Principales urgences iatrogènes médicamenteuses Cours de
réanimation - urgences
Généralités
:
Les enquêtes menées en France par les centres
régionaux de pharmacovigilance ont montré
que 3 % des admissions dans les hôpitaux
publics étaient en rapport avec un effet
indésirable médicamenteux, permettant
d’estimer à 130 000/an le nombre de patients
concernés.
On sait par ailleurs que le
risque de survenue d’un effet indésirable
médicamenteux est de 5 % lorsque le malade
prend au moins cinq médicaments et de 40 %
lorsque le nombre de médicaments dépasse
15.
En pratique, en dehors de la connaissance des
effets indésirables que peut entraîner un
médicament, c’est la chronologie d’apparition
de l’événement indésirable par rapport à la
prise médicamenteuse qui doit attirer
l’attention et amener, quand c’est possible, à
une enquête minutieuse sur les prises
médicamenteuses du patient, notamment les
plus récentes.
La régression spontanée de
l’événement à l’arrêt du ou des médicaments,
rarement constatée dans la cadre de l’urgence
en raison de la nécessité fréquente d’un
traitement correcteur, peut confirmer l’origine médicamenteuse, tout comme la réapparition
des symptômes au moment de la
réintroduction accidentelle du médicament.
Urgences hémorragiques
iatrogènes :
A - ANTICOAGULANTS
:
Les médicaments anticoagulants peuvent
induire des syndromes hémorragiques variés
soulignant la nécessité d’une surveillance
stricte et régulière des paramètres de la
coagulation.
Les accidents hémorragiques des
anticoagulants, potentiellement graves et/ou
mortels, sont particulièrement impliqués dans
le coût de l’iatrogénie médicamenteuse en
France.
1- Héparines
:
L’héparine non fractionnée, habituellement
bien tolérée à dose préventive, a un risque
hémorragique global de 9 % quand elle est
utilisée à dose curative, avec un pic de
fréquence des complications hémorragiques
survenant au troisième jour après la mise en
route du traitement.
Les complications
hémorragiques mortelles surviennent avec
une incidence de 1 pour 1 000 traitements.
Les manifestations hémorragiques les plus
fréquentes sont le méléna, les hématomes, les
hématuries macroscopiques.
Les plus graves
sont les hémorragies cérébrales et rétropéritonéales.
Les hémorragies cérébrales,
principalement à craindre chez le sujet
hypertendu et/ou âgé, ont un pronostic
particulièrement péjoratif.
Les hémorragies rétropéritonéales peuvent être responsables
d’un tableau de choc hypovolémique.
Les
héparines de bas poids moléculaire,
vraisemblablement en raison de leur action
ciblée sur le facteur Xa, exposeraient, à doses
curatives, à un risque hémorragique moindre
que les héparines non fractionnées.
2- Antivitamines K (AVK)
:
Les accidents hémorragiques des AVK,
préférentiellement rencontrés lors de la phase
d’équilibration du traitement, peuvent parfois
survenir tardivement lors d’utilisations
prolongées d’AVK.
En présence d’une anticoagulation orale par AVK, le risque
hémorragique est parallèle au degré
d’anticoagulation estimé par l’international
normalized ratio (INR).
Ce risque, faible pour
un INR compris entre 1,5 et 3, se situe entre 5
et 10 pour 1 000 jours de traitement pour un
INR compris entre 3 et 5, et devient supérieur
à 50 lorsque l’INR excède 5.
Le risque
hémorragique lié à une anticoagulation orale
est favorisé par l’âge, le sexe féminin,
l’existence d’une insuffisance rénale et la
stabilité de l’INR, mais ne semble pas
influencé par la durée de l’anticoagulation.
La possibilité d’une interaction médicamenteuse
ayant pu majorer les effets d’un AVK
doit par ailleurs être systématiquement
envisagée en face d’une complication
hémorragique.
Sont particulièrement à
redouter les interactions liées à un
déplacement des AVK de leur site de fixation aux protéines plasmatiques, décrites
principalement avec la phénylbutazone,
l’aspirine à fortes doses et le miconazole.
3- Autres anticoagulants
:
Les complications hémorragiques associées à
ces nouveaux anticoagulants (danaparoïde et
hirudines) ne semblent pas quantitativement
et qualitativement différentes de celles
rencontrées avec les héparines de bas poids
moléculaire.
B - ANTIAGRÉGANTS PLAQUETTAIRES
:
Le risque hémorragique des antiagrégants
plaquettaires est moins bien connu mais réel,
notamment si une intervention chirurgicale
urgente, ne permettant pas d’arrêter
l’antiagrégant dans les jours qui précèdent,
s’avère nécessaire.
Les modifications
prolongées de l’agrégation plaquettaire
entraînées par la ticlopidine (et possiblement
le clopidogrel) expliquent vraisemblablement
que le risque hémorragique per- et
postopératoire est plus important qu’en
présence d’aspirine seule.
Ceci a été suggéré
par une étude ayant comparé rétrospectivement
l’importance des hémorragies
postopératoires et des réinterventions chez
des patients ayant reçu aspirine ou ticlopidine
et ayant bénéficié d’une revascularisation
coronaire.
C - CONDUITE À TENIR
:
La survenue d’un accident hémorragique
induit par un traitement anticoagulant peut
imposer des mesures immédiates de
compensation des pertes sanguines en cas de
collapsus cardiovasculaire.
L’administration
d’antidotes peut s’avérer parfois nécessaire en
cas d’hémorragies graves : sulfate de
protamine pour neutraliser l’héparine ;
vitamine K1, facteurs de coagulation
vitamine K-dépendants (prothrombine,
proconvertine, facteur Stuart, facteur
antihémophilique [PPSB]) ou plasma frais
congelé en cas d’hémorragies dues aux AVK.
