Traumatismes du coude Cours de
réanimation - urgences
Rappel anatomique
:
L’articulation du coude se compose de trois
articulations : les articulations huméroulnaire
et huméroradiale, et la radio-ulnaire
proximale.
Le mouvement de flexionextension
du coude fait intervenir les
articulations huméro-ulnaire et
huméroradiale.
Le mouvement de pronosupination de l’avant-bras fait
intervenir les articulations huméroradiale et
radio-ulnaire proximale.
Anatomiquement,
ces trois articulations font partie du même
complexe fonctionnel car il n’existe, pour ces
trois entités articulaires, qu’une seule cavité
articulaire, une seule synoviale et un même
appareil ligamentaire.
L’extrémité inférieure de l’humérus, encore
appelée palette humérale, possède un aspect
en « fourche », composée de deux piliers se
terminant en épicondyle latéral et médial.
Les deux piliers soutiennent le massif
articulaire composé en dehors du condyle
(ou capitellum) s’articulant avec la fossette
radiale, et en dedans de la trochlée, en forme de poulie asymétrique dont la gorge
s’articule avec l’épiphyse ulnaire proximale.
Entre ces deux zones anatomiques, on
individualise la gouttière condylotrochléenne
(ou zone conoïde) articulée au
rebord médial de la fossette radiale.
La zone comprise entre les deux piliers de
l’humérus est appelée fossette olécrânienne
en arrière et fossette coronoïdienne en avant.
Elle correspond au point faible de l’extrémité
distale de l’humérus.
L’extrémité supérieure de l’ulna est
constituée par deux apophyses : l’une
postérieure et verticale, l’olécrâne, et l’autre
antérieure et horizontale, l’apophyse
coronoïde.
Ces deux apophyses supportent la surface
articulaire ulnaire de l’articulation huméroulnaire
: la grande cavité sigmoïde, en forme
de crochet.
La petite cavité sigmoïde siège
sur la face latérale de l’apophyse coronoïde.
L’extrémité supérieure du radius se compose
de trois parties : la tête du radius, le col et la
tubérosité bicipitale qui donne insertion au
tendon distal du biceps brachial.
La face
supérieure de la tête radiale est appelée
fossette radiale.
Elle est entièrement recouverte de cartilage
qui est en continuité avec celui siégeant sur
les 7-8 mm supérieurs du pourtour de la tête
du radius (articulation radio-ulnaire
proximale).
Cette zone est séparée de la
diaphyse par le col du radius, long de 1 cm
et oblique en bas et en dedans.
Lors de l’examen clinique, la palpation
retrouve les trois repères classiques du
coude : olécrâne, épicondyle médial et
épicondyle latéral qui dessinent
normalement une ligne en extension et un
triangle en flexion.
Traumatismes du coude
de l’adulte :
A - FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ
INFÉRIEURE DE L’HUMÉRUS :
1- Anatomopathologie
:
Il existe de multiples variétés de fractures
de l’extrémité inférieure de l’humérus,
regroupées au sein de nombreuses
classifications.
La distinction principale
oppose les fractures extra-articulaires
(surtout représentées par les supracondyliennes)
et les fractures articulaires (soit les
sus- et intercondyliennes, soit les fractures
dites parcellaires).
Le degré de comminution fracturaire est le second critère
dominant le pronostic.
* Fractures extra-articulaires
:
+ Fractures supracondyliennes
:
Elles représentent environ 20 % de
l’ensemble des fractures de l’extrémité
inférieure de l’humérus.
Elles peuvent être
déplacées ou non et leur comminution est
variable.
Le pronostic fonctionnel de ces
fractures est meilleur que celui des fractures
articulaires.
+ Fractures parcellaires extra-articulaires
:
Elles sont rares, le trait de fracture séparant
un épicondyle (médial ou latéral) de
l’humérus.
Leur déplacement est lié à
l’insertion des muscles épicondyliens sur le
fragment osseux fracturé.
* Fractures articulaires
:
+ Fractures sus- et intercondyliennes
Elles sont fréquentes, représentant environ
40 % de l’ensemble des fractures de
l’extrémité inférieure de l’humérus.
Le trait fracturaire associe une fracture des deux
colonnes détachant l’épiphyse de la
diaphyse, et un refend articulaire séparant
l’épiphyse en au moins deux fragments.
