIQUES :
Les paralysies faciales périphériques sont,
par opposition aux paralysies centrales
d’origine neurologique, caractérisées par
l’atteinte de l’ensemble du territoire facial et
par l’absence de dissociation automaticovolontaire.
Le diagnostic est en règle évident,
avec attraction de la bouche du côté sain,
effacement du sillon nasogénien, et
impossibilité de fermeture de l’oeil.
Le pronostic est ici esthétique et fonctionnel,
avec un risque important de complications
oculaires secondaires au déficit d’occlusion
palpébrale.
Le bilan préthérapeutique est essentiel,
clinique (cotation de la mobilité des groupes
musculaires de la face) et paraclinique
(électromyographie faciale, présence du
réflexe stapédien), pour juger de la gravité
de la paralysie et pour surveiller l’évolution
sous traitement.
1- Étiologie
:
Le nerf facial, qui naît de la face latérale du
bulbe, accompagne le nerf cochléovestibulaire
dans le conduit auditif interne (CAI),
puis chemine dans le canal de Fallope à la
face interne de la caisse du tympan, et enfin
donne ses branches au sein de la glande
parotide.
Toute anomalie sur ce trajet peut
être à l’origine d’une paralysie faciale
périphérique.
L’examen clinique
d’orientation étiologique se doit donc d’être
complet, à la recherche d’un déficit
neurologique, d’un déficit cochléovestibulaire,
d’une anomalie du tympan, ou d’une
lésion parotidienne.
Une forme clinique, à la sévérité plus
importante, mérite d’être individualisée.
C’est la paralysie faciale du zona, avec
éruption vésiculeuse du conduit et de la
conque (zone de Ramsay-Hunt).
Mais le plus fréquemment, il s’agit d’une
paralysie faciale dite « a frigore », dont
l’étiologie virale est également probable.
2- Traitement
:
Dans les formes habituelles, la précocité de
la mise en route du traitement corticoïde
(Solupredt, Cortancylt > 1 mg/kg/j ou
Synacthènet Retard 1 mg intramusculaire)
permet d’obtenir les meilleures chances de
récupération.
On peut y associer les traitements
vasodilatateurs.
Dans les formes graves, en
particulier post-zostériennes, on emploie, au
décours d’une hospitalisation, la méthode de Stennert, avec administration intraveineuse
(sous couvert d’une protection gastrique et
d’une surveillance biologique) d’une dose
journalière de 240 mg de Solu-Médrolt
pendant 48 heures (puis dégressive sur
15 jours), associée à du dextran et du
Torentalt.
Des soins oculaires sont systématiquement
associés de façon à éviter l’apparition d’une kératoconjonctivite : pansement oculaire de
protection, collyres, larmes artificielles.
Seule, une contre-indication formelle au
traitement corticoïde fait discuter une
intervention chirurgicale de décompression
du nerf facial.
En cas d’échec de la
corticothérapie, le résultat des interventions
de décompression reste aléatoire.
C - SURDITÉ DE PERCEPTION
D’APPARITION BRUTALE :
Il s’agit de l’apparition brutale ou rapide
d’une hypoacousie de type perceptif,
d’origine cochléaire, c’est-à-dire avec
tympan normal et tests acoumétriques au
diapason montrant un Weber latéralisé du
côté sain et un Rinne positif.
Le test de
Weber consiste à placer le diapason vibrant
au milieu du front : si le sujet entend le son
du côté sourd il s’agit d’une surdité de
transmission, s’il entend du côté sain c’est
une surdité de perception.
Le test de Rinne
consiste à comparer la perception auditive
d’un diapason placé sur la mastoïde
(conduction osseuse) et devant le tragus
(conduction aérienne) : si la conduction
osseuse est meilleure que la conduction
aérienne, il s’agit d’une surdité de
transmission, si c’est l’inverse, il s’agit d’une
surdité de perception.
Une fois les pathologies d’oreille externe et
moyenne ainsi éliminées, une audiométrie
tonale et vocale doit être réalisée dans les
plus brefs délais pour affirmer le diagnostic,
quantifier la perte auditive, et décider de la
mise en route d’un traitement adapté.
1- Étiologie
:
Plusieurs étiologies toxique, infectieuse,
vasculaire, immunologique, traumatique,
doivent être recherchées, en particulier dans
les formes bilatérales.
Mais habituellement il
s’agit, surtout en cas d’atteinte unilatérale,
d’une surdité brusque d'origine
idiopathique.
Les manifestations
vestibulaires ou neurologiques associées sont
dans ce cas soit absentes, soit frustes.
La
perte auditive, parfois majeure, confinant à
la cophose, est d’autant plus gênante au plan
fonctionnel qu’elle s’accompagne d’un
acouphène invalidant.
L’aspect de la courbe audiométrique des surdités brusques
orienterait vers une origine physiopathologique,
l’atteinte prédominante des
fréquences aiguës évoquant un problème
d’hydrops endolabyrinthique.
2- Traitement
:
Il est empirique, associant selon les équipes
une ou plusieurs des thérapeutiques
suivantes, éventuellement guidées par
l’aspect de la courbe audiométrique :
– repos en atmosphère non bruyante ;
– corticothérapie à la dose de 1 mg/kg/j
d’équivalent prednisolone per os ou
intraveineux ;
– vasodilatateurs (d’efficacité contestée) ;
– antiagrégeants plaquettaires ;
– substances vasoactives (Mannitol
Aguettantt) ;
– carbogène, oxygène hyperbare ;
– hémodilution.
Il apparaît que la précocité du traitement
soit un facteur de meilleure récupération
auditive.
Le diagnostic doit donc être
suspecté rapidement, et les mesures
thérapeutiques mises en oeuvre dans un
délai maximum de quelques jours après
l’instauration des troubles pour espérer une
restauration satisfaisante des seuils auditifs.
Urgences infectieuses
:
A - URGENCES INFECTIEUSES
OTOLOGIQUES :
1- Otite moyenne aiguë de l’enfant
:
Pathologie fréquente (5 000 000/an) et
habituellement d’évolution bénigne sous
traitement antibiotique, l’otite moyenne
aiguë peut à nouveau, compte tenu de
l’évolution de la résistance de certains
germes, en particulier le pneumocoque de
sensibilité diminuée à la pénicilline (PSDP),
nécessiter une prise en charge urgente et
spécialisée du fait :
– d’une mauvaise tolérance de l’infection ;
– d’une complication locale ;
– d'une diffusion méningée ou
septicémique ;
– de la nécessité d’obtenir un isolement
bactériologique après échec d’une ou
plusieurs antibiothérapies préalables, dans le
cadre des otites traînantes (ou mastoïdites
subaiguës), favorisées par l’efficacité relative
de certaines molécules sur des germes
devenus résistants.
Les éléments sémiologiques qui permettent
de suspecter une otite à PSDP sont les
suivants :
– zone de prévalence géographique
(urbaine) ;
– vie en collectivité (crèche) ;
– âge inférieur à 2 ans ;
– syndrome fébrile (> 38,5 °C), otalgie
intense ;
– antécédent de traitement antibiotique dans
les semaines précédentes ;
– otite séreuse sous-jacente ;
– signes de mastoïdite ou de méningite.
Les signes cliniques des otites à
pneumocoque étant souvent marqués et le
traitement spécifique (amoxicilline
supérieure 150 mg/kg/j en trois prises, ou
Rocéphinet intramusculaire ou intraveineux
8 mg/kg en une injection journalière), une
paracentèse est souvent indispensable pour
identification du germe et atténuation des
phénomènes inflammatoires locaux et
généraux.
