Traumatismes récents de l’urètre masculin Cours de Chirurgie
Introduction
:
La localisation des lésions est anatomiquement proche dans les
ruptures de l’urètre postérieur et celles de l’urètre bulbaire mais le
mécanisme lésionnel est différent : pour les lésions de l’urètre
bulbaire il s’agit d’un traumatisme direct de l’urètre alors que dans
le cas des traumatismes de l’urètre postérieur la rupture urétrale est
le résultat du déplacement de l’urètre postérieur, fixé par les
ligaments puboprostatiques au bassin, par rapport à l’urètre
antérieur.
L’énergie cinétique nécessaire pour fracturer le bassin est
élevée.
Il s’agit le plus souvent de polytraumatismes qui peuvent
engager le pronostic vital et le risque de complications secondaires
est important.
La prise en charge de ces lésions qui demeure très
controversée sera donc discutée séparément.
Traumatismes de l’urètre antérieur
:
L’urètre antérieur peut être lésé par des traumatismes fermés ou
ouverts du périnée.
Les chutes à califourchon représentent la cause
prédominante de ces lésions.
L’urètre est écrasé contre la symphyse
pubienne.
L’urétrorragie ou l’hématurie initiale est fréquente et spécifique,
souvent associée à une dysurie ou une rétention d’urine.
L’examen
clinique décèle la présence d’un hématome limité à la verge si le
fascia pénis est intact et s’étendant au scrotum, au périnée et à la
paroi abdominale en cas de rupture du fascia.
Le traumatisme peut n’occasionner qu’une simple contusion urétrale
dans les cas les moins graves ou entraîner une rupture partielle,
voire complète, de l’urètre par écrasement.
A - TRAITEMENT
:
La prise en charge initiale, en urgence, repose sur la dérivation
urinaire par cathéter sus-pubien.
Une cysto-urétrographie
descendante est réalisée dès que le patient est en condition
d’effectuer une miction par voie naturelle après vérification de la
stérilité des urines.
Des clichés de trois-quarts et de profil sont
réalisés pour dégager la totalité de la filière urétrale.
La présence
d’une extravasation de produit de contraste impose le maintien du
cathéter sus-pubien pour trois semaines.
L’urétrographie rétrograde
en urgence, systématique dans les pays anglo-saxons, comporte un
risque infectieux au niveau de l’urohématome.
Si elle est jugée
nécessaire elle sera différée au 4e–5e jour.
Si le patient urine normalement après le traumatisme périnéal mais
a présenté une urétrorragie ou une hématurie initiale, l’étude de
l’urètre peut être effectuée sur les clichés permictionnels d’une
urographie intraveineuse.
Une nouvelle cysto-urétrographie antégrade est réalisée après vingt
jours de drainage sus-pubien : si l’extravasation a disparu, le
cathéter est clampé puis ôté en l’absence de résidu postmictionnel
significatif.
Une sténose courte peut être traitée par urétrotomie
endoscopique mais une oblitération complète de la lumière urétrale
nécessite une urétrorraphie terminoterminale.
L’intervention est
réalisée après guérison complète des lésions périnéales, ce qui peut
entraîner une attente variable de quelques semaines à plusieurs
mois.
B - AUTRES ALTERNATIVES THÉRAPEUTIQUES
:
1-
Réalignement endoscopique :
Ying-Hao a récemment publié de bons résultats après réalignement
endoscopique de ruptures de l’urètre antérieur mais la majorité
des auteurs s’accordent à éviter toute manipulation endoscopique
précoce de l’urètre dans ce contexte.
La technique du réalignement endoscopique est décrite dans le
chapitre concernant les ruptures de l’urètre postérieur.
2- Réparation chirurgicale en urgence différée
:
Elle est réalisée autour du 5e jour après le traumatisme, cependant
il faut veiller à la qualité des tissus car la chirurgie ouverte pourrait
entraîner l’excision large et non justifiée de tissus seulement contus
dont la viabilité peut apparaître douteuse.
Le patient est installé en position de la taille.
