Tumeurs du pénis : techniques et indications Cours de Chirurgie
Introduction
:
Les tumeurs du pénis, majoritairement représentées par le carcinome épidermoïde, sont peu fréquentes en Europe.
Sa fréquence,
relativement stable, reste estimée à moins de 1 % de l’ensemble des
cancers chez l’homme.
L’âge moyen de survenue est de 60 ans, avec un retard diagnostique
d’environ 12 mois.
De ce fait, la découverte s’effectue, dans un
certain nombre de cas, à un stade local infiltrant et/ou métastatique
régional ou systémique de la maladie.
Sur le plan épidémiologique, elles apparaissent chez des patients
non circoncis, par défaut d’hygiène, et/ou porteurs de lésions préépithéliomateuses parfois associées au virus du papillome
humain (HPV sérotypes 11, 16, 18).
La localisation préférentielle de la tumeur initiale reste le gland
(48 %) et le prépuce (21 %).
Le traitement d’une tumeur du pénis nécessite deux étapes :
– le traitement de la tumeur primitive.
Il doit être précédé d’une
évaluation tumorale recherchant le caractère infiltrant du corps
spongieux ou de l’albuginée des corps caverneux, correspondant au
stade T2 clinique de la classification tumor-nodes-metastases (TNM)
2002.
Cette évaluation est clinique, pouvant être complétée par
une échographie ou une imagerie par résonance magnétique
(IRM).
Cette évaluation est essentielle dans le choix
thérapeutique ;
– évaluation et traitement des aires de drainage lymphatique, et ce
quel que soit le stade T de la tumeur primitive.
Elle est d’abord
clinique par la palpation des aires inguinales, pouvant être
complétée, en l’absence d’adénopathie palpable, par la recherche
dynamique et la biopsie du ganglion sentinelle.
Traitement de la tumeur primitive
:
A - TECHNIQUES CONSERVATRICES
:
1- Circoncision
:
Pour les tumeurs distales du prépuce, la circoncision est un geste à
visée curative assurant des marges saines d’au moins 5 mm.
Pour les tumeurs proximales du prépuce, la circoncision s’impose
afin d’évaluer l’extension tumorale au niveau de la couronne du
gland (anciennement, sillon balanopréputial) :
– si elle
permet d’avoir des marges chirurgicales saines de 5 mm, une
surveillance attentive dermatologique est nécessaire pour
dépister, au plus vite, une récidive.
Ces
récidives (voire la persistance d’anomalies cytologiques au
niveau de la tranche de section) sont fréquentes (50 % des cas)
;
– en
l’absence de marges saines, un traitement complémentaire doit
être envisagé : exérèse par laser, curiethérapie, voire
amputation partielle du pénis.
La
circoncision est indispensable si un traitement conservateur est
proposé pour les tumeurs du gland.
2- Biopsie-exérèse
:
*
Indications
:
Lésions préépithéliomateuses, mais également utile pour des
tumeurs du gland Tis-T1 grade I-II, de moins de 30 mm de diamètre,
situées à distance du col et de la couronne du gland, et sans
extension vers la fosse naviculaire de l’urètre.
* Méthodes :
Exérèse à la lame froide. En zone saine, en emportant le
chorion et la partie superficielle du corps spongieux sous-jacent à la
tumeur primitive.
La fermeture du corps spongieux s’effectue par
des points inversants de fils à résorption lente.
La déformation du
gland occasionnée disparaît en quelques mois.
Technique de Mohs. Sous anesthésie locale, l’exérèse de la
tumeur s’effectue en répétant les recoupes horizontales jusqu’à
l’obtention de tranches microscopiquement saines.
Ces recoupes sont
examinées en extemporané.
La douleur et le saignement entre
chaque excision peuvent être prévenus par l’application sur la plaie
d’acide trichloroacétique puis une pâte de chloride de zinc 40 %.