Urgences iatrogènes
cardiovasculaires :
A - URGENCES IATROGÈNES
RYTHMOLOGIQUES :
Elles peuvent être évoquées devant des
tableaux variés incluant : malaise
lipothymique, épisode syncopal et/ou
convulsif, arrêt circulatoire ou mort subite
ressuscitée.
L’examen clinique, complété d’un
enregistrement électrocardiographique,
permet d’opposer de façon schématique
bradycardies et tachycardies.
1- Bradycardies
:
* Dysfonction sinusale
:
De nombreux médicaments peuvent être à
l’origine, seuls ou en association, d’une
bradycardie sinusale symptomatique ou
d’une dysfonction sinusale.
Les produits
concernés sont principalement des cardiotropes, représentés par les digitaliques,
les bêtabloqueurs, certains antagonistes du
calcium (vérapamil, diltiazem, bépridil), la
clonidine, la méthyldopa, l’amiodarone.
Plus
rarement, la responsabilité de substances non cardiotropes est envisagée : antihistaminiques
H2 ou fluoxétine.
Souvent, le seul arrêt du ou
des médicaments impliqués est suffisant pour
corriger l’anomalie. Néanmoins, un
entraînement électrosystolique définitif peut
s’avérer nécessaire dans le cas où la prise
médicamenteuse a révélé une dysfonction
sinusale latente.
* Bloc auriculoventriculaire
:
Les mêmes substances cardiotropes, capables
d’induire une bradycardie sinusale ou une
dysfonction sinusale, peuvent entraîner un
bloc auriculoventriculaire de siège nodal
(suprahissien) , lui aussi souvent
spontanément régressif au seul arrêt du
traitement médicamenteux.
D’autres produits,
tels les antiarythmiques de classe Ia et Ic , la carbamazépine, les
antidépresseurs imipraminiques (à fortes
doses) peuvent par ailleurs entraîner un
trouble de conduction infranodal et dans
certains cas un bloc auriculoventriculaire
(intra- ou infrahissien), témoignant le plus
souvent de troubles de conduction organiques
préexistants, révélés cliniquement par la prise
médicamenteuse, et qui nécessitent
fréquemment la mise en place d’un
entraînement électrosystolique définitif.
2- Tachycardies
:
Dans certaines circonstances, la survenue
d’une tachycardie chez un patient recevant
un médicament doit faire évoquer un effet proarythmique (ou arythmogène) qui se
définit comme toute aggravation d’un trouble
du rythme cardiaque préexistant ou toute
apparition d’un nouveau trouble du
rythme.
Certains effets proarythmiques
peuvent mettre en jeu le pronostic vital et
sont particulièrement à redouter.
* Effets proarythmiques auriculaires
:
Les antiarythmiques de classe Ia et Ic peuvent
parfois accélérer la fréquence ventriculaire
d’un flutter auriculaire ou d’une tachysystolie
auriculaire conduisant à une tachycardie
rapide et mal tolérée.
Cet effet proarythmique trouve son
explication dans deux phénomènes :
– d’une part ces antiarythmiques, en
ralentissant la fréquence auriculaire de ces
troubles du rythme supraventriculaires,
peuvent laisser le temps au noeud
auriculoventriculaire de sortir de sa période
réfractaire, majorant ainsi la transmission des
influx d’origine auriculaire vers les
ventricules.
Par exemple, une tachysystolie
auriculaire à 250 battements/min transmise
en 2/1 aux ventricules (fréquence
ventriculaire à 125 battements/min) peut être
ralentie à 200 battements/min et transmise
alors en 1/1 aux ventricules (fréquence
ventriculaire à 200 battements/min) ;
– d’autre part, certains antiarythmiques
(disopyramide, flécaïnide) ont un effet
anticholinergique ou sympathomimétique qui
peut à lui seul augmenter la perméabilité du
noeud auriculoventriculaire et ainsi majorer la
conduction des influx d’origine auriculaire
vers les ventricules.
Un deuxième effet proarythmique
potentiellement grave peut se rencontrer à
l’étage supraventriculaire en cas de syndrome
de Wolff-Parkinson-White compliqué de
fibrillation auriculaire.
Le syndrome de Wolff-Parkinson-White est lié
à l’existence, au niveau cardiaque, d’une voie
accessoire à vitesse de conduction rapide
court-circuitant le noeud auriculoventriculaire.
En cas de fibrillation auriculaire, l’utilisation
de digitaliques, de vérapamil ou de diltiazem,
ralentit la conduction dans le noeud
auriculoventriculaire, orientant ainsi
préférentiellement les influx auriculaires vers
la voie accessoire.
Les digitaliques, par leurs
effets électrophysiologiques directs,
diminuent la période réfractaire de la voie
accessoire.
Le vérapamil et le diltiazem,
notamment par voie injectable, peuvent
entraîner une vasodilatation périphérique à
l’origine d’une réaction sympathique réflexe
responsable d’un raccourcissement de la
période réfractaire de la voie accessoire.
Ces actions conjuguées sur le noeud auriculoventriculaire et sur la période
réfractaire de la voie accessoire vont avoir
pour conséquence un passage massif des
influx d’origine auriculaire par la voie
accessoire, exposant ainsi à un risque de
tachyarythmie extrêmement rapide et mal
tolérée pouvant « dégénérer » en fibrillation
ventriculaire.