L’incision est verticale, s’étendant de la racine des bourses vers
l’arrière sur environ 5 cm.
Le corps spongieux est séparé des muscles bulbocaverneux qui se rejoignent sur un raphé médian.
Le plan de
clivage est identifié latéralement plutôt que sur la ligne médiane où
on retrouve toujours quelques adhérences entre le raphé et le corps
spongieux.
Le raphé médian est sectionné exposant le corps
spongieux.
Les deux extrémités urétrales sont largement disséquées
et libérées des corps caverneux pour permettre une anastomose sans
tension.
Les tissus contus de viabilité douteuse sont excisés. Les
deux extrémités de l’urètre sont spatulées sur un centimètre
(l’extrémité proximale est spatulée sur le côté ventral et l’extrémité
distale sur le côté dorsal).
Le plan postérieur est réalisé par des
points séparés de Monocrylt 4–0 ou autre monofilament à résorption
lente doublement sertis, noués à l’extérieur de la lumière urétrale.
Le premier point est mis en place à 12 heures. Une fois
l’hémicirconférence postérieure de l’anastomose complétée, une
sonde de Foley Ch 16 ou bien une sonde fenêtrée est mise en place,
l’hémicirconférence antérieure de l’anastomose est ensuite
complétée.
Une fermeture plan par plan sur drain aspiratif est
réalisée, le cathéter sus-pubien est laissé en place.
La sonde vésicale
est retirée à j7 en l’absence d’infection du site opératoire et une
cystographie mictionnelle par le cathéter sus-pubien confirme
l’absence de fuite anastomotique avant son ablation.
La présence de
produit de contraste au pourtour de l’anastomose justifie la remise
en place d’une sonde sous contrôle endoscopique pour sept jours.
C - RUPTURE DE L’URÈTRE ASSOCIÉE
À UNE RUPTURE DES CORPS CAVERNEUX
:
Cette lésion entre dans le cadre d’une flexion violente des corps
caverneux en érection (faux pas du coït) à l’origine d’un important
hématome de la verge.
La présence d’une urétrorragie et souvent
d’une rétention d’urine doit faire évoquer une rupture associée du
corps spongieux et de l’urètre, retrouvée dans 10 % des cas.
La
rupture des corps caverneux impose l’exploration chirurgicale en
urgence.
La rupture de l’urètre doit être systématiquement
recherchée et réparée.
L’intervention est réalisée par une incision
coronale autour de la base du gland, la peau du fourreau est
décollée dans le plan sous-cutané jusqu’à la base de la verge, la
circoncision est systématique pour éviter un oedème postopératoire
du prépuce, très lent à se résorber.
L’éventuelle lésion urétrale
associée est réparée par points séparés de fils monobrin à résorption
lente sur une sonde de Foley qui est laissée en place 12 jours.
D - PLAIES DE L’URÈTRE
PAR TRAUMATISMES PÉNÉTRANTS :
Les plaies par arme blanche et les plaies par arme à feu sont
explorées et suturées en urgence.
Une exploration chirurgicale est
pratiquée avec excision des tissus dévitalisés.
Lorsque la peau est de
bonne qualité, et en l’absence de sepsis, une perte de substance
urétrale limitée peut être traitée par urétrorraphie terminoterminale.
Dans tous les autres cas, et particulièrement dans les lésions par
projectiles à haute vélocité, la prudence impose un simple parage de
la plaie avec dérivation urinaire par cathéter sus-pubien et chirurgie
secondaire.
Quand la perte de substance urétrale est étendue,
l’urètre peut être « marsupialisé » avec urétrostomie d’amont et
d’aval, ce qui constitue le premier temps d’une urétroplastie en deux
temps.
E - AMPUTATIONS TRAUMATIQUES DE LA VERGE
:
Si aucune réimplantation ne peut être réalisée, après nettoyage et
excision des tissus dévitalisés, les corps caverneux sont sectionnés
1 cm en amont du corps spongieux qui est spatulé et suturé à un
« néo-méat » urétral sur un lambeau cutané de recouvrement.
