Traumatismes craniofaciaux (Suite)
Cours de Médecine Dentaire
2-
Matériels d’ostéosynthèse
:
Toute fracture déplacée doit faire l’objet d’une
réduction puis d’une contention par ostéosynthèse
au fil d’acier en présence de petits fragments, et
par plaques miniaturisées vissées (miniplaques et
microplaques) en présence de fragments
plus importants.
Cette ostéosynthèse par
plaques métalliques en titane, utilisée également
pour les greffons osseux, permet une fixation rigide
et stable des éléments fracturés.
Il est important
de reconstituer ou de renforcer les piliers qui
maintiennent les rapports du massif facial avec la
base du crâne et la mandibule.
Il s’agit des piliers nasomaxillaires et zygomaticomaxillaires qui sont
des structures antérieures.
Le maintien ou le retour
à l’occlusion précédant le traumatisme constitue
également un élément essentiel.
Parfois, pour de
grosses pertes de substance, on peut faire appel à
des plaques en titane multiperforé adaptable au
galbe crânien.
3- Greffons et plasties :
En présence de lésions comminutives ou de pertes
de substance étendues, comme c’est le cas des
traumatismes par arme à feu, on a recours à l’utilisation
de greffons osseux autologues
d’origines diverses pouvant être associés à différents
lambeaux reconstituant les parties molles.
Ils
sont prélevés dans le même temps opératoire,
avant le développement des oedèmes et la rétraction
des tissus mous.
Les greffons calvariaux, d’origine membraneuse
et essentiellement corticaux, ont l’avantage de résister au phénomène de résorption et de se trouver sur le même site opératoire.
Selon
les auteurs, ces greffons peuvent être utilisés de
pleine épaisseur, le site donneur faisant alors l’objet
d’une autre greffe calvariale, dont le prélèvement
est monocortical et controlatéral, ou bien on
a recours à la table externe ou à la table interne.
Dans ce dernier cas, les deux tables sont clivées
l’une de l’autre, puis la table externe est remise en
place sur le site de prélèvement et ostéosynthésée.
Les autres sites donneurs sont variables : côtes,
crêtes iliaques antérieure et/ou postérieure.
Malgré
une résorption plus importante, ils peuvent
compléter les greffons calvariaux en cas de pertes
de substance étendues.
L’os iliaque apporte une grande quantité de tissu
spongieux pouvant servir à un comblement.
Les côtes permettent de disposer de greffons
osseux et/ou cartilagineux utiles dans la réparation
des traumatismes du nez.
En cas de communication entre les cavités crâniennes
et nasales, celles-ci sont séparées par des
lambeaux de fascia temporopariétal ou d’épicrâne
qui apportent un tissu mou vascularisé fiable.
D - Prise en charge et indications
thérapeutiques
:
La prise en charge hospitalière initiale des lésions maxillofaciales des traumatisés craniofaciaux est idéalement réalisée après les premiers jours
d’oedème mais avant l’engluement des fractures en
position vicieuse.
Cette phase estimée en moyenne
à 8 jours conditionne en partie les algorithmes
suivants.
1- Dans les huit premiers jours :
On peut décrire cinq situations, que nous
avons schématiquement regroupées en trois types
selon la prédominance de l’atteinte neurologique
ou maxillofaciale.
* Traumatismes craniofaciaux de type I
:
Ils sont à dominante neurochirurgicale, qu’il y ait
ou non un coma associé.
Ils ont un caractère de
gravité certain du fait de la menace neurologique
qu’ils génèrent.
Ceci impose toujours un geste chirurgical
dont le délai de réalisation et les indications
varient :
• les lésions expansives intracrâniennes, principalement
les hématomes menaçants décrits
précédemment, mais aussi parfois les pneumocéphalies
expansives, nécessitent d’intervenir
en urgence voire en extrême urgence du
fait de la mise en jeu du pronostic vital ;
• les traumatismes craniofaciaux ouverts, en raison
de leur risque infectieux, nécessitent
d’être opérés dans l’urgence quel que soit le
type de lésion sous-jacente.
L’existence d’une
brèche ostéoméningée (BOM) et a fortiori
d’une plaie craniocérébrale (PCC) est alors ici
un facteur aggravant ;
• la dominante neurochirurgicale peut se limiter
aux stigmates patents d’une brèche ostéoméningée
(rhinorrhée abondante, pneumocéphalie
importante, embarrure apparaissant neuroagressive).
