Tumeurs du complexe iridociliaire
Cours d'Ophtalmologie
Introduction
:
Le complexe iridociliaire est le siège de nombreuses tumeurs
bénignes et malignes pouvant être d’origine mélanocytaire,
épithéliale, musculaire, nerveuse, inflammatoire, et de diverses
formations, pseudotumorales susceptibles de les imiter.
Dans ce
chapitre, la présentation clinique, la nature histopathologique, le
diagnostic différentiel et les options thérapeutiques pour l’ensemble
de ces formations tumorales sont décrits de façon systématique.
Kystes iriens
:
Les kystes du complexe iridociliaire peuvent être primaires ou
secondaires et leur apparence peut occasionnellement imiter une
tumeur pigmentée.
A - KYSTES IRIENS PRIMAIRES :
Ils sont d’origine, soit épithéliale, soit stromale.
1- Kystes primaires originaires de l’épithélium
pigmentaire de l’iris :
* Kystes péripupillaires
:
De petite taille, ils sont généralement multiples.
On les nomme « iris floculi » lorsqu’ils sont collabés.
Leur association avec l’anévrisme
disséquant familial de l’aorte a été décrite.
* Kystes intermédiaires de l’épithélium pigmentaire
:
Généralement bilatéraux et multiples, ils sont situés en chambre
postérieure et prolabent à travers la pupille, principalement
lorsqu’elle est en dilatation maximale. Leur surface est lisse et
pigmentée.
En biomicroscopie ultrasonore (UBM), leur contenu est
acoustiquement vide, ce qui permet de les différencier d’une tumeur
solide.
* Kystes périphériques de l’épithélium pigmentaire
:
Généralement uniques et unilatéraux, les kystes périphériques de
l’épithélium pigmentaire sont les formations kystiques du complexe iridociliaire les plus fréquentes.
Ils se manifestent cliniquement
par une voussure de la racine irienne et deviennent visibles en
dilatation maximale de la pupille.
Leur paroi est, soit transparente,
soit saupoudrée de pigment.
À l’UBM, leur contenu est
acoustiquement vide.
* Kystes disloqués de l’épithélium pigmentaire
:
On les observe dans le vitré (kystes translucides saupoudrés de
pigment flottant librement) et dans la chambre antérieure (kystes
flottant librement ou, le plus souvent, fixés dans l’angle iridocornéen, de préférence en position inférieure).
2- Kystes primaires originaires du stroma irien
:
Plus rares que les kystes épithéliaux, les kystes primaires situés dans
le stroma irien peuvent être congénitaux ou acquis.
Ils sont
constitués d’éléments épithéliaux superficiels, probablement inclus
dans l’iris au cours de l’embryogenèse.
L’examen histopathologique
montre l’absence de lien entre ces kystes et l’épithélium pigmentaire
de l’iris.
Les kystes congénitaux sont translucides et les kystes acquis sont,
soit translucides, soit pigmentés.
Ils peuvent progressivement
augmenter de volume et poser occasionnellement des problèmes de
diagnostic différentiel avec des tumeurs iriennes solides.
À l’UBM,
leur contenu est acoustiquement vide.
B - KYSTES IRIENS SECONDAIRES :
Les kystes iriens secondaires sont généralement consécutifs à un
traumatisme ou à une intervention chirurgicale du segment
antérieur et sont plus rarement liés à la présence d’une tumeur
mélanocytaire du segment antérieur.
1- Kystes postchirurgicaux et post-traumatiques
:
Ils résultent de l’inclusion de cellules épithéliales, cornéennes ou
conjonctivales en chambre antérieure, soit au cours d’une
intervention chirurgicale, soit lors d’une perforation traumatique cornéosclérale.
Généralement translucides, ils peuvent être à l’origine d’un glaucome compliqué.
Occasionnellement, ces kystes
peuvent être remplis d’un matériel dense, constitué de cellules
desquamées et dévitalisées. Leur coloration est alors blanc nacré et
ils prennent la dénomination de « kystes perlés ».