F - CONCLUSION
:
Le consensus actuel dans le traumatisme de l’urètre antérieur est en
faveur d’un simple drainage immédiat avec traitement chirurgical
différé des éventuelles lésions cicatricielles.
Font exception les
lésions par traumatismes pénétrants et les ruptures de l’urètre
associées à une rupture des corps caverneux pour lesquelles une
indication de traitement chirurgical en urgence est unanimement
préconisée.
Traumatismes de l’urètre postérieur
:
La prise en charge des traumatismes de l’urètre postérieur demeure
controversée.
Ces lésions de l’urètre postérieur surviennent dans 4 à
25 % des cas de traumatismes abdominopelviens sévères.
Elles
sont fréquemment associées à des lésions viscérales ou
orthopédiques qui peuvent engager le pronostic vital et dont le
traitement est prioritaire.
Malgré tout, la gestion des traumatismes
de l’urètre postérieur doit être optimale pour réduire les séquelles :
sténose de l’urètre, impuissance et incontinence.
Une dérivation urinaire sus-pubienne et une réparation différée sont
admises comme traitement de référence, évitant une chirurgie
délicate en urgence chez ces patients souvent polytraumatisés, ainsi
qu’une reconstruction urétrale pour des ruptures partielles qui ne
nécessitent qu’un drainage urinaire prolongé.
La reconstruction urétrale précoce a été proposée mais la suture de
l’urètre récemment traumatisé est techniquement difficile et
l’installation sur la table opératoire est rarement compatible avec les
lésions osseuses associées.
Le réalignement urétral précoce a été proposé par voie ouverte il y a
une trentaine d’années, mais c’est l’abord endoscopique qui a permis
son développement en réduisant les risques de saignement,
d’infection de l’hématome pelvien.
A - PHYSIOPATHOLOGIE
:
Seules les fractures du bassin responsables de déplacements
importants sont à l’origine de rupture de l’urètre membraneux.
Les fractures des deux branches du cadre obturateur associées soit à
une disjonction de l’articulation sacro-iliaque, soit à une fracture de
l’arc postérieur, provoquent la rotation et l’ascension d’un hémibassin.
Le bloc prostatovésical est entraîné avec l’hémibassin,
alors que l’urètre membraneux reste fixé par l’hémibassin
controlatéral.
Il s’ensuit un étirement de l’urètre pouvant provoquer
sa rupture.
Les fractures bilatérales des cadres obturateurs provoquent un recul
brutal du bloc prostatovésical.
L’aponévrose moyenne du périnée
agit alors comme une guillotine, sectionnant l’urètre membraneux.
Les disjonctions pubiennes aboutissent à la rupture par les
déplacements inverses de l’urètre prostatique d’une part et de
l’urètre membraneux d’autre part.
Les fractures concernant une seule branche d’un cadre obturateur
ont un risque minime de lésion urétrale.
B - DIAGNOSTIC
:
1- Clinique
:
Le diagnostic de rupture de l’urètre membraneux doit être suspecté
chez tout patient porteur d’une fracture du bassin.
Il est facile
lorsque l’urétrorragie, évocatrice d’une lésion de l’urètre soussphinctérien,
s’associe à un hématome périnéal et des bourses en
« ailes de papillon ».
La palpation perçoit un empâtement
hypogastrique lié à la diffusion de l’hématome pelvien.
Au toucher
rectal, la prostate est ascensionnée, le plus souvent noyée dans
l’hématome périnéal.
On s’assure de l’absence de rectorragie devant
faire évoquer une plaie rectale.
Le diagnostic peut être plus difficile, devant une hématurie
macroscopique, lorsque les mictions sont conservées ou en présence
d’une rétention aiguë d’urine dont la palpation est masquée par
l’hématome pelvien.