L’intervention chirurgicale revêt
alors un caractère moins urgent et peut être
réalisée de manière légèrement différée de 2 à
8 jours en fonction de l’état clinique du patient
et de la sévérité des lésions associées.
* Traumatismes craniofaciaux de type II :
À dominante maxillofaciale, ils n’ont pas de lésions
neurologiques imposant un geste chirurgical en urgence.
Les fractures de la voûte crânienne ne sont
pas déplacées et l’on n’observe pas de lésion expansive
intracrânienne.
Le patient peut être comateux
et la rhinorrhée, si elle existe, est modérée.
L’intervention chirurgicale, indiquée par le déplacement
des lésions maxillofaciales, est réalisée
dans les 8 jours en fonction notamment de l’état
neurologique.
* Traumatismes craniofaciaux de type III :
Nous les appelons traumatismes « légers » ; ils
présentent des fractures craniofaciales non déplacées
ne nécessitant pas de réduction sanglante.
S’il
s’y associe une discrète pneumocéphalie (inférieure
à 5 mm) ou une rhinorrhée modeste ou
douteuse, nous privilégions la surveillance armée et
nous complétons le bilan étiologique si la symptomatologie
persiste plus de 8 jours.
2- Au-delà du huitième jour
:
Une fois passée la phase aiguë, outre les séquelles maxillofaciales, qu’une intervention chirurgicale
ait eu lieu ou non, se pose le problème d’une
rhinorrhée persistante ou d’apparition secondaire.
* Exploration d’une rhinorrhée :
À ce stade, dans les cas les plus sévères, le patient
peut encore se trouver sous la dépendance d’un
système de ventilation du fait de ses lésions neurologiques.
La rhinorrhée passe alors facilement inaperçue
et peut être à l’origine d’une méningite.
Cette complication impose la réalisation d’une
ponction lombaire systématique au moindre doute.
Lorsque le patient n’est pas comateux, la rhinorrhée
est plus facilement dépistée.
Lorsqu’elle est
abondante et de diagnostic clinique aisé, la recherche
de son origine est le plus souvent fructueuse.
En revanche, lorsqu’elle est douteuse, intermittente
et peu abondante, son faible débit est souvent
lié à une fistule de très petit calibre parfois
bien difficile à mettre en évidence.
Quel que soit son type, la prise en charge d’une rhinorrhée ne doit pas être précipitée.
En effet,
entre 53 et 95 % d’entre elles se tarissent spontanément
dans les semaines qui suivent le traumatisme.
Cette évolution est d’autant plus fréquente
que les fractures sont peu déplacées.
Ceci
n’élimine pas pour autant le risque de récidive
d’écoulement de LCS ni de méningite.
Le dosage
de la protéine bêta2-transferrine dans le liquide recueilli
confirme son origine cérébrospinale.
La brèche
ostéoméningée, lieu de la fistule, doit être
localisée précisément.
Plusieurs méthodes d’imagerie
sont utilisables en fonction des habitudes et
possibilités de chaque centre.
Il est licite de débuter
cette recherche par les examens les moins
invasifs pour le patient.
• Tomodensitométrie crânienne.
Les coupes tomodensitométriques du crâne
avec reconstructions coronale et sagittale permettent
dès l’accueil du patient de suspecter
les lieux potentiels de fistule de LCS.
Lorsque
la rhinorrhée se confirme ou perdure, des coupes fines millimétriques centrées sur la base du
crâne permettent de visualiser les solutions de
continuité osseuses et d’orienter la
recherche en IRM.
• Imagerie par résonance magnétique.
Elle n’a pas la finesse de la tomodensitométrie
pour objectiver les lésions osseuses.
C’est surtout
le signal d’un écoulement qui est recherché.
Elle est réalisée suivant les séquences
habituelles, complétées par des séquences appelées
« CISS » (constructive interference in
steady state ; Siemens®) ou « Fiesta » (General
Electric®).
Il s’agit de séquences d’écho de
gradient très pondérées en T2 avec saturation
de la graisse, permettant des coupes inframillimétriques
jointives avec possibilité de reconstruction
multiplanaire.
Elles ont une
grande sensibilité pour la mise en évidence de
la brèche ostéoméningée.
