Troubles de la marche et chute du sujet âgé Cours de Neurologie
Épidémiologie
:
Un tiers des personnes de plus de 75 ans se plaint de
manque d’équilibre et de sensations d’instabilité au
lever du lit et à la marche.
On estime que 30 % des personnes âgées de plus de
65 ans vivant à domicile font au moins une chute dans
l’année.
Ce chiffre passe à 50 % pour les plus de 85 ans.
L’incidence augmente de façon linéaire avec l’âge.
En
institution, les chutes sont plus fréquentes mais la population
est plus dépendante physiquement et psychiquement.
La rapport est de 2 femmes pour 1 homme.
Quatrevingt-cinq pour cent des chutes se font dans la journée,
dans les pièces les plus utilisées : chambre et salle à
manger au domicile, chambre et salle de bain en milieu
institutionnel.
Les chutes surviennent plus volontiers chez des sujets
vivant seuls au domicile.
Il s’agit de la 2e cause d’appel du médecin en institution
et de la 3e cause de consultations aux urgences.
Environ 10 à 12 % des chutes ont des conséquences
traumatiques représentées pour la moitié par des fractures.
Le risque de rechuter est multiplié par 20 après une
première chute.
La morbidité est considérable et est
impliquée à des degrés divers dans un tiers des hospitalisations
des plus de 70 ans.
C’est une des premières
causes d’institutionnalisation et l’on estime que 40%
des personnes qui chutent seront institutionnalisés en
raison de leur réduction d’autonomie.
La mortalité est impressionnante.
C’est la première
cause de décès accidentel en gériatrie (supérieure au
décès par accident de la route) ; 20 à 25 % des sujets
ayant chuté décèdent dans l’année qui suit. Cette proportion
augmenterait à 50 % en institution.
Chuter est donc un facteur de mauvais pronostic contre
lequel il faut lutter avec vigueur.
Vieillissement de l’équilibre
et de la marche :
Le maintien de la posture lors d’une action statique ou
dynamique est un mécanisme complexe qui fait appel à
différents éléments du système nerveux et de l’appareil
locomoteur.
Lors de la sénescence, il existe une altération de ces
afférences et efférences.
Les organes sensoriels (vue et
audition) sont moins performants et responsables d’une
perception déficiente de l’environnement.
Le système
vestibulaire devient moins sensible aux stimulations
rapides et complexes.
La proprioception musculaire et
articulaire est plus faible notamment au niveau des
membres inférieurs.
La vitesse d’intégration des informations
de posture est, elle aussi, ralentie, surtout lors
des tâches complexes.
La réponse effective sera de qualité
moindre lorsqu’il existe une réduction de la force musculaire
et de l’amplitude des mouvements articulaires.
On observe alors une altération des performances à la
marche tant au niveau de la rapidité d’exécution qu’au
niveau de l’endurance.
Le sujet âgé présente un ralentissement
de la vitesse de marche par un raccourcissement du pas avec une réduction du temps d’appui monopodal,
une trajectoire moins régulière, un écartement modéré
des pieds avec réduction de l’élévation des pointes, une
légère flexion du tronc en avant, une diminution du ballant
des bras, le tout pour tendre vers une plus grande
stabilité.
Étiologie
:
Les causes de chutes chez le sujet âgé sont le plus souvent
variées et intriquées.
L’existence de troubles de la
marche est fréquente dans de nombreuses pathologies
responsables de chutes.
Il est nécessaire de distinguer
les chutes mécaniques par obstacles (causes extrinsèques)
et les chutes dues à un malaise ou à une maladie (causes
intrinsèques).
A - Causes extrinsèques
:
Les causes environnementales sont à l’origine de 30 à
50 % des chutes.
Ce sont des chutes accidentelles d’origine
mécanique. Elles surviennent volontiers au domicile
dans les pièces les plus utilisées : salle à manger,
chambre à coucher, mais aussi escalier.