* Effets proarythmiques ventriculaires
:
Ils sont principalement représentés par la
survenue d’une tachycardie ventriculaire,
trouble du rythme ventriculaire grave qui
peut parfois traduire un effet proarythmique
ventriculaire.
Deux classes médicamenteuses
sont principalement à l’origine d’effets proarythmiques ventriculaires graves : les
tonicardiaques et les antiarythmiques.
Les effets proarythmiques ventriculaires
graves des tonicardiaques, en dehors du cas
particulier de l’intoxication digitalique, sont
principalement rencontrés avec les
bêtastimulants (isoprénaline, dobutamine) et
les inhibiteurs des phosphodiestérases
(amrinone, milrinone, énoximone).
Tous les antiarythmiques, notamment les
antiarythmiques de classe I, peuvent conduire à des effets proarythmiques ventriculaires
graves.
Une mention particulière mérite
d’être faite pour le sous-groupe Ic,
particulièrement impliqué dans la survenue
de tachycardies ventriculaires.
Un tel effet
indésirable est principalement à craindre chez
des patients porteurs d’un trouble du rythme
ventriculaire associé à une cardiopathie,
notamment ischémique, où un effet proarythmique
ventriculaire grave peut
apparaître rapidement après l’instauration du
traitement (dans les heures ou jours qui
suivent) ou lors d’une augmentation de la
posologie.
Torsades de pointes
:
Le cas particulier des torsades de pointes
représente un effet proarythmique
ventriculaire classique pour lequel la
responsabilité de très nombreux
médicaments, à la fois cardiotropes mais aussi
non cardiotropes, est bien établie.
Ce trouble
du rythme ventriculaire particulier (avec
rotation des ventriculogrammes autour de la
ligne isoélectrique entraînant l’aspect de
« torsade ») est habituellement spontanément
résolutif mais récidivant, et peut dans certains
cas se transformer en fibrillation ventriculaire
mortelle.
En dehors des accès de torsades,
le diagnostic doit être suspecté quand une
prolongation de l’intervalle QT est retrouvée
sur l’électrocardiogramme.
De nombreux
médicaments sont susceptibles d’augmenter
l’intervalle QT, notamment les antiarythmiques
de classe Ia et de classe III, auxquels viennent s’ajouter certains
psychotropes, mais aussi d’autres classes médicamenteuses.
Les facteurs favorisant la survenue des
torsades de pointes méritent d’être gardés en
mémoire et sont souvent retrouvés associés
aux médicaments responsables.
Ainsi, la
présence d’une bradycardie, d’une
hypokaliémie ou d’une hypomagnésémie,
majore incontestablement le risque de
survenue des torsades de pointes
médicamenteuses.
L’existence d’un syndrome
du QT long congénital préexistant méconnu
(car le plus souvent dans sa forme fruste)
représente également un facteur favorisant
bien validé.
Certaines interactions
médicamenteuses, à l’origine de torsades de
pointes, méritent d’être soulignées.
Ainsi, il
est contre-indiqué ou déconseillé d’associer
entre eux des produits capables de prolonger
l’intervalle QT.
Des inhibiteurs enzymatiques
hépatiques en diminuant la biotransformation
de certains médicaments, peuvent dévoiler
leur potentialité « torsadogène » : c’est le cas
des antifongiques azolés (kétoconazole,
itraconazole, fluconazole, miconazole), de
certaines antiprotéases du virus de
l’immunodéficience humaine (VIH)
(indinavir, nelfinavir, ritonavir, saquinavir),
macrolides (érythromycine, josamycine,
clarithromycine) en association avec le
cisapride.
B - URGENCES HÉMODYNAMIQUES
:
1- OEdème aigu du poumon
:
L’action inotrope négative des bêtabloqueurs,
de certains antagonistes du calcium
(vérapamil, diltiazem, bépridil) ou des
antiarythmiques de classe I peut favoriser, en
cas d’altération préexistante de la fonction
ventriculaire gauche, une décompensation
cardiaque pouvant s’exprimer sous forme
d’oedème aigu du poumon (ou de
décompensation cardiaque globale).
L’atteinte
myocardique, principalement occasionnée par
certains anticancéreux (anthracyclines), peut
également être en cause.
Cependant, devant
un tableau d’oedème aigu du poumon, c’est
avant tout un arrêt de la thérapeutique chez
un insuffisant cardiaque ou chez un
hypertendu qu’il faut savoir rechercher
comme facteur déclenchant.
En dehors des oedèmes aigus pulmonaires cardiogéniques, de rares cas d’oedèmes
pulmonaires lésionnels sont décrits, pouvant
conduire à un tableau de détresse respiratoire
aiguë de l’adulte.
Ces oedèmes lésionnels ont
été décrits lors de l’utilisation prolongée de
bêta-2 stimulants à visée tocolytique, lors de
chimiothérapies anticancéreuses (cytarabine,
bléomycine, mitomycine), lors de traitements
par nitrofurantoïne, sels d’or, D-pénicillamine,
mais aussi avec des médicaments aussi banals
que les salicylés ou les thiazidiques.
Enfin, les oedèmes pulmonaires compliquant
une injection de produit de contraste iodé,
préférentiellement vus avec les produits à
haute osmolalité, reconnaissent des
mécanismes variés pouvant faire intervenir
surcharge volémique, action inotrope négative
de ces produits et modification de la
perméabilité alvéolocapillaire.
2- États de choc
:
* Choc hypovolémique
:
Un choc hypovolémique vrai est rencontré en
cas de choc hémorragique iatrogène.
Le choc
anaphylactique, souvent d’origine
médicamenteuse, est la conséquence d’une hypovolémie relative et est envisagé dans le
cadre des urgences allergiques.