Le LCS apparaît
très blanc au niveau des citernes de la base du
crâne et la communication avec les cavités
sinusiennes en est rendue d’autant plus évidente.
• Cisternographie tomodensitométrique ou cisternoscanner.
Elle permet de localiser la fistule après injection
lombaire intrathécale d’un produit iodé
qui, après mise en procubitus et position de
Trendelenburg du patient, diffuse vers les citernes
de la base du crâne.
Cette technique est
plus agressive que les précédentes, mais elle a
fait la preuve de sa sensibilité et de sa spécificité
dans les périodes d’écoulement actif.
Les
coupes coronales objectivent à la fois la lésion
osseuse et l’issue de LCS des espaces sousarachnoïdiens
vers les cavités nasales.
Parfois,
cependant, lorsqu’il existe plusieurs fuites
concomitantes, la localisation précise de chacune
d’entre elles devient difficile.
• Endoscopie nasale couplée à l’injection intrathécale
de fluorescéine.
L’injection intrathécale de fluorescéine était
controversée il y a quelques années du fait de
crises comitiales ou d’accidents allergiques,
tous régressifs, survenus pour des doses élevées
de ce produit fluorescent.
Actuellement,
elle n’a pas d’autorisation de mise sur le
marché pour cette indication intrathécale,
mais semble bénéficier d’un regain d’intérêt
avec le développement des techniques de réparation
endoscopique.
Elle est très
appréciée par certaines équipes. Wolf
décrit seulement trois crises convulsives survenues
pour 925 examens réalisés entre 1970 et
1995.
Le patient, sous anesthésie générale, est
placé en position de Trendelenburg après une
injection intrathécale de fluorescéine en région
lombaire.
La solution diffuse vers les citernes
de la base et facilite la recherche de la
fuite par l’endoscopie nasale réalisée dans la
demi-heure qui suit.
Lorsque le point de fuite est localisé par l’apparition de la fluorescéine,
et si les lésions sont accessibles, le traitement
de la brèche peut être réalisé dans le même
temps opératoire.
Certains auteurs proposent
comme alternative à l’utilisation intrathécale
de fluorescéine son application sur la muqueuse
nasale lors d’un examen endoscopique.
La fuite est alors suspectée par l’apparition
d’un écoulement eau de roche décolorant la
zone fluorescente.
• Cisternographie par résonance magnétique.
Plusieurs équipes préconisent la réalisation
d’une cisternographie par résonance magnétique
après injection intrathécale lombaire de
gadolinium.
Actuellement, l’autorisation de
mise sur le marché pour ce type de produit et
dans cette indication n’est pas encore obtenue.
Cette technique paraît prometteuse pour
affiner le dépistage des fistules de LCS lorsque
les autres méthodes sont en échec ou contreindiquées
(allergie aux produits de contraste
iodés) en diminuant les faux positifs de l’IRM.
À
ce stade, dans la majorité des cas la fistule est
localisée.
Elle se situe principalement à trois
niveaux, qui sont, d’avant en arrière, la paroi
postérieure du sinus frontal, les gouttières olfactives
et le sinus sphénoïdal.
L’extériorisation
de l’écoulement se fait alors respectivement
: par le canal nasofrontal, la lame criblée
et la partie supérieure des fosses nasales, enfin
par leur paroi postérieure.
Toute rhinorrhée
post-traumatique qui ne fait pas sa preuve au
niveau de l’étage antérieur de la base du crâne
doit inciter à rechercher son origine au niveau
d’une fracture du rocher.
* Évaluation du risque de méningite :
C’est le spectre de la méningite qui conditionne
l’attitude thérapeutique face à la fistule de LCS.
Pour certains, il semble que le risque soit relativement
faible, compris entre 1 et 2 % dans l’année qui
suit le traumatisme.
Pour d’autres, ce sont entre
7 et 30 % des patients présentant une fistule de LCS
post-traumatique qui feront un jour une méningite.
Les germes responsables sont ceux des
voies aériennes supérieures, pneumocoque en tête
avec 50 % des cas.
La méningite à pneumocoque,
ayant mauvaise réputation du fait de son taux de
mortalité, a probablement conditionné dans les
années 1980 les nombreuses indications opératoires
de principe face aux fractures de l’étage antérieur.