On recherche des facteurs favorisants :
– un éclairage de mauvaise qualité surtout dans les
couloirs ou les escaliers ;
– l’absence de lumière lors du lever nocturne ;
– un sol instable, glissant (parquet trop ciré, carrelage
mouillé, tapis non fixé, descente de lit) ou irrégulier
(planchers inégaux, tapis usé, barre de seuil, dénivellation
imprévue comme la première ou la dernière
marche de l’escalier) ;
– un obstacle imprévu (meuble déplacé, fils de téléphone
ou de lampe, objet qui traîne, animal domestique) ;
– des meubles inadaptés (branlant, lit trop haut, roulettes
non freinées) ;
– des efforts déséquilibrants ou risqués (escabeau,
échelle, montée sur une chaise…).
En institution, les chutes surviennent essentiellement
dans la chambre, la salle de bain ou lors des transferts.
On retrouve certains facteurs de risque environnementaux
communs au domicile mais, le plus souvent, ils sont
associés à des causes intrinsèques.
À l’extérieur, il s’agit d’accidents de la voie publique
avec collision d’un tiers (voiture, vélo, moto), avec obstacle
(dénivellation d’un trottoir, poubelles, excréments
de chien), bousculade, difficulté à se hisser dans un bus,
agression.
On inspecte aussi le chaussage car lorsqu’il est inadapté,
il peut être responsable de chute : chaussons qui ne
tiennent pas le pied, chaussures trop serrées ou trop
petites, absence de talon ou talon trop haut.
B - Causes intrinsèques
:
Elles sont le plus souvent découvertes lors d’un interrogatoire
et d’un examen clinique minutieux.
1- Causes cardiovasculaires :
Elles représentent environ 25 % des causes des chutes
chez le sujet âgé et peuvent s’accompagner d’un malaise.
• En premier lieu, l’hypotension orthostatique qui est
présente chez 1 sujet âgé sur 4.
Elle se définit comme
une chute de la tension artérielle lors du passage de la
station couchée à la station debout d’au moins
20 mmHg.
Elle entraîne une baisse de débit cérébral par
mauvaise adaptation à l’orthostatisme.
Elle est favorisée
par le vieillissement de l’arc baroréflexe (diminution de
la sensibilité des barorécepteurs et de la réponse du
système rénine-angiotensine) et majorée en post-prandial.
Lorsqu’elle est symptomatique, elle s’accompagne
d’une sensation de fatigue, de flou visuel, de vertiges.
On pratique la mesure au moins 5 min après un repos
en décubitus, immédiatement au lever puis au bout de
2 min avec la prise du pouls concomitante.
Quand la fréquence cardiaque s’accélère, il s’agit d’une
hypotension d’origine hypovolémique ; si elle ne bouge
pas, on évoque un trouble de conduction cardiaque ou
une dysfonction autonomique (Parkinson, diabète).
Le
plus souvent l’hypotension est multifactorielle et ses
causes sont variées : alitement prolongé, troubles hydroélectrolytiques
(hyponatrémie, hypokaliémie), insuffisance
veineuse, hypovolémie (anémie, déshydratation),
neuropathies, certains médicaments (antiparkinsoniens,
antihypertenseurs, antidépresseurs).
• Les troubles du rythme ou de la conduction (bloc
auriculo-ventriculaire complet, fibrillation ou flutter
auriculaire, maladie de l’oreillette, maladie du sinus,
tachycardie ventriculaire ou bradycardie) peuvent être
responsables de chutes notamment lors des changements
de rythme avec parfois des syncopes à l’emporte-pièce.
Les syncopes d’effort associées à un souffle cardiaque
systolique évoquent un rétrécissement aortique serré.
• Les syncopes vasovagales surviennent avec des prodromes
(pâleur, sueur, sensation de perte de connaissance)
lors d’un stress émotionnel ou douloureux.
La perte de
connaissance est brève.
Les syncopes réflexes peuvent être liées à la toux (ictus
laryngé), à la miction, à la défécation mais restent des
diagnostics d’élimination.
• Au décours d’une embolie pulmonaire, d’un infarctus
du myocarde, d’un angor syncopal, d’une cardiomyopathie
obstructive, d’un myxome de l’oreillette, peut survenir
un malaise responsable d’une chute.
2- Causes neurologiques :
Elles sont responsables de chutes par perte de connaissance
ou par troubles de l’équilibre ou de la marche.
La survenue d’un accident ischémique transitoire d’origine
carotidienne ou vertébro-basilaire ou d’un accident
vasculaire cérébral constitué peut se traduire par un
trouble postural aigu avec chute.
L’existence de vertiges et (ou) d’étourdissements peut
être responsable de chutes (8 % des cas).
