Le rétinoblastome est une tumeur intraoculaire hautement maligne
touchant essentiellement le nourrisson et le jeune enfant.
C’est la
tumeur intraoculaire maligne la plus fréquente chez l’enfant.
Sa
fréquence est estimée approximativement à 1 pour 15 à
20 000 naissances.
C’est une tumeur d’origine génétique.
Deux
mutations du gène rétinoblastome situé sur le bras long du
chromosome 13 sont nécessaires à son apparition.
Dans les formes
bilatérales, il existe une mutation somatique préexistante
transmissible à la descendance selon un mode autosomal dominant.
Dans les formes unilatérales, les deux mutations surviendraient au
niveau de la cellule rétinienne mais 15 à 20 % des formes unilatérales
présentent la mutation germinale.
Les aspects génétiques et le
conseil génétique seront détaillés ultérieurement.
Le rétinoblastome met en jeu le pronostic vital de l’enfant et
également le pronostic visuel.
Le pronostic vital lié à la tumeur est
un problème majeur dans les pays en voie de développement du
fait de la fréquence dans ces pays de l’extension orbitaire et des
métastases.
Dans les pays développés, le pronostic vital peut être
mis en jeu par la prédisposition génétique à d’autres cancers comme
le pinéaloblastome (rétinoblastome trilatéral) et plus fréquemment à
des sarcomes secondaires. Le pronostic visuel peut être mis en jeu
lorsque l’atteinte est bilatérale.
Épidémiologie
:
Il n’y a pas de prédisposition pour une race ou un sexe ou un côté
droit ou gauche.
La tumeur est bilatérale dans environ 35 % des cas.
Les formes bilatérales sont en augmentation du fait du
développement des formes familiales.
Dans les formes bilatérales, le
nombre moyen de tumeurs par oeil est de 5.
Le diagnostic se fait à
un âge moyen de 2 ans pour les formes unilatérales et 1 an pour les
formes bilatérales.
Lorsqu’il existe des antécédents familiaux de rétinoblastome, le diagnostic peut se faire dès la naissance par un
examen systématique du fond d’oeil.
Les formes diagnostiquées
tardivement après l’âge de 5 ans sont rares.
La survenue d’un rétinoblastome est exceptionnelle à l’âge adulte.
B - CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE
:
Les signes d’appel les plus fréquents sont la leucocorie
et le strabisme.
1- Leucocorie :
La leucocorie ou reflet blanc dans la pupille traduit toujours une
tumeur relativement évoluée.
Elle n’est d’abord visible que sous certaines incidences et avec
certains éclairages puis lorsque la tumeur a grossi, elle devient
permanente (c’est l’aspect classique d’oeil de chat amaurotique).
Elle
est facilement remarquée par l’entourage proche du bébé mais n’est
pas toujours visible au début lors de l’examen médical. Néanmoins
l’existence de ce symptôme devrait toujours faire pratiquer un fond
d’oeil après dilatation pupillaire.
La leucocorie est parfois bien mise
en évidence sur les photographies aux flashes : la pupille apparaît
orangée sur l’oeil normal et blanche sur l’oeil malade.
Malheureusement, la signification de cette anomalie n’est pas
toujours connue des parents.
Un test de dépistage basé sur cet aspect
photographique est en cours d’étude.
2- Strabisme
:
Le strabisme est un signe d’appel qui peut être relativement précoce
lorsque la tumeur est localisée dans la région maculaire.
Il peut
s’agir d’un strabisme convergent ou divergent.
Il faut garder à
l’esprit que si un strabisme accommodatif intermittent est habituel
chez le nourrisson, la survenue d’un strabisme unilatéral permanent
est un signe d’appel pouvant correspondre à une tumeur
intraoculaire et justifiant un examen du fond d’oeil après dilatation.
3- Autres signes :
Le nystagmus peut être un signe révélateur surtout lorsque la
tumeur est bilatérale.
La buphtalmie traduit en général une forme évoluée de la
maladie et justifie une prise en charge thérapeutique adaptée.
La néovascularisation irienne est fréquente dans les formes évoluées
de rétinoblastome.
Elle est caractérisée par la présence de néovaisseaux sur la surface de l’iris entraînant une hétérochromie
irienne.
Ce processus néovasculaire est secondaire à l’ischémie du
segment postérieur provoquée par la tumeur et peut être
responsable d’une hypertonie oculaire avec douleurs et oedème de
cornée.
Un hyphéma spontané peut survenir.
Celui-ci doit faire pratiquer
un examen du fond d’oeil surtout en l’absence d’antécédent
traumatique.
Lorsque le fond d’oeil est inexplorable, un examen
échographique ou un scanner peut être nécessaire.
Une hémorragie du vitré est parfois révélatrice.
Le pseudohypopion peut se voir lorsqu’il existe un envahissement
de la chambre antérieure, soit dans les formes évoluées de
rétinoblastome, soit dans les formes infiltrantes.
Il peut orienter à
tort vers une uvéite.
Des signes inflammatoires sont parfois rencontrés du fait de la
nécrose spontanée massive de la tumeur.
Ainsi on peut observer une
uvéite, un oedème des paupières, une conjonctivite, voire parfois une
panophtalmie ou une cellulite orbitaire avec exophtalmie.
4- Associations rares
:
Bien que les enfants atteints de rétinoblastome aient le plus souvent
un cristallin clair et une longueur axiale normale, le rétinoblastome
peut, dans certains cas, être associé à une cataracte congénitale, à
une persistance du vitré primitif, voire à une microphtalmie.
C - FORMES CLINIQUES :
Formes évolutives :
* Forme précoce
:
Elle est le plus souvent diagnostiquée lors d’un examen
systématique du fond d’oeil lorsqu’il existe un antécédent familial
de rétinoblastome.
Cette forme débutante est difficile à voir au fond d’oeil ; elle se
présente comme une lésion peu saillante, transparente, pouvant
mesurer moins de 1 mm de diamètre.
Chez les nourrissons de moins
de 3 mois, les lésions sont presque toujours localisées au niveau du
pôle postérieur.
Après l’âge de 6 mois, elle se développent de plus
en plus au niveau de la périphérie rétinienne et vers l’âge de 1 an,
elles sont souvent voisines de l’ora serrata.
* Plus tardivement
:
À un stade ultérieur, le rétinoblastome prend un aspect plus
caractéristique.
La forme endophytique est de loin la plus fréquente.
Elle se
présente comme une masse blanchâtre dont la taille peut aller de
1 mm à plusieurs millimètres, voire parfois supérieure à 15 mm.
Sa
forme est irrégulière fréquemment polycyclique.
Elle présente
souvent au centre des calcifications spontanées d’un blanc beaucoup
plus dense.
Dans les formes héréditaires, il s’agit le plus souvent
d’une lésion plurifocale.