Néanmoins, l’importance de ces infections était
relativisée sur le constat de méningites précoces
et fréquentes ne récidivant pas, opposées aux méningites
tardives exceptionnelles mais récidivant
fréquemment.
La vaccination antipneumococcique
serait alors justifiée pour en limiter la survenue et
les conséquences.
* Traitement des fistules de LCS :
Deux grands types de techniques dominent la prise
en charge chirurgicale des fistules de LCS posttraumatiques
avec des indications différentes :.
Ils peuvent avantageusement être aidés par les
systèmes de navigation intracrânienne et faciale,
notamment couplés à un endoscope (exemple : Digipointeur® de Collin orl-cmf, France).
• Abords chirurgicaux transcrâniens.
Ils sont indiqués devant une rhinorrhée persistante
dans :
+ les gros fracas de la base du crâne avec
pertes de substance osseuse ou atteinte de la
paroi postérieure du sinus frontal ;
+ les lésions non accessibles par endoscopie ;
+ les fistules non localisées au terme du bilan
d’imagerie ;
+ certaines fractures multiples passant par les
gouttières olfactives ayant récidivé après un
premier colmatage.
Ils ont un taux d’anosmie non négligeable et un
taux de récidive de la rhinorrhée variant de 10 à
40 %.
* Voies neurochirurgicales classiques :
Sur un patient en décubitus dorsal, elles commencent
par une incision coronale (ou bitragale) allant
d’un tragus à l’autre, passant en arrière de la ligne
capillaire, et réalisant le décollement d’un lambeau
de scalp vers l’avant, associé à la découverte
des muscles temporaux jusqu’aux piliers orbitaires
externes.
Il faut prendre garde à ne pas dénuder
ces muscles trop bas pour ne pas léser la branche
frontale du nerf facial.
Une fois le bandeau frontal
découvert jusqu’aux arcades orbitaires, il faut dégager
les nerfs supraorbitaires, ainsi que la racine
du nez.
À ce stade, il y a trois manières d’accéder
aux lésions de la base, notamment en fonction de
leur étendue :
• par voie transfrontale, au dessus des sinus : un
volet uni- ou bilatéral, adapté à l’étendue des
lésions et situé au-dessus des sinus frontaux,
donne accès à la base du crâne en limitant les
risques d’anosmie.
Cette voie est d’autant plus
indiquée que les sinus sont de petite taille ou
inexistants, en permettant un abord plus tangentiel
de la base.
En revanche, elle ne donne
pas un excellent jour pour les lésions de la base
étendues vers le jugum.
Elle peut au besoin
être facilitée par les techniques de navigation
intracrânienne visualisant les limites des sinus
et permettant de les respecter tout en évitant
les volets trop haut situés ;
• par voie trans-sinusienne : beaucoup plus fréquente,
elle réalise un volet au ras des arcades
sourcilières traversant les sinus.
Elle
permet un accès plus tangentiel vers la base du
crâne et ses lésions, en imposant un écartement
moindre au cerveau pour accéder au jugum.
Ceci limite l’oedème cérébral. L’anosmie
est quasiment inéluctable si l’abord est
bilatéral ;
• par voie transfracturaire : elle représente souvent
un accès associé à l’un des deux précédents.
En effet, les TCF touchent rarement
l’étage antérieur de la base du crâne sans léser
le bandeau frontal.
Outre d’éviter parfois la
réalisation d’un volet osseux, elle permet l’inventaire
des lésions sous-jacentes à la fracture
;
• exploration et réparation : quelle que soit la
voie d’abord, un temps d’exploration est alors
indispensable.
Il peut se limiter à un décollement
de la dure-mère très antérieur si les
lésions intéressent la face postérieure du sinus
frontal, épargnant ainsi l’odorat.
Si elle s’étendent
en arrière, l’exploration doit pouvoir aller
jusqu’au jugum sphénoïdal et au tubercule de
la selle turcique.
L’exérèse à la pince de l’apophyse crista galli permet d’aplanir l’espace
interhémisphérique antérieur après décollement
des adhérences dure-mériennes.
À ce
niveau, si une exploration intradurale, sousfrontale
est décidée, la ligature du sinus sagittal
supérieur juste en arrière du trou borgne et
la section de la partie antérieure de la faux du
cerveau sont nécessaires.
Ceci facilite la recherche
des lésions durales, même si elle impose
l’écartement doux et progressif des lobes
frontaux.