Il s’agit de
vertiges positionnels très brefs, violents, répétitifs,
déclenchés par les mouvements brusques de la tête et
(ou) les variations de position du corps, ou de vertiges
associés à une sensation durable d’instabilité de la
marche.
Ils sont centraux (insuffisance vertébro-basilaire,
lésions tumorales, hydrocéphalie à pression normale,
hématome sous-dural) ou périphériques (neurinome,
syndrome de Ménière, vertige paroxystique bénin, iatrogénie).
Les drop-attaks sont des chutes brusques, sans
prodrome et sans perte de connaissance causées par une
faiblesse soudaine des membres inférieurs.
Elles
seraient le témoin d’une insuffisance vertébro-basilaire
et seraient déclenchées par les mouvements brusques de
la tête (flexion-rotation).
Lors d’un état confusionnel, le sujet âgé perd ses repères
habituels et risque de chuter d’autant plus qu’il existe
une prise médicamenteuse associée ou un changement
de lieu (hospitalisation).
L’altération des fonctions cognitives est un facteur de
risque propre de chute : il est majoré par la prise de sédatifs
ou de psychotropes.
La survenue d’une crise d’épilepsie sur des lésions vasculaires séquellaires ou sur un état démentiel plus que
sur une atteinte tumorale peut être responsable de chute.
Les anomalies de la marche sont corrélées aux risques
de chutes : on retrouve essentiellement les séquelles
d’hémiplégies avec fauchage du membre inférieur, pied
en varus équin entraînant un hyper-appui au bord externe
de l’avant-pied et une instabilité latérale de la cheville.
Dans la maladie de Parkinson, la marche se fait à petits
pas avec piétinement devant l’obstacle, perte du ballant
des bras, tendance à la rétropulsion avec flexum de
hanche et de genou.
Dans la maladie de Steele,
Richardson et Olszewski, les troubles posturaux sont
plus précoces, intenses et aggravés par l’existence d’une
rigidité axiale.
Dans les états lacunaires, la marche est lente à petits pas
avec pieds collés au sol.
Les risques d’accrochage de la
pointe du pied sur les obstacles et de chute en arrière
sont importants.
L’association à une atteinte des
fonctions supérieures de type vasculaire fait suspecter le
diagnostic.
On peut rencontrer cette même symptomatologie dans l’hydrocéphalie à pression normale souvent
précédée par l’apparition de troubles urinaires et intellectuels.
Au maximum, la marche devient quasiment
impossible lors d’une astasie-abasie.
Le syndrome cérébelleux se traduit par un élargissement
du polygone de sustentation, une augmentation des
temps d’appui, une démarche ébrieuse.
Il s’agit le plus
souvent d’une atteinte vasculaire (syndrome de
Wallenberg) ou dégénérative (atrophie olivo-ponto-cérébelleuse).
L’existence de paresthésies uni- ou bilatérales des
membres inférieurs, suivant un trajet radiculaire,
apparaissant à la marche, est caractéristique d’un canal
lombaire étroit.
Les polyneuropathies (diabète, myélopathie cervicarthrosique…)
donnent une marche sinueuse, talonnante
avec perte de la sensibilité du sol et pas brusques et
irréguliers.
Les atteintes neurologiques périphériques peuvent
donner des chutes.
Une paralysie du sciatique poplité
externe se traduit par un steppage, une paralysie du
crural par un dérobement du genou.
Les troubles de la marche existent aussi à un stade évolué
de la maladie d’Alzheimer avec une démarche
instable, irrégulière.
Il s’agit d’une véritable apraxie qui
s’inscrit dans le cadre d’une atteinte sévère (troubles du
jugement, de l’attention, de la mémoire…).
Chez nos patients âgés, il peut exister des séquelles de
poliomyélite avec des troubles de la marche et des
chutes.
3- Causes ostéo-articulaires :
Elles sont responsables de troubles de la marche plus
ou moins sévères et sont souvent douloureuses.
• Les plus fréquentes sont les atteintes arthrosiques
dégénératives touchant la hanche et le genou.
La coxarthrose se traduit par une boiterie de hanche
avec déficit du moyen fessier et la gonarthrose par un
dérobement du genou.