La vascularisation de la tumeur est toujours
importante : les vaisseaux afférents présentent une dilatation angiomateuse caractéristique.
Plus la lésion est saillante plus elle a
tendance à envahir le vitré.
L’envahissement du vitré peut prendre
la forme d’une fine poussière blanchâtre localisée au sommet de la
tumeur mais peut aussi correspondre à une forme massive avec de
gros nodules blanchâtres flottant à l’intérieur de la cavité vitréenne
ressemblant à des flocons de neige.
La forme exophytique est plus rare ; elle se développe sous
la rétine et entraîne rapidement un décollement exsudatif, d’abord
localisé au pourtour de la tumeur puis évoluant vers le décollement
total.
Des formes mixtes endophytique et exophytique peuvent se
voir.
* Formes évoluées
:
Elles se voient surtout dans les pays en voie de développement.
Elles
seront décrites dans le chapitre « Rétinoblastomes extraoculaires ».
* Forme infiltrante diffuse
:
Elle est très importante à connaître car pouvant orienter à tort vers
une hyalite (cf. Diagnostic différentiel).
En l’absence d’un diagnostic
précoce, l’évolution se fait vers un envahissement de la chambre
antérieure avec hypopion.
* Rétinocytome
:
C’est une forme rare bénigne encore appelée rétinome.
Cliniquement, le rétinocytome peut ressembler à une tumeur
irradiée : il a un aspect translucide peu saillant et ne présente pas de
vaisseau dilaté ; des calcifications centrales sont fréquentes.
Les formes spontanément régressives sont exceptionnelles.
Il faudra
les rechercher chez les parents des enfants atteints pour éliminer
une forme familiale.
D - DIAGNOSTIC :
L’examen du fond d’oeil sous anesthésie générale est l’examen
essentiel qui est le plus souvent complété par une échographie et un
scanner.
On observe au fond d’oeil une ou plusieurs masses blanches
s’accompagnant d’une dilatation angiomateuse des vaisseaux.
Les
formes exophytiques ont tendance à décoller la rétine alors que les
formes endophytiques envahissent plutôt la cavité vitréenne.
L’essaimage vitréen est un facteur de gravité non négligeable.
Pendant l’anesthésie, on prend des photographies du fond d’oeil et
on effectue une échographie et un bilan sanguin.
Dans les formes typiques, l’échographie retrouve une masse très échogène et le scanner montre des calcifications.
L’imagerie par
résonance magnétique (IRM) est utile en cas de doute sur un
envahissement du nerf optique qu’elle permet de mieux préciser.
À la fin de l’examen, on établit un schéma précis des tumeurs, de
leur taille, de l’état de la rétine et du vitré ; on utilise la classification
de Reese-Ellsworth et plus récemment la classification ABC pour
déterminer un groupe pour chaque oeil atteint.
E - DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :
Certaines affections sont de diagnostic facile comme la persistance
du vitré primitif, les colobomes, les fibres à myéline, les astrocytomes de la rétine, les hamartomes
combinés de la papille et du neuroépithélium et les angiomes
rétiniens ou choroïdiens.
Les dystrophies maculaires et les
papilles en « fleur de liseron » ont également des aspects
faciles à reconnaître.
Le médulloépithéliome a le plus souvent un aspect clinique
différent.
C’est une tumeur le plus souvent localisée au niveau du
corps ciliaire, grisâtre avec des kystes caractéristiques en surface.
1- Maladie de Coats :
La maladie de Coats est facile à reconnaître dans sa forme précoce
qui comporte des télangiectasies au niveau des vaisseaux rétiniens rapidement responsables d’exsudats jaunâtres.
Il faut savoir
néanmoins que le rétinoblastome s’accompagne souvent d’une
dilatation angiomateuse des vaisseaux avec parfois une exsudation
importante.
La constatation cependant de masses blanches souvent plurifocales associées à ces lésions vasculaires oriente facilement
vers un rétinoblastome.
Dans sa forme évoluée, la maladie de Coats peut représenter un
véritable piège diagnostique.
Elle se présente alors sous forme d’un
décollement total de la rétine derrière lequel les cristaux de
cholestérol contenus dans les exsudats peuvent se rassembler,
réalisant à l’échographie l’aspect d’une masse rétrorétinienne avec
parfois des microcalcifications.
Le scanner est en règle négatif mais
peut également montrer des microcalcifications.
La ponction de
chambre antérieure avec dosage de l’énolase peut être utile.
Il existe
en principe un taux élevé d’énolase dans le rétinoblastome alors que
celui-ci est normal dans la maladie de Coats.
Néanmoins, des faux
négatifs ont été décrits dans la littérature et en cas de doute
diagnostique, il vaut mieux énucléer un oeil non fonctionnel plutôt
que de laisser évoluer un rétinoblastome.
2- Uvéite
:
L’autre gros piège diagnostique dans le rétinoblastome est le
rétinoblastome infiltrant diffus qui peut être très difficile à
différencier d’une uvéite.
C’est une forme rare de rétinoblastome dans laquelle la tumeur a
plutôt tendance à infiltrer la rétine sans réaliser de masse
individualisable.
Il existe souvent un essaimage dans le vitré qui oriente à tort vers une hyalite.
Au début, on peut souvent observer
sur la rétine des formations arrondies blanchâtres de 1 ou 2 mm de
diamètre très caractéristiques.
Plus tard, le tableau est celui
d’un décollement de rétine avec hyalite puis plus tardivement
encore, d’un hypopion et d’une rubéose de l’iris.
Le diagnostic est
d’autant plus tardif que la maladie survient chez des enfants en
règle plus âgés (des cas ont été observés jusqu’à 12 ans) et que les
explorations radiologiques, scanner et IRM, ne permettent pas de
faire le diagnostic.
L’échographie montre également un décollement
total de la rétine sans masse tumorale individualisable mais on peut
parfois constater que la rétine est anormalement épaissie.
Sur le plan histologique, il s’agit en général d’une tumeur
indifférenciée ou peu différenciée.
L’envahissement du nerf optique peut survenir du fait du retard au
diagnostic réalisant un tableau gravissime.
La ponction de chambre
antérieure peut être utile mais n’est pas sans danger lorsqu’il existe
un envahissement de la chambre antérieure par des cellules
tumorales.
Les uvéites en général peuvent poser des problèmes diagnostiques
avec le rétinoblastome d’autant plus que celui-ci peut être
responsable d’une inflammation oculaire et parfois orbitaire.
Là
encore, la ponction de chambre antérieure peut être utile.
Outre le
dosage de l’énolase, il faut doser les anticorps, notamment anti-
Toxocara.
L’uvéite à Toxocara canis comporte souvent une masse
blanche au fond d’oeil qui peut orienter à tort vers un
rétinoblastome.