Si cette voie intradurale est unilatérale,
l’épargne olfactive devient possible mais
avec le risque d’ignorer une fistule proche des
filets olfactifs moins bien explorés.
Il vaut
mieux sacrifier l’odorat du côté atteint et en
assurer l’étanchéité.
L’abord intradural permet
l’accès aux lésions cérébrales éventuelles,
mais c’est la voie extradurale qui est la mieux
adaptée pour la suture des lésions de la duremère.
Cette suture se fait par points simples ou
surjet passé de fil non résorbable 4/0.
Pour en
garantir l’étanchéité, une doublure doit être
assurée par lambeau libre ou pédiculé d’épicrâne
garni de colle biologique.
Il faut
proscrire les plasties synthétiques dans cette
région a priori contaminée.
La réparation du
plan osseux de la base se fait ensuite ou préalablement
en fonction de l’étendue des dégâts
et de leur accessibilité à l’aide des techniques
déjà citées.
La cranialisation des sinus
est la règle après effraction traumatique ou
chirurgicale classique de leurs deux parois (voir
cas particuliers).
Le bandeau frontal est reconstitué
après exérèse des esquilles non viables
car trop petites ou souillées.
Le positionnement
des miniplaques à cheval sur les
emplacements des trous de trépan assure un
meilleur résultat esthétique.
* Voie nasofrontale :
Elle peut être proposée pour la prise en charge de
gros délabrements postérieurs ou lors de récidives
de fuites de LCS après un premier traitement endoscopique
ou transcrânien infructueux.
À partir
d’une incision bitragale, elle réalise un décollement
sous-périosté du scalp vers l’avant puis un
écartement de la périorbite de la paroi supérointerne
des deux orbites isolant la racine du nez, en
prenant garde aux nerfs supraorbitaires de chaque
côté (au besoin libérés de leur arcade).
Ceci permet
de sculpter un volet frontal bilatéral emportant
avec lui une pièce fronto-naso-orbitaire.
Puis,
par une dissection extradurale, notamment médiane,
refoulant la masse cérébrale en arrière, on
coagule les filets olfactifs au contact des gouttières
olfactives.
Ceci favorise les fistules de LCS au travers
des orifices de ces filets.
Néanmoins, ce décollement
permet de retrouver les brèches existantes
et les fractures en cause.
Elles sont suturées au fil à
dure-mère non résorbable.
Une ethmoïdectomie
associée à l’ouverture de la paroi antérieure du
sinus sphénoïdal donne une large exposition de la
région ethmoïdosphénoïdale et permet l’accès aux
lésions de cette région.
La résection de la muqueuse
est obligatoire.
Une pièce d’épicrâne prélevée
en arrière de l’incision bitragale peut être
apposée en extradural pour la renforcer ou remplacer
une perte de substance.
Enfin, l’épicrâne du
lambeau de scalp antérieur est découpé et glissé
sous la dure-mère basale antérieure et suturé à
celle-ci.
Il faut y associer l’application de colle
biologique et de gaze hémostatique résorbable
type Surgicel®.
Il est recommandé de combler par
des paquets de graisse abdominale la cavité créée
sous ce plan tendu entre le toit des deux orbites.
Pour finir, le bandeau frontal est reconstruit à
l’aide de miniplaques.
L’inconvénient majeur de
cette technique est l’anosmie complète et définitive.
• Voies extracrâniennes transfaciales.
Elles ont été décrites mais, outre la cicatrice
qu’elles imposent parfois, elles n’offrent pas
un jour suffisant pour la visualisation et la cure
des brèches.
• Abord endoscopique endonasal.
L’abord par voie basse transnarinaire endoscopique
permet de visualiser l’écoulement du
LCS au niveau de l’orifice muqueux, soit après
localisation de la fistule par les examens
d’imagerie, soit lorsque ceux-ci ne la retrouvent
pas.
Dans le même temps opératoire,
elle permet de colmater la brèche au
niveau de l’écoulement muqueux en utilisant
différents types de lambeaux.
Il s’agit essentiellement
de fragments de muqueuse du cornet
moyen ou inférieur et parfois de fascia lata, de muscle ou d’aponévrose temporale,
voire de graisse abdominale.
Ces lambeaux
peuvent être associés entre eux et idéalement
fixés par une colle biologique associée à du Surgicel®.