Les enraidissements de la cheville
donnent une marche avec défaut de déroulement du pied
au sol et mauvaise adaptation aux obstacles.
Les séquelles d’intervention chirurgicale sur la hanche
peuvent être responsables d’un raccourcissement ou
d’un allongement du membre, de douleurs résiduelles,
d’une persistance de la rotation externe, d’une faiblesse
du moyen fessier et entraîner une boiterie de hanche,
génératrice de chute.
Les fractures passées inaperçues lors d’un traumatisme
(fracture engrenée de hanche, bassin, sacrum) sont responsables
de douleurs et de troubles de la marche.
Les polyarthrites comme la chondrocalcinose articulaire
(genou ou cheville), plus fréquente que la goutte, donnent
une impotence fonctionnelle douloureuse avec
risque de chute.
Dans la polyarthrite rhumatoïde et dans
la pseudopolyarthrite rhizomélique, l’atteinte des
ceintures notamment pelvienne (sacro-iliaque) limite les
transferts assis-debout et entrave la marche.
L’association à un syndrome inflammatoire et à une
altération de l’état général oriente le diagnostic.
• Les problèmes podologiques sont fréquents chez le
sujet âgé et souvent négligés.
Le médecin traitant n’y
pense pas toujours et le patient peut présenter quelques
difficultés pour se pencher sur ses pieds et les inspecter.
La marche est rendue douloureuse, précautionneuse,
voire instable avec perte d’appui correct du pied au sol
par des déformations comme le hallux valgus, les orteils
en griffe, les pieds plats, les onychomycoses.
Certains
troubles de la statique du rachis comme une vieille
cyphoscoliose entraînent une démarche en antépulsion
parfois risquée.
4- Causes sensorielles :
Il s’agit essentiellement des atteintes visuelles (cataracte
et dégénérescence maculaire liée à l’âge) et auditives
(presbyacousie).
L’altération de ces fonctions entraîne
une moins bonne adaptation à l’environnement et une
marche hésitante à petits pas.
L’examen des lunettes est
important car si elles sont mal adaptées à la vue, elles
peuvent faire chuter.
5- Causes métaboliques :
L’existence d’une anémie aiguë, d’une déshydratation,
d’une hyponatrémie est responsable d’une hypovolémie
génératrice de chute.
L’hypoglycémie provoque des
vertiges ou des étourdissements, plus ou moins sévères
selon son degré, avec risque de perte de connaissance
et de chute. Une anémie chronique peut se traduire
par une sensation vertigineuse.
L’hypothyroïdie et
l’insuffisance surrénale entraînent des hypotensions et
une asthénie.
Dans l’hyperthyroïdie, il existe une
faiblesse musculaire proximale responsable de chutes
dans certains cas.
L’hypokaliémie liée à une diarrhée
chronique, une maladie de Cushing favorise la faiblesse
musculaire et donc les chutes de même que les dyscalcémies.
Un sujet âgé dénutri qui a une amyotrophie plus
ou moins marquée et une faiblesse musculaire chute
plus aisément.
La chute peut donc être le témoignage d’affections
générales multiples et parfois masquées : pneumopathie,
infection urinaire.
6- Causes iatrogéniques
:
Devant une chute avec ou sans malaise, il faut suspecter
une étiologie médicamenteuse.
L’existence de pathologies
multiples aboutit à des ordonnances très chargées,
méconnues par les coprescripteurs.
Le sujet âgé a fréquemment
recours à l’automédication.
De nombreux
traitements peuvent être responsables de chutes.
• Les médicaments cardiovasculaires :
– digitaliques, bêtabloquants, antiarythmiques : troubles
du rythme et (ou) de la conduction ;
– antihypertenseurs : hypotension orthostatique et asthénie.
• Les psychotropes tels les antidépresseurs, neuroleptiques,
anxiolytiques, hypnotiques entraînent, selon le type, une
somnolence, un relâchement du tonus musculaire, une
hypotension orthostatique, des troubles du rythme.
• Les antiparkinsoniens génèrent une hypotension
orthostatique, troubles du rythme.
• Les anticonvulsivants entraînent somnolence et
hypotension orthostatique.
• Les antidiabétiques oraux et l’insuline sont cause
d’hypoglycémie.
• Les anticoagulants : anémie.
• Les anti-inflammatoires non stéroïdiens : entraînent
anémie et sensations vertigineuses.