Dans certains cas, les sérodiagnostics sont négatifs
dans le sang mais positifs dans l’humeur aqueuse, ce qui permet
d’éviter l’énucléation. Les choroïdites et la maladie des
griffes du chat donnent des masses blanchâtres au fond
d’oeil parfois trompeuses.
En cas de doute avec un rétinoblastome, la vitrectomie est
formellement contre-indiquée.
Au total, il faut toujours suspecter un rétinoblastome infiltrant diffus
chez tout enfant, quel que soit son âge, porteur d’une endophtalmie
unilatérale inexpliquée.
F - TRAITEMENT :
La prise en charge thérapeutique du rétinoblastome ne se
conçoit que dans un centre spécialisé, par une équipe
pluridisciplinaire.
1- Effets secondaires de l’irradiation externe :
La tendance actuelle à diminuer si possible les indications de
l’irradiation externe est justifiée par les effets secondaires à cette
irradiation.
Ces effets sont d’autant plus marqués que l’enfant est jeune au
moment de l’irradiation.
– Le défaut de croissance du massif facial dans le territoire irradié a
des conséquences esthétiques non négligeables avec, en particulier,
une hypoplasie orbitaire du côté irradié entraînant, en cas
d’irradiation unilatérale, une asymétrie faciale, en cas d’irradiation
bilatérale une dépression temporale bilatérale.
Il s’y associe en cas
d’énucléation secondaire des difficultés de tolérance de la prothèse
dues à la sécheresse orbitaire.
– Des séquelles endocrines.
Malgré le progrès actuel de la
dosimétrie, l’irradiation externe entraîne, lorsqu’elle est bilatérale,
un risque non négligeable d’irradiation hypophysaire dont la
manifestation essentielle est un défaut de sécrétion en hormone de
croissance dépisté par un ralentissement de la vitesse de croissance
dans les années suivant l’irradiation et qui nécessite en règle un
traitement hormonal substitutif.
La perturbation d’autres sécrétions
endocrines (thyréotrope, corticotrope) est plus rare.
– Augmentation du risque de sarcome secondaire dans le champ
d’irradiation.
Les sujets atteints de rétinoblastome
(particulièrement dans les formes bilatérales ou unilatérales
multifocales) ont constitutionnellement un risque élevé de deuxième
tumeur, en particulier de sarcome.
L’irradiation comporte en ellemême
un risque de sarcome secondaire dans le champ d’irradiation
mais ce risque est particulièrement élevé chez les patients atteints
de rétinoblastome.
Le risque de décès par sarcome secondaire dans
cette population a pu être estimé jusqu’à 20 % ou 30 % lorsque le
recul atteint ou dépasse 40 ans.
– Séquelles oculaires.
L’interprétation du retentissement visuel après
traitement pour rétinoblastome n’est pas univoque puisqu’il dépend
des sites tumoraux initiaux et des effets secondaires de l’ensemble
des traitements (effets secondaires de l’irradiation, de la
chimiothérapie et des traitements locaux).
On sait cependant que la
radiothérapie entraîne souvent une sécheresse oculaire et parfois une
cataracte.
2- Chimiothérapie :
Depuis une dizaine d’années, nous avons accompli des progrès
significatifs dans le traitement chimiothérapique du rétinoblastome.
En témoigne l’amélioration très nette de la survie dans les formes extraoculaires de rétinoblastome.
Ces progrès nous autorisent
actuellement à utiliser la chimiothérapie dans les formes
intraoculaires de rétinoblastome comme traitement d’attaque.
Le rôle de la chimiothérapie néoadjuvante dans le rétinoblastome
avec atteinte intraoculaire peut être envisagé de plusieurs façons :
– dans les formes les moins étendues, la diminution du volume
tumoral par chimiothérapie permet une plus grande accessibilité aux
traitements locaux ophtalmologiques conservateurs classiques ou
nouveaux comme la thermochimiothérapie ;
– dans les tumeurs plus étendues, la chimiothérapie pourrait
permettre d’améliorer le taux de conservation oculaire après
irradiation externe ;
– dans les formes unilatérales avec buphtalmie, elle diminue les
risques de rupture peropératoire du globe oculaire.
Le choix de la combinaison VP 16 et carboplatine pour la
chimiothérapie néoadjuvante du rétinoblastome intraoculaire se
justifie par l’activité reconnue de cette combinaison dans le
rétinoblastome extraoculaire.
En général, le maximum de réduction tumorale est obtenu après
deux cures ; il faut ensuite compléter le traitement, soit par une
irradiation externe, soit par des traitements locaux.
3- Méthodes thérapeutiques
:
* Énucléation
:
L’énucléation ou ablation chirurgicale de l’oeil doit être faite par un
ophtalmologiste habitué à ce type d’intervention ; le respect de
certaines règles simples y est impératif : éviter les points perforants ou les ruptures traumatiques du globe oculaire, sectionner le nerf
optique le plus loin possible, confier immédiatement le globe
oculaire aux anatomopathologistes qui peuvent ainsi réaliser des
prélèvements tumoraux pour étude génétique en biologie
moléculaire.
Pour obtenir un aspect esthétique satisfaisant avec une
prothèse mobile, on remplace le volume de l’oeil par un implant en
corail sur lequel sont greffés les muscles oculomoteurs.
Les
implants en corail ou hydroxyapatite ont l’avantage par rapport au
silicone de s’intégrer dans les tissus orbitaires ce qui met à l’abri
d’un rejet de l’implant parfois tardif ; des déhiscences
conjonctivales en regard de la surface rugueuse de ces implants sont
possibles, souvent bien tolérées; la prothèse qui a
une forme de lentille peut être mise en place par le prothésiste
1 mois après l’intervention.
L’examen anatomopathologique est essentiel : immédiatement après
l’énucléation, on réalise un prélèvement tumoral par ponction à
l’aiguille du globe oculaire pour permettre une étude cytogénétique
de la tumeur.
* Anomalies chromosomiques des rétinoblastomes
:
Les analyses caryotypiques classiques effectuées sur des tumeurs
après énucléation ont montré que les rétinoblastomes présentent des
anomalies chromosomiques caractéristiques : isochromosome 6p,
trisomie 1q, monosomie 16, délétion du 13 etc.
Dans de rares cas,
sont observés des chromosomes doubles-minutes ou des
homogeneously staining regions (hsr), évoquant l’existence
d’amplifications géniques.
Ces données ont été complétées
récemment par les résultats de l’analyse par hybridation génomique
comparative (CGH), une technique de cytogénétique moléculaire
permettant l’identification des gains et des pertes de segments
chromosomiques, sans nécessiter l’observation de mitoses, qui
peuvent être rares dans certaines tumeurs.