La muqueuse adjacente de la fistule
est nettoyée du tissu fibreux cicatriciel pour
permettre un meilleur contact entre l’os et le
greffon choisi.
Le nez est ensuite méché à
l’aide d’une gaze grasse type Tulle-gras®.
L’ablation des mèches se fait entre quelques
jours et 3 semaines plus tard.
Au préalable,
une ethmoïdectomie permet de visualiser l’ensemble
de l’étage antérieur de la base du
crâne.
Si nécessaire, une ouverture du sinus
sphénoïdal est également pratiquée.
L’abord
par voie endonasale d’une fistule située au
niveau du sinus frontal est très difficile.
Les
résultats de ces techniques endoscopiques sont
très bons, entre 80 et 100 % de succès.
De
plus, elles sont grevées d’une moindre morbidité,
ne donnant qu’exceptionnellement une
anosmie, et ne laissent aucune cicatrice.
Ces
qualités incitent à retenir le traitement endoscopique
en première intention pour le colmatage
des brèches ostéoméningées qui réunissent
les caractéristiques suivantes :
+ accessibles à l’endoscopie ;
+ sur des fractures peu ou pas déplacées ;
+ lorsque l’abord neurochirurgical n’a pas été
nécessaire par ailleurs.
• Moyens adjuvants.
Face à une fistule de LCS avérée et active, la
prise en charge thérapeutique peut être aidée
par différents moyens adjuvants :
+ l’antibioprophylaxie initiale contre le pneumocoque
est très controversée. Elle peut
être proposée pendant la première semaine
sur les critères du grand nombre de tarissements
spontanés de brèches ;
+ la vaccination antipneumococcique systématique
a été proposée et pourrait réduire la
gravité des méningites secondaires.
Nous y
avons recours systématiquement ;
+ enfin, de petits moyens visant à diminuer la
pression intracrânienne sur la fistule peuvent
se révéler d’une grande aide, notamment
l’interdiction des efforts à glotte fermée
pendant 1 à 2 mois : mouchage, éternuement
retenu, mais aussi en limitant la toux et en
administrant des laxatifs contre la constipation.
Le patient doit dormir pendant une
quinzaine de jours la tête surélevée, voire en
position demi-assise, en évitant le décubitus
strict ;
+ les dérivations du LCS, mises en place par
voie lombaire, permettent une vidange partielle et contrôlée des espaces sousarachnoïdiens.
Elles sont placées pour quelques
jours sous forme d’une dérivation
lombaire externe (100 à 200 cm3/24 h), ou à
demeure, en dérivation lombopéritonéale.
Elles représentent un complément de la cure
locale de la brèche en diminuant la pression
intracrânienne sur la fistule, permettant
ainsi aux plasties et colmatages de cicatriser.
E - Cas particuliers :
1- Fractures du sinus frontal :
Le traitement dépend du type de fracture, de sa
localisation, de l’existence d’un déplacement, de
la présence d’une rhinorrhée.
Les fractures simples de la paroi antérieure,
fermées, non déplacées, sans atteinte concomitante
de la région du canal nasofrontal ne sont pas
opérées mais restent surveillées.
Les fractures complexes de la paroi antérieure, ouvertes ou déplacées font
l’objet d’une exploration chirurgicale, avec exérèse
méticuleuse de la muqueuse lésée et des éléments
étrangers éventuels, puis traitement des lésions
osseuses par ostéosynthèse avec ou sans
greffe osseuse reconstituant le bandeau frontal.
Lorsque la fracture intéresse la partie inférieure
du sinus frontal, l’atteinte du canal nasofrontal
peut se compliquer d’obstruction, de mucocèle ou
de sinusite.
Son exploration chirurgicale s’impose
lorsque les images tomodensitométriques montrent
une lésion à ce niveau nécessitant son oblitération.
Cette exclusion du sinus frontal est obtenue
par le comblement de la cavité sinusienne
proprement dite et du canal nasofrontal, de préférence
à l’aide de greffons spongieux ou corticospongieux.
En cas de fracture associée de la paroi postérieure,
si celle-ci est à trait simple sans déplacement
ou avec un déplacement minime inférieur à
son épaisseur, on s’abstient de tout
traitement particulier en reconstruisant uniquement
la paroi antérieure en l’absence de rhinorrhée.