* Choc cardiogénique
:
Il est
essentiellement rencontré dans le cadre d'intoxications médicamenteuses
(antidépresseurs imipraminiques ,
méprobamate, colchicine, antiarythmiques de
classe I, bêtabloqueurs, antagonistes du
calcium, quinine et chloroquine).
Cependant,
il faut garder en mémoire qu’un choc cardiogénique peut traduire dans certains cas
un effet proarythmique grave.
C - URGENCES TENSIONNELLES
:
1- Hypotension artérielle
orthostatique :
Il faut savoir systématiquement la rechercher
devant toute lipothymie ou syncope
posturales.
L’hypotension artérielle
orthostatique est à l’origine de près de 15 %
des lipothymies et pertes de connaissance
brèves survenant après 65 ans et reconnaît
souvent une origine médicamenteuse.
Fréquemment asymptomatique, l’hypotension
artérielle orthostatique peut prendre
cliniquement le caractère d’une urgence
médicale en cas de « collapsus orthostatique »
apparaissant, soit immédiatement après la verticalisation, soit après un délai de quelque
minutes.
Si pratiquement tous les
antihypertenseurs peuvent entraîner une
hypotension artérielle orthostatique, les
produits principalement en cause sont les alphabloquants, les diurétiques et les
antihypertenseurs centraux.
Les psychotropes
sont, par ordre de fréquence, la deuxième
cause d’hypotension artérielle orthostatique
iatrogène, et les produits impliqués sont les
neuroleptiques, les antidépresseurs
tricycliques, et même les benzodiazépines.
Enfin, il faut également savoir évoquer la
responsabilité des dérivés nitrés, des antiarythmiques, des antiparkinsoniens
agonistes dopaminergiques ou anticholinergiques
dans la survenue de cet effet
indésirable.
2- Poussées hypertensives
:
Il convient d’opposer la poussée hypertensive
qui ne s’accompagne d’aucun signe de
souffrance viscérale à l’urgence hypertensive,
caractérisée par une souffrance viscérale
grave, cardiaque, rénale ou cérébrale.
Si
l’urgence hypertensive nécessite une prise en
charge hospitalière immédiate destinée à
prévenir ou limiter les dommages viscéraux,
la poussée hypertensive, fréquemment
asymptomatique, relève souvent d’une prise
en charge non hospitalière.
Ces situations
cliniques, notamment en cas de poussées
hypertensives, doivent amener à évoquer
systématiquement une origine iatrogène.
Deux circonstances peuvent être distinguées
selon que le patient est ou non antérieurement
hypertendu.
Chez l’hypertendu traité
efficacement, toute poussée hypertensive doit
faire éliminer un arrêt intempestif du
traitement antihypertenseur, ou l’introduction
récente d’un médicament susceptible de
diminuer l'efficacité du traitement
antihypertenseur (notamment la prise d’un
anti-inflammatoire non stéroïdien).
Chez le
sujet habituellement normotendu, une poussée hypertensive peut être provoquée
par certains médicaments ou certaines interactions
médicamenteuses.
La prise en charge des poussées
hypertensives, qui vise à diminuer progressivement le niveau de pression
artérielle, peut donc relever dans certaines
circonstances d’une reprise d’un traitement
antihypertenseur, ou au contraire de l’arrêt
d’un médicament ou d’une association
médicamenteuse à risque hypertenseur.
Urgences allergiques
:
A - CHOC ANAPHYLACTIQUE
:
Effet indésirable grave, susceptible de mettre
en jeu le pronostic vital si une prise en charge
rapide n'est pas assurée, le choc
anaphylactique est fréquemment d’origine
médicamenteuse.
Le
mécanisme physiopathologique du choc
anaphylactique correspond à une réaction
d’hypersensibilité immédiate déclenchée,
après immunisation, par une réexposition à
un antigène précédemment bien toléré.
L’hypovolémie relative du choc anaphylactique
est liée à la production anormale et
brutale d’immunoglobulines E spécifiques
d’un allergène médicamenteux, entraînant la
libération de médiateurs vasodilatateurs,
vasoperméants et chimiotactiques,
notamment d’histamine.
Le délai de survenue par rapport à la prise
médicamenteuse est rapide, intervenant dans
les secondes ou minutes qui suivent une
injection médicamenteuse parentérale ou dans
l’heure ou les heures qui suivent une
administration orale du médicament.
La
notion d’une sensibilisation antérieure n’est
pas toujours retrouvée.
Le tableau clinique est
celui d’une urgence hémodynamique où les
signes de collapsus cardiovasculaire sont au
premier plan, s’associant très rapidement à
des signes de choc puis des troubles de
conscience devant faire craindre l’apparition
d’un arrêt cardiorespiratoire.
S’associent de
façon inconstante à ce tableau clinique des
signes cutanés (urticaire géante, prurit,
éventuellement angioedème) et des signes
respiratoires à type de bronchospasme, mais
aussi parfois d’oedème laryngé (associé ou
non à un angioedème) exposant au risque
d’asphyxie.
En l’absence de traitement, le pronostic vital
est engagé et le décès peut intervenir dans un
tableau d’arrêt cardiocirculatoire et/ou
respiratoire.
Les signes d’alarme pouvant
précéder l’apparition du choc sont représentés
par des troubles digestifs à type de
vomissements, de douleurs abdominales, de
diarrhées, par des signes cutanés, notamment
à type de prurit palmoplantaire accompagné
ou non d’urticaire, par des signes respiratoires
à type d’angoisse, d’oppression thoracique ou
de gêne laryngée et par des signes généraux
à type de frissons.