Exérèse par laser. On utilise la combinaison du laser néodynium :
YAG (longueur d’onde de 3 à 5 mm) pour l’exérèse avec une marge
de sécurité de 5 mm et du laser CO2 pour la coagulation de la plaie
(puissance 40-60 W).
Récemment, Windahl a rapporté un taux de
récidive locale de 19 % chez 59 patients, dont certains ont pu être
retraités par laser, alors que d’autres ayant des récidives infiltrantes
ont été contrôlés localement par amputation partielle du pénis.
3- Curiethérapie
:
La technique de traitement la plus utilisée a été décrite par Pierquin
en 1962.
Actuellement, la miniaturisation des sources radioactives
permet l’utilisation de fils souples de 0,3 à 5 mm de diamètre.
Les
techniques de chargement différé (after loading) ont contribué à
l’élaboration de schémas d’implantation plus précis et plus
rigoureux, dans des conditions de sécurité maximales.
Dans cette technique, il existe :
– un temps chirurgical non radioactif pour la mise en places des
aiguilles vectrices ;
– un temps radioactif très court de mise en place des fils d’iridium
192 dans ces vecteurs.
Sous anesthésie générale, après mise en place d’une sonde vésicale,
l’extension tumorale est appréciée afin de pouvoir déterminer le
volume cible (volume tumoral + couche de tissu sain de sécurité).
Schématiquement, il existe deux modèles d’implantation :
– lésion T1 (peu étendue, non infiltrante < 5 mm d’épaisseur) :
système coplanaire, imposant deux conditions :
– phénomène de réentrée de l’isodose de référence (isodose 85 %)
entre les extrémités des fils radioactifs ;
– l’épaisseur du volume cible ne doit jamais dépasser 10 mm.
– lésions plus étendues et infiltrantes : utilisation d’un dispositif en
deux plans formant une cage radioactive :
– soit une cage à quatre lignes (couvrent une grande partie du
gland) qui convient pour des lésions dont le plus grand diamètre
est inférieur à 25 mm.
Il est essentiel de se rappeler que ce
système traite un volume, donc nécessite un contrôle dans les trois
plans de l’espace du tracé de l’isodose de référence ;
– soit une cage à six lignes pour des lésions comprises entre 25 et
40 mm couvrant une extension voisine des corps caverneux.
La dose radioactive nécessaire est de 65 à 70 Gy dans l’isodose de
référence (85 %).
La durée de traitement est variable, de 4 à 8 jours.
* Complications
:
Elles sont essentiellement fonction de la dose.
Au-dessus de 60 Gy,
le risque de complications précoces et tardives est indiscutable :
sténoses de l’ostium externe de l’urètre (40 %), télangiectasies (90 %),
radionécrose, sclérose du gland responsable de la perte de sensibilité
du gland (gland mort).
Une des limites de la curiethérapie reste l’infection qui diminue
l’efficacité de la radiothérapie et qui augmente le risque de
complications.
Amputations du pénis
:
A - AMPUTATION PARTIELLE DU PÉNIS
:
1- Indications
:
Elle doit être proposée pour toutes les tumeurs du gland infiltrant
au minimum l’albuginée des corps caverneux (= T2), mais peut être
nécessaire pour des tumeurs du gland dont le plus grand diamètre
est supérieur à 40 mm.
2- Technique
:
Sous anesthésie générale ou locorégionale, un garrot est placé à la
base du pénis pour obtenir un champ opératoire exsangue.
L’incision cutanée en regard des corps caverneux doit respecter deux
impératifs : une marge saine de 10 mm minimum vis-à-vis de la
tumeur primitive ; un lambeau cutané dorsal permettant de
recouvrir le moignon des corps caverneux et de créer le néoméat
urétral.
Une fois l’incision cutanée réalisée avec conservation dorsale d’un
lambeau cutané vascularisé, la section est transversale et franche
jusqu’au corps spongieux qui doit, à ce niveau, être respecté.
Il est
nécessaire de conserver 10 mm de corps spongieux et d’urètre en
aval de cette section des corps caverneux.