Lorsque la paroi postérieure est le siège d’une
fracture plus importante, voire d’une comminution, il y a un risque d’atteinte de la duremère
par brèche ostéoméningée.
Si cette atteinte
est effective et persistante sous la forme d’une rhinorrhée, le traitement consiste alors en l’exérèse
de cette paroi postérieure.
Seule la paroi
antérieure est reconstruite.
On réalise alors une
« crânialisation » du sinus frontal, en
associant un curetage complet de toute la muqueuse
sinusienne à l’exérèse de sa paroi postérieure.
On en complète l’étanchéité en obstruant le
canal nasofrontal à l’aide de poudre d’os récupérée
lors de la trépanation mélangée à de la colle biologique,
puis en séparant les cavités nasales, contaminées,
de la cavité crânienne, par l’interposition
d’un lambeau pédiculé d’épicrâne.
Celui-ci, glissé
sous la face endocrânienne de la dure-mère, vient idéalement renforcer la suture
d’une brèche durale.
2-
Fractures de l’orbite
:
Leur réduction nécessite une bonne exposition dans
les trois dimensions de l’espace pour éviter la survenue
de déformations secondaires difficiles à redresser.
Les lésions de la paroi orbitaire médiale exposent
au risque d’atteinte du sinus ethmoïdal avec agrandissement
du contenant orbitaire se traduisant par
une énophtalmie.
La correction chirurgicale fait
souvent appel à une greffe osseuse (calvaria) pour
reconstituer cette paroi orbitaire.
Les fractures du toit de l’orbite sont rares et
souvent associées à une atteinte du bord supraorbitaire.
Elles sont soupçonnées par la présence d’une
ecchymose de la paupière supérieure et d’une hémorragie sous-conjonctivale.
Elles peuvent entraîner
une diplopie par oedème ou hématome intraorbitaire
ou par incarcération des muscles droit
supérieur et oblique supérieur et un ptosis par
lésion du muscle releveur de la paupière supérieure.
Par ailleurs, l’exophtalmie est ici plus fréquente
que l’énophtalmie.
Par le trait de fracture
du toit orbitaire, on peut réaliser la désincarcération
d’un muscle ou de la périorbite.
Enfin, l’exploration des voies optiques est très
controversée du fait des taux d’échec importants.
Elle n’est éventuellement indiquée qu’en présence
d’une cécité post-traumatique avérée, avec
image de compression du tractus optique d’origine
osseuse ou par hématome.
Elle se fait
surtout par voie transethmoïdosphénoïdale médiane
ou pour certains par voie endoscopique.
3- Fractures du complexe fronto-naso-ethmoïdal :
L’atteinte concomitante des os propres du nez et
du septum nasal entraîne des déformations et une
instabilité particulièrement délicates à corriger en
première intention.
Il faut s’attacher à reproduire la projection de la pyramide nasale, après réduction
des déplacements, à l’aide de greffons osseux
ou cartilagineux.
Si la projection reste insuffisante,
la présence du greffon sert cependant à limiter la
rétraction des parties molles, réduisant ainsi les
difficultés d’une reconstruction secondaire.
F - Complications
:
Au-delà de la mise en jeu du pronostic vital engendrée
par les lésions neurologiques, elles sont essentiellement
infectieuses et peuvent se manifester de
façon précoce ou tardive :
• complications précoces :
+ sinusites frontales ou ethmoïdales favorisées
par les lésions muqueuses, par la présence
d’un hématome, d’un oedème, par la proximité
des fosses nasales.
Elles peuvent se
compliquer d’une méningite ;
+ méningite par plaie craniocérébrale évidente,
par brèche dure-mérienne insidieuse
parfois à distance des foyers de fracture ;
+ abcès orbitaire ;
+ ostéite, ostéomyélite au niveau des éléments
fracturés ou d’os en contact avec des
foyers infectieux.
Elles peuvent se traduire
par des douleurs localisées accompagnées ou
non de céphalées, avec une tuméfaction,
une hyperthermie, une fistule cutanée et
une image radio-claire de lyse osseuse ;
+ abcès du cerveau et empyème péricérébral :
ils restent peu fréquents ;
• complications tardives :
+ mucocèle et mucopyocèle ;
+ sinusite frontale pouvant se développer à bas
bruit et se transformer en pan-sinusite par
atteinte des cavités sinusiennes de l’ethmoïde,
du sphénoïde et du maxillaire ;
+ réapparition d’une rhinorrhée avec ou sans
méningite.