Cette liste n’est pas exhaustive.
Il ne faut pas méconnaître l’intoxication éthylique
aiguë ou chronique et, dans un contexte particulier
de chauffage au gaz ou de précarité, l’intoxication à
l’oxyde de carbone.
7- Causes psychiatriques :
L’hystérie est un diagnostic d’élimination et les chutes
sont souvent spectaculaires, théâtrales, sans aucun
traumatisme.
La chute, symptôme d’appel, peut démasquer une
dépression sous-jacente.
Lors d’une pathologie intercurrente, d’une hospitalisation
avec rupture du milieu habituel, une véritable
régression de la marche avec anxiété majeure, rétropulsion
et opposition peut apparaître.
Cette attitude de
refus se retrouve dans le syndrome post-chute.
Évaluation du patient chuteur
:
L’interrogatoire et l’examen clinique du sujet âgé
chuteur sont les points clés de la démarche diagnostique.
A - Interrogatoire
:
L’histoire n’est pas toujours simple à reconstituer, s’il
existe une atteinte traumatique et (ou) vitale qui prédomine,
un état démentiel ou même anxieux.
L’entourage
apporte alors un témoignage précieux.
Si le sujet était
seul, il faut avec patience rechercher tous les détails
utiles.
On essaye tout d’abord de reconstituer de façon précise
les circonstances de survenue de la chute :
– Où s’est-elle produite ? à la maison et dans quelle
pièce ? dans le jardin ? dans la rue ?
– À quelle heure ? le jour ou la nuit ?
– Était-elle précédée de prodromes ou de symptômes
évocateurs (sueurs, vertiges, palpitations, troubles
visuels, parésie…) ?
– Était-elle brutale, spontanée ou provoquée par un
obstacle ?
– Y a-t-il des facteurs déclenchants (mouvements
brusques de la tête, lever…) ?
– Y a-t-il eu un malaise préalable à la chute ?
– Y a-t-il eu des mouvements anormaux (interrogatoire
de l’entourage) ?
– Est-ce la première chute ou existe-t-il la notion de
chute à répétition ?
– Quels sont la durée de la chute et surtout le temps
passé au sol ?
– La personne a-t-elle eu la possibilité de se relever
seule ?
On doit préciser les antécédents médicaux et chirurgicaux
du patient, les pathologies en cours qui peuvent
orienter vers une piste étiologique et bien sûr la prise de
médicaments.
B - Examen clinique
:
L’examen clinique permet de faire le bilan d’éventuelles
atteintes traumatiques et recherche des points d’appel.
Il est systématique appareil par appareil.
• Examen cardiovasculaire : on prend la tension et le
pouls couché/debout, aux deux bras à la recherche d’une
hypertension, d’une hypotension artérielle orthostatique,
d’une asymétrie tensionnelle (vol sous-clavier), d’un
rythme irrégulier.
L’auscultation cardiaque recherche une tachycardie, une
arythmie, une bradycardie, un souffle évocateur d’une
atteinte valvulaire.
Les trajets vasculaires sont aussi auscultés
à la recherche de souffle.
On élimine des signes d’insuffisance
coronaire, d’infarctus du myocarde ou d’embolie
pulmonaire.
On examine les jambes et les mollets afin de
noter l’existence de varices et d’insuffisance veineuse.
• Examen neurologique : on recherche des troubles de
la vigilance (obnubilation, confusion post-critique),
l’apparition d’un déficit moteur (hémiplégie franche, hémiparésie…), d’une atteinte musculaire, d’une paralysie
faciale avec troubles de l’élocution, des troubles de
la sensibilité superficielle et profonde, un syndrome
extrapyramidal, cérébelleux.
On précise la présence d’une pathologie préexistante,
maladie de Parkinson, séquelles d’accident vasculaire
cérébral.
Les fonctions intellectuelles sont à évaluer à la
recherche d’une déficience cognitive type Alzheimer,
d’une démence vasculaire (mini mental test de Folstein).
• Examen ostéo-articulaire : on étudie la statique du
tronc, un éventuel raccourcissement de membre, la
mobilité de toutes les articulations à la recherche de
douleur, de limitation, de raideur, d’instabilité, d’attitude
vicieuse (flessum de hanche, du genou, équinisme), la
force musculaire et l’on examine de façon attentive les
pieds et le chaussage.