Les données de la CGH
ont montré un profil de déséquilibres chromosomiques assez
systématisé dans les rétinoblastomes : gain de 6p (environ
60 % des cas), pouvant être présent à titre d’anomalie isolée, gain de
1q (57-58 % des cas), associé dans les trois quarts des cas à une perte
de 16q ou une monosomie 16, gain de 2p (environ 30 % des cas),
perte de 13q14, site du gène RB (20 %), gain de 13q32-34 (15 %).
Dans environ 5 % des cas est observée une amplification du gène
MYCN, correspondant aux chromosomes doubles-minutes et hsr
détectés par les analyses caryotypiques.
La signification de ces
anomalies en termes de corrélation avec l’histologie et le pronostic
n’est pas établie à l’heure actuelle.
Les tumeurs des cas héréditaires
montrent relativement moins de déséquilibres que celles des cas
sporadiques.
Il en est de même pour les tumeurs du nourrisson par
rapport à celles de l’enfant plus âgé.
Ceci évoque que la progression
tumorale pourrait suivre des chemins génétiques évolutifs différents
dans les cas héréditaires et chez les enfants les plus jeunes, par
rapports aux patients plus âgés.
* Formes anatomopathologiques
:
+ Macroscopie
:
Cinq profils architecturaux distincts des rétinoblastomes ont été
reconnus, rendant compte des présentations variées à l’examen
clinique.
Les rétinoblastomes endophytiques se développent
essentiellement dans l’espace vitréen.
Les rétinoblastomes
exophytiques se développent sur le versant externe de l’épithélium
rétinien, vers la choroïde, soulevant puis décollant la rétine.
Les
tumeurs mixtes, les plus fréquentes, associent les deux modes de
croissance.
Les rétinoblastomes d’infiltration diffuse sont les plus
rares.
Ils infiltrent la rétine en nappe, sans accroissement sensible en
épaisseur.
L’aspect réalisé peut évoquer celui d’une rétinite.
Enfin,
certains cas de rétinoblastomes présentent au diagnostic un aspect
de régression complète, parfois dans un contexte inflammatoire.
4- Microscopie
:
À l’examen histologique, la prolifération tumorale est d’architecture
massive et comporte généralement d’importants remaniements
nécrotiques et des microcalcifications.
Les éléments cellulaires sont
de petite taille et présentent un noyau basophile et un cytoplasme
peu abondant. L’index mitotique est généralement élevé.
La
présence de rosettes de Flexner-Wintersteiner représente un mode
de différenciation de photorécepteur caractéristique.
Ces rosettes
sont formées par des cellules cubocylindriques circonscrivant une
lumière centrale.
Elles sont parfois incomplètes, réalisant des
structures cordonnales anastomotiques.
Deux facteurs histopronostiques doivent être recherchés à l’analyse
histologique : l’envahissement choroïdien et l’extension tumorale au
nerf optique.
L’atteinte choroïdienne peut être superficielle,
concernant seulement la partie la plus interne de la choroïde, ce qui
n’est pas considéré comme un facteur de gravité.
L’atteinte profonde
touche la partie externe, sur le versant scléral, qui comporte de
nombreuses structures vasculaires.
Une telle atteinte est considérée
comme un facteur de risque d’extension métastatique.
L’atteinte du
nerf optique représente la voie de dissémination la plus fréquente
du rétinoblastome.
La lame criblée est la frontière anatomique
naturelle du globe oculaire.
Une extension tumorale limitée à la
partie intraoculaire prélaminaire, ou localisée dans l’épaisseur de la
lame criblée (intralaminaire), n’est pas associée à un risque plus
élevé de dissémination tumorale.
En revanche, une atteinte du nerf
optique dans son trajet extraoculaire doit être considérée comme un
facteur histologique de gravité.
L’atteinte des gaines méningées ou
de la tranche de section terminale du nerf optique est naturellement
un critère formel de gravité.
* Irradiation externe
:
L’irradiation externe à visée conservatrice oculaire se fait par un
faisceau d’électrons avec un champ latéral et un champ antérieur et
une dose de 45 grays en 5 semaines.
Actuellement l’irradiation externe est surtout utilisée dans les groupes 5 de Reese avec atteinte
bilatérale évoluée des deux côtés.
Le taux de conservation oculaire
dans ces formes sévères, après chimiothérapie première et
radiothérapie, est d’environ 70 %.
L’acuité visuelle est souvent
médiocre mais la conservation d’un champ visuel utile permettant
une déambulation normale justifie les efforts déployés.
* Traitements locaux
:
Les traitements locaux du rétinoblastome sont de plus en plus
performants.
Ils peuvent être associés sur le même oeil car leurs
indications dépendent de la taille et de la localisation de la tumeur.
5- Cryothérapie :
Elle consiste à geler la tumeur à l’aide d’une cryode qui descend
jusqu’à -180 °C.
Le traitement est réalisé sous anesthésie générale et
sous contrôle du fond d’oeil.
La cryothérapie est efficace pour des tumeurs ne dépassant pas
3 mm de diamètre et 2mm d’épaisseur situées en avant de
l’équateur.
Elle est contre-indiquée en cas d’envahissement du vitré.
La cryothérapie permet de guérir la tumeur dans environ 76 % des
cas.
En cas d’échec après trois séances de cryothérapie, il vaut mieux
utiliser une thermochimiothérapie ou un disque d’iode 125.
La
cryothérapie, surtout si elle est utilisée dans de mauvaises
indications (tumeur trop volumineuse ou trop postérieure), peut être
responsable de complications vitréorétiniennes : déchirure,
décollement de rétine, rétraction maculaire.
6- Photocoagulation :
Elle permet de traiter des tumeurs ne dépassant pas 2 mm de
diamètre, postérieures à l’équateur. Nous utilisons, à l’Institut Curie,
un photocoagulateur au xénon.
On évite soigneusement de photocoaguler directement la tumeur pour ne pas provoquer un
essaimage dans le vitré.
7- Curiethérapie
:
Les disques d’iode 125 permettent de traiter des tumeurs
périphériques (antérieures à l’équateur), ne dépassant pas 15 mm de
diamètre.
Ils sont très efficaces en cas d’envahissement localisé du
vitré.
L’iode 125 est un corps radioactif qui émet un rayonnement gamma
de faible énergie.
Ce rayonnement est totalement arrêté par un métal
lourd tel que l’or.
En incorporant les grains d’iode dans des disques
en or et en fixant ces disques à l’extérieur de l’oeil sur la sclère en
regard de la tumeur, on peut irradier cette tumeur sans irradier les
paupières, les tissus orbitaires et la paroi osseuse.
La
mise en place du disque est réalisée au bloc opératoire sous
anesthésie générale.
Le disque est laissé en place le temps nécessaire
pour que le sommet de la tumeur ait reçu une dose suffisante de
rayons, puis enlevé au bloc opératoire lors d’une très courte
anesthésie.