Une hospitalisation peut
également s’avérer nécessaire pour mettre en
route une antibiothérapie par voie veineuse,
surveiller l’évolution de la symptomatologie,
et traiter d’éventuelles complications.
Les autres germes (Haemophilus influenzae,
Moraxella catarrhalis, autres streptocoques…)
sont moins agressifs mais peuvent
aussi être à l’origine de complications,
ce d’autant que l’infection survient chez un
enfant en bas âge ou immunodéprimé.
2- Otite externe maligne
:
* Étiologie
:
Il s’agit d’une infection nécrosante, à point
de départ cutané dans le conduit auditif
externe (CAE), évoluant vers une ostéite de
la base du crâne. Cette infection met en jeu
le pronostic fonctionnel (paralysie des nerfs
crâniens VII, XI, X, XI) et vital (environ 50 %
de mortalité en cas d’atteinte nerveuse), ce
qui la fait qualifier d’otite externe maligne.
Elle survient chez des sujets immunodéprimés
(diabétiques classiquement, sida,
hémopathies…), et le germe quasi
exclusivement responsable de l’infection est
le Pseudomonas aeruginosa.
Ceci conduit à proscrire toute manoeuvre
traumatique du CAE chez les patients non
immunocompétents et à considérer, sur ce
terrain, comme potentiellement grave toute
infection du CAE traînante, en particulier si
l’examen otoscopique montre du tissu de
granulation polypoïde du CAE.
Le bilan paraclinique comprend un
prélèvement bactériologique et une imagerie
(examen tomodensitométrique, IRM)
permettant d’affirmer l’extension osseuse.
* Traitement
:
L'hospitalisation en urgence est
indispensable pour mettre en route un
traitement intraveineux associant quinolone et céphalosporine de troisième
génération, et éviter ainsi l’évolution vers les paralysies
nerveuses.
Après
amélioration, ce traitement est poursuivi pendant plusieurs
semaines par voie orale car les récidives tardives sont
fréquentes.
La
correction de l’hyperglycémie (insulinothérapie) est
indispensable, car l’infection tend à déséquilibrer le diabète.
Ce n'est qu’en cas d’échec de cette
thérapeutique médicale que l’on envisage
une chirurgie (pétrectomie) dont le résultat
reste souvent médiocre au plan fonctionnel.
B - URGENCES INFECTIEUSES
SINUSIENNES :
Succédant à une infection dentaire ou à une
infection virale nasale, les sinusites sont,
dans l’extrême majorité des cas, des
infections bénignes, d’ailleurs souvent
résolutives avec de simples décongestionnants
locaux.
Elles peuvent cependant se
compliquer, et de ce fait nécessiter une prise
en charge urgente, de par l’évolution
locorégionale ou générale de l’infection.
Le développement et l’anatomie des sinus
de la face expliquent la physiopathologie et
les modalités de dissémination des infections
sinusiennes.
Les sinus de la face sont des
cavités aériennes, se drainant dans la fosse
nasale au niveau des méats moyens (sinus
maxillaire, frontal, ethmoïdal antérieur) et
supérieurs (sinus ethmoïdal postérieur,
sphénoïde), par des orifices de petit
diamètre.
L’obstruction de ces ostiums par
l’oedème généré lors d’une infection virale
est à l’origine de l’exclusion et de la
surinfection sinusienne. Haemophilus,
pneumocoque, staphylocoques et anaérobies
sont les germes les plus fréquemment
responsables de ces infections.
Au cours de la croissance, le développement
de chaque sinus est différent, expliquant la
variabilité de fréquence des atteintes
sinusiennes en fonction de l’âge.
Le sinus
ethmoïdal est présent dès la naissance.
Le
sinus maxillaire augmente quant à lui
progressivement de volume, mais il est
avant l’âge de 5 à 6 ans très largement
ouvert dans la fosse nasale, ce qui exclut
jusqu’à cet âge toute infection autonomisée
de ce sinus.
Les sinus frontal et sphénoïdal
sont de développement plus tardif, rarement
individualisés avant l’âge de 10 ans.
Leurs rapports étroits avec l’orbite par la
paroi inférieure du sinus frontal (toit
orbitaire), par la paroi supérieure du sinus
maxillaire (plancher orbitaire), mais surtout
par la paroi externe du sinus ethmoïdal
(lame papyracée), expliquent la fréquence
des diffusions infectieuses oculaires, au
pronostic parfois gravissime (cécité).
De
même, la proximité des structures
endocrâniennes (paroi postérieure du sinus
frontal, sinus sphénoïdal) rend compte des
diffusions méningées de l’infection et des
thrombophlébites des vaisseaux
endocrâniens (sinus caverneux).
1- Sinusites bloquées
:
L’obstruction du méat moyen par le
processus inflammatoire entraîne une
rétention purulente bloquée, le plus souvent
maxillaire.
Le syndrome infectieux est
intense et la douleur sous-orbitaire devient
pulsatile, insomniante, mal calmée par les
antalgiques usuels.
L’examen de la fosse
nasale montre une muqueuse inflammatoire
et l’absence de sécrétions venant du méat
moyen.
La radiographie de Blondeau montre
une opacité complète du sinus intéressé.
Le traitement repose sur la ponction
évacuatrice, effectuée sous anesthésie locale
ou sous une courte anesthésie générale, et le
traitement médical associant antibiotiques,
corticoïdes et vasoconstricteurs locaux.
2- Complications ophtalmologiques
:
Elles peuvent, chez l’adulte, succéder à
l’infection de l’ensemble des sinus de la face
qui ont tous des rapports étroits avec
l’orbite.
Chez le jeune enfant, il s’agira plus
volontiers d’une sinusite ethmoïdale.
Schématiquement, deux modes de diffusion
de l’infection vers l’orbite peuvent être
individualisés :
– extension de contiguïté à travers les
déhiscences des parois osseuses de l’orbite
(infection sous-périostée) ;
– diffusion métastatique locorégionale par
voie veineuse (cellulites et abcès intraorbitaires).
Le diagnostic est suspecté devant un oedème
des paupières, une exophtalmie, un chémosis, une diminution de l’acuité
visuelle, une parésie oculomotrice, une
anesthésie cornéenne, une mydriase.
Tous
ces signes, en présence d’une sinusite,
doivent alerter le praticien et faire demander
un examen ORL et ophtalmologique en
urgence.
Le diagnostic différentiel sera fait
avec les infections cutanées faciales,
conjonctivales ou lacrymales.
L’hospitalisation est alors indispensable
pour mettre en route un traitement
antibiotique intraveineux, faire un bilan
radiologique en urgence (examen
tomodensitométrique, IRM), des
prélèvements bactériologiques (cavités
nasales, oeil, hémocultures), surveiller
l’évolution et décider d’un drainage
chirurgical par voie endoscopique ou
externe devant l’aggravation des signes
ophtalmologiques.
On distingue cliniquement plusieurs formes.
* Abcès sous-périosté
:
Il réalise une compression extrinsèque du
globe oculaire, avec diplopie et exophtalmie
aiguës.
L’examen tomodensitométrique
visualise la déhiscence d’une paroi osseuse
orbitaire et le refoulement du contenu de
l’orbite.