Chez un polytraumatisé, il faut rechercher les lésions associées, qui
peuvent mettre en jeu le pronostic vital, à savoir, par ordre de
fréquence décroissante :
– une fracture des membres (30 %) ;
– un traumatisme abdominal avec contusions spléniques,
hépatiques ou pancréatiques (25 %) ;
– un traumatisme crânien sévère (10 à 30 %) ;
– des plaies vasculaires, principalement des vaisseaux
hypogastriques (20 %) ;
– des plaies vésicales associées (8 à 10 %) ;
– une plaie rectale (7 %) ;
– une lésion du haut appareil urinaire (0,5 à 1 %).
La fréquence des lésions associées chez un patient souligne
l’importance d’un bilan lésionnel complet et précis.
2- Bilan radiologique
:
Il repose d’une part sur la radiographie de bassin de face précisant
le type de fracture, et d’autre part sur la réalisation en urgence d’un
scanner abdominal.
L’examen tomodensitométrique de l’abdomen
et du pelvis est systématique, mettant en évidence les lésions
traumatiques des organes parenchymateux, la présence d’un
pneumopéritoine ou d’un épanchement intrapéritonéal, signes
indirects de lésions des organes creux ou de bulles d’air dans
l’espace sous-péritonéal en cas de lésion rectale.
En cas de non-disponibilité de cet examen, il faut associer une
échographie abdominale à une urographie intraveineuse.
Cette prise en charge initiale doit permettre de déceler les lésions intra-abdominales
associées, de préciser l’état du haut appareil urinaire et du
réservoir vésical.
Sur les
clichés, la vessie est comprimée et ascensionnée par l’hématome
pelvien, prenant un aspect en montgolfière.
À ce stade
de la prise en charge, il n’est généralement pas possible
d’obtenir de clichés mictionnels du fait de la rétention
réflexe.
3- Urétrographie rétrograde
:
Utilisée systématiquement dans les pays anglo-saxons pour le
diagnostic en urgence des ruptures d’urètre elle comporte un risque
infectieux par contamination ascendante de l’hématome pelvien.
Il
est préférable de la pratiquer cinq à dix jours après le traumatisme,
idéalement au moment de la réparation urétrale ou de son
réalignement en urgence différée si cette option thérapeutique est
adoptée.
L’opacification rétrograde s’effectue à faible pression dans
des conditions strictes d’asepsie.
Des incidences obliques sont
pratiquées pour dégager l’urètre, une opacification descendante par
le cathéter dans le même temps permet de mieux apprécier la
distance et le décalage entre les deux extrémités de l’urètre.
C -
TRAITEMENT :
Le traitement immédiat est assuré par la mise en place d’un cathéter sus-pubien Charrière 12.
La vessie est ascensionnée et s’éloigne du
plan pariétal antérieur.
L’échographie permet d’apprécier le globe
vésical et de diriger le cathéter compte tenu de l’hématome pelvien
qui en masque la palpation et modifie les repères pelviens.
Parfois,
l’on peut s’aider de la radioscopie, en profitant de l’opacification
vésicale précédemment réalisée.
Une fois la vessie drainée, le
traitement de la rupture urétrale s’effectue soit en urgence différée
sur un patient stabilisé et traité de ses lésions associées, soit plus
tardivement en fonction des alternatives thérapeutiques envisagées,
à savoir : réalignement endoscopique, urétrorraphie terminoterminale
différée ou urétrorraphie/urétroplastie tardive.
1- Indications impératives en urgence
:
Une lésion rectale associée impose l’intervention en urgence car la
surinfection de l’hématome pelvien survient rapidement.
Dans cette
éventualité, l’hématome pelvien infecté doit être évacué malgré le
risque évident de reprise du saignement, la cavité pelvienne est
lavée abondamment au sérum physiologique bétadiné et une
colostomie en fosse iliaque gauche est pratiquée.
Une rupture intrapéritonéale de vessie impose une laparotomie et la
suture en urgence de la vessie alors que la rupture extrapéritonéale
est traitée par simple drainage vésical.
Certains conseillent toutefois
une réparation en urgence si la lésion intéresse le col pour réduire le
risque d’incontinence postopératoire.