La prise en charge immédiate d’un choc
anaphylactique est représentée par l’injection
par voie intraveineuse lente d’adrénaline.
Si
la situation est moins sévère, l’administration
peut être réalisée par voie intramusculaire.
Ce
traitement est complété dans un second temps
par la mise en place d’une voie d’abord
veineuse permettant de débuter un
remplissage par des solutés macromoléculaires
et par une oxygénothérapie instaurée
dès que possible.
En fonction des
circonstances, des corticoïdes peuvent être
associés, notamment en cas d’angioedème et
de la théophylline en cas de bronchospasme.
De façon un peu artificielle, ont été distingués
avec certains médicaments (notamment les
produits de contraste utilisés en radiologie)
des chocs « anaphylactoïdes » ne relevant
probablement pas d’un mécanisme
immunologique mais dont la traduction
clinique et la prise en charge thérapeutique
sont identiques.
La gravité et la difficulté du
traitement des chocs anaphylactiques
survenant chez des patients traités par
bêtabloqueurs ont été soulignées à plusieurs
reprises : l’utilisation du glucagon dans de
telles circonstances peut être une mesure
associée intéressante pour augmenter la
contractilité myocardique.
B - OEDÈME DE QUINCKE
:
L’angioedème se caractérise par un oedème
aigu sous-cutané qui correspond à la forme
profonde (hypodermique) de l’urticaire.
L’angioedème reconnaît schématiquement la
même étiologie médicamenteuse que le choc
anaphylactique (auquel il peut être associé) et
intéresse surtout les régions dotées d’un tissu
sous-cutané lâche ou les muqueuses.
L’oedème est plus douloureux que
prurigineux et, au niveau du visage, touche
principalement les paupières ou les lèvres
(oedème de Quincke).
L’épiderme sus-jacent
est le plus souvent normal et il convient de
rechercher systématiquement un oedème de
la langue, du voile ou de la glotte, qui traduit
une atteinte muqueuse associée.
L’atteinte
laryngée se traduit par une dyspnée
inspiratoire à type de bradypnée, une
modification de la voix et, en cas d’asphyxie,
mise en jeu des muscles respiratoires
accessoires.
La gravité du tableau clinique
peut conduire à la réalisation d’une
intubation, voire d’une trachéotomie,
exceptionnellement réalisée d’emblée, et le
plus souvent secondaire à l’absence de
réponse au traitement médical associant
adrénaline et corticoïdes injectables.
Urgences respiratoires
:
Un bronchospasme peut représenter une
urgence respiratoire et doit faire évoquer dans
certaines circonstances une origine
médicamenteuse.
Un bronchospasme
iatrogène peut s’intégrer dans un tableau de
réaction anaphylactique et reconnaît alors la
même étiologie médicamenteuse que celle du
choc anaphylactique.
L’anaphylaxie est également vraisemblablement
à l'origine de certains
bronchospasmes déclenchés de façon
exceptionnelle par les inhibiteurs de l’enzyme
de conversion, la N-acétylcystéine, certains
antimitotiques (vincristine).
Cependant,
d’autres médicaments peuvent déclencher de
façon isolée une crise d’asthme, les
mécanismes impliqués étant alors soit d’ordre
pharmacodynamique (blocage des récepteurs bêta-adrénergiques pour les bêtabloqueurs ou
médicaments parasympathomimétiques), soit
liés à une interférence avec la production des
médiateurs de la bronchomotricité (aspirine
et anti-inflammatoires non stéroïdiens).
Les cas de bronchospasme déclenchés par des
substances à activité parasympathomimétique
restent rares et principalement décrits avec la néostigmine, la triphosadénine (ou acide
adénosine triphosphate [ATP]) et l’adénosine.
En revanche, le déclenchement d’un
bronchospasme avec les bêtabloqueurs est un
effet indésirable abondamment décrit
intervenant essentiellement chez des sujets
prédisposés (antécédents d’asthme ou bronchopneumopathie chronique obstructive).
Le déclenchement d’une crise d’asthme par
les bêtabloqueurs ne se limite pas aux
administrations par voie générale, mais peut
également intervenir lors de l’administration
oculaire (par collyre) de ces produits.
Le
bronchospasme survient le plus souvent
rapidement après l’instauration du traitement,
parfois même dès la première prise
médicamenteuse et beaucoup d’auteurs
insistent sur la difficulté fréquemment
rencontrée du traitement de cet effet
indésirable pouvant parfois s’intégrer dans un
tableau d’asthme aigu grave.
Les
bêtabloqueurs bêta-1 sélectifs et/ou avec
activité sympathomimétique intrinsèque sont
considérés comme moins susceptibles de
produire ce type d’effet indésirable chez
l’asthmatique.
Cependant, cette bêta-1 sélectivité est relative et donc susceptible de
disparaître aux posologies élevées expliquant
que des bronchospasmes soient également
possibles avec ce type de produits.
Les rares
cas de bronchospasme décrits avec la propafénone sont vraisemblablement
également liés à un blocage des récepteurs
bêta-adrénergiques, compte tenu des
similitudes de formule de ce produit avec les
bêtabloqueurs.
En ce qui concerne les anti-inflammatoires
non stéroïdiens, et bien qu’il soit décrit
d’authentiques asthmes avec l’indométacine
et les dérivés pyrazolés, le cas particulier de
l’aspirine mérite d’être isolé.
L’asthme avec
intolérance à l’aspirine débute généralement
tardivement, à l’âge adulte et une
prédominance féminine est retrouvée.
La forme typique associe une triade décrite
par Fernand Widal comprenant polypose
nasale, asthme et intolérance à l’aspirine.