Les disques d’iode peuvent également être utilisés en
cas de récidive après irradiation externe ou plusieurs fois sur le
même oeil.
Lorsqu’ils sont utilisés en traitement d’attaque, ils
guérissent la tumeur dans 85 % des cas.
Les complications habituelles sont les cataractes en secteur.
Si on utilise un disque trop
près du pôle postérieur de l’oeil, on risque une papillopathie ou une
maculopathie radique.
8-
Thermochimiothérapie :
Elle est utilisée à l’Institut Curie depuis 1995.
Elle consiste à réaliser
une perfusion de carboplatine suivie dans les 2 heures par un
traitement de la tumeur par le laser diode qui va entraîner une
hyperthermie au niveau de la tumeur et renforcer l’action du
carboplatine.
Le laser diode émet dans le rouge à 810 nm.
Le
traitement laser est réalisé au bloc opératoire sous anesthésie
générale.
Le rayon laser arrive dans l’oeil par l’intermédiaire d’un
microscope opératoire, ce qui permet de diriger le rayon laser sur la
tumeur avec une grande précision.
Chaque tumeur est ainsi traitée
au laser en continu pendant 10 à 20 minutes.
On réalise en général à
j1 une perfusion de carboplatine suivie de laser, à j8 un laser seul et
à j28 un nouveau cycle avec trois cycles en tout.
Ce traitement
nécessite une parfaite collaboration entre pédiatres, anesthésistes et
ophtalmologistes.
La thermochimiothérapie permet de traiter des tumeurs postérieures
à l’équateur jusqu’à 10-12 mm de diamètre après chimioréduction.
Les premiers résultats donnent des taux de guérison de l’ordre de
90 % dans des indications sélectionnées (tumeurs de moins de
15 mm de diamètre ; pas d’envahissement du vitré ou
envahissement localisé).
La thermothérapie doit être soigneusement dosée : un surdosage
peut entraîner une rétraction vitréenne avec traction maculaire ou
décollement de rétine.
Les résultats visuels sont souvent excellents lorsque la tumeur est
en dehors de la macula.
9- Indications
:
Dans le rétinoblastome unilatéral, la forme la plus habituelle est la
forme unilatérale étendue qui justifie, dans 80 % des cas, une
énucléation.
Les résultats de l’examen anatomopathologique conditionnent
ensuite le pronostic.
Il peut être nécessaire, en cas d’envahissement choroïdien massif
et/ou rétrolaminaire du nerf optique, de faire une chimiothérapie
adjuvante.
En cas d’envahissement de la tranche de section ou d’envahissement extrascléral (résection microscopiquement incomplète), une radiothérapie orbitaire est également indiquée.
La radiothérapie
externe est responsable de séquelles esthétiques majeures ;
actuellement, on peut utiliser plutôt une curiethérapie orbitaire à
l’iode 125 qui respecte les paupières et autorise la conservation d’une
prothèse.
Dans les formes bilatérales, s’il s’agit d’une forme évoluée des deux
côtés, on réalise le plus souvent une chimiothérapie première par
deux cures de VP16-carboplatine suivie d’une irradiation externe
d’un ou des deux yeux.
La chimiothérapie première permet souvent
d’obtenir rapidement une réapplication de la rétine décollée.
S’il s’agit d’une forme asymétrique, on commence en général par
deux cures de VP16-carboplatine et on traite le plus souvent l’oeil le
moins atteint par des traitements locaux alors que l’oeil comportant
une forme plus évoluée est énucléé.
En pratique, plus de la moitié des traitements conservateurs sont
effectués avec une association de chimiothérapie et de traitements
locaux mais sans irradiation externe.
* Suivi
:
Le suivi des enfants traités se fait par des contrôles du fond d’oeil
sous anesthésie générale d’abord tous les mois puis espacés
progressivement jusqu’à l’âge de 4 ans ; puis les enfants sont suivis
en consultation tous les 3 mois.
Dans les formes unilatérales, des bilatéralisations tardives sont
possibles ce qui justifie un suivi prolongé.
Lorsqu’il existe des antécédents familiaux de rétinoblastome, des
fonds d’yeux réguliers sont effectués dès la naissance pour permettre
un diagnostic précoce.
La fréquence du suivi de dépistage
est adaptée en fonction de l’importance du risque.
Le suivi
ophtalmologique de dépistage peut parfois être arrêté en fonction
des résultats des examens génétiques.
Pour les enfants atteints et
porteurs de l’anomalie génétique, il existe un risque accru de
deuxième cancer dans le champ d’irradiation et en dehors du
champ.
Ceci justifie également une information des parents et un
suivi pédiatrique régulier.
10- Conseil génétique du rétinoblastome :
Deux tiers des cas de rétinoblastome sont unilatéraux avec un âge
médian au diagnostic de 2 ans.
Un tiers des cas sont bilatéraux avec
un âge au diagnostic souvent plus précoce, voire néonatal.
La
plupart des cas de rétinoblastomes unilatéraux et bilatéraux sont
sporadiques, sans antécédent familial.
Cependant, dans 10 à 15 %
des cas, le plus souvent bilatéraux, il existe une histoire familiale de rétinoblastome dont la distribution des cas dans la famille est
compatible avec l’existence d’un facteur génétique de prédisposition
transmis selon le mode autosomique dominant et associé à une
pénétrance élevée.
* Prédisposition au rétinoblastome
:
En 1971, afin d’expliquer pourquoi la plupart des rétinoblastomes
familiaux étaient bilatéraux et survenaient à un âge précoce et, à
l’inverse, pourquoi les cas unilatéraux étaient le plus souvent isolés
et tardifs, Knudson émit l’hypothèse que deux mutations de gènes
clés dans le contrôle de la division cellulaire survenant dans un
neuroblaste de la rétine sont nécessaires (peut-être pas suffisantes)
au développement d’un rétinoblastome.
Dans les formes bilatérales,
la première mutation est constitutionnelle, présente dans l’ensemble
des cellules de l’organisme et a fortiori dans l’ensemble des
neuroblastes rétiniens, la seconde est somatique, acquise pendant la
vie foetale ou dans les premiers mois de vie.
Si la probabilité
d’apparition de deux mutations somatiques dans deux gènes clés et
dans la même cellule de la rétine est extrêmement faible, en
revanche la probabilité d’apparition d’une seule mutation est un
événement non rare et qui conduit, lorsqu’une mutation est déjà
présente, à l’émergence d’un rétinoblastome.
Les enfants ayant
une mutation constitutionnelle ont ainsi un risque important d’avoir
une, voire plusieurs tumeurs.
Comings, en 1973, compléta cette
hypothèse en postulant que les deux mutations nécessaires à
l’apparition d’un rétinoblastome correspondaient à l’inactivation des
deux allèles d’un même gène, alors inconnu.