En l’absence d’amélioration rapide,
le drainage chirurgical par voie externe est
indispensable pour éviter l’extension
infectieuse au cône orbitaire.
* Cellulite orbitaire préseptale
:
C’est la forme la plus fréquente et la moins
grave des infections orbitaires, qui
correspond à une diffusion en avant du cône
orbitaire au niveau de la paupière
supérieure. Le risque ophtalmologique est
peu important.
Seule une collection avérée
avec fluctuation et absence d’amélioration
sous traitement médical indique le drainage
chirurgical.
* Cellulite orbitaire et abcès orbitaire
:
Il s’agit ici d’une infection du contenu
orbitaire avec oedème, chémosis, diminution
de l’acuité visuelle.
L’examen tomodensitométrique
et l’IRM montrent une prise de
contraste de la graisse orbitaire, avec au
maximum un niveau liquide traduisant
l'abcédation.
Dans les sinusites
sphénoïdales, l’apex orbitaire est
essentiellement intéressé, avec un risque
visuel majeur (proximité du nerf optique), et
l’association fréquente avec d’autres
paralysies des nerfs crâniens (VI, V).
La
surveillance ophtalmologique quotidienne
sous traitement médical guide la décision
chirurgicale de drainage.
3- Complications neuroméningées
:
Elles succèdent aux sinusites ethmoïdales,
frontales, mais surtout sphénoïdales, de par
la proximité de ce sinus avec les structures
endocrâniennes vasculaires, ce qui favorise
la diffusion hématogène de l’infection.
Cependant, le sinus maxillaire peut aussi
être à l’origine d’une complication neuroméningée.
Toute anomalie de l’examen neurologique
(syndrome méningé, déficit sensitivomoteur,
paralysie des nerfs crâniens, coma…) au
décours d’une sinusite doit faire demander
un bilan spécialisé.
A contrario, tout épisode
neurologique aigu non étiqueté doit faire
suspecter une origine sinusienne.
Le diagnostic de certitude repose sur
l’imagerie tomodensitométrique et l’IRM
(sinusiennes et cérébrales, avec temps
vasculaire) et les prélèvements
bactériologiques.
On distingue les diffusions infectieuses
(méningites et abcès) et les thrombophlébites,
volontiers secondaires à une infection
à staphylocoque.
* Méningites
:
Elles font suite aussi bien aux sinusites
aiguës que chroniques.
Le diagnostic repose
sur la PL, qui doit être réalisée au moindre
doute. Le traitement antibiotique est adapté
au germe retrouvé.
La guérison de la sinusite sous-jacente peut nécessiter un geste
chirurgical de drainage (méatotomie,
sphénoïdotomie) par voie endonasale ou
externe.
* Abcès extraduraux, sous-duraux
et intracérébraux :
Suspectés devant un syndrome déficitaire
neurologique (crise comitiale, hémiparésie,
aphasie, coma…) associé à un syndrome
méningé, leur évolution est parfois
rapidement fatale.
Il s’agit d’une urgence
thérapeutique, associant réanimation et
traitement neurochirurgical (ponction
drainage, abord intracrânien).
* Thrombophlébites du sinus caverneux
:
Elles sont souvent secondaires à une sphénoïdite avec atteinte orbitaire.
Le
tableau clinique typique associe des signes
ophtalmologiques, des céphalées du vertex,
des signes méningés, et des déficits
neurologiques dont le caractère variable
dans le temps est pathognomonique.
Le traitement repose sur l’antibiothérapie
intraveineuse à large spectre, les corticoïdes,
et le drainage chirurgical par sphénoïdotomie endonasale en l'absence
d’amélioration rapide des signes locaux et
généraux.
Malgré ces traitements, la mortalité reste très
élevée, avec des taux avoisinant 75 % selon
les séries.
C - URGENCES INFECTIEUSES
PHARYNGÉES :
Les suppurations sont secondaires soit à une
infection amygdalienne, soit à une
infection buccodentaire ou à un traumatisme
buccopharyngé.
Ils sont bactériologiquement
caractérisés par une prolifération bactérienne
aéroanaérobie, l’extension de l’infection se
faisant vers les ganglions cervicaux et les
espaces celluleux profonds, anatomiquement
divisés en trois régions séparées par des
cloisons fibreuses :
– l’espace para-amygdalien ou préstylien ;
– l’espace parotidien postérieur ou rétrostylien, contenant les gros vaisseaux du
cou (carotide et veine jugulaire) ;
– l’espace rétropharyngien postérieur, en
avant du plan vertébral.
Les signes révélateurs sont l’apparition d’un
syndrome infectieux majeur, avec fièvre
supérieure à 39 °C, altération de l’état
général et dysphagie.
S’y associent, en
fonction du siège initial de l’abcès, une
tuméfaction cervicale haute ou une dyspnée.
L’aggravation est possible vers une atteinte
diffuse, réalisant un tableau de cellulite
cervicale extensive dont le pronostic local et
général est dramatique et qui impose, en
extrême urgence, un large drainage cervical
prévenant l’extension du processus
infectieux vers le médiastin.
1- Phlegmon amygdalien
ou périamygdalien :
Il correspond à l’évolution d’une angine
banale vers une suppuration limitée à la loge
amygdalienne.
La douleur est intense,
pulsatile, empêchant la déglutition.
Le
trismus associé rend l’examen difficile.
Il
montre une voussure de l’amygdale, une
congestion diffuse du pharynx, et plus
particulièrement, un oedème de la luette.
Après ponction à l’aiguille ramenant du pus
franc, le traitement repose sur l’incision de
l’abcès au bistouri, complétée par une
antibiothérapie intraveineuse (pénicilline G
10 millions d’unités/j et métronidazole
250 mg/trois fois par jour, ou amoxicillineacide
clavulanique 1 g/trois fois par jour) et
des antalgiques.
La prévention des récidives
est assurée par l’amygdalectomie effectuée
au minimum 2 mois après l’épisode initial.
2- Phlegmon para-amygdalien
ou préstylien :
Son point de départ est soit une angine, soit
un traumatisme direct.
La symptomatologie
est voisine de celle du phlegmon de
l’amygdale, bien qu’il n’y ait pas d’oedème
de la luette et que le trismus soit moins
intense.
Le traitement est identique, reposant
sur l’incision, le drainage et l’antibiothérapie.
3- Abcès rétrostylien
:
Il est observé surtout chez l’enfant.
C’est un adénophlegmon dont le point de départ est
les ganglions jugulocarotidiens supérieurs.
Cliniquement, les signes sont essentiellement
cervicaux, avec une tuméfaction de la région sous-digastrique associée à un
torticolis et à une dysphagie.
L’examen de
l’oropharynx montre une tuméfaction postérieure refoulant vers
l’avant le pilier postérieur de l’amygdale.
L’hospitalisation en milieu spécialisé est rendue nécessaire
devant le risque évolutif de rupture vasculaire, que font
craindre des épisodes hémorragiques minimes itératifs.
Le
traitement repose sur l’incision cervicale de drainage, associée
à une antibiothérapie.
La suspicion
de l’imminence d’une plaie carotidienne impose une ligature en
urgence de la carotide primitive, malgré le risque de déficit
neurologique.
4- Adénophlegmon rétropharyngé
:
Rare, il est chez l’adulte consécutif à une
blessure de la paroi pharyngée postérieure.
Chez l’enfant, il correspond à un phlegmon
des ganglions rétropharyngés consécutif à
une rhino-pharyngite banale.