La polypose nasale ouvre le plus souvent la
scène clinique et débute par une rhinite
vasomotrice perannuelle, résistante aux
traitements et se transformant en obstruction
nasale permanente.
Les manifestations
asthmatiques sont plus tardives et ont une
évolution souvent grave.
L’intolérance à
l’aspirine va survenir de façon inopinée sur
ce tableau clinique et l’aspirine, jusqu’alors
bien tolérée, va déclencher dans les minutes
qui vont suivre sa prise un bronchospasme
parfois grave s’intégrant dans certains cas
dans un tableau clinique d’asthme aigu grave.
Les manifestations cutanées à type d’urticaire
ou d’angioedème sont rarement associées et
l’évolution du tableau clinique, une fois la
triade constituée, est souvent particulièrement
grave, associée à de fréquentes complications
infectieuses liées à la porte d’entrée
sinusienne.
Les crises d’asthme peuvent par
ailleurs s’accompagner de rhinorrhée, de
conjonctivite.
Une intolérance croisée avec les
anti-inflammatoires non stéroïdiens est
souvent constatée, interdisant ainsi la prise
de ces produits.
Le choix des antalgiques de
substitution (paracétamol, dextropropoxyphène...)
chez ce type de patients doit être
guidé par des tests de provocation permettant
de s’assurer de la bonne tolérance de ces
produits.
Par ailleurs, la polypectomie est
inefficace (car la polypose est récidivante de
façon quasi constante) et peut même être
dangereuse, car susceptible de faire apparaître
les crises d’asthme, ou l’intolérance à
l’aspirine.
Urgences métaboliques
iatrogènes :
Elles se résument essentiellement, dans un
contexte préhospitalier, au problème des
hypoglycémies iatrogènes.
Si le diagnostic de
certitude de l’hypoglycémie repose sur le
dosage plasmatique de la glycémie,
l’hypothèse clinique, vraisemblable en raison
des manifestations neuropsychiatriques et
neurovégétatives évocatrices, peut être
confortée dans un contexte d’urgence par le
dosage de la glycémie capillaire à l’aide d’une
bandelette réactive.
Une origine
médicamenteuse mérite toujours d’être
évoquée face à une hypoglycémie.
Deux contextes peuvent être distingués : celui
du sujet non traité pour un diabète et celui
du patient diabétique.
– Dans le premier cas, le principal argument
de présomption est d’ordre chronologique.
Divers médicaments ont pu être incriminés :
salicylés, paracétamol, dextropropoxyphène,
quinine, chloroquine, disopyramide,
quinidine, cibenzoline, perhexiline, bêta-2
stimulants, pentamidine, inhibiteurs de la
monoamine oxydase (IMAO), antidépresseurs
tricycliques, certains antithyroïdiens de
synthèse, octréotide et enfin, les dérivés
sulfhydrylés utilisés dans le traitement de
fond de la polyarthrite rhumatoïde (Dpénicillamine,
pyritinol et tiopronine).
Il s’agit pour tous ces médicaments
d’un effet indésirable imprévisible.
Très
particulière est l’hypoglycémie induite par un
médicament antidiabétique (insuline ou
antidiabétique oral) chez un sujet non
diabétique : il peut certes s’agir d’une
hypoglycémie accidentelle liée à la prise par
inadvertance du traitement d’un patient
diabétique par une personne de son
entourage, mais le plus souvent il s’agit d’une
intoxication volontaire s’intégrant dans une
pathologie psychiatrique, pathomimie ou
syndrome de Münchhausen.
– Le deuxième cadre de survenue d’une
hypoglycémie iatrogène est celui du patient
diabétique.
Il faut alors évoquer un
surdosage ou une erreur de posologie du
traitement habituel, mais aussi rechercher
l’adjonction récente au schéma thérapeutique
d’un traitement pouvant potentialiser les
médicaments antidiabétiques : phénylbutazone
et autres pyrazolés, salicylés à fortes
doses, inhibiteurs de l’enzyme de conversion,
bêtabloqueurs, certains sulfamides
antibactériens, AVK, miconazole, clofibrate, pour ne citer que les plus
classiques.
Sur le plan
thérapeutique, lorsque le diagnostic est évoqué sur des
arguments cliniques ou anamnestiques, une injection de sérum
glucosé 30 % doit être réalisée immédiatement, même en l’absence
de confirmation biologique.
La
régression des symptômes après recharge glucidique constitue de
fait un excellent argument diagnostique. L'autrepossibilité
thérapeutique en urgence est l’administration
de glucagon par voie intramusculaire.
Urgences
neuropsychiatriques :
A - CRISES ÉPILEPTIQUES ET ÉTATS
DE MAL ÉPILEPTIQUES :
S’il est habituel de ne pas mettre en route de
traitement spécifique devant une crise
convulsive isolée, la répétition des crises,
surtout sans reprise de conscience entre les
crises, représentative d’un état de mal
convulsif, doit amener à une prise en charge
thérapeutique rapide.
En dehors des
classiques mesures de réanimation, l’état de
mal convulsif impose un traitement anticonvulsivant par voie parentérale :
benzodiazépines en première intention,
diphénylhydantoïne ou valproate de sodium
en deuxième intention, barbituriques en
troisième intention.
L’origine iatrogène des crises est relativement
rare par rapport aux crises survenant dans le
cadre d’une épilepsie primaire ou secondaire.
Elle est cependant importante à reconnaître
dans une perspective pronostique, puisque
ces crises n’ont pas lieu de récidiver à l’arrêt
du traitement en cause et ne nécessitent donc
pas un traitement antiépileptique chronique.