Cette dissection du corps
caverneux faite, celui-ci est sectionné transversalement.
La pièce est
alors adressée pour examen anatomopathologique.
En cas de doute
sur la qualité de la marge de section, un examen extemporané peut
être demandé sur une pièce fraîche.
Une hémostase élective du pédicule dorsal du pénis et des artères
caverneuses doit être réalisée par des points en X de fils 5/0 à
résorption lente.
Les corps caverneux sont refermés, les points prenant appui sur
l’albuginée de part et d’autre et sur le septum du pénis.
Le garrot peut alors être enlevé, permettant de parfaire l’hémostase
si nécessaire.
L’urètre est spatulé par un trait de refend dorsal sur une longueur
de 5 mm, pour éviter toute sténose du néoméat.
L’urètre est suturé
aux berges cutanées d’une fenêtre créée dans le lambeau cutané
dorsal préalablement conservé.
La suture urétrocutanée est réalisée
par des points inversants de fils 5/0 à résorption lente, en débutant
par le point médian dorsal et en ramenant progressivement le
fourreau au pourtour de la tranche urétrale.
Cette suture doit être
très soigneuse pour affronter l’épiderme et la muqueuse urétrale.
Une sonde urétrale est mise en place 4 à 5 jours.
3- Résultats
:
Sur le plan carcinologique, les récidives après amputation partielle
sont peu fréquentes (< 4 %).
Sur le plan fonctionnel, ils dépendent de la longueur restante des
corps caverneux, et de l’existence ou non d’une obésité.
En pratique :
– les érections sont conservées, et si la longueur des corps caverneux
est supérieure à 12 cm, les rapports sexuels sont possibles ;
– l’enfouissement du moignon pénien dans le scrotum peut poser
des problèmes urinaires et d’hygiène chez certains patients. Si cette
situation pose des problèmes, il faut envisager, avec l’accord du
patient, la réalisation d’une urétrostomie périnéale de confort.
B - AMPUTATION TOTALE DU PÉNIS
:
1- Indications
:
Elle doit être proposée : pour les tumeurs évoluées T3-T4 du gland
où la longueur des corps caverneux restants sera faible, posant des
problèmes mictionnels ; pour les tumeurs du corps du pénis, elle est
alors associée à une émasculation ; pour les récidives après
radiothérapie ou une amputation partielle.
2- Technique
:
Sous anesthésie générale ou locorégionale, tonte pubienne et
périnéale, asepsie rigoureuse débordant largement le champ
opératoire, elle nécessite deux voies d’abord.
* Abord périnéal
:
En position de la taille, incision périnéale, en arrière du scrotum,
verticale ou en U inversé.
Après incision sur la ligne médiane des muscles bulbocaverneux,
dissection circonférentielle du corps spongieux et de l’urètre, les
séparant de la gouttière des corps caverneux.
Section transversale
de l’urètre le plus en avant possible pour permettre la confection
ultérieure d’une urétrostomie périnéale de bonne qualité.
Les corps caverneux sont désinsérés progressivement de manière à
avoir une marge de sécurité de 20 mm.
Il n’est pas nécessaire de
libérer complètement la racine des corps caverneux qui sont
intimement attachés aux branches ischiopubiennes.
Ils sont
sectionnés entre deux pinces hémostatiques en laissant le moignon
proximal en place.
La partie proximale des corps caverneux sera
refermée par des points séparés ou un surjet de fils à résorption
lente.
La pièce est enlevée.
* Abord de la racine du pénis
:
L’incision cutanée est circonférentielle au niveau de la racine du
pénis avec des traits de refend sur la ligne médiane au niveau du
pubis et du scrotum.
Ligature de la veine dorsale
superficielle du pénis.
Section du ligament suspenseur du pénis au ras de la face inférieure
de la symphyse pubienne.
Cette dissection aboutit à la face
dorsale des corps caverneux qui se rejoignent.
Dans l’espace,
délimité par le bord inférieur de la symphyse pubienne et l’insertion ischiopubienne des corps caverneux, se trouvent au centre la veine
dorsale profonde du pénis avec de part et d’autre les artères dorsales
du pénis.