Une éventuelle incarcération de l’urètre dans le foyer de fracture ou
un déplacement important du bloc vésicoprostatique avec
désorganisation massive de la filière urinaire basse sont également
cités par Webster comme des indications formelles à une
intervention chirurgicale en urgence après stabilisation des
fractures par fixateur externe.
2- Réalignement endoscopique précoce
:
Celui-ci est effectué entre le 3e et le 10e jour, une fois les lésions
vitales associées traitées et après stabilisation des lésions osseuses.
L’examen bactériologique des urines est systématique.
L’infection
doit être traitée en fonction des données de l’antibiogramme au
moins 48 heures avant tout geste endoscopique.
En cas de stérilité
des urines, l’intervention s’effectue sous antibioprophylaxie.
En préopératoire immédiat, une urétrographie rétrograde associée à
une cystographie mictionnelle par le cathéter sus-pubien est utile
pour juger de l’absence de continuité urétrale, du décalage entre les
deux extrémités de l’urètre et de l’ascension du bloc vésicoprostatique.
Le patient sous anesthésie générale est installé en décubitus dorsal,
les jambes écartées, à plat ou en position gynécologique en fonction
de sa mobilité, qui peut être réduite du fait d’une fracture associée
du col fémoral ou du cotyle, ou de fixateurs externes du bassin.
L’intervention est menée par voie sus-pubienne et transurétrale.
Elle
nécessite l’utilisation de deux endoscopes munis d’un canal
opérateur.
L’intervention débute toujours par une urétroscopie qui
ne met parfois en évidence qu’un étirement, voire une rupture
partielle de l’urètre.
Si cette lésion est franchissable, un leader sera
laissé en place et servira de guide pour la pose d’une sonde vésicale
siliconée Charrière 18 à bout coupé.
Dans tous les autres cas, on procède à la dilatation du trajet suspubien
pour mettre en place une gaine d’Amplatz dont le calibre est
compatible avec l’introduction d’un cystoscope.
La vessie est facilement explorée.
On en vérifie l’intégrité et tout
particulièrement l’absence de lésion du col associée.
Le cathétérisme
de l’urètre prostatique est le plus souvent réalisable par cet abord sus-pubien ; en cas de difficulté, on peut utiliser un fibroscope
souple.
On introduit ensuite, par l’urètre pénien, un second cystoscope qui
va sans difficulté repérer la zone de rupture.
Puis on progresse dans
l’hématome à la rencontre du cystoscope sus-pubien.
Parfois, les
deux cystoscopes peuvent être amenés au contact l’un de l’autre, ce
qui permet au cystoscope transurétral de cathétériser l’urètre
prostatique et de pénétrer dans la vessie.
Le plus souvent, il est nécessaire de descendre, par le cystoscope sus-pubien, une sonde urétérale Charrière 5 que l’on récupérera
dans l’hématome, à l’aide d’une pince, par le cystoscope
transurétral.
Cette sonde est extériorisée par le méat urétral.
Elle sert
de fil-guide pour introduire dans la vessie une sonde siliconée
Charrière 18 dont on a coupé l’extrémité.
Le cystoscope sus-pubien
vérifie le bon positionnement de la sonde dans la vessie avant que
le ballonnet ne soit gonflé.
La sonde urétérale est alors retirée ainsi
que la gaine d’Amplatz remplacée par un drain vésical sus-pubien.
La sonde vésicale est maintenue trois à quatre semaines et son
ablation précédée par la réalisation d’une urétrographie mictionnelle
pour s’assurer de la continuité de l’urètre.
De 50 à 70 % des patients présentent une sténose secondaire, mais
courte et maîtrisée par urétrotomie endoscopique dans la majorité
des cas, 10 % des patients nécessitant une urétroplastie secondaire.
L’emploi systématique de l’autodilatation urétrale après
réalignement pourrait peut-être permettre une diminution du taux
de sténose secondaire.
Après réalignement endoscopique, le taux d’incontinence est de 5 à
6 % versus 4 % pour la réparation chirurgicale de la rupture
urétrale.