La
symptomatologie est marquée par
l’apparition d’un syndrome fébrile associé à
une altération de l’état général, et surtout
d’une dysphagie totale.
La dyspnée est plus
tardive, s’accompagnant d’une modification
de la voix qui devient nasonnée.
Comme
pour l’épiglottite dont le tableau est
similaire, l’examen à l’abaisse-langue doit
être prudent, de par le risque de trouble
ventilatoire aigu.
Le transport en milieu spécialisé est
impératif, après avoir débuté le traitement
par une injection précoce d’antibiotique
(amoxicilline-acide clavulanique), en
association avec un corticoïde si une
dyspnée est présente.
Le traitement d’urgence repose sur
l’incision-drainage au bloc opératoire pour
pouvoir parer à toute aggravation
respiratoire, sous couvert d’une
antibiothérapie intraveineuse (amoxicillineacide
clavulanique, ou pénicilline +
métronidazole).
Dyspnées obstructives
:
Elles s’opposent aux dyspnées d’origine
pulmonaire.
Elles peuvent siéger sur les
différents étages du tractus respiratoire, des
narines jusqu’à la trachée.
Il s’agit d’un
trouble pouvant mettre rapidement en jeu le
pronostic vital.
Elles imposent donc un
traitement médical rapide et adapté, ainsi
qu’une hospitalisation d’urgence dans un
milieu spécialisé.
Le larynx comporte trois
étages, définis selon leur position par
rapport aux cordes vocales : étage susglottique,
étage glottique et étage sousglottique.
L’étage glottique est l’espace
compris entre les deux cordes vocales.
C’est l’espace le plus étroit de tout l’arbre
respiratoire supérieur.
Le diamètre laryngé
est variable selon les individus, le sexe (plus
large chez l’homme), et l’âge.
Le diamètre
du larynx chez un nourrisson n’est que de
5 à 6 mm.
Un rétrécissement de 1 à
2 mm seulement a donc, chez un enfant, un
retentissement aérodynamique très rapide.
A - SYMPTOMATOLOGIE
:
Le diagnostic de dyspnée obstructive est
clinique.
Il s’agit d’une dyspnée inspiratoire avec bradypnée et éventuellement cornage.
Une dysphonie témoigne d’une lésion
glottique.
Il faut systématiquement
rechercher les signes de gravité témoignant
d’une décompensation possible : altération
de la conscience, sueurs, tachycardie,
hypertension artérielle.
Chez l'enfant, il convient d'être
particulièrement vigilant et de rechercher les
signes de gravité suivants :
– modification de la fréquence respiratoire :
supérieure à 60/min, mais une fréquence
inférieure à 15/min peut traduire un
épuisement respiratoire inaugurant un arrêt ;
– cyanose ;
– signes de lutte : tirage, battement des ailes
du nez ;
– signes d’hypercapnie : hypotonie, troubles
de la conscience, sueurs, tachycardie.
Ces signes de gravité imposent une
intubation rapide par le SAMU.
En l’absence
de ces signes, un bilan peut être réalisé en
milieu spécialisé.
Il comporte une nasofibroscopie visualisant les fosses nasales,
le larynx, et éventuellement la sous-glotte et
la trachée.
Il peut être complété par une
radiographie thoracique de face et de profil,
à la recherche d’un corps étranger.
En fait
cet examen est peu sensible, et la notion
d’un syndrome de pénétration doit faire
pratiquer une fibroscopie, voire une
bronchoscopie au tube rigide.
Un bilan
biologique comportant des gaz du sang et
un bilan préanesthésique peut être pratiqué,
mais celui-ci ne doit en aucun cas retarder la
réalisation de la visualisation de l’axe
respiratoire par fibroscopie ou bronchoscopie.
Il faut enfin se méfier d’un examen à
l’abaisse-langue, risquant de déprimer la
base de langue vers le bas, et d’aggraver la
dyspnée.
Il ne faut pas faire coucher un
patient qui se sent mieux en position assise,
sous peine d’aggraver brutalement sa
dyspnée.
B - ÉTIOLOGIES
:
L’âge du patient est un élément
d’orientation important.
1- Nouveau-né pendant la première
semaine de vie :
Il est incapable de respirer par la bouche.
La
respiration nasale est son mode respiratoire
exclusif, et toute obstruction nasale (rhinite,
imperforation choanale) entraîne une
dyspnée haute.
Le traitement en urgence
consiste à placer, dans la bouche, une canule
de Mayo.
2- Nouveau-né pendant le premier
mois de vie
:
La cause principale de dyspnée est la laryngomalacie ou stridor congénital.
Il est
dû à une hyperlaxité des tissus laryngés,
visualisée en fibroscopie, et provoque un
bruit inspiratoire typique.
Il n’est pas
habituellement dyspnéisant, mais les formes
les plus graves peuvent entraîner des
difficultés respiratoires, avec difficultés
alimentaires.
Les cas les plus sévères
peuvent nécessiter une résection des tissus
laryngés au laser.
Les autres causes sont
beaucoup moins fréquentes : paralysie
laryngée en adduction, kyste laryngé ou valléculaire, sténose laryngée congénitale.
3- Nourrisson jusqu’à 6 mois
:
La cause la plus fréquente est l’angiome (ou
hémangiome) sous-glottique.
Il s’agit d’une
lésion congénitale, mais il existe le plus
souvent un intervalle libre entre la naissance
et la dyspnée, qui survient souvent après un
épisode d’infection rhinopharyngée banal.
La symptomatologie est celle d’une laryngite sous-glottique classique, mais qui survient
chez un enfant de moins de 6 mois.
L’examen en fibroscopie ne visualise pas
toujours bien la sous-glotte, et l’angiome est
au mieux diagnostiqué au bronchoscope
rigide, sous anesthésie générale.
Cette lésion
finit par involuer avec l’âge, mais des
épisodes de poussées peuvent entraîner des
dyspnées.
Le traitement des poussées est la
corticothérapie par voie générale (2 mg/kg/j
d’équivalent prednisolone pendant quelques
jours, puis à doses dégressives).
En cas
d’échec ou de corticodépendance, une
vaporisation laser ou une résection
chirurgicale peuvent être pratiquées.
Les
autres causes sont plus rares.
Il peut s’agir
d’une sténose laryngée congénitale ou d’un
kyste de découverte tardive.
Il peut
également s’agir d’une malformation
vasculaire thoracique entraînant une
compression trachéale.
Toutes ces étiologies
nécessitent un traitement chirurgical.
4- Enfant de plus de 6 mois
:
La cause la plus fréquente à cet âge est la
laryngite aiguë.
Cette dénomination
comprend en fait trois pathologies
distinctes : la laryngite striduleuse, la
laryngite sous-glottique et la laryngite
supraglottique ou épiglottite.
* Laryngite striduleuse
:
Elle est également appelée laryngite
spasmodique.
Elle survient le plus souvent
au cours d’un épisode d’infection
rhinopharyngée. Elle entraîne des accès brefs
de dyspnée avec suffocation et cyanose de
quelques secondes, avec toux et voix rauque.
Il n’y a aucun signe entre les accès. Elle
correspond à un spasme laryngé en
fermeture.
Son évolution est parfaitement
bénigne et des aérosols, voire des corticoïdes
dans les formes persistantes, suffisent à son
traitement.
* Laryngite sous-glottique
:
Elle accompagne habituellement une
rhinopharyngite banale avec fébricule.