2- Kystes liés à une tumeur mélanocytaire du complexe
iridociliaire :
Certaines tumeurs mélanocytaires bénignes ou malignes du
complexe iridociliaire peuvent provoquer un décollement de
l’épithélium pigmentaire et entraîner la formation d’un kyste
proéminent dont le volume peut dépasser celui de la tumeur
d’origine.
Ces kystes protruent généralement à travers l’ouverture
pupillaire et sont particulièrement bien visibles en position de
dilatation maximale.
L’UBM permet de différencier la partie
kystique de la partie solide de la tumeur.
Tumeurs mélanocytaires
:
Les nævi, les mélanocytomes et les mélanomes sont les trois types
de tumeur mélanocytaire qui surviennent dans le complexe
iridociliaire.
A - NÆVI IRIENS :
Les nævi iriens sont les tumeurs mélanocytaires les plus fréquentes
de l’iris.
Ils sont situés dans le stroma irien et possèdent des
caractéristiques histopathologiques qui leur sont propres et se
distinguent de celles de la mélanocytose irienne et des éphélides iriennes.
1- Mélanocytose :
Elle est rarement isolée ; elle fait généralement partie de la
mélanocytose oculaire ou oculopalpébrale et donne lieu à une
hétérochromie.
Elle peut être sectorielle ou diffuse et est rarement
bilatérale.
En biomicroscopie, les cryptes iriennes sont atténuées
ou effacées et la surface irienne est parfois recouverte de
granulations pigmentées, dites « mammillations ».
Cette
pathologie peut être liée à des mélanomes de l’uvée postérieure et à un glaucome pigmentaire.
Pour ces deux raisons, les patients
atteints doivent bénéficier d’une surveillance clinique
ininterrompue.
2- Éphélides iriennes :
Il s’agit de taches pigmentées, uniques ou multiples, superficielles,
posées sur le stroma irien.
Contrairement aux nævi, ces
lésions n’ont probablement aucun potentiel de transformation
maligne.
Les nævi sont des tumeurs généralement pigmentées, situées dans
le stroma irien.
Ils sont de taille variable et leur épaisseur est
comprise, dans la majorité des cas, entre 0,7 et 1,3 mm, mesurée par UBM.
Leurs bords sont irréguliers et leur surface est souvent
recouverte d’une pellicule d’aspect gélatineux et translucide dite
« plaque de surface ».
À l’UBM, elle se distingue du reste de la
tumeur par une variation de réflectivité.
La contraction de la
plaque de surface peut donner lieu à une « ectropisation » de
l’épithélium pigmentaire de l’iris dite « ectropion uvéal ».
3- Histologie :
À l’examen histopathologique, Jakobiec et Silbert distinguent :
– les nævi à cellules épithélioïdes, composés de cellules rondes ou
polyédriques sans plaque de surface, au noyau pourvu d’un
nucléole éosinophile ;
– les nævi intrastromaux à cellules fusiformes, composés de
cellules ovoïdes disposées en faisceaux ou en thèques, avec un
rapport nucléoplasmocytaire bas ; leur aspect est semblable à celui
des cellules fusiformes A des mélanomes de l’uvée postérieure ;
– les nævi à cellules fusiformes et plaque de surface : la plaque,
située au-dessus de la partie intrastromale de la tumeur, est
constituée de cellules aux caractéristiques cytologiques identiques à
celles du reste de la tumeur, mais elle est dépourvue toutefois du
soutien de fibres de réticuline ;
– les nævi à cellules fusiformes borderline comportant une souspopulation
de cellules avec un petit nucléole et recouverts
généralement d’une plaque de surface.
4- Examens complémentaires
:
L’examen complémentaire de choix pour l’investigation des nævi
iriens est l’UBM.
Cet examen permet la mesure de l’épaisseur
tumorale, la définition des types de réflectivité tumorale, l’état de
l’épithélium pigmentaire irien et l’éventuelle continuité de la tumeur
avec une masse tumorale située dans le corps ciliaire.
C’est donc un examen indispensable aussi bien pour l’établissement
du diagnostic que pour la surveillance de l’évolution au cours d’une
observation périodique.
Les nævi sont généralement des tumeurs non évolutives ne
nécessitant aucune sanction thérapeutique.