Marche et équilibre étant intimement liés, on se penche
de façon très précise sur l’analyse de ces derniers.
On
observe la station debout, le passage de la position assise
à la position verticale, la montée et la descente de
quelques marches, la réalisation d’un demi-tour.
On
note la vitesse, la longueur, la hauteur du pas, le balancement
des bras, la régularité de la trajectoire, le déroulement
du pas.
L’équilibre est exploré :
– par la manoeuvre de Romberg yeux ouverts et fermés ;
– par la mesure d’appui monopodal ;
– par les réactions à la poussée brusque vers l’avant,
vers l’arrière et latéralement.
Pour être systématique, on peut s’aider de test d’évaluation
de l’équilibre et de la marche.
Le plus simple et le plus
rapide est le Get up and go test.
On cote l’épreuve de 1 à
5 en la chronométrant :
– évaluation de l’équilibre assis droit sur une chaise à
dossier ;
– évaluation du lever sur une chaise à accoudoirs ;
– évaluation de la marche et de l’équilibre sur 3 m ;
– évaluation de l’équilibre pendant un demi-tour ;
– évaluation du retour à la chaise et à la position assise.
Un test inférieur à 20 s est corrélé avec la possibilité
d’aller à l’extérieur sans danger.
Un test supérieur à
30 s traduit le plus souvent une impossibilité de sortir
sans aide.
Le test de Tinetti est plus détaillé et plus complexe.
Il
comporte une série d’épreuves statiques et dynamiques cotées de 1 à 3 ; 2 items sont particulièrement
sensibles : l’incapacité de tenir au moins 5 min sur
1 jambe en ce qui concerne l’exploration de l’équilibre
et l’impossibilité de réaliser un demi-tour sans s’arrêter
pour ce qui concerne l’évaluation de la marche.
L’intérêt de cette évaluation est de dépister précocement
la présence d’une incapacité et de prévenir les chutes par
la rééducation.
On remarque pendant ces épreuves de marche des manifestations
de peur, d’anxiété, de refus de marcher
seul(e), d’agrippement au médecin ou aux meubles
alentour, une fatigabilité, une pâleur…
On complète l’examen clinique par l’étude des organes
sensoriels : existence d’une pathologie visuelle, de
lunettes bien adaptées, d’une surdité appareillable ou non.
On recherche des signes d’anémie, de déshydratation,
de dysthyroïdie, de diabète…
En fonction de l’hypothèse diagnostique, on réalise
certains examens complémentaires soit au domicile soit
en milieu hospitalier si nécessaire.
Le bilan biologique
repose sur la numération formule sanguine (NFS), l’ionogramme
sanguin, la glycémie, les hormones thyroïdiennes.
L’électrocardiogramme (ECG) oriente vers un
trouble du rythme ou de la conduction.
On peut le
compléter par un Holter-ECG, voire une exploration du
faisceau de His.
L’échocardiographie recherche une
cardiopathie, une atteinte valvulaire. L’écho-doppler des
troncs supra-aortiques dépiste une atteinte athéromateuse
carotidienne.
Devant la suspicion de crise comitiale, on
fait un électroencéphalogramme (EEG).
Le scanner
cérébral retrouve un hématome sous-dural, un infarctus
récent ou ancien, une tumeur, une hydrocéphalie à
pression normale.
Les radiographies standard retrouvent
des lésions ostéo-articulaires.
Conséquences de la chute
:
Elles sont immédiates et alors facilement décelables ou
insidieuses à plus long terme atteignant le pronostic
fonctionnel et psychique du sujet âgé.
• Les conséquences à court terme sont essentiellement
traumatiques.
Ce sont les fractures de hanche, de bassin,
d’épaule, de poignet, qui nécessitent l’hospitalisation
pour un traitement orthopédique et (ou) chirurgical ainsi
que les plaies parfois à suturer (penser à la vaccination
antitétanique).
La station au sol pendant plusieurs
heures sans pouvoir se relever entraîne une rhabdomyolyse
avec hypothermie, lésions cutanées, déshydratation,
insuffisance rénale, surinfection.
Cette incapacité à se
relever retentit sur le psychisme du patient : angoisse,
anxiété, peur de rester seul, sentiment d’incapacité.