Dans les cas familiaux, la mutation constitutionnelle a été transmise
par l’un des parents.
Dans les cas sporadiques, bilatéraux, la
mutation constitutionnelle correspond le plus fréquemment à une néomutation apparue dans les gamètes de l’un des deux parents
(prézygotique) ou à un stade précoce après la fécondation
(postzygotique).
Il est à noter que la pénétrance de la prédisposition
étant majeure, mais incomplète, il peut arriver qu’un parent soit
porteur d’une mutation constitutionnelle et n’ait pas été atteint de rétinoblastome dans l’enfance ou qu’il ait été atteint d’un
rétinoblastome qui a spontanément involué (rétinome) dont on peut
retrouver au fond d’oeil la cicatrice.
Dans les cas sporadiques
unilatéraux, le plus souvent, il s’agit de deux altérations survenues seulement au niveau somatique.
On estime néanmoins que 10 % des
patients atteints d’un rétinoblastome unilatéral sont porteurs d’une
mutation constitutionnelle.
Les patients porteurs d’une prédisposition génétique au rétinoblastome ont un risque de seconde tumeur primitive.
Il s’agit
le plus souvent d’ostéosarcomes, de sarcomes des tissus mous.
* Gène RB1
:
Dès 1963, l’identification de délétions constitutionnelles du
chromosome 13 chez de rares patients atteints d’un rétinoblastome
bilatéral et présentant un retard mental et une dysmorphie faciale a
permis de suggérer que le gène de prédisposition au rétinoblastome
était localisé dans cette région chromosomique.
Par cartographie délétionnelle, une région d’intérêt en 13q14 a été définie, et en 1986,
l’identification d’un gène localisé dans cette région et siège de
mutations inactivatrices constitutionnelles chez des enfants atteints
d’une forme bilatérale a permis de retenir qu’il s’agissait bien du
gène de prédisposition au rétinoblastome baptisé RB1.
Un patient
porteur d’une mutation constitutionnelle du gène RB1 a un risque
sur deux de la transmettre à sa descendance.
La pathologie moléculaire de RB1 est très variée car plus de
500 mutations distinctes ont été décrites à ce jour.
Le spectre des
mutations constitutionnelles est dominé par les mutations non-sens,
les insertions ou délétions de quelques bases décalant le cadre de
lecture, les anomalies d’épissage et les délétions d’un ou plusieurs
exons, voire de la totalité du gène.
Si l’analyse complète du gène
RB1 est difficile, l’interprétation de ces anomalies moléculaires est
relativement simple car elles sont responsables d’une perte de
fonction de la protéine correspondante.
Il existe cependant quelques
mutations faux-sens (substitution d’un acide aminé à un autre) dont
la signification n’est pas claire.
Notons également l’existence de rares
mutations dites de faible pénétrance (mutations faux-sens, mutations
du promoteur, quelques délétions ou anomalies d’épissage sans
rupture du cadre de lecture), qui peuvent se transmettre sur
plusieurs générations sans avoir de retentissement phénotypique.
Une activité résiduelle de la protéine mutante pourrait, dans certains
cas, être à l’origine de ce phénomène.
L’inactivation constitutionnelle
de RB1 peut enfin être le fait de cas exceptionnels de réarrangements
chromosomiques visibles uniquement en cytogénétique
(translocations, inversions par exemple).
En revanche, au niveau
somatique, l’inactivation du second allèle a lieu par délétion partielle
ou complète (65 % des cas), soit par méthylation du promoteur, soit
plus rarement par mutation ponctuelle.
Autre particularité,
l’hyperméthylation du promoteur du gène semble spécifique aux
mutations somatiques et n’a jamais été montrée au niveau
constitutionnel.
* Indications des études génétiques
:
Devant tout cas de rétinoblastome bilatéral ou unilatéral, il est
possible d’évoquer une prédisposition génétique sous-jacente.
Ainsi,
il est recommandé pour les apparentés d’un patient qui a eu un rétinoblastome (enfant, fratrie, cousins) une surveillance
ophtalmologique très contraignante : fond d’oeil dès la première
semaine de vie, réalisé en milieu spécialisé, à un rythme rapproché
et nécessitant une anesthésie générale dès le deuxième ou troisième
examen.
La proposition d’une étude génétique à tout patient
atteint d’un rétinoblastome puis à ses apparentés peut permettre, en
fonction des résultats, de lever la surveillance d’un certain nombre
d’enfants.
11- Étude moléculaire directe du gène RB1 à partir
de l’ADN leucocytaire
:
Elle permet la recherche d’une mutation constitutionnelle et peut
être proposée à tous les patients.
Si une mutation est mise en évidence, un test génétique, fondé sur
la recherche de cette mutation, est recommandé pour la fratrie.
La
surveillance ophtalmologique pourra être levée si les enfants testés
ne s’avèrent pas porteurs de la mutation identifiée dans la famille.
La recherche de la mutation est également proposée aux parents.
Si
l’un des deux parents s’avérait porteur, un diagnostic prénatal
pourrait être discuté en cas de projet parental.
Si les parents ne sont
pas porteurs, cela permet de rassurer leur famille respective et
d’éviter la surveillance ophtalmologique des cousins du patient.
En
revanche, il n’est pas possible d’indiquer si la mutation identifiée
chez l’enfant correspond à une néomutation ou à l’existence d’une
mosaïque germinale chez l’un des deux parents avec, par là, un
risque de récurrence d’un cas de rétinoblastome dans la fratrie.
Dans
ce cas, pour chaque nouvelle naissance dans la fratrie du patient, un
test génétique néonatal sera proposé.
Si aucune mutation du gène RB1 n’a été mise en évidence et devant
un cas de rétinoblastome bilatéral, il faut évoquer les limites des
techniques utilisées qui peuvent ne pas mettre en évidence des
altérations existantes (dans environ 10 à 15 % des cas).
Il faut aussi
évoquer l’existence de mosaïques somatiques.
En effet, une
altération du gène RB1 a pu survenir chez le patient au cours du
développement embryonnaire et ne pas être présente dans l’ADN
leucocytaire.
Si la mutation est présente au niveau germinal, ce
patient a un risque de la transmettre à sa descendance.
Il est possible
de proposer de reprendre l’étude du gène RB1 à la naissance de
chacun des enfants d’un patient qui a eu un rétinoblastome bilatéral
et chez lequel l’étude moléculaire du gène RB1 s’est avérée négative.
Devant un cas de rétinoblastome unilatéral, on peut se montrer plus
rassurant, le risque qu’il existe une prédisposition génétique étant
très faible.
Cependant, on ne peut éliminer dans ce cas encore les
limites des techniques utilisées et le risque de mosaïque somatique.
Ainsi, il demeure recommandé de poursuivre la surveillance
ophtalmologique pour les apparentés du patient.