L’importance de la comminution (toujours
sous-estimée radiographiquement) et celle
du déplacement des fragments empêche
souvent toute classification anatomopathologique.
Ce type de fracture entre parfois dans
le cadre de traumatismes complexes du
coude à haute énergie réalisant de véritable
fracas articulaires.
+ Fractures parcellaires articulaires
:
Elles peuvent soit être unicondyliennes, à
trait de fracture sagittal (intéressant alors le
condyle interne ou latéral, mais emportant
presque toujours le versant correspondant
de la trochlée humérale), soit être
secondaires à un trait de fracture frontal,
détachant une partie de la surface articulaire
qui se déplace alors vers l’avant et le haut.
Selon la taille du fragment de la surface
articulaire fracturée, on distingue les
fractures du capitellum isolées (type I), celles
intéressant à la fois le condyle, la zone
conoïde et la joue externe de la trochlée
(type II) et enfin celles emportant toute la
surface articulaire, encore appelées fractures
diacondyliennes (type III).
* Lésions associées
:
Les fractures de l’extrémité inférieure de
l’humérus peuvent s’accompagner de
fractures de la cupule radiale, de l’olécrâne
ou de l’apophyse coronoïdienne.
Une
luxation du coude et des lésions
ligamentaires (ligament collatéral médial)
peuvent également être associées à la
fracture.
2- Diagnostic
:
* Interrogatoire
:
Il s’agit le plus souvent soit d’un sujet jeune
(20-30 ans) après un traumatisme violent,
soit d’un sujet âgé (70-80 ans) au décours
d’une chute de sa hauteur.
Le traumatisme est le plus souvent direct
(coude de portière), mais parfois également
indirect par une chute sur la paume de la
main, la tête radiale venant fracturer
l’épiphyse humérale (fractures parcellaires
articulaires).
* Examen clinique
:
Le blessé se présente aux urgences avec un
gros coude très douloureux et une
impotence fonctionnelle absolue.
L’oedème
d’apparition rapide gêne l’examen du coude.
L’apparition d’une ecchymose est le plus
souvent retardée par rapport à l’accident.
Des complications (vasculonerveuses tout
particulièrement) sont recherchées lors du
bilan initial.
* Examen radiographique
:
Il doit comprendre une incidence de face et
une de profil, en n’hésitant pas, même chez
l’adulte, à réaliser des clichés comparatifs
du côté opposé.
Afin de pouvoir analyser au
mieux les lésions anatomiques, il faut
s’acharner à avoir des incidences de face et
de profil strict (l’extrémité inférieure
normale de l’humérus possédant alors un
aspect caractéristique en « sablier »).
Ceci
étant souvent difficile dans le contexte de
l’urgence chez un patient hyperalgique, ce
n’est parfois qu’au bloc opératoire, sous
anesthésie, que des clichés corrects peuvent
être obtenus.
On peut alors préciser le type
de trait de fracture, le déplacement, la comminution osseuse et les lésions
éventuellement associées.
3- Évolution
:
* Complications immédiates
:
L’ouverture cutanée est présente dans
environ un quart des cas.
Les
complications vasculaires sont exceptionnelles
(moins de 1 % des cas), alors que des
atteintes nerveuses sont retrouvées chez
environ 5 % des patients, intéressant
surtout le nerf radial et moins souvent le
nerf ulnaire.
La régression spontanée des
signes neurologiques déficitaires est la règle,
témoignant de la rareté des sections axonales
et correspondant, dans l’immense majorité
des cas, à de simples contusions nerveuses.
Il faut également noter la possibilité de
lésion du nerf ulnaire ou du nerf radial en peropératoire soit par dissection inadéquate,
soit par contact avec le matériel
d’ostéosynthèse.
L’association à d’autres
fractures et/ou luxations du membre
supérieur doit être recherchée en cas de
traumatisme violent car les lésions étagées
du membre supérieur sont fréquentes.
La
survenue possible d’un syndrome de Volkmann doit amener à une surveillance
initiale rapprochée.
* Complications secondaires
:
+ Enraidissement du coude
:
C’est la complication la plus fréquente des
fractures de l’extrémité inférieure de
l’humérus chez l’adulte.