L’existence d’un séjour au sol supérieure à 1 h est un
facteur de mauvais pronostic.
La moitié des chuteurs qui
ont passé plus de 1 h au sol décèdent dans les 6 mois.
• À moyen terme, l’hospitalisation entraîne une modification
des repères avec risque de confusion, d’agitation.
L’alitement prolongé peut être responsable de thromboses
veineuses, d’escarres, d’infection, de déshydratation, de
dénutrition, d’amyotrophie.
Il faut penser à l’hématome sous-dural devant tout changement
de comportement du sujet âgé qui survient dans
les heures ou les jours suivant la chute.
• Enfin, à long terme, on se trouve face à certains
patients phobiques de la marche avec apparition d’un
syndrome de régression motrice post-chute.
La rétropulsion
perturbe ou empêche la station debout et la marche.
Le patient se tient en arrière et a tendance à glisser de
son fauteuil.
On observe souvent un flessum des
hanches et des genoux, une hypertonie oppositionnelle
et une anxiété majeure.
Seule une prise en charge précoce permet de prévenir
ce syndrome qui aboutit sinon à une grabatisation
progressive entraînant l’institutionnalisation.
Traitement et prévention
:
On essaye, en premier lieu, de traiter la cause du trouble
de la marche et (ou) de la chute quand cela est possible
et l’on réévalue la prise médicamenteuse.
On prescrit une rééducation précoce et adaptée à la
pathologie causale afin de restaurer une marche de qualité
et une confiance en soi : verticalisation avec une tierce
personne, travail des transferts assis-debout, marche entre
les barres parallèles puis avec un déambulateur, des cannes,
montée et descente des escaliers, marche avec obstacles,
mise en situation dans l’environnement, rééducation de
l’équilibre avec statique du tronc pour lutter contre la
rétropulsion, restauration des fonctions parachutes.
Le rééducateur apprend au patient à se relever selon une
technique précise :
– se retourner du décubitus dorsal au décubitus ventral ;
– se mettre à quatre pattes ;
– se rapprocher d’un appui solide ;
– passer en position dite « du chevalier servant » avec un
pied au sol et le genou controlatéral à terre ;
– et se relever.
Le médecin prescrit si besoin des aides techniques
comme le déambulateur fixe ou à roulettes, les cannes
anglaises, la canne tripode, la canne en T.
On utilise des
orthèses plantaires, des chaussures orthopédiques, des
releveurs du pied…
Un soutien psychologique est parfois nécessaire dans un
souci de réassurance et de confiance en soi pour le patient
mais aussi pour la famille.
Une visite à domicile permet
d’évaluer les situations à risque (tapis, pièces encombrées
de meubles, mauvais éclairage) et de proposer des
aménagements (barre d’appui, rehausseur de toilettes…).
La prévention passe par une alimentation régulière et
équilibrée, une bonne hygiène du pied, un chaussage
correct, des exercices physiques pour maintenir la force
musculaire et l’équilibre, l’abandon de gestes inconsidérés (grimper sur un escabeau, courir pour répondre au
téléphone…).
La mise en place d’une téléalarme, de
téléphone dans la chambre avec numéros préenregistrés
permet de rassurer un sujet qui vit seul et son entourage.
L’organisation d’un réseau de surveillance pour les
personnes à risque permet de rassurer et de maintenir au
domicile plus longtemps.
L’attitude face aux sujets âgés chuteurs en institution
s’évalue au cas par cas et est un problème difficile.
Il
vaut mieux éviter la station prolongée dans un fauteuil et
s’investir dans la kinésithérapie d’entretien mais
parfois malheureusement il n’existe pas d’autre solution.
On doit expliquer au patient, à sa famille et aux
soignants le pourquoi de cette immobilisation, sa durée
quotidienne.
Quant aux barrières de lit, elles peuvent
rassurer certains malades quand elles sont unilatérales
mais restent potentiellement dangereuses pour d’autres
qui les enjambent et tombent de plus haut.
La chute, événement fréquent, est souvent la somme de
plusieurs facteurs qu’il convient de dépister par une
évaluation diagnostique et environnementale méthodique
et précise.
La prise en charge doit être rapide afin de limiter les
conséquences à long terme sur la perte d’autonomie du
sujet âgé.