12- Étude familiale indirecte
:
Elle est proposée lorsque aucune mutation constitutionnelle du gène
RB1 n’a été mise en évidence ou en attendant le résultat de l’étude
directe du gène RB1.
Cette étude consiste à analyser les marqueurs
génétiques polymorphes localisés dans et autour du gène RB1 chez
l’enfant atteint et ses parents, et à repérer l’allèle RB1 porteur ou
porteur putatif d’une prédisposition.
En cas de forme familiale et si
deux cas sont accessibles, l’étude indirecte permet de rapidement
mettre en évidence l’allèle du gène RB1 porteur de la mutation.
Il
est alors possible par cette méthode de détecter si les apparentés ont
reçu l’allèle à risque.
Dans ce cas, cette étude peut être la base d’un
diagnostic prénatal.
En cas de forme sporadique, l’objectif alors est
de lever la surveillance d’un enfant qui n’aurait aucun allèle du gène
RB1 en commun avec son frère ou sa soeur atteint d’un rétinoblastome (c’est-à-dire dans un cas sur quatre).
Il faut souligner
que, si l’enfant est porteur d’un allèle en commun avec le patient, la
probabilité qu’il soit porteur d’une altération du gène RB1 reste très
faible, mais, par prudence, la surveillance ophtalmologique sera
poursuivie.
Dans ce cas, le diagnostic prénatal ne peut pas être
envisagé.
G - FORMES EXTRAOCULAIRES :
En l’absence d’un diagnostic et d’un traitement précoce, l’évolution
se fait vers les formes extraoculaires.
Le terme « rétinoblastome
extraoculaire » comprend habituellement les atteintes tumorales
orbitaires, les extensions ganglionnaires régionales prétragiennes et
cervicales ainsi que les atteintes métastatiques.
Les sites
métastatiques les plus fréquents sont l’os, la moelle osseuse et le
système nerveux central sous forme d’atteinte méningée, sousarachnoïdienne
ou, plus rarement, intraparenchymateuse.
Le pinéaloblastome ou rétinoblastome trilatéral ne doit pas être
considéré comme une métastase mais comme l’un des cancers
auxquel sont prédisposés les patients atteints de forme héréditaire
de rétinoblastome.
Nous ne traiterons pas non plus ici les
atteintes extraoculaires microscopiques révélées par l’analyse
histologique de pièce d’énucléation.
Les formes extraoculaires de
rétinoblastome sont devenues rares dans les pays économiquement
favorisés.
En revanche, dans les pays pauvres, les formes extraoculaires révèlent souvent la maladie, ce qui explique en
grande partie la mortalité élevée liée au rétinoblastome dans ces
régions du monde.
Les circonstances du diagnostic sont essentiellement cliniques : la
rapidité d’évolution des signes au moment de la survenue rend
illusoire le bénéfice d’une surveillance radiologique (tomodensitométrie
ou IRM encéphalique) ou d’examens biologiques sanguins.
L’atteinte des tissus mous de l’orbite se manifeste par une
tuméfaction palpébrale, l’expulsion de la prothèse et éventuellement
de l’implant.
L’atteinte ganglionnaire est facilement perçue par
l’entourage.
Les manifestations cliniques des métastases à distance
dépendent de leur site (douleurs ou tuméfaction osseuse, céphalées,
vomissements, amaigrissement par atteinte méningée sont les signes
les plus fréquents).
Il est exceptionnel, dans les pays économiquement favorisés, que le
diagnostic de rétinoblastome se fasse au stade extraoculaire.
Cela
n’arrive en fait qu’après des périodes d’errance diagnostique où le rétinoblastome n’a pas été reconnu et a évolué pendant plusieurs
mois.
Néanmoins, la réalisation systématique d’une imagerie
orbitaire et cérébrale au diagnostic de rétinoblastome s’impose dans
presque tous les cas (sauf en cas de tumeur dépistée tôt épargnant
les papilles) : cette imagerie peut mettre en évidence une atteinte
tumorale le long du nerf optique qui doit être reconnue afin d’en
tenir compte dans les indications thérapeutiques.
En dehors de cette
imagerie orbitaire et cérébrale, la plupart des auteurs s’accordent
pour dire qu’aucun autre examen n’est systématiquement nécessaire
pour la réalisation du bilan d’extension lors du diagnostic d’un rétinoblastome.
La recherche de métastases au niveau de la
moelle osseuse et du liquide céphalorachidien (LCR) par ponction
lombaire ne se justifie que dans les cas où l’analyse histologique de
la pièce d’énucléation, lorsqu’elle est nécessaire, fait découvrir des
facteurs de risque justifiant éventuellement un traitement adjuvant.
Même dans ces formes, il est exceptionnel de faire le diagnostic de
forme métastatique sans signe d’appel clinique.
Les possibilités actuelles de guérison des formes extraoculaires de
rétinoblastome imposent un stadage très précis :
– imagerie cérébrale et orbitaire associée, selon les circonstances
cliniques, à une imagerie cervicofaciale : recherche et mensuration
d’une atteinte des tissus mous de l’orbite et ganglionnaire, recherche
et mensuration d’une atteinte du nerf optique, d’une atteinte
chiasmatique, d’une atteinte intraparenchymateuse cérébrale ou de
signes évocateurs d’atteinte leptoméningée ;
– IRM axiale à la recherche d’une atteinte plus souvent leptoméningée qu’intramédullaire ;
– LCR prélevé par ponction lombaire, en l’absence de contreindication,
réalisé après l’IRM axiale pour éviter les artefacts, et avec
une étude cytologique du produit de cytocentrifugation du LCR ;
– évaluation médullaire par au moins deux secteurs de moelle en
cytologie et histologie ;
– scintigraphie osseuse ;
– d’autres examens tels qu’une échographie abdominale sont
effectués en fonction du contexte clinique.
Ce bilan d’extension permet ainsi de classifier les rétinoblastomes
extraoculaires en trois sous-groupes :
– atteinte locorégionale : tissus mous de l’orbite, atteinte
ganglionnaire prétragienne et/ou cervicale ; atteinte du nerf optique
préchiasmatique (taux de survie supérieur à 50 %) ;
– atteinte métastatique épargnant le système nerveux central ;
– atteinte métastatique comprenant une atteinte du système nerveux
central, qui reste presque toujours létale.
1- Traitement des formes extraoculaires :
Le rôle de la chimiothérapie dans le traitement des formes
extraoculaires de rétinoblastome est majeur. Les agents cytotoxiques
utilisés en première ligne restent les agents alkylants (au premier
plan desquels le cyclophosphamide), les poisons du fuseau
(vincristine), les antracyclines (adriamycine), les dérivés du platine
(cisplatine et carboplatine) et les épipodophyllotoxines
(étoposide).