La ligature élective de ces vaisseaux est
impérative pour éviter tout déchirement accidentel, source d’une
hémorragie abondante.
La section des corps caverneux est alors
parfaitement libérée.
À la face ventrale de la racine du pénis, la dissection de l’urètre en
amont permet de retrouver l’extrémité sectionnée par la voie
périnéale.
L’urétrostomie périnéale est alors réalisée, en spatulant l’urètre sur
20 mm pour diminuer le risque de sténose.
La suture urétrocutanée
est débutée par l’invagination cutanée au niveau de la spatule, par
des points inversants.
Une sonde souple urétrale est laissée en place
4 à 5 jours.
Un drainage aspiratif, sorti par une contre-incision latérale, ou un
drainage par lame est nécessaire.
En cas d’émasculation associée, les cordons sont ligaturés par
l’abord autour de la racine du pénis.
Les incisions cutanées, à ce
niveau, sont prolongées de part et d’autre du scrotum, afin d’avoir
des lambeaux cutanés recouvrant la plaie scrotale.
Lymphadénectomie inguinale
:
A - ANATOMIE DU TRIANGLE FÉMORAL (OU TRIANGLE
DE SCARPA) :
La peau, fine, mobile, garnie de poils en dedans, présente un mince
pannicule adipeux.
Le tissu cellulaire sous-cutané est séparé du pannicule adipeux susjacent
par le fascia superficialis qui s’attache en haut au ligament
inguinal.
Ce tissu cellulaire sous-cutané, mince en périphérie,
s’épaissit en dedans.
Il contient :
– des artères provenant de l’artère fémorale : la sous-cutanée
abdominale, en haut et un peu en dedans, et la circonflexe iliaque
superficielle, en haut et en dehors, qui participent à la
vascularisation des téguments de la paroi abdominale ; les honteuses
externes supérieure et inférieure qui se dirigent transversalement en
dedans et se distribuent aux téguments des organes génitaux
externes ;
– la grande veine saphène qui monte dans le triangle fémoral
obliquement en haut et en dehors. Elle traverse l’aponévrose à 3 ou
4 cm au-dessous du ligament inguinal pour s’aboucher à la veine
fémorale ;
– les ganglions lymphatiques inguinaux superficiels (4 à 20),
groupés en un amas triangulaire, inscrits dans le triangle fémoral,
divisés en quatre groupes : supéro-interne, supéroexterne, inférointerne,
inféroexterne.
Les ganglions des groupes supérieurs
reçoivent les lymphatiques de la paroi abdominale, de la fesse, du
périnée, de l’anus, du scrotum, et du pénis chez l’homme, des
grandes et petites lèvres chez la femme.
Les ganglions des groupes
inférieurs reçoivent les lymphatiques du membre inférieur.
Des
ganglions superficiels partent des vaisseaux efférents qui traversent
l’aponévrose et vont aux ganglions inguinaux profonds et aux
ganglions iliaques externes ;
– les nerfs superficiels du triangle fémoral.
L’aponévrose de la région fait partie de la gaine aponévrotique de la
cuisse et recouvre toute la région, formant devant les vaisseaux
fémoraux une gaine dont la disposition est commandée par celle du
ligament inguinal et des muscles du triangle fémoral.
Le triangle fémoral compte quatre muscles situés sur deux plans.
Le
plan superficiel comprend le sartorius et le moyen adducteur.
Ces
deux muscles s’insèrent en haut, le premier sur l’épine iliaque antérosupérieure, le second sur l’épine et l’angle du pubis.
Ils
descendent en convergeant et s’entrecroisent en formant le sommet
du triangle fémoral.
Le plan profond est formé par le psoas-iliaque
et le pectiné.
Le psoas-iliaque et le pectiné, en descendant dans la
cuisse, occupent toute l’aire du triangle fémoral.