Deux aspects des crises convulsives
iatrogènes doivent être distingués.
– Le premier est celui des crises convulsives
provoquées directement par la prise du
médicament.
Différents éléments favorisent la
survenue d’un tel effet indésirable :
antécédents personnels ou familiaux
d’épilepsie, épilepsie active, affection
cérébrale intercurrente, prise d’alcool,
association de plusieurs médicaments proconvulsivants.
Les médicaments
passant facilement la barrière hématoencéphalique
ou administrés par voie intrathécale, les modifications rapides des taux
plasmatiques sont également des facteurs favorisants. .
– L’autre aspect des crises et états de mal
épileptiques est celui des épilepsies survenant
lors du sevrage de certains médicaments.
Les
benzodiazépines, les barbituriques, le
méprobamate et le baclofène sont tout
particulièrement impliqués.
La symptomatologie
convulsivante survient habituellement
dans les 24 ou 48 heures suivant l’arrêt du
médicament, parfois plus tardivement si la
demi-vie d’élimination du produit est
longue.
Pour les benzodiazépines, les
produits à demi-vie d’élimination courte sont
plus souvent en cause.
Les facteurs
favorisants sont les mêmes que ceux
précédemment décrits.
B - SYNDROMES EXTRAPYRAMIDAUX
AIGUS :
1- Troubles moteurs aigus
:
Si ces complications iatrogènes n’ont
habituellement aucun caractère de gravité,
leur aspect spectaculaire provoque souvent
l’affolement du patient et de son entourage,
conduisant à consulter en urgence.
Ces
troubles moteurs regroupent dyskinésies et
dystonies, qui sont souvent intimement
liées.
Ils affectent, de façon plus ou moins
associée la sphère bucco-linguo-oculo-faciale
(protraction linguale, trismus ou ouverture
irréductible de la bouche, crise oculogyre,
blépharospasme), la région cervicale
(torticolis, rétrocolis), le tronc et les membres
(opisthotonos, rotation du tronc, torsion de
membres).
Le syndrome de Pise
correspond à une rotation et une flexion de la
tête, du cou et de la partie supérieure du
tronc.
Les neuroleptiques sont le plus
souvent en cause dans la survenue de ces
complications motrices extrapyramidales.
Les
manifestations indésirables s’installent dans
les 48 premières heures suivant l’instauration
du traitement ou une augmentation posologique.
Les sujets
jeunes et de sexe masculin sont les plus touchés.
Si tous les
neuroleptiques peuvent être concernés, les neuroleptiques
incisifs sont plus fréquemment en cause.
En dehors
des neuroleptiques utilisés à visée psychiatrique, les
neuroleptiques dits « cachés », en particulier les antiémétiques
(notamment le métoclopramide) , sont également responsables de
complications motrices extrapyramidales aiguës.
Le
traitement des dyskinésies aiguës aux neuroleptiques repose sur
l'administration parentérale
d’anticholinergiques ou à défaut d’une
benzodiazépine en cas de contre-indication
aux anticholinergiques.
2- Syndrome malin
des neuroleptiques
:
Ce syndrome, assez rare, est néanmoins
important à reconnaître en raison du
pronostic vital qu’il engage.
L’installation
d’un syndrome malin est rapidement
progressive aboutissant à une phase d’état
associant une rigidité musculaire diffuse, une
altération de l’état de conscience, des
désordres neurovégétatifs (hyperthermie,
sueurs profuses, tachycardie, labilité tensionnelle).
Sur le plan biologique,
l’élévation du taux des enzymes musculaires
est le fait le plus marquant.
En l’absence de
prise en charge, l’évolution peut être mortelle
dans 20 à 30 % des cas si survient une
pneumopathie ou une déshydratation.
Dans
les autres cas, la guérison survient en 5 à 10
jours, le plus souvent sans séquelle.
En
dehors des mesures de réanimation visant à
corriger les désordres hydroélectrolytiques et
cardiorespiratoires, le dantrolène, les
agonistes dopaminergiques et les
benzodiazépines peuvent avoir un effet
bénéfique.
Les neuroleptiques incisifs de
type butyrophénone et les neuroleptiques à
action prolongée sont le plus fréquemment
associés à la survenue d’un syndrome
malin.
La durée du traitement ne semble
pas représenter un facteur favorisant, un
syndrome malin pouvant apparaître après les
premières prises comme après un traitement
prolongé.
L’association de plusieurs
neuroleptiques, comme la prise concomitante
de sels de lithium, favorise le risque de
survenue du syndrome malin.
Le rôle de
l’âge, du sexe ou de la pathologie
psychiatrique sous-jacente dans la survenue
d’un syndrome malin est en revanche plus
discuté.
Le risque de récidive est
augmenté par une remise en route trop
précoce d’un traitement neuroleptique, en
particulier incisif, par l’existence d’un trouble
de l’humeur bipolaire ou la prise d’un sel de
lithium.
En dehors des neuroleptiques, un
sevrage brutal en lévodopa peut entraîner,
chez le malade parkinsonien, un syndrome
clinique similaire à celui du syndrome malin
des neuroleptiques.
C - SYNDROME SÉROTONINERGIQUE
:
Les médicaments modifiant la transmission
sérotoninergique sont susceptibles de donner
lieu à un syndrome sérotoninergique,
d’incidence mal connue et qui justifie l’arrêt
immédiat du traitement.
Ce syndrome se manifeste le plus souvent
brutalement par l’apparition, simultanée ou
séquentielle, d’un ensemble de symptômes
qui entraîne habituellement l’hospitalisation
et peut mettre en jeu le pronostic vital.