Le taux d’impuissance de 20 % retrouvé en moyenne
dans les différentes séries de réalignement endoscopique est
comparable aux résultats de la chirurgie ouverte.
3- Réparation chirurgicale en urgence différée
:
L’intervention est réalisée sept à dix jours après le traumatisme, une
fois l’hémostase spontanée acquise.
* Voie d’abord périnéale
:
Le patient est en position de la taille, l’abdomen est accessible au
cas où une voie d’abord combiné devient nécessaire.
L’incision cutanée du périnée est arciforme à convexité antérieure,
elle démarre un travers de doigt à l’intérieur de la tubérosité
ischiatique gauche, passe à la racine des bourses et redescend à un
travers de doigt en dedans de la tubérosité ischiatique droite.
Le lambeau cutané est disséqué au ras du plan musculaire et est
rabattu en arrière.
L’aponévrose périnéale superficielle est incisée horizontalement de
part et d’autre du bulbe permettant d’accéder aux fosses ischiorectales.
L’index et le majeur de la main gauche de l’opérateur
insérés dans les deux fosses ischiorectales mettent le raphé
anobulbaire sous tension puis le raphé est sectionné
donnant accès à l’urètre postérieur.
Le corps spongieux est séparé des muscles bulbocaverneux qui se
rejoignent sur le raphé médian.
Les muscles bulbocaverneux sont incisés sur la ligne médiane exposant le corps spongieux,
permettant d’évacuer l’hématome et de dégager l’extrémité distale
de l’urètre rompu qui est libérée avec prudence de ses attaches avec
les corps caverneux sur une longueur suffisante pour permettre une
anastomose sans tension.
Les extrémités contuses de l’urètre sont
excisées.
Plusieurs artifices peuvent permettre une anastomose sans tension
même en présence d’un écartement important entre les deux
moignons urétraux : mobilisation de l’urètre distal jusqu’au ligament
suspenseur, séparation des deux corps caverneux permettant à
l’urètre de suivre un parcours plus direct entre eux, excision partielle
du pubis à la pince gouge.
Les deux extrémités de l’urètre sont spatulées sur un centimètre
(l’extrémité proximale est spatulée sur le côté ventral et l’extrémité
distale sur le côté dorsal).
Le plan postérieur est réalisé par des
points séparés de monofilament résorbable 4–0, doublement sertis,
noués à l’extérieur de la lumière urétrale.
Le premier point est mis
en place à 12 heures, ensuite les points successifs sont mis en
place.
Une fois l’hémicirconférence postérieure de l’anastomose
complétée, une sonde de Foley Charrière 16 ou bien une sonde fenêtrée est mise en place, l’hémicirconférence antérieure de
l’anastomose est ensuite complétée.
Une fermeture plan par plan
sur drain aspiratif est réalisée, le cathéter sus-pubien est laissé en
place.
La sonde vésicale est retirée à j15 et une cystographie
mictionnelle par le cathéter sus-pubien confirme l’absence de fuite
anastomotique avant son ablation.
* Modifications de la voie d’abord
:
Si l’urètre proximal n’est pas facilement repérable, on peut avoir
recours à une voie d’abord combinée et, par une incision médiane sus-pubienne, disséquer l’espace de Retzius, inciser l’aponévrose
pelvienne de part et d’autre du col vésical et les ligaments
puboprostatiques pour permettre une mobilisation du bloc
vésicoprostatique. Rarement, il est nécessaire de prolonger l’incision
vers le bas et de réséquer la symphyse pubienne à la scie de Gigli
pour utiliser une voie d’abord transsymphysaire.
4- Drainage par cathéter sus-pubien et urétrorraphie
ou urétroplastie tardive
:
La réparation de la lésion urétrale est en général programmée trois
à six mois après le traumatisme.
Classiquement, une urétrographie
rétrograde est réalisée en même temps qu’une cysto-urétrographie
antégrade permictionnelle par le cathéter sus-pubien permettant
d’apprécier le siège exact de la rupture et l’étendue de l’hiatus entre
les deux extrémités urétrales.