Ils s’accolent par
leurs bords correspondants et forment une gouttière concave en
avant, dans laquelle cheminent les vaisseaux fémoraux.
Après avoir recouvert le triangle externe de la région inguinofémorale, l’aponévrose engaine le muscle sartorius et se
divise sur le bord interne de ce muscle en deux feuillets.
Le feuillet
superficiel passe en avant des vaisseaux fémoraux, le feuillet
profond passe en arrière, constituant la gaine des muscles psoasiliaque
et pectiné.
B - TECHNIQUES CHIRURGICALES
:
Deux techniques de lymphadénectomie inguinale peuvent être
envisagées : la lymphadénectomie superficielle et profonde,
et la lymphadénectomie superficielle modifiée.
1- Lymphadénectomie inguinale superficielle
et profonde
:
Il s’agit de l’exérèse de tous les ganglions lymphatiques inguinaux.
* Phase préopératoire
:
Un traitement anticoagulant et une antibiothérapie à large spectre
sont débutés.
Après rasage et désinfection cutanée, mise en place
des bas de contention adaptés aux mensurations des membres
inférieurs du patient.
* Installation
:
Sous anesthésie générale, le patient est installé en décubitus dorsal,
avec légère abduction et rotation externe de la cuisse pour exposer
le triangle fémoral.
Une sonde vésicale Foley 18 Ch, isolée
du champ opératoire, est mise en place.
* Limites :
Les limites de la lymphadénectomie inguinale superficielle et
profonde sont : en avant le fascia superficialis, en haut le ligament
inguinal, en dehors le bord antéro-interne du muscle sartorius, en
dedans le bord antéroexterne du muscle long adducteur, en bas
l’apex du triangle fémoral, et en arrière le plan antérieur du pédicule
fémoral.
La lymphadénectomie inguinale est réalisée par une incision cutanée
transversale (voie de Gibson), parallèle au pli inguinal, 3 cm en
dessous, ou par la technique du skin-bridge de Fraley et Hutchens
en cas de lymphadénectomie iliaque associée.
Ce type
d’incision augmente la durée opératoire, mais permet de diminuer
le nombre de nécroses cutanées.
Les berges et lambeaux cutanés ne doivent pas être traumatisés par
des écarteurs afin de protéger leur vascularisation.
L’exposition se
fait à l’aide de fils tracteurs passés au niveau du fascia superficialis.
Le décollement sous le fascia superficialis expose la grande veine
saphène.
Celle-ci est disséquée jusqu’à sa terminaison dans
la veine fémorale.
Le curage est délimité par, en dehors, l’incision
longitudinale de l’aponévrose du muscle sartorius sur son bord
antéro-interne et, en dedans, celle du muscle long adducteur sur
son bord antéroexterne.
La lymphadénectomie est commencée en haut et en dedans au
niveau du ligament inguinal.
Le tissu cellulograisseux est disséqué
prudemment sous ce ligament jusqu’au plan postérieur formé par la
veine fémorale.
Les canaux lymphatiques sont ligaturés et non
coagulés, l’efficacité de l’électrocoagulation sur les vaisseaux
lymphatiques n’excédant pas 10 jours.
En dehors de la veine, le plan postérieur est formé de l’artère
fémorale.
Les branches de l’artère sont immédiatement rencontrées.
Il est préférable de conserver les artères supérieures, épigastrique
superficielle et circonflexe iliaque superficielle, d’où partent les
vaisseaux à destination cutanée pour éviter une nécrose.
En dehors
de l’artère, le nerf fémoral doit être protégé.
La dissection se poursuit
alors en dehors vers l’épine iliaque permettant de découvrir l’origine
du muscle sartorius et de compléter la limite externe du curage.
La
dissection en dehors doit être poussée vers l’épine iliaque, sous le
fascia superficialis, afin de ne pas oublier des ganglions du quadrant
supéroexterne, source de récidives néoplasiques.
La totalité du tissu cellulograisseux est alors mise en traction, la
dissection vers l’apex se faisant en suivant le plan postérieur formé
par le pédicule fémoral.