Elle
survient classiquement la nuit et réalise une
dyspnée laryngée typique avec dyspnée
inspiratoire, toux rauque et modification de
la voix.
Il convient d’éliminer une rarissime
dyspnée laryngée d’origine diphtérique
(absence de vaccination, fausses membranes
pharyngées).
Il n’y a habituellement aucun
bilan à pratiquer, et une symptomatologie
typique suffit à mettre en route le traitement.
En cas de doute avec un corps étranger
(absence de fièvre et survenue pendant la
journée), une radiographie de thorax et une
fibroscopie souple seront réalisées.
Dans le
cas d’une laryngite, la fibroscopie montre un
oedème sous-glottique bilatéral et
symétrique.
En cas de récidives fréquentes,
un bilan sera pratiqué, à la recherche d’une
autre étiologie (angiome sous-glottique,
reflux gastro-oesophagien, terrain allergique).
Le traitement fait appel aux corticoïdes.
On
commence par une administration
parentérale (intraveineuse ou intramusculaire)
de Célestènet ou de Soludécadront à
la dose de 0,5 à 1 mg/kg, associée d’emblée
à un traitement per os par Célestènet
10 gouttes/kg/j et à un traitement
antibiotique per os à large spectre, type
amoxicilline ou macrolide.
La dyspnée doit
céder en 30 minutes. Si tel n’est pas le cas,
une nouvelle injection est pratiquée.
La
persistance de la dyspnée 30 minutes après
cette nouvelle injection doit conduire à une
hospitalisation dans un service spécialisé
pour perfusion de corticoïdes, aérosols
d’adrénaline, et surveillance stricte.
Toute décompensation doit conduire très
rapidement à une intubation avec une sonde
de petit calibre, afin de minimiser les lésions
iatrogènes.
Une trachéotomie peut lui être
préférée si les conditions de surveillance de
l’intubation ne sont pas optimales (aérosol,
aspiration, sédation de l’enfant).
La
disparition de la dyspnée après la première
ou la deuxième injection permet un
traitement à domicile, sous réserve d’une
surveillance parentale efficace.
Ce traitement
associe des aérosols et la poursuite du
traitement oral (corticoïdes et antibiotiques)
pendant 4 à 6 jours.
* Laryngite supraglottique ou épiglottite
:
Cette pathologie est beaucoup plus grave,
mais également beaucoup plus rare.
Il s’agit
d’une infection bactérienne à Haemophilus
influenzae, avec inflammation de la margelle
laryngée et septicémie.
La dyspnée est
souvent d’apparition brutale, sévère, avec
une voix étouffée.
Il existe une aphagie avec
hypersialorrhée, une fièvre élevée (39-40 °C)
et une polyadénopathie cervicale.
Le patient
apparaît manifestement en mauvais état
général.
Il se tient en position assise et il ne
faut absolument pas l’allonger, sous peine
de décompensation respiratoire.
Il ne faut
pas non plus chercher à pratiquer un
examen à l’abaisse-langue.
Il s’agit d’une
urgence vitale, et le patient doit être
transféré en SAMU au centre spécialisé le
plus proche. Un traitement médical
complémentaire peut être réalisé pendant le
transfert.
Il associe corticothérapie et antibiotiques (amoxicilline et acide
clavulanique), par voie parentérale, mais
n’est pas très efficace d’emblée.
En effet,
l’oedème de la margelle laryngée est dû à de
très nombreux microabcès.
Le seul
traitement efficace est le rétablissement de la
perméabilité de la voie respiratoire par une
intubation ou une trachéotomie.
Le
diagnostic est fait en nasofibroscopie,
retrouvant une épiglotte très oedématiée et
masquant complètement le larynx.
Ces gestes doivent être réalisés au bloc
opératoire, en parfaite collaboration avec
l’anesthésiste.
L’intubation est faite le plus
souvent en position demi-assise, au
laryngoscope ou au bronchoscope.
Un bilan
infectieux est réalisé secondairement,
associant hémocultures et prélèvements
bactériologiques.
Sous antibiothérapie
parentérale, l’évolution est rapidement
favorable en quelques jours.
Le retour à la
normale de la margelle, visualisée en
fibroscopie, permet la suppression de la
trachéotomie ou de l’intubation.
* Laryngo-trachéo-bronchite
:
Il s’agit d’une infection trachéopulmonaire
d’origine bactérienne (staphylocoque,
Haemophilus influenzae ou streptocoque).
L’enfant présente une dyspnée qui n’est plus
seulement inspiratoire mais aux deux temps,
avec des râles à l’auscultation dans les deux
champs pulmonaires.
Un syndrome
infectieux sévère est associé, avec altération
de l’état général et fièvre élevée. La
radiographie de thorax retrouve des opacités
diffuses.
La fibroscopie met en évidence un
larynx normal ou oedématié.
L’examen de la sous-glotte, de la trachée et des bronches au
fibroscope ou au bronchoscope rigide
retrouve de nombreuses sécrétions
purulentes et des fausses membranes.
La
gravité de l’état respiratoire peut nécessiter
une intubation et des aspirations itératives.
Une antibiothérapie adaptée aux prélèvements
bronchiques est instituée par voie
parentérale.
* Corps étrangers laryngo-trachéo-bronchiques
:
Il s’agit d’une cause fréquente de dyspnée
chez l’enfant de 6 mois à 3 ans, avec un
maximum de fréquence dans la deuxième
année de vie.
Le corps étranger le plus
fréquemment retrouvé est la cacahuète, mais
tout objet mesurant moins de 1 centimètre
est susceptible d’être inhalé par un enfant.
La dyspnée est inspiratoire ou aux deux
temps si le corps étranger est trachéal.
En
cas de localisation trachéale, l’apparition
brutale d’une aphonie doit faire redouter un
enclavement du corps étranger dans la sousglotte
pouvant entraîner un arrêt respiratoire
brutal.
Il faut alors tenter l’extraction du
corps étranger par la manoeuvre de Heimlich.
En cas d’échec, trois attitudes de
sauvetage sont possibles :
– intubation par la bouche à l’aide d’une
sonde refoulant le corps étranger dans une
bronche souche, permettant ainsi la
ventilation par un seul poumon ;
– ponction trachéale à l’aide de plusieurs cathlons de gros calibre ;
– trachéotomie intercricothyroïdienne.
Cette situation est heureusement assez rare
et le plus souvent, le patient, après un
syndrome de pénétration associant accès
brutal de dyspnée et toux, présente une
dyspnée bien tolérée.
Il ne faut alors réaliser
aucune manoeuvre de sauvetage qui
risquerait d’avoir des effets délétères, et
transférer le patient dans un service d’ORL
d’urgence.
Ce transfert a lieu au mieux en
transport médicalisé, en position demi assise, avec oxygénothérapie et
administration parentérale de corticoïdes
afin de diminuer les phénomènes
inflammatoires .
En cas de doute
diagnostique, une fibroscopie souple est
réalisée sous anesthésie locale, permettant de
visualiser la trachée et le corps étranger.
Elle
doit être faite au bloc opératoire, afin de
pouvoir faire face à une décompensation
respiratoire par spasme laryngé ou
mobilisation du corps étranger.
Si le
diagnostic est certain ou si le corps étranger
a été visualisé à la fibroscopie, une
bronchoscopie au tube rigide sous anesthésie
générale permet l’extraction du corps
étranger.