L’IRM peut compléter le bilan
radiologique conventionnel permettant d’apprécier avec précision la
longueur du defect (avec une approximation de 0,5 cm) et le
déplacement vers le haut de l’apex prostatique, et donc de planifier
le geste opératoire (voie d’abord périnéale exclusive ou combinée
périnéale et transsymphysaire).
Le traitement idéal est représenté par une urétrorraphie
terminoterminale en un temps par voie périnéale exclusive.
Exceptionnellement, des sténoses longues et complexes peuvent
nécessiter une voie d’abord abdominopérinéale ou une
urétroplastie.
La
dissection peut être techniquement difficile en raison de la
fibrose cicatricielle.
La voie
d’abord, les artifices techniques et la technique d’anastomose
sont similaires à ceux décrits dans la réparation en urgence
différée.
5- Reperméabilisation endoscopique tardive
:
Une reperméabilisation tardive par voie endoscopique de la filière
urétrale avec l’emploi d’un urétrotome optique a été décrite par
Sachse en 1974.
La technique a été par la suite modifiée avec
l’emploi d’un double contrôle endoscopique par voie ascendante et
descendante, sous contrôle fluoroscopique avec ou sans résection du
tissu fibreux cicatriciel.
Le taux de resténose est élevé et la
technique ne semble plus avoir beaucoup d’application. En termes
d’impuissance et d’incontinence, les résultats sont comparables à
ceux de la chirurgie ouverte.
6- Lésions iatrogènes
:
Les plaies de l’urètre postérieur lors des interventions d’amputation abdominopérinéale sont en règle générale facilement reconnues en
peropératoire et sont réparées par des points séparés au fil
résorbable sur une sonde de Foley Charrière 18.
Le risque de
fistulisation secondaire est important chez ces patients ayant
bénéficié le plus souvent d’une radiothérapie adjuvante et chez qui
le périnée postérieur complètement excisé n’offre aucune
vascularisation ou support à la suture urétrale.
Si possible, la suture
urétrale devrait être recouverte par un lambeau épiploïque ou
musculaire.
Un cathéter sus-pubien est mis en place en peropératoire
et une cystographie mictionnelle est réalisée à j21 après ablation de
la sonde vésicale.
7- Rupture de l’urètre postérieur chez l’enfant
:
Le mécanisme de la lésion est le même que chez l’adulte, mais la
prostate, moins développée chez l’enfant, ne protégerait pas
efficacement l’urètre prostatique, d’où une fréquence plus élevée de
lésion de celui-ci et du col vésical avec un risque plus important
d’incontinence urinaire.
Le traitement ne diffère pas de manière
significative du traitement chez l’adulte mais les séries, peu
nombreuses, publiées sur le sujet semblent montrer de moins bons
résultats pour le simple réalignement endoscopique précoce par
rapport à l’urétrorraphie terminoterminale.
D - CONCLUSION
:
La rupture de l’urètre postérieur est le plus souvent secondaire à un polytraumatisme.
Dans le contexte de l’urgence, une simple dérivation urinaire par cathéter sus-pubien (sous contrôle
échographique) permet de drainer la vessie et de stabiliser le patient
sur le plan hémodynamique. Par la suite, la prise en charge reste
discutée.
Le réalignement endoscopique précoce est un geste simple
qui permet de réduire la durée du drainage par cathéter sus-pubien
et évite une chirurgie relativement complexe à la majorité des
patients sans aggraver le taux d’incontinence et d’impuissance.
L’urétrorraphie en urgence différée permet de régler en un seul
temps et avec des délais brefs la lésion urétrale mais peut être de
réalisation difficile en présence d’un hématome important exposant,
selon certains auteurs, à un risque accru d’impuissance.
L’urétrorraphie secondaire, réalisée par des chirurgiens
expérimentés, donne des résultats excellents mais au prix d’une
période de drainage et d’invalidité plus longue.