L’exérèse s’effectue sur l’adventice
des vaisseaux, mais il n’est pas nécessaire de disséquer
complètement ceux-ci, aucun élément ganglionnaire ne se trouvant
à leur face postérieure.
La grande veine saphène est ligaturée à sa
terminaison dans la veine fémorale.
L’apex du triangle fémoral est
facilement repéré.
Les canaux lymphatiques présents au niveau de
l’apex doivent être ligaturés en dedans du plan de la grande veine
saphène.
L’ensemble du tissu cellulograisseux est alors enlevé,
permettant de vérifier soigneusement l’hémostase et la lymphostase.
* Fermeture
:
La fermeture doit répondre à deux objectifs : éliminer les espaces
morts créés par la lymphadénectomie et assurer une suture cutanée
sans tension.
La transposition du muscle sartorius est nécessaire pour assurer la
protection du pédicule fémoral vis-à-vis de l’infection, mais
également pour éliminer les espaces morts engendrés par
l’évidement celluloganglionnaire.
L’origine du muscle sartorius vers l’épine iliaque, disséquée lors de
la lymphadénectomie, est sectionnée.
La vascularisation de ce
muscle est préservée, assurée par des branches de l’artère quadricipitale.
Le muscle doit être suffisamment disséqué pour que
la transposition puisse se faire sans tension.
Il est suturé au ligament
inguinal par des points séparés de fil non résorbable.
Cette
transposition permet de transformer un entonnoir en une surface à
peu près plane.
La fermeture cutanée peut se faire :
– en deux plans, sous-cutané et cutané, sous couvert d’un drain
aspiratif ;
– ou mieux, dans notre expérience, par la vaporisation de colle de
fibrine.
La colle est vaporisée sur l’ensemble du plan profond
représenté par le muscle sartorius transposé, et les
lambeaux cutanés sont appliqués, maintenus par une pression
manuelle douce de telle façon que les berges soient au contact l’une
de l’autre.
Aucun drainage n’est utilisé, et un surjet intradermique
est réalisé.
* Phase postopératoire
:
La qualité des soins postopératoires et la coopération du patient sont
indispensables pour prévenir les complications précoces.
Ils
nécessitent :
– le maintien du décubitus dorsal strict et l’absence de flexion de la
cuisse pendant 5 jours ;
– la recherche de collections hématiques et/ou lymphatiques qui
seront ponctionnées à l’aiguille par voie percutanée ;
– la reprise progressive de la marche à partir du 6e jour
postopératoire, en proscrivant la station assise pendant 15 jours ;
– la poursuite du traitement anticoagulant pendant 10 jours ;
– le maintien impératif des bas de contention pendant les 3 premiers
mois.
* Complications
:
La lymphadénectomie inguinale superficielle et profonde reste une
chirurgie difficile car :
– les patients sont souvent gras, voire obèses ;
– de pratique peu courante, elle doit être minutieuse dès sa voie
d’abord, nécessitant un temps opératoire important, ce d’autant que
le geste envisagé est bilatéral ;
– la morbidité de cette chirurgie est lourde, limitant les indications
opératoires.
L’apparition d’une complication précoce en postopératoire (nécrose
cutanée, infection, lymphorrhée, lymphocèle) augmente la durée
d’hospitalisation et d’invalidité, ce d’autant que ces complications
ont tendance à se cumuler.
Il importe également de ne pas négliger
le lymphoedème du membre inférieur, complication tardive, très invalidante et
compromettant la réintégration sociale du patient.
Il s’agit de l’exérèse des groupes supéro-interne et inféro-interne des
ganglions inguinaux superficiels.
La phase préopératoire et l’installation du patient sont identiques à
la technique précédente.
* Limites :
Ce sont, en avant : le fascia superficialis ; en dehors : la grande veine
saphène ; en haut : le ligament inguinal ; en dedans : le bord externe
du muscle long adducteur ; en bas : le feuillet antérieur de
l’aponévrose.