Ils sont néanmoins
susceptibles de présenter une faible croissance et peuvent de ce fait
être confondus avec un mélanome.
La présence, d’autre part, d’un
nævus sectoriel devrait faire appel à un examen attentif et
périodique du fond d’oeil en dilatation, car il peut occasionnellement
être associé à un mélanome de l’uvée postérieure.
Le diagnostic différentiel de ces tumeurs doit être établi avec les
mélanomes et les mélanocytomes, dont la présentation
clinique initiale peut occasionnellement être similaire.
B - MÉLANOCYTOMES DU COMPLEXE IRIDOCILIAIRE :
Les mélanocytomes sont des tumeurs composées d’une variante de
cellules næviques.
Leur taille est généralement supérieure à celle des
nævi, et ils sont de coloration brun foncé noirâtre.
Ils peuvent être
localisés dans l’iris, dans le corps ciliaire et, de préférence, dans la
jonction iridociliaire.
Ces tumeurs se développent le plus
souvent chez des personnes mélanodermes ou fortement
pigmentées.
Les cellules qui composent les mélanocytomes sont de grande taille,
régulières, fortement pigmentées et au cytoplasme abondant.
Les
mitoses sont rares, voire absentes.
Les mélanocytomes du complexe iridociliaire, observés au long
cours, peuvent présenter une faible croissance, une transformation
maligne, se nécroser et entraîner l’apparition d’un
glaucome de type mélanocytomalytique, sur blocage de
l’angle iridocornéen par des macrophages chargés de pigment.
À
l’examen gonioscopique, les dépôts de pigment dans l’angle
camérulaire ont souvent un aspect en mottes.
Le traitement
pharmacologique est généralement insuffisant dans ce type de
situation qui nécessite dès lors une sanction chirurgicale.
En
considérant qu’il est souvent impossible de distinguer cliniquement
un glaucome mélanocytolytique d’un glaucome mélanolytique
consécutif à la nécrose d’un mélanome, il est imprudent de pratiquer
une opération filtrante sans examen histopathologique de la tumeur.
Dans ce contexte, on préconise, selon la taille et l’extension de la
masse tumorale, soit une biopsie, soit une exérèse chirurgicale de la
tumeur, souvent capable, à elle seule, de normaliser la tension
intraoculaire par la suppression de la source de dispersion de
pigment en chambre antérieure.
C - MÉLANOMES IRIENS :
Les mélanomes iriens sont des tumeurs relativement rares qui ne
représentent que les 2 à 3 % de l’ensemble des mélanomes de
l’uvée, sauf chez les patients prépubères et les adolescents,
chez qui elles constituent les 40 à 50 % de l’ensemble des mélanomes
uvéaux.
Ces tumeurs sont localisées de préférence dans les quadrants iriens
inférieurs.
Une couleur de l’iris claire, l’exposition aux
rayons ultraviolets (UV) et la présence d’un nævus préexistant sont considérées comme facteurs de risque.
1- Présentation clinique
:
Les mélanomes iriens ont généralement une forme circonscrite avec
une croissance, soit exophytique en direction de la chambre
antérieure, soit endophytique en direction de la chambre
postérieure et, plus rarement, ils ont une forme diffuse.
Cette dernière résulte d’une croissance infiltrative de la tumeur ou
de l’essaimage de cellules tumorales à la surface de l’iris, donnant
naissance à des nodules satellitaires multiples.
La tumeur est fortement pigmentée dans la majorité des cas et
comporte occasionnellement des îlots achromes.
Sa surface est, soit
finement granuleuse, soit recouverte d’une plaque de surface, soit
micronodulaire avec un aspect en « pudding de tapioca ».
La
vascularisation tumorale est apparente si la tumeur est peu
pigmentée ; il est possible de l’étudier par angiographie fluorescéinique.
Cette vascularisation fragile peut être la source d’un hyphéma, surtout lorsque la tumeur est volumineuse.
Une des complications majeures des mélanomes iriens est le
glaucome qui peut avoir divers mécanismes pathogéniques :
– mélanomalytique : consécutif à l’envahissement de l’angle
iridocornéen par des macrophages chargés de pigment en cas de
tumeur nécrotique ;
– secondaire à l’invasion tumorale de l’angle par continuité
tissulaire en cas de mélanome iridociliaire ;
– secondaire à l’invasion de l’angle iridocornéen par des cellules
tumorales essaimées dans l’humeur aqueuse.