La coopération entre
l’anesthésiste et le praticien ORL est
fondamentale.
Le patient est d’abord ventilé
au masque, puis grâce au bronchoscope
introduit dans la trachée.
Le corps étranger
est retiré à la pince, éventuellement après
morcellement.
L’arbre trachéobronchique
doit être exploré dans sa totalité afin de ne
pas méconnaître un second corps étranger.
5- Chez l’adulte
:
Certaines causes sus-citées peuvent survenir
chez les adultes.
Les corps étrangers sont
assez rares et ne posent pas de problème sur
le plan diagnostique. Une épiglottite peut
survenir chez l’adulte.
* Traumatismes laryngotrachéaux
:
Ils sont en nette diminution depuis le port
obligatoire de la ceinture de sécurité.
L’anamnèse permet de retrouver différents
mécanismes : strangulation (par la ceinture
de sécurité mal placée, criminelle,
accidentelle par une écharpe s’enroulant
autour d’un axe), choc direct (coup de poing,
choc sur le tableau de bord) ou plaie
cervicale antérieure.
L’examen clinique doit
rechercher une dyspnée, une dysphonie, un
emphysème sous-cutané, et doit faire le
bilan des autres lésions en cas de polytraumatismes.
Plusieurs situations sont possibles :
– si le patient est adressé par le SAMU déjà
intubé, il ne faut surtout pas l’extuber.
Il
faut pratiquer, sous anesthésie générale, une
trachéotomie permettant l’extubation et le
bilan des lésions ;
– en cas de dyspnée sévère secondaire,
l’attitude la plus sûre consiste à pratiquer
une trachéotomie puis un bilan chirurgical
des lésions.
Des équipes bien entraînées
peuvent également réaliser d’emblée une
anesthésie générale avec passage d’un
bronchoscope permettant le bilan initial des
lésions, trachéotomie, puis réparation
chirurgicale.
Celle-ci doit se faire si possible
à l’aide d’une incision de thyrotomie
médiane, et doit être la plus conservatrice
possible.
Chaque morceau de cartilage
encore adhérant au péricondre et au muscle
doit être préservé.
Les réparations sont faites
au fil résorbable.
L’intervention initiale se
termine par la mise en place d’un tube de
Montgomery remontant au-dessus des
bandes ventriculaires et laissé en position au
moins 1 mois ;
– en cas de contusion simple avec dyspnée
secondaire modérée (coup de poing), un
examen laryngé prudent est pratiqué, si
possible au nasofibroscope.
Le plus souvent,
on retrouve un petit oedème ou un
hématome.
Il ne faut pas se contenter de
renvoyer le patient chez lui, mais il faut le
garder en surveillance plusieurs heures, sous
corticothérapie, en raison du risque
d’apparition secondaire d’un oedème
obstructif ;
– il faut savoir évoquer une désinsertion laryngotrachéale.
Celle-ci survient entre le
premier anneau trachéal et le cartilage
cricoïde, et s’accompagne d’un arrachement
des nerfs récurrents.
Elle est bien tolérée pendant plusieurs heures, car les parties
molles (principalement muscles et
oesophage) permettent le passage de l’air.
Une décompensation brutale peut survenir
lors d’une mobilisation, par exemple lors
d’un examen laryngé au miroir.
Il faut
l’évoquer devant une dyspnée modérée mais
associée à un emphysème sous-cutané (ce
signe peut se voir également en cas de
contusion simple) ou une aphonie.
Les
cordes vocales sont immobiles en nasofibroscopie, généralement en position
intermédiaire. Une trachéotomie est risquée,
car la trachée est située dans le thorax.
Il
faut pratiquer une endoscopie au tube
rigide, sous anesthésie générale.
L’espace sous-glottique est sombre et la trachée n’est
retrouvée que 2 à 3 cm sous cette zone.
Le
traitement consiste en une anastomose
chirurgicale.
La suture des nerfs récurrents
est inutile.
* Dyspnée sur sténose laryngotrachéale
:
Elle survient chez des sujets ayant été
intubés et est la conséquence directe de cette
intubation.
Elle peut survenir avec un
intervalle libre de plusieurs mois après
l’extubation.
Cette dyspnée est inspiratoire
ou mixte. L’examen clinique initial est
fondamental, guidant la conduite
thérapeutique.
Il doit comporter un examen
laryngé au minimum au miroir, au mieux
au nasofibroscope.
L’examen glottique peut
mettre en évidence différentes pathologies :
synéchie, granulome, ou immobilité en
fermeture des cordes vocales, par paralysie
des muscles dilatateurs ou ankylose cricoaryténoïdienne.
En cas d’urgence vitale,
le patient sera intubé au bronchoscope, puis trachéotomisé, ou trachéotomisé en urgence.
Le traitement de la sténose est pratiqué dans
un second temps.
Si l’examen de la glotte
s’avère normal, la sténose est trachéale.
Une
trachéotomie en urgence n’est alors pas
idéalement indiquée, en raison de l’absence
de documentation sur le siège de la sténose.
Un bronchoscope doit être introduit,
permettant la ventilation et le bilan exact de
la sténose (localisation, organisation).
Si cette
sténose paraît bien organisée, sans trachéomalacie, une dilatation avec une
bougie de dilatation oesophagienne ou une
séance de broncholaser sont pratiquées,
permettant la récupération d’un calibre
trachéal suffisant.
Le traitement définitif de
la sténose est réalisé à froid, 1 à 2 jours plus
tard, par une résection-anastomose de
trachée.
En cas de sténose mal organisée, en
cours de formation, granulomateuse et
inflammatoire, ou en cas de trachéomalacie
avec collapsus, une trachéotomie et la pose
d’un tube de Montgomery sont réalisées.
Le
calibrage permet d’attendre la stabilisation
des lésions et un traitement secondaire.
Les patients trachéotomisés posent des
problèmes différents.
La survenue d’une
dyspnée lors de la décanulation peut être
due à une sténose ostiale, au niveau de
l’orifice de la trachéotomie, accompagnée
d’une sténose trachéale sus-jacente.
Il faut recanuler le patient et pratiquer
secondairement une résection-anastomose
trachéale, avec exérèse du trachéotome. Une
dyspnée aiguë survenant chez un patient
trachéotomisé doit faire pratiquer le retrait
immédiat de la canule afin d’éliminer un
bouchon ou une mauvaise position de
l’extrémité de la canule.
En effet, celle-ci
peut être légèrement sortie de la trachée et
être obstructive ou bien basculée, l’extrémité
se collant alors sur la paroi trachéale
postérieure.
En cas de persistance de la
dyspnée, une fibroscopie souple passant par
l’orifice recherche une sténose trachéale bas
située, souvent dans la portion
endothoracique.
Dans ce cas, deux attitudes
sont possibles :
– la première consiste à pratiquer en
urgence une résection-anastomose avec
manubriotomie.
Cette intervention présente
des risques septiques importants chez un
patient qui est encore trachéotomisé (risque
de médiastinite) ;
– la seconde attitude consiste donc à
pratiquer des dilatations trachéales itératives
(tous les 2 jours), afin d’attendre la fermeture
du trachéotome.
La résection-anastomose
trachéale avec manubriotomie est réalisée
secondairement.
* Causes néoplasiques
:
Tout cancer situé sur l’axe respiratoire peut
provoquer une dyspnée.