L’incision est transversale, limitée à la moitié interne du creux
inguinal.
La dissection s’effectue sous le fascia superficialis, exposant
la grande veine saphène qui est disséquée sur son bord interne.
La
limite interne est délimitée par dissection du bord externe du muscle
long adducteur.
En haut, la dissection est débutée au niveau du
ligament inguinal, et les canaux lymphatiques sont ligaturés sous le
ligament jusqu’au plan profond formé par le feuillet superficiel de
l’aponévrose.
Le paquet cellulograisseux est enlevé après deux ou
trois ligatures, le séparant des groupes externes des ganglions
inguinaux superficiels.
* Fermeture
:
Elle est faite au mieux après vaporisation de colle de fibrine, ce qui
évite la mise en place d’un drain aspiratif.
* Phase postopératoire
:
Elle est plus simple et plus rapide que dans la technique précédente,
le lever est autorisé dès le lendemain, sans restriction de flexion de
la cuisse.
C - INDICATIONS
:
1- Évaluation clinique des chaînes inguinales
:
Devant tout carcinome épidermoïde du pénis, la présence d’une ou
plusieurs adénopathies métastatiques influence le pronostic et la
survie du patient. Le risque d’avoir une métastase
ganglionnaire est essentiellement lié au stade de la tumeur
primitive.
L’évaluation clinique est difficile, souvent prise en défaut. Depuis Beggs et Spratt, plusieurs notions ont été reconnues :
– 50 % des patients, présentant dès le premier examen des
adénopathies inguinales palpables, sont dépourvus de tout
envahissement métastatique.
La présence de ces adénopathies
est liée à la surinfection de la tumeur primitive.
Il est indispensable,
après traitement de la tumeur primitive, de mettre en place une
antibiothérapie à large spectre pendant 4 à 6 semaines, puis de
réévaluer les aires ganglionnaires.
La persistance d’une ou plusieurs
adénopathies inguinales palpables doit faire craindre la présence
d’une ou plusieurs métastases ganglionnaires ;
– 20 % des patients sans adénopathie inguinale palpable ont en fait
un envahissement ganglionnaire infraclinique.
Ces métastases infracliniques ne sont pas détectables par les examens
radiographiques standards comme la lymphographie bipédieuse, la
tomodensitométrie ou l’IRM.
2- Comment améliorer l’évaluation clinique ?
* Connaître le stade T de la tumeur primitive
:
Pour les patients N0 clinique, la présence ou non de métastases infracliniques est fonction de l’infiltration ou non des corps
caverneux par la tumeur primitive.
L’examen anatomopathologique
de la tumeur primitive est essentiel dans la démarche
diagnostique et thérapeutique des carcinomes épidermoïdes.
Si cette
démarche est relativement facile en cas d’amputation du pénis, elle
devient plus difficile en cas de biopsie simple de la lésion, a fortiori
lorsqu’une curiethérapie est envisagée.
L’association palpation sous
anesthésie et biopsie profonde ne permet pas une évaluation correcte
de la lésion primitive, source de faux positifs et de faux négatifs.
* Connaître le grade cytologique de la tumeur primitive
:
En cas de tumeur sans infiltration des corps caverneux, un grade
cytologique élevé est lié à un pourcentage important de métastases
ganglionnaires infracliniques.
* Cytoponction ganglionnaire
:
La persistance, après antibiothérapie, d’une ou plusieurs
adénopathies palpables doit faire évoquer la présence de métastases
ganglionnaires.
Dans ces cas, pour confirmer le diagnostic, il peut
être envisagé de réaliser une ponction-aspiration de l’adénopathie,
pour éviter une adénectomie qui peut compliquer la
lymphadénectomie.
En l’absence d’adénopathie palpable N0,
certains auteurs ont proposé une étude cytologique par ponctionaspiration
des ganglions inguinaux sous lymphographie bipédieuse.
L’absence d’opacification de certains relais inguinaux impose la
réalisation d’une lymphographie pénienne.