L’invasion de l’angle iridocornéen par la tumeur est souvent suivie
de l’extension de la tumeur dans l’espace supraciliaire, puis de
l’infiltration du corps ciliaire aboutissant à un mélanome annulaire.
Il convient de ce fait d’étudier le corps ciliaire avec l’UBM de façon
minutieuse par tranche horaire et de façon circonférencielle dans
tous les cas avérés et suspects d’invasion tumorale de l’angle
iridocornéen.
2- Diagnostic différentiel :
Le diagnostic différentiel des mélanomes iridociliaires doit être établi
avec une multitude de lésions tumorales et pseudotumorales
d’aspect très proche : nævi, mélanocytomes, kystes, métastases,
xanthogranulomes, adénomes, adénocarcinomes, médulloépithéliomes,
iridocorneal endothelial (ICE) syndrome et autres.
Il
s’effectue en tenant compte de la présentation clinique de la tumeur,
de l’imagerie en UBM et, dans des cas sélectionnés, de
l’angiographie fluorescéinique, de la cytoponction et, si nécessaire,
de la biopsie incisionnelle.
L’UBM offre actuellement une aide décisive au diagnostic
différentiel de l’ensemble des tumeurs du complexe iridociliaire.
Cet
examen fournit une imagerie dont le pouvoir de différenciation est
de quelques micromètres et permet :
– de définir l’étendue exacte de la tumeur ;
– d’étudier son échostructure (tumeur homogène versus
inhomogène, solide versus kystique) ;
– d’observer les éventuelles altérations de l’épithélium pigmentaire
induites par la tumeur irien (ruptures, décollement, formations
kystiques).
3- Histopathologie
:
Les mélanomes iriens, à l’examen histopathologique, peuvent
être :
– de type fusiforme : cellules allongées au nucléole proéminent et
rapport nucléocytoplasmique élevé.
Elles correspondent aux cellules
fusiformes B des mélanomes de l’uvée postérieure.
Les mitoses sont
présentes mais peu nombreuses.
La majorité des mélanomes iriens
appartient à cette catégorie de type cellulaire ;
– de type épithélioïde : cellules de grande taille, parfois
pléomorphiques avec nucléoles éosinophiles proéminents ;
– de type mixte, composés d’un mélange des deux catégories
cellulaires précédentes.
Les trois types sont susceptibles de présenter occasionnellement une
plaque de surface.
4- Pronostic vital
:
Le pronostic des patients atteints de mélanome irien est
généralement favorable, ces tumeurs étant rarement à l’origine de
métastases à distance.
Le risque de décès par métastases a été calculé de 1,4 à 3 % à 5 ans,
de 3,3 à 5 % à 10 ans et de 5,9 à 10 % à 15 et 20 ans, après
traitement.
Les facteurs de mauvais pronostic selon différentes
études sont : des paramètres cytologiques agressifs, l’infiltration
tumorale de l’angle iridocornéen, l’extension extrasclérale,
l’hypertension oculaire, l’âge avancé des patients et un acte
thérapeutique initial non curatif.
5- Traitement
:
Les techniques thérapeutiques appliquées aux mélanomes du
complexe iridociliaire sont : la chirurgie, la radiothérapie
(brachythérapie gamma ou bêta, téléthérapie au faisceau de protons
accélérés) et, plus rarement, l’énucléation.
La stratégie thérapeutique
dépend de la taille, de la localisation et de l’extension de la tumeur,
de la présence d’une invasion limitée ou circonférencielle du corps
ciliaire et enfin de l’existence d’une hypertonie oculaire et de sa
cause.
Un mélanome nodulaire circonscrit de l’iris sans invasion du corps
ciliaire, sans dispersion pigmentaire dans l’angle camérulaire et sans
hypertonie peut être traité par iridectomie sectorielle ou irradiation
circonscrite.