Sa survenue dans
l’histoire néoplasique dépend de sa
localisation : précoce dans les cancers de
l’endolarynx, elle est plus tardive dans les
atteintes du sinus piriforme, et encore plus
tardive dans les cancers de l’oropharynx.
Le
diagnostic étiologique est facile en nasofibroscopie, visualisant une lésion
importante, masquant ou obturant le larynx.
Une corticothérapie par voie générale peut
être tentée.
Elle peut permettre d’attendre
un geste plus efficace.
L’intubation est
souvent difficile , provoquant des
saignements et une poussée oedémateuse de
la lésion.
On lui préfère une trachéotomie
sous anesthésie locale ou sous jet-ventilation
transtrachéale, suivie, après un bilan, d’un
éventuel traitement sur la lésion.
Dans
certains cas d’atteinte laryngée, lorsque
l’intubation est possible, une désobstruction
laser peut permettre une ventilation
suffisante.
* OEdème anaphylactique laryngé
:
Il est secondaire à une allergie ou à une
piqûre d’hyménoptère.
Son traitement est
l’adrénaline sous-cutanée (0,25-0,50 mg). Les
corticoïdes n’ont qu’un effet complémentaire.
En cas d’échec, une intubation ou une
trachéotomie sont réalisées.
Traumatismes de la face
:
A - FRACTURES DES OS PROPRES
DU NEZ
:
Il s’agit de la fracture faciale la plus
fréquente.
La réduction sous anesthésie
générale peut être pratiquée jusqu’à 10 jours
après le traumatisme.
Il ne s’agit donc pas à
proprement parler d’une urgence
thérapeutique, excepté dans trois cas :
– épistaxis ;
– hématome de cloison, qui doit être drainé
afin d’éviter une surinfection puis une
nécrose septale ;
– fracture ouverte nécessitant un parage.
L’examen clinique retrouve une déviation du dorsum nasal.
Celle-ci n’est pas toujours
évidente en raison de l’oedème et est mieux
appréciée 3 jours après le traumatisme.
La
palpation déclenche une douleur vive et
peut retrouver une mobilité anormale des os
propres.
La radiographie confirme le
diagnostic.
Il convient de mettre le patient
sous anti-inflammatoires, antalgiques, et
éventuellement antibiotiques, et de le revoir
en cas de doute sur une déviation quelques
jours plus tard.
L’indication d’une réduction
peut alors être posée plus facilement.
B - OTHÉMATOME
:
Il s’agit d’un hématome entre le cartilage et
le périchondre du pavillon de l’oreille. Il
peut survenir après un traumatisme modéré.
Non traité, il peut entraîner une déformation
définitive du pavillon ou une surinfection
avec nécrose cartilagineuse.
Il justifie un
drainage sous anesthésie locale ou générale,
puis une compression par un bourdonnet
fixé par des points transfixiants afin d’éviter
toute récidive.
C - TRAUMATISMES MAXILLOFACIAUX
:
S’intégrant souvent dans un polytraumatisme,
les lésions du massif facial ont un
pronostic essentiellement fonctionnel et
esthétique, même s’ils peuvent compromettre
le pronostic vital en cas d’hémorragie
ou d’obstruction des voies aérodigestives
supérieures.
La prise en charge de lésions
associées du thorax, de l’abdomen ou des
membres, dont le pronostic immédiat est
souvent plus grave, est primordiale.
Sur les
lieux de l’accident, il convient d’assurer la
liberté des voies aériennes en mettant le
patient en décubitus latéral de sécurité et en
désobstruant au doigt le pharynx.
En cas de
dyspnée grave aiguë, on peut tenter une
intubation ou une trachéotomie de fortune.
Le traitement d’une éventuelle hémorragie
repose sur les techniques d’hémostase
décrites précédemment.
La prévention des surinfections fait appel à
une antibiothérapie à large spectre (type amoxicilline).
La prophylaxie antitétanique
doit être assurée.
L’examen clinique est :
– oculaire, recherchant une diminution de
l’acuité visuelle, une plaie du globe, une
diplopie, une énophtalmie ;
– facial, recherchant une déformation
osseuse, un emphysème sous-cutané, une
mobilité anormale de la mandibule ou du
maxillaire, une hypoesthésie du trijumeau
(V), une paralysie faciale (VII) ;
– stomatologique, recherchant un trouble de
l’articulé dentaire, une limitation de
l’ouverture buccale, des fractures dentaires ;
– nasal, recherchant une fuite de liquide
cérébrospinal.
L’examen tomodensitométrique est l’examen
radiologique qui permet le bilan précis des
lésions osseuses faciales.
Il permet de
programmer un traitement chirurgical
multidisciplinaire (ORL, ophtalmologique,
neurochirurgical, stomatologique).
D - FRACTURES DU ROCHER
:
Elles sont fréquentes et exposent à des
complications fonctionnelles graves (surdité
de perception, paralysie faciale, destruction
vestibulaire).
Ces lésions sont associées de
façon variable selon le type de fracture.
Elles
exposent également à un risque de liquide
cérébrospinal, avec risque de complications
infectieuses méningées, même très à distance
du traumatisme.
Les fractures du rocher doivent être
recherchées chez tout traumatisé crânien, en
particulier devant une otorragie, un
hématome rétroauriculaire, une paralysie
faciale, un syndrome vertigineux, une
otorrhée de liquide clair.
Toute suspicion de
fracture doit conduire à un examen
tympanique sous microscope (hémotympan,
perforation) et faire demander un examen
tomodensitométrique des rochers en coupes
millimétriques axiales et coronales.
Le bilan audiométrique (audiogramme tonal
et vocal, tympanométrie) et vestibulaire
(électronystagmographie) n’est réalisé que
dans un second temps, permettant de
quantifier la perte auditive et d’en
déterminer le type (perceptif ou transmissionel).
1- Traitement des complications
:
* Paralysies faciales
:
Immédiates, elles requièrent un traitement
chirurgical rapide (décompression ou suture
du nerf).
Secondaires, elles témoignent d’un
oedème du nerf dans son canal, justiciable
d’un traitement médical (corticothérapie
1 mg/kg/j).
* Vertiges :
Les grands vertiges rotatoires témoignent
d’une destruction vestibulaire dont le
traitement est symptomatique (antivertigineux,
antiémétiques, rééducation), jusqu’à
obtention d’une compensation centrale.
* Surdités :
Dans les surdités de perception, on peut
proposer un protocole de type surdité
brusque, dont l’efficacité est incertaine.
En
cas de vertige associé ou de surdité
fluctuante, on suspecte une fistule de type périlymphatique pouvant conduire à une
fermeture chirurgicale.
Dans les surdités de
transmission persistant après résorption de
l’hématome rétrotympanique (3 semaines),
on propose une exploration chirurgicale de
l’oreille moyenne (tympanoplastie).
* Fuites de liquide cérébrospinal
:
Elles peuvent se tarir spontanément, en
quelques jours ou quelques semaines.
L’antibiothérapie systématique « de
couverture » est actuellement controversée,
accusée par certaines équipes de masquer
des complications cérébrales débutantes.
En
l’absence d’amélioration, un traitement otoneuro-chirurgical s’impose.
Brûlures
:
A - BRÛLURES DE L’ARBRE
LARYNGOTRACHÉAL :
Elles surviennent lors d’incendie, par
inhalation de fumée et de suie.
Le patient
n’est pas directement vu par l’ORL, mais
adressé intubé et ventilé.