Autres complications :
• pneumocéphalie se traduisant par la présence
d’air dans la boîte crânienne par communication
avec le milieu extérieur signant ainsi une
brèche dure-mérienne pouvant nécessiter une
intervention ;
• atteinte oculaire concernant le globe par traumatisme
direct ou le nerf optique intéressé par
un trait de fracture ou par un oedème ou un
hématome compressif.
Cette atteinte peut
parfois nécessiter l’exentération du contenu
orbitaire.
G - Séquelles :
Elles résultent d’une erreur de diagnostic, d’un
bilan lésionnel incorrect, d’un traitement primaire
mal adapté ou insuffisant ou d’une complication du
traitement initial et parfois de lésions graves et
complexes.
Les séquelles fonctionnelles peuvent
être définitives telles que l’anosmie ou être difficilement
corrigeables comme la diplopie.
Enfin, les
séquelles esthétiques peuvent nécessiter une correction
ardue exigeant plusieurs étapes.
1- Séquelles fonctionnelles :
Elles peuvent être :
• l’anosmie : séquelle souvent définitive ou de
récupération très partielle pouvant se révéler
très invalidante, elle peut être liée aux lésions
initiales quand elles atteignent le complexe frontoethmoïdal ou aux explorations et traitements
d’une rhinorrhée.
Dans sa forme bilatérale,
elle peut s’accompagner d’une dysgueusie
aggravant ainsi l’atteinte sensorielle ;
• la cécité, la baisse de l’acuité visuelle, l’amputation
du champ visuel : séquelles également
définitives par atteinte directe ou indirecte du
nerf optique, se manifestant de façon uni- ou
bilatérale, symétrique ou non ;
• la diplopie : pouvant se manifester dans les
différents secteurs du champ visuel mais plus
fréquemment dans le regard vers le haut, elle
est souvent difficile à corriger à distance du
traumatisme, les lésions causales (atteinte de
muscles moteurs oculaires ou de leurs tendons,
fibrose) étant alors fixées ;
• l’atteinte des voies lacrymales par malposition,
compression ou section, pouvant se traduire
par une épiphora ou une dacryocystite ;
selon les cas, une dacryocystorhinostomie peut
être pratiquée ;
• des anomalies de l’occlusion dentaire avec parfois
syndrome de dysfonctionnement craniofacial
en cas de réduction insuffisante d’une
fracture horizontale du massif facial.
2- Séquelles morphologiques :
Elles se traduisent par des déformations variées :
• asymétrie de la face ;
• enfoncement du bandeau frontal ;
• énophtalmie par agrandissement de l’orbite en
relation avec les différentes fractures des parois,
ou dans les fractures déplacées du complexe
orbitozygomatique ;
• exophtalmie par rétrécissement de l’orbite ;
• télécanthus par déplacement latéral de la paroi
orbitaire médiale avec élargissement de
l’arête nasale, et par défaut de repositionnement
du ligament canthal médial ;
• insuffisance de projection de la pyramide nasale
dans les atteintes du complexe naso-ethmoïdo-
orbitaire ;
• élargissement ou enfoncement de la pommette
dans les atteintes latérales au niveau de l’ensemble zygomatomalaire ;
• rétrusion de la face dans le cadre d’une disjonction
craniofaciale avec recul de l’étage
supérieur.
Elles sont souvent difficiles à corriger, en raison
de la rétraction habituelle des parties molles susjacentes
ou de la disparition de certains éléments
osseux.
La fixation spontanée, en mauvaise position,
des pièces osseuses fracturées, ayant ou non
conservé leur forme anatomique initiale, impose
leur reconstitution.
La correction fait appel aux techniques d’ostéotomies,
associées ou non aux greffes osseuses et
s’inspirant des techniques mises au point pour les
malformations craniofaciales par Paul Tessier.
Chaque
cas est particulier et demande une adaptation
aux différentes situations rencontrées.
3- Séquelles neuropsychologiques des traumatisés
crâniens :
Il s’agit notamment du syndrome subjectif des traumatisés
crâniens, des altérations des fonctions supérieures
du syndrome frontal causées par les
contusions frontopolaires.