La première technique a l’avantage de fournir la preuve histopathologique du diagnostic et la seconde d’éviter une
iridectomie fonctionnellement gênante, un éventuel astigmatisme
postopératoire et les risques usuels d’une intervention endoculaire.
Quel que soit le traitement appliqué, les patients doivent être
observés périodiquement au long cours, en raison du risque, de
récidive tardive à partir de cellules tumorales essaimées dans l’angle iridocornéen.
Un mélanome iridociliaire avec les mêmes caractéristiques que
précédemment est traité par irradiation circonscrite.
Cette
technique est préférée à la chirurgie (goniectomie ou
iridocyclectomie) en raison des risques de complications
peropératoires. L’observation périodique postopératoire est
identique.
Un mélanome nodulaire associé à une hyperpigmentation de l’angle camérulaire, avec ou sans hypertonie, est traité selon la nature
présumée de cette pigmentation.
En cas de glaucome mélanomalytique avec invasion de l’angle iridocornéen par des
macrophages chargés de pigment, l’exérèse chirurgicale de la
tumeur est recommandée, suivie, s’il n’y a pas rétablissement
spontané de l’équilibre tensionnel, d’une intervention filtrante mais
non perforante.
Au contraire, en cas d’invasion tumorale de l’angle camérulaire avec ou sans invasion annulaire du corps ciliaire, le
traitement par irradiation complète du segment antérieur par
faisceau de protons accélérés est préconisé.
Enfin, en cas de mélanome diffus, l’unique sanction thérapeutique
alternative à l’énucléation est l’irradiation complète du segment
antérieur par faisceau de protons.
Le choix thérapeutique se fait en
prenant en considération la gravité des altérations campimétriques,
l’état de la papille optique et le choix personnel des patients.
Tumeurs d’origine vasculaire
:
Les hémangiomes iriens ou iridociliaires sont extrêmement rares et
la plupart des cas publiés se sont avérés être, après réévaluation des
coupes histopathologiques, soit des mélanomes avec vascularisation
proéminente, soit des xanthogranulomes, soit des proliférations
fibrovasculaires réactives.
Il est en revanche possible d’observer
occasionnellement des malformations vasculaires de l’iris sous forme
de dilatations variqueuses qui ne doivent pas être confondues
avec de véritables tumeurs vasculaires.
Tumeurs d’origine nerveuse
:
Ces tumeurs sont extrêmement rares.
Des neurofibromes, des
schwannomes et des ganglioneuromes peuvent occasionnellement
se développer dans le complexe iridociliaire.
A - NEUROFIBROMES :
Ils sont constitués de cellules de Schwann, de fibroblastes et de
cellules périneurales ; ils sont généralement associés à la
neurofibromatose (NF1) et peuvent se présenter, soit sous forme de
tumeurs diffuses infiltratives (neurofibromatose diffuse), soit sous
forme de tumeurs isolées.
La neurofibromatose diffuse de la
choroïde est habituellement associée à un glaucome congénital et à
un buphtalme secondaire aux altérations de l’angle iridocornéen.
Les neurofibromes iriens, en revanche, sont des tumeurs achromes
bien vascularisées qui peuvent progressivement augmenter de
volume.
Soulignons que les nodules de Lisch
découverts fréquemment dans la neurofibromatose ne sont pas des
neurofibromes mais sont composés d’agrégats de mélanocytes et de
cellules gliales.
B - SCHWANNOMES :
Ils sont constitués de cellules de Schwann et sont très rarement
associés à la neurofibromatose.
Ils sont localisés de préférence dans
la choroïde et occasionnellement dans le corps ciliaire et l’iris.
Ces tumeurs peuvent être achromes ou pigmentées et
augmentent peu de volume.
Les divers examens complémentaires
usuels n’apportent qu’une aide relative à l’établissement du
diagnostic.
C - GANGLIONEUROMES :
Ce sont des tumeurs extrêmement rares, issues des cellules
ganglionnaires du système nerveux autonome.
L’existence de ce
type de tumeur dans l’uvée antérieure et postérieure est sujette à
controverse.
Tumeurs d’origine musculaire
:
Les tumeurs myogéniques intraoculaires sont rares.
La plupart,
issues des fibres musculaires lisses uvéales, sont des léiomyomes
localisés dans le complexe iridociliaire.