D’autres agents ont fait l’objet d’évaluation
récente en phase II dans les formes à très haut risque : soit des
analogues de structure de produits existants mais avec un avantage
théorique d’indication, tels que l’idarubicine, anthracycline
diffusant dans le système nerveux central, soit des agents ayant un
nouveau mécanisme d’action tels que les inhibiteurs de topoisomérases
1 comme le topotécan.
La place de la chimiothérapie à haute dose avec support
d’autotransfusion de cellules souches hématopoïétiques n’est pas
clairement établie dans l’ensemble des formes de rétinoblastome
extraoculaire.
Néanmoins, l’analyse de la littérature montre que ces
techniques renforçant l’intensité et la dose de chimiothérapie
administrée apparaissent utiles dans les formes de rétinoblastome
extraoculaire avec atteinte métastatique épargnant le système
nerveux central et sensible à la chimiothérapie conventionnelle
initiale.
L’irradiation joue un rôle essentiel dans le contrôle tumoral des
formes locorégionales de rétinoblastome extraoculaire, notamment
en cas d’atteinte des tissus mous de l’orbite ou en cas d’atteinte
ganglionnaire prétragienne et cervicale.
En revanche, l’indication
d’irradiation dans les formes métastatiques de rétinoblastome est
beaucoup plus rare et limitée.
La chirurgie :
– l’exentération n’a jamais empêché l’évolution d’une atteinte
orbitaire alors qu’elle représente une mutilation majeure ;
– l’exploration chirurgicale d’adénopathie résiduelle en région prétragienne ou cervicale peut se justifier avant une éventuelle
radiothérapie dont l’indication peut être guidée par la viabilité du
résidu tumoral ;
– la place de la chirurgie dans les métastases est bien entendu très
restreinte, sauf en cas de compression d’organe de voisinage (le plus
fréquemment compression médullaire, sachant que ce tableau
clinique peut faire discuter éventuellement une chimiothérapie
première au même titre que les compressions médullaires liées aux
atteintes de neuroblastome en « sablier »).
* Indications
:
En cas de rétinoblastome unilatéral étendu, l’efficacité de la
chimiothérapie dans les formes extraoculaires peut justifier son
utilisation en phase néoadjuvante et une énucléation secondaire à
double équipe ophtalmologique et neurochirurgicale pour section
du nerf optique en région préchiasmatique afin de diminuer le
risque de diffusion dans le système nerveux central et de limiter les
indications d’irradiation orbitaire et cérébrale.
En cas d’atteinte métastatique épargnant le système nerveux central,
la chimiothérapie conventionnelle suivie, en cas de réponse, par la
chimiothérapie à haute dose avec support de cellules souches
hématopoïétiques paraît une attitude aujourd’hui admise dans les
pays pour lesquels cette technique est accessible ; la place de
l’irradiation des atteintes osseuses paraméningées est à discuter.
Dans le cadre des formes métastatiques atteignant le système
nerveux central, aucun traitement efficace n’est actuellement connu.
C’est une situation pour laquelle des traitements nouveaux,
expérimentaux, peuvent et doivent être tentés dès le diagnostic afin
d’identifier de nouveaux agents actifs.
Cette attitude doit toutefois
être individuellement discutée car la place du traitement palliatif
reste aujourd’hui majeure dans ces formes de si mauvais pronostic.
* Conclusion
:
À l’avenir, la diminution du nombre d’yeux irradiés reposera sur
l’amélioration des autres traitements conservateurs mais aussi et
surtout sur un diagnostic plus précoce de la maladie.
L’examen soigneux du fond d’oeil, dès qu’il existe une déviation
strabique ou une leucocorie, est donc essentiel.
La meilleure prévention des formes extraoculaires reste encore et
toujours le diagnostic précoce du rétinoblastome et le traitement
adapté des facteurs de risque histologiques après énucléation.
Tumeurs vasculaires et congénitales
de la rétine et de l’épithélium
pigmentaire :
A - HAMARTOME COMBINÉ DE LA PAPILLE
ET DE L’ÉPITHÉLIUM PIGMENTAIRE
:
Il s’agit d’une tumeur bénigne congénitale hamartomateuse
intéressant l’épithélium pigmentaire et la rétine péripapillaire ou
périphérique.
Elle est légèrement saillante, de coloration grisâtre et
s’accompagne d’une tortuosité vasculaire caractéristique bien visible
au fond d’oeil et en angiographie. Elle peut être isolée ou associée à
une neurofibromatose.
Elle est parfois responsable de la formation
d’une membrane épirétinienne avec décollement maculaire par
traction et baisse visuelle.
B - HYPERTROPHIE CONGÉNITALE BÉNIGNE
DE L’ÉPITHÉLIUM PIGMENTAIRE
:
Ce sont des lésions uniques ou multiples, planes, fortement
pigmentées avec des zones de dépigmentation au centre ou en halo
périphérique et des contours abrupts.
En angiographie, on observe
des zones d’effet masque et d’effet fenêtre.
Lorsque ces
hypertrophies sont multiples, elles peuvent être associées au
syndrome de Gardner ou polypose rectocolique familiale et
l’ophtalmologiste peut en faire le dépistage dans les familles à
risque.
Le fond d’oeil serait cependant moins fiable que les examens
génétiques.
C - ASTROCYTOME RÉTINIEN (SCLÉROSE TUBÉREUSE
DE BOURNEVILLE)
:
L’astrocytome rétinien est un hamartome rétinien unique ou
multiple typiquement blanc, bien délimité et légèrement surélevé.
Il
est fréquemment localisé dans la région péripapillaire.
Cette lésion
est le plus souvent associée à une sclérose tubéreuse de Bourneville
mais peut également se voir dans les neurofibromatoses ou être
isolée.
D - ANGIOME CAPILLAIRE
(VON HIPPEL-LINDAU)
:
L’hémangiome capillaire de la rétine peut être isolé (von Hippel) ou
associé à des malformations vasculaires viscérales ou du système
nerveux central (von Hippel-Lindau).
Il s’agit alors d’une affection d’origine génétique à transmission autosomale dominante.
Le gène responsable est localisé sur la région p 25 du chromosome
3.
Des tumeurs peuvent être associées à la maladie de von Hippel-Lindau : hémangioblastome du système nerveux, carcinomes
rénaux, phéochromocytome.
Cliniquement, la tumeur rétinienne est unique ou multiple, parfois
localisée au niveau de la papille.
Elle est arrondie, rouge, de taille
variable et s’accompagne d’une dilatation angiomateuse des
vaisseaux.
Il existe des formes exsudatives avec souvent des
exsudats maculaires.
En angiographie, on observe une imprégnation
massive avec hyperfluorescence tardive et diffusion.
Le traitement
peut se faire par photocoagulation au laser argon et/ou
cryothérapie.