Les dépôts de suie
empêchent les échanges gazeux pulmonaires
et nécessitent un traitement local.
Celui-ci
est réalisé au bloc, sous anesthésie générale.
L’endoscopie initiale recherche d’éventuelles
lésions buccales, hypopharyngées ou
laryngées.
Le patient est extubé puis ventilé
grâce à un bronchoscope permettant des
lavages au sérum bicarbonaté de tout l’arbre
respiratoire.
Ceux-ci doivent être répétés
jusqu’à ce que le liquide instillé revienne
parfaitement limpide à l’aspiration.
B - BRÛLURES OESOPHAGIENNES
:
Elles surviennent après ingestion de
produits caustiques.
Cette ingestion est le
plus souvent accidentelle, le plus souvent
chez l’enfant.
Dans ce cas, la quantité de
produit ingérée est minime, ne pose pas de
problèmes toxiques, et n’entraîne pas de
complications secondaires.
L’ingestion peut
également être volontaire, pratiquée dans un
but d’autolyse.
Les quantités de produits
ingérés sont alors massives et les produits
utilisés très toxiques.
1- Ingestions accidentelles
:
Elles surviennent chez des enfants et
concernent des produits ménagers.
La
quantité de produit est le plus souvent
minime, l’enfant recrachant le liquide et n’en
absorbant en général pas plus d’une gorgée.
La quantité exacte, voire même le produit
ingéré, sont cependant difficiles à
déterminer, les produits ménagers étant
souvent transvasés dans des récipients sans
étiquette qui se renversent lors de l’accident.
Dès que l’ingestion est avérée, il faut enlever
les vêtements de l’enfant qui pourraient être
imbibés de produit irritant pour la peau et
le transférer dans un service d’urgences
spécialisées.
Il faut surtout ne rien
administrer par la bouche (le lait n’a aucune
efficacité).
Le lavage gastrique est également à
proscrire, en raison de risques de perforation
oesophagienne et de pneumopathie en cas
d’ingestion de produit moussant.
Il faut
essayer d’obtenir des parents le maximum
d’informations sur le produit en cause (type
et concentration).
Aux urgences, l’enfant est examiné, à la
recherche de lésions cutanées, endobuccales
et de signes de gravité (fièvre, aphagie,
dyspnée, emphysème).
L’absence de lésions oropharyngées ne permet en rien d’exclure
des lésions oesophagiennes.
La conduite à
tenir est donc fonction du produit en cause.
En cas de produit parfaitement bénin, aucun
bilan n’est pratiqué.
Les centres antipoisons
disposent des compositions des produits et
peuvent être consultés 24 h/24 h.
Actuellement, il n’est plus nécessaire de
pratiquer d’examen pour ingestion d’eau de
Javel, même concentrée (berlingot), sauf
pour le produit « Lacroix + », qui contient
de la soude.
En cas de doute sur le produit, de l’ingestion
d’un produit potentiellement dangereux, ou
de la présence de lésions buccales (même si
un produit bénin seul est incriminé, l’enfant
ayant pu absorber un autre produit dont le
flacon est passé inaperçu), un examen de
l’oesophage s’impose. Celui-ci est pratiqué
par fibroscopie souple, ne nécessitant pas
d’anesthésie générale.
Il est inutile de la
pratiquer dans les 4 heures suivant
l’ingestion, délai minimum pour la
constitution des lésions. Un examen normal
pratiqué avant n’a aucune signification.
Cet
examen fait le bilan des lésions et
conditionne la prise en charge.
Un simple
érythème ne requiert qu’un traitement antireflux.
Une brûlure plus profonde
nécessite la pose d’une sonde nasogastrique
permettant l’alimentation et le calibrage, un
traitement antibiotique à large spectre, des
antalgiques, un traitement antireflux et une
surveillance hospitalière.
Les pansements
oesophagiens ne sont pas efficaces et gênent
la surveillance fibroscopique. Les corticoïdes
n’ont pas d’intérêt.
L’emploi de produits
neutralisants est illusoire, sauf pour le
permanganate de potassium, en paillettes ou
en comprimés, pour lesquels l’administration
d’hyposulfite de soude peut
diminuer les lésions en profondeur.
2- Ingestions volontaires
:
Elles posent des problèmes bien différents.
Elles sont pratiquées dans un but d’autolyse.
Les produits ingérés sont souvent très
caustiques (soude) et les quantités ingérées
massives.
Les brûlures sont souvent
majeures. Une nécrose complète de
l’oesophage avec médiastinite peut survenir
en quelques heures, nécessitant une
oesophagectomie en urgence et un nursing
en réanimation.
Le pronostic vital immédiat est alors sombre.
Lorsque ces patients
survivent, les problèmes fonctionnels sont
majeurs.
En effet, les sténoses hypopharyngées
et oesophagiennes sont fréquentes
et sévères.
Leur traitement chirurgical est
lourd, allant des plasties avec lambeau musculocutané ou libre, jusqu’à la
pharyngolaryngectomie totale avec lambeau
en cas de fausses routes compromettant la
fonction respiratoire.
Corps étrangers
de l’oesophage
:
Ils peuvent survenir à tous les âges.
Les
jeunes enfants sont les plus fréquemment
touchés, suivis des personnes âgées
(ingestion d’appareil dentaire).
Le risque est
la perforation suivie de médiastinite.
Un corps étranger intraoesophagien se
traduit par l’apparition d’une dysphagie,
voire d’une aphagie, avec hypersialorrhée
s’il obstrue entièrement l’oesophage.
Une
radiographie simple peut mettre en évidence
un corps étranger radio-opaque (os, crochet
d’appareil dentaire, pièce de monnaie).
Le
transit oesophagien n’a pas beaucoup
d’intérêt.
Il vaut mieux lui préférer un
examen fibroscopique qui, après aspiration
de la salive, permet de visualiser le corps
étranger.
S’il n’est ni enclavé, ni trop
volumineux, cet examen permet également
son extraction.
Dans le cas contraire, une oesophagoscopie au tube rigide sous
anesthésie générale doit être pratiquée.
L’extraction peut s’avérer délicate en cas de
corps étranger enclavé ou contondant.
En
effet, une manoeuvre trop agressive risque
d’entraîner une perforation oesophagienne,
avec risque de médiastinite. Une perforation
peut survenir spontanément en cas de corps
étranger agressif.
Elle doit être suspectée
devant une dysphagie associée à une fièvre
et à un emphysème.
Si elle n’est pas
visualisée à l’oesophagoscopie, un transit
radio-opaque peut s’avérer concluant.
Un
traitement médical peut être tenté en cas de
brèche minime non compliquée vue
précocement.
Il associe antibiothérapie à
large spectre par voie veineuse et
alimentation parentérale ou grâce à une
sonde nasogastrique.
En cas de brèche large
diagnostiquée tardivement, ou de
complication (médiastinite), une chirurgie de drainage avec éventuellement
suture doit être pratiquée.
Micropiles
:
Elles posent des problèmes particuliers.
En
effet, une micropile enclavée dans
l’oesophage risque d’entraîner une
perforation rapide (en moins de 6 heures),
par création d’un courant électrochimique
localisé.
Sa présence dans l’oesophage
nécessite donc une extraction rapide.
Découverte plus tardivement dans l’estomac
ou l’intestin grêle, elle ne nécessite une
extraction (fibroscopique ou chirurgicale)
qu’en cas de stagnation.