De rares cas de léiomyosarcome et de rhabdomyosarcome ont toutefois été
décrits.
LÉIOMYOMES :
Les léiomyomes sont des tumeurs bénignes formées à partir de
cellules musculaires lisses (sphincter et dilatateur de l’iris, muscles
du corps ciliaire, cellules musculaires hétérotopiques dans la
choroïde).
Les cellules musculaires lisses de la tête et du cou
dérivent de la crête neurale, contrairement aux cellules musculaires
lisses du reste du corps, d’origine mésodermique.
Cette particularité
confère aux léiomyomes intraoculaires leur aspect histopathologique
caractéristique.
1- Clinique :
Les léiomyomes iriens représentent environ les 25 % de l’ensemble
des léiomyomes intraoculaires.
À l’examen clinique, ils ont une
coloration rose saumoné ou blanc grisâtre et sont parfois pigmentés.
De forme nodulaire, ils sont souvent richement vascularisés et situés
de préférence dans le secteur du sphincter de l’iris.
Un hyphéma est
parfois présent.
Les léiomyomes localisés dans le complexe iridociliaire représentent
près de 70 % des tumeurs intraoculaires de ce type, décrites à ce
jour.
Ils ont une forme en dôme caractéristique et se développent
dans les couches profondes du corps ciliaire qui est repoussé sans
être infiltré.
La masse tumorale a, par conséquent, une surface lisse,
et sa pigmentation apparente correspond en fait à celle de la pars
plana.
La coloration de la tumeur proprement dite, qui est beige
saumoné, n’apparaît que si elle pénètre à travers l’angle iridocornéen
en chambre antérieure.
Ces tumeurs, lorsqu’elles sont
volumineuses et s’étendent en direction de la choroïde, provoquent
souvent un décollement secondaire exsudatif de la rétine, parfois
une cataracte secondaire ou une subluxation du cristallin.
2- Diagnostic :
Le diagnostic différentiel des léiomyomes iridociliaires doit
essentiellement être établi avec les mélanomes et il est souvent
extrêmement difficile.
Le jeune âge des patients et le sexe féminin (léiomyomes : âge
moyen 33 ans, atteinte féminine 63 %) sont deux éléments qui
s’ajoutent à l’image suggestive de la tumeur.
L’apport des examens paracliniques : transillumination (tumeur translucide),
ultrasonographie (échostructure parfois homogène et parfois
inhomogène) et imagerie par résonance magnétique (IRM) (image
semblable à celle des mélanomes achromes) est limité.
Seul le
diagnostic histopathologique peut par conséquent être décisionnel.
À l’examen histopathologique, ces tumeurs décrites en premier lieu
par Blodi, en 1950, sont composées de faisceaux cellulaires denses
étroitement entrelacés.
Les cellules sont fusiformes, avec un
cytoplasme d’aspect fibrillaire, attribué à la présence de myofibrilles.
Le diagnostic peut être confirmé par microscopie électronique et
par immunohistochimie. Une variante de cette tumeur est le
léiomyome mésectodermique décrit par Jakobiec et al.
3- Traitement
:
Le traitement de choix du léiomyome est l’exérèse chirurgicale de la
tumeur, à condition d’avoir établi le diagnostic avec précision.
Cette
intervention est facilitée par la localisation de la tumeur qui se
développe, dans la majorité des cas, dans l’espace supraciliaire et
suprachoroïdien.
Tumeurs et pseudotumeurs
épithéliales
:
Les cellules de l’épithélium pigmenté et non pigmenté du corps
ciliaire ainsi que les cellules de l’épithélium pigmenté irien peuvent
générer une multitude de tumeurs et pseudotumeurs congénitales
ou acquises.
Toutefois, les critères de définition de certaines
de ces lésions ne sont pas précis, probablement en raison de
l’existence de nombreuses formes de transition entre tumeurs
malignes et bénignes ainsi qu’entre hyperplasies et tumeurs.
A - MÉDULLOÉPITHÉLIOMES :
Les médulloépithéliomes sont des tumeurs non héréditaires,
congénitales, rares, diagnostiquées généralement en bas âge.