L’existence d’un fort pourcentage de faux positifs, mais également de faux négatifs,
rend cette technique inutilisable en pratique courante pour une
évaluation correcte de ces patients.
* Biopsie du ganglion sentinelle
:
Le groupe supéro-interne des ganglions inguinaux superficiels a été
considéré par Cabanas comme le premier relais métastatique.
La
biopsie systématique, chez tous les patients sans adénopathie
palpable (N0), a pour objectif de rechercher des métastases infracliniques.
Dans les faits, cette biopsie n’a un intérêt qu’en cas
de positivité, sa négativité ne permettant pas d’exclure la possibilité
de métastases infracliniques synchrones dans d’autres aires de
drainage lymphatique.
Ces dernières années, plusieurs auteurs ont
rapporté leur expérience de la scintigraphie dynamique pour repérer
et prélever le ou les ganglion (s) sentinelle (s) :
– la veille du traitement de la tumeur primitive, une scintigraphie
par gammacaméra est réalisée 20 minutes et 2 heures après injection
péritumorale de 0,3 à 0,4 ml de colloïdes marqués au 99mTc (60 MBq).
La position du ganglion repéré en scintigraphie est repérée à l’encre
sur la peau ;
– avant l’intervention sur la tumeur primitive, 1 ml de bleu patent
est injecté en péritumoral.
Environ 15 minutes après l’injection, une
courte incision inguinale est réalisée en regard de la marque cutanée.
Le ganglion sentinelle est recherché et isolé grâce aux canaux
lymphatiques injectés de bleu ;
– cette technique sensibilise la biopsie du ganglion sentinelle, avec,
pour les auteurs, chez les patients N0 clinique et une tumeur
infiltrante T2-T3, une amélioration significative de la survie à
8 ans.
Proposée par Catalona, cette chirurgie de faible morbidité permet
d’avoir une étude anatomopathologique plus exacte des ganglions
inguinaux superficiels, et d’éviter les échecs techniques de la biopsie
du ganglion sentinelle.
D - SCHÉMA THÉRAPEUTIQUE
:
Pour les tumeurs superficielles de faible grade sans adénopathie
(N0), le risque de développer une métastase à distance est faible, de
l’ordre de 5 %.
Pour les tumeurs superficielles de haut grade, ou les tumeurs
infiltrantes sans adénopathie (N0), le risque de métastases à distance
varie entre 15 % et 66 %.
La recherche de métastases infracliniques est nécessaire, soit par biopsie du ganglion sentinelle
avec scintigraphie dynamique, soit par une lymphadénectomie
inguinale superficielle bilatérale.
En cas de positivité lors de
l’examen extemporané, une lymphadénectomie inguinale
superficielle et profonde doit être réalisée.
En cas d’adénopathies palpables persistantes après antibiothérapie
(N1 ou N2), la lymphadénectomie inguinale doit être bilatérale car
des métastases controlatérales ont été décrites dans 20 à 25 % des
cas.
En cas de N3, les drogues actives sur le carcinome épidermoïde sont
le cisplatine, le méthotrexate, la bléomycine.
L’efficacité de cette
chimiothérapie n’est pas évaluable actuellement du fait du faible
nombre de patients inclus dans ces protocoles.
La morbidité de la lymphadénectomie inguinale doit être connue,
par le chirurgien et le patient, avant d’en poser l’indication : elle est
faible (3 %) pour la lymphadénectomie superficielle,7 beaucoup plus
importante pour la lymphadénectomie superficielle et profonde
(40 %).
En fait, il est important de savoir que lorsqu’une
complication précoce apparaît (nécrose de berges, hématome, lymphorrhée), elle fait le lit des autres complications précoces et/ou
tardives qui s’enchaînent (lymphocèle, infection, phlébite).
Ainsi,
15 à 20 % des patients vont présenter l’ensemble des complications
répertoriées.
La complication la plus invalidante reste à distance le lymphoedème des membres inférieurs, pouvant entraver gravement
la déambulation.