Ces
symptômes peuvent être d’ordre :
– psychique : agitation, confusion,
hypomimie, éventuellement coma ;
Si les médicaments qui modifient la
transmission sérotoninergique peuvent, utilisés seuls, conduire, en
particulier en cas de surdosage, à l’apparition
d’un syndrome sérotoninergique, celui-ci est
favorisé par l’association de deux
médicaments augmentant la biodisponibilité
de la sérotonine au niveau du système
nerveux central par deux mécanismes
différents.
Le strict respect des doses
préconisées constitue un facteur essentiel
dans la prévention et l’apparition de ce
syndrome.
La prise en charge est difficile car peu codifiée
et elle reste symptomatique.
Dans les formes
bénignes, la régression des symptômes se fait
habituellement en 1 à 2 jours avec l’arrêt du
traitement.
Dernièrement, plusieurs cas de
syndromes sérotoninergiques ont été traités
avec succès par chlorpromazine (antagoniste
dopaminergique) en association avec la
cyproheptadine (antagoniste sérotoninergique).
Si le diagnostic différentiel avec le syndrome
malin des neuroleptiques peut être difficile,
certains arguments plaident en faveur de l’un
ou l’autre de ces diagnostics.
Une agitation,
des myoclonies, une hyperréflexie, une
diarrhée, une incoordination motrice
d’installation rapide sont en faveur d’un
syndrome sérotoninergique.
La rigidité
musculaire, la dysphagie, l’incontinence, le
mutisme, la bradykinésie, la leucocytose et les
anomalies musculaires biologiques doivent
faire évoquer un syndrome malin.
Le
mécanisme d’action dopaminergique ou sérotoninergique du médicament suspecté est
également un signe d’orientation fort.
D - ÉTATS D’AGITATION
:
Un état d’agitation est une excitation
psychomotrice.
Ce trouble du comportement est un des plus
faciles à reconnaître du fait de son caractère
spectaculaire.
En raison du risque de passage
à l’acte auto- ou hétéroagressif, il nécessite
une prise en charge immédiate alliant une
sédation médicamenteuse à d’éventuelles
mesures d’hospitalisation sous contrainte.
Les
états d’agitation reconnaissent différentes
étiologies s’intégrant soit dans le cadre d’une
origine somatique (confusion mentale ou
détérioration intellectuelle) soit dans celui
d’une origine psychiatrique (attaque de
panique, trouble de l’humeur, psychose,
névrose ou trouble du caractère).
La plupart
des états d’agitation s’associant à un accès
maniaque ou à un état psychotique sont
d’origine endogène, et rares sont les cas où la
responsabilité de dérivés amphétaminiques,
d’antiparkinsoniens, de médicaments
contenant de l’éphédrine, des antidépresseurs,
des corticoïdes ou de l’isoniazide (pour ne
citer que les produits le plus fréquemment
impliqués) puisse être retenue.
En revanche,
en face d’un état d’agitation confusionnel, il
convient d’évoquer systématiquement une
origine médicamenteuse.
À l’agitation
s’associent dans ce cas une désorientation temporospatiale, une amnésie antérograde,
une obnubilation, une perplexité anxieuse et
un délire onirique.
Ce syndrome confusionnel
peut être global ou dissocié avec
prédominance des troubles mnésiques ou
oniriques.
Les médicaments pouvant
provoquer un syndrome confusionnel sont
nombreux.
Les plus fréquemment en cause
sont les psychotropes (barbituriques,
benzodiazépines, antidépresseurs ,
neuroleptiques, lithium), les médicaments antiparkinsoniens (lévodopa et agonistes
dopaminergiques), les anticholinergiques, les anticonvulsivants, les digitaliques, la
méthyldopa, les opiacés, les antihistaminiques
H2 , la théophylline, certains agents antifongiques (griséofulvine, imidazolés), le
baclofène et, en anesthésiologie, la
kétamine.
Un cas particulier est représenté par les
réactions dites « paradoxales » après prise
d’une benzodiazépine ou d’une molécule
apparentée (zolpidem, zopiclone).
Ces
troubles comportementaux correspondent à
une amnésie de fixation, à des phénomènes
d’automatisme, à un comportement
inhabituel, parfois d’euphorie, le plus souvent
fait d’irritabilité, voire d’agressivité, à une désinhibition et une impulsivité anormale.
Bien que rares, ces troubles psychocomportementaux
peuvent être dangereux pour le
patient lui-même ou pour autrui.
Plusieurs facteurs favorisent ces réactions
paradoxales : les premières administrations ou
les traitements discontinus, même si elles
peuvent apparaître à n’importe quel moment
du traitement ; les molécules à demi-vie
brève, bien que toutes les molécules aient été
impliquées ; l’association à une prise d’alcool,
les antécédents de troubles du comportement
sous benzodiazépines ou d’ivresse
pathologique, l’existence d’un trouble de
personnalité avec risque impulsif.
Conclusion
:
Dans le cadre d’une urgence, la reconnaissance
d’une cause iatrogène n’apparaît pas
initialement indispensable pour assurer la
prise en charge thérapeutique du patient.
Néanmoins, savoir précocement évoquer une
cause médicamenteuse dans ces circonstances
apparaît essentiel car :
– c’est au domicile du patient qu’un constat
précis des prises médicamenteuses peut être le
plus facilement réalisé et une chronologie
précise des événements établie avec le patient
et/ou l’entourage ;
– dans certains cas, l’arrêt immédiat du
médicament (associé ou non à un traitement
simple) peut suffire à assurer une évolution
favorable, évitant ainsi l’hospitalisation et une
récidive, parfois plus grave, en cas de
réintroduction du produit.