Les symptômes et signes les plus fréquents sont : la baisse de l’acuité visuelle, des douleurs oculaires, une leucocorie et la présence
d’une formation tumorale visible en chambre antérieure.
1- Clinique :
À l’examen biomicroscopique, la tumeur a une coloration claire, est
vascularisée et comporte des formations polykystiques dont
certaines peuvent se détacher et flotter en chambre antérieure ou se
loger dans l’angle iridocornéen à distance de la tumeur.
Les médulloépithéliomes sont des tumeurs évolutives et peuvent
repousser l’iris, subluxer le cristallin, entraîner l’apparition d’un
glaucome, d’un hyphéma, d’une réaction inflammatoire en chambre
antérieure ou d’une membrane cyclitique ; ils peuvent enfin
occasionnellement s’extérioriser.
2- Diagnostic :
Le diagnostic différentiel de ces tumeurs, chez l’enfant, comprend
avant tout les rétinoblastomes.
La survenue tardive de la tumeur,
l’absence d’anamnèse familiale, l’unilatéralité, la localisation
antérieure et l’aspect polykystique de la tumeur à l’examen clinique
et en UBM sont les éléments en faveur du diagnostic de
médulloépithéliome.
Chez le jeune adulte, des tumeurs de manifestation tardive doivent
principalement être distinguées des adénomes et des
adénocarcinomes du corps ciliaire ainsi que des mélanomes
nécrotiques et d’aspect polykystique, voire cavitaire.
3- Histologie :
La classification histopathologique de Zimmerman distingue
les tumeurs de type non teratoïde, composées de cellules
neuroépithéliales peu différenciées, disposées en tubules et formant
parfois un réseau, et les tumeurs de type teratoïde comportant en
outre des éléments tissulaires hétérotopiques.
Les deux types
peuvent être bénins ou malins.
4- Traitement
:
Le traitement des médulloépithéliomes n’est pas standardisé.
Compte tenu du risque de récidive après exérèse chirurgicale de la
tumeur, la radiothérapie circonscrite peut être une option
thérapeutique de choix pour les tumeurs de petite taille.
L’énucléation, toutefois, reste une nécessité lorsque la tumeur est
volumineuse et le globe oculaire douloureux en raison d’un
glaucome secondaire.
En cas de traitement conservateur, une
surveillance stricte est conseillée, compte tenu du risque élevé de
récidive.
En cas d’extériorisation, les médulloépithéliomes sont susceptibles
de générer des métastases à distance par voie lymphatique, de même qu’une invasion du système nerveux central par continuité
tissulaire.
En revanche, en l’absence d’extension extrasclérale,
le pronostic vital est toujours excellent.
B - ADÉNOMES ET ADÉNOCARCINOMES :
Les adénomes et adénocarcinomes du complexe iridociliaire sont des
tumeurs rares et peuvent provenir, soit de l’épithélium pigmenté ou
non pigmenté du corps ciliaire, soit de l’épithélium pigmenté irien.
Les tumeurs de l’épithélium pigmenté irien peuvent difficilement
être différenciées cliniquement des nævi, des mélanocytomes et des
mélanomes pigmentés de l’iris.
Elles sont généralement uniques,
faiblement évolutives et asymptomatiques.
L’acuité visuelle est
rarement réduite.
Leur coloration est sombre, leur surface
irrégulière et leur diamètre varie de 1 à 8 mm.
L’attitude thérapeutique conseillée est l’observation périodique et,
si besoin, l’exérèse chirurgicale de la tumeur.
À l’examen histopathologique, les adénomes et adénocarcinomes sont composés
de cellules polygonales comprimant le stroma irien sans l’infiltrer.
Les adénomes et adénocarcinomes du corps ciliaire sont
légèrement plus fréquents que les tumeurs iriennes.
Ils ont une
coloration qui varie du brun clair au noir et protruent généralement
en chambre antérieure en repoussant l’iris.
La surface tumorale est
irrégulière et si la tumeur est achrome, elle apparaît richement
vascularisée. À l’UBM, la structure interne est homogène.
À l’examen histopathologique, il est souvent difficile d’établir la
limite entre tumeurs malignes et bénignes.
Toutefois, l’évolution,
après exérèse de la tumeur, est généralement favorable, et les rares
issues fatales sont consécutives à des récidives intracrâniennes par
continuité tissulaire et, plus rarement, à des métastases à distance.
Le traitement d’une tumeur circonscrite devrait être chirurgical
(iridocyclectomie complétée ou non par l’irradiation du volet
scléral), et l’énucléation réservée au cas sans espoir de conservation
d’une fonction visuelle utile.
Le xanthogranulome juvénile est une pathologie cutanée bénigne.
Elle se manifeste en bas âge et se caractérise par la présence de
nodules uniques ou multiples de coloration jaune orangé de 5-10
mm de diamètre et qui régressent spontanément.
L’atteinte oculaire,
le plus souvent irienne ou limbique conjonctivocornéenne, est rare.
Le xanthogranulome juvénile irien est une formation tumorale de
coloration brun clair ou foncé, généralement unilatérale, richement
vascularisée et provoquant une réaction inflammatoire en chambre
antérieure.
Il est souvent accompagné d’hémorragies qui
peuvent être récidivantes, voire multirécidivantes, et d’une
hypertonie oculaire consécutive au blocage du système trabéculaire
de drainage par des cellules inflammatoires ou des hématies.
L’UBM révèle un épaississement de l’iris acoustiquement homogène
avec une ligne hypoéchogène située juste en dessous de la surface
antérieure de la tumeur.
Le diagnostic est posé en tenant compte du contexte clinique, de
l’âge et de l’image caractéristique de la tumeur irienne.
À de rares
occasions toutefois, ces tumeurs peuvent également se manifester
chez l’adulte et poser dès lors des problèmes de diagnostic
différentiel.
L’examen histopathologique montre une infiltration massive de l’iris
par des histiocytes et d’autres cellules inflammatoires, notamment
des cellules de Touton.
Le traitement vise à accélérer la régression spontanée de la tumeur et à éviter les complications consécutives à
l’hypertonie oculaire, à l’inflammation exagérée du segment
antérieur et aux hyphémas récidivants.
Dans la majorité des cas, il
est possible d’obtenir le contrôle local de la maladie et la régression
de la tumeur par une corticothérapie topique ou sous-conjonctivale,
associée si nécessaire à un traitement hypotenseur local ou général
en l’espace de 1 à 3 mois.
Une corticothérapie générale ou une
radiothérapie sont rarement nécessaires et l’exérèse chirurgicale de
la tumeur est réservée uniquement aux cas dont le diagnostic est
douteux.
Tumeurs métastatiques
:
Les métastases des carcinomes systémiques, mammaires, bronchopulmonaires et autres, dans le complexe iridociliaire,
représentent les 8 à 14% de l’ensemble des métastases uvéales.
Les métastases iriennes ont une coloration beige jaunâtre et sont
situées de préférence dans l’angle iridocornéen, sur le méridien
horizontal.
Elles peuvent être nodulaires, endo- ou exophytiques ou diffuses.
Souvent richement vascularisées, elles peuvent
parfois induire une réaction inflammatoire majeure en chambre
antérieure et un glaucome par invasion de l’angle camérulaire.
Dans près d’un tiers des cas, elles sont associées à des métastases de
l’uvée postérieure ou de l’orbite ipsi- ou controlatérale.
Les métastases du corps ciliaire constituent généralement
l’expansion antérieure d’une métastase de l’uvée postérieure mais
peuvent être occasionnellement hématogènes, nodulaires et isolées.
L’ultrasonographie à haute fréquence de 20 et/ou de 50 mHz est
l’examen de choix pour définir leur étendue exacte.
La surface de
ces lésions a souvent une coloration brun chocolat qui correspond à
celle de l’épithélium pigmenté de la pars plana qu’elles soulèvent
en direction de l’aire pupillaire, sans l’infiltrer.
De ce fait, leur
diagnostic est parfois difficile en l’absence d’autres manifestations
flagrantes d’une maladie métastatique.
La radiothérapie externe et diffuse du globe oculaire est le traitement
de choix pour les métastases du complexe iridociliaire.