Elle intéresse
surtout la flexion-extension du coude, mais
aussi la pronosupination de l’avant-bras.
Le
risque d’enraidissement est d’autant plus
élevé que la fracture atteint la surface
articulaire, que le nombre de fragments est
grand et que la comminution fracturaire est
importante.
Finalement, l’apparition d’un
enraidissement du coude dépend surtout du
type de traitement : en cas d’immobilisation
plâtrée prolongée, l’enraidissement est très
fréquent mais la stabilité des ostéosynthèses
n’autorise pas toujours une mobilisation
immédiate.
Si une ostéosynthèse avec abord
du foyer de fracture n’est pas suivie d’une
rééducation postopératoire immédiate,
l’enraidissement est alors inéluctable.
+ Pseudarthrose
:
En dehors des fractures parcellaires des
épicondyles, elle est rare et complique le
plus souvent une ostéosynthèse inadéquate.
Elle est à l’origine de douleurs et d’une
diminution de la force du membre supérieur.
Son diagnostic radiographique est parfois
difficile en raison de la présence du matériel
d’ostéosynthèse.
+ Cals vicieux
:
Ils sont plus fréquents après traitement
orthopédique, mais peuvent aussi se voir en
cas de traitement chirurgical soit par défaut
de réduction initiale, soit par déplacement
secondaire.
Ils sont à l’origine de douleurs,
mais surtout d’un enraidissement du coude
par perte de la congruence articulaire.
* Complications septiques
:
L’abord chirurgical avec utilisation de
matériel d’ostéosynthèse est à l’origine d’un
taux d’infection d’environ 5 %.
Cette
fréquence est de 10 % en cas de fracture
ouverte. Pour être traitée, elle nécessite de
nombreuses interventions et aboutit le plus
souvent à un enraidissement définitif du
coude.
4- Traitement
:
* Sur les lieux de l’accident ou lors
de l’arrivée du patient aux urgences :
Après avoir éliminé les complications vasculonerveuses, le membre supérieur doit
être immobilisé dans une attelle en prenant
soin de protéger la peau pour éviter toute
aggravation de la souffrance cutanée.
S’il
s’agit d’une fracture ouverte, la plaie sera
d’abord désinfectée puis couverte
stérilement.
La suite du traitement sera
dictée par le résultat du bilan
radiographique.
* Différentes méthodes thérapeutiques
:
+ Traitement fonctionnel
:
Il repose sur le principe de la mobilisation
immédiate du coude dès que la diminution
des douleurs initiales l’autorise.
Il vise à
obtenir un remodelage du foyer de fracture
pour diminuer l’amplitude de l’enraidissement
articulaire.
+ Traitement orthopédique
:
Il correspond à l’immobilisation du membre
supérieur par un plâtre brachiopalmaire à
90° de flexion du coude et en pronation
neutre, le coude étant maintenu au corps
dans une écharpe de Mayo ou un bandage
de Dujarier pour immobiliser l’articulation
sus-jacente à la fracture.
La durée de cette
immobilisation est de 45 à 60 jours selon le
type de la fracture.
La surveillance clinique
doit rechercher les signes de compression
sous plâtre.
+ Traitement chirurgical
:
Il fait appel aux différentes méthodes de
réduction puis d’ostéosynthèse du foyer de
fracture.
La voie d’abord chirurgicale peut
être postérieure (transtricipitale ou
transolécrânienne) médiale ou latérale, selon le siège et le type de la fracture. Après
réduction à ciel ouvert, l’ostéosynthèse sera
réalisée à l’aide de vis ou de plaques vissées
le plus souvent.
L’utilisation de broches
isolées doit être évitée car la stabilité du
montage doit être suffisante pour autoriser
une mobilisation postopératoire immédiate.
* Indications thérapeutiques
:
Dans l’immense majorité des cas, le
traitement chirurgical doit être entrepris afin
de réduire anatomiquement la fracture et de
permettre une mobilisation précoce.
Pour
certains, en cas de fracture extra-articulaire
non déplacée, le traitement orthopédique
peut être préconisé.
Le traitement
fonctionnel est le plus souvent utilisé en cas
de fracture déplacée et comminutive du sujet
âgé car aucune ostéosynthèse ne permet ici
l’obtention d’une stabilité suffisante pour
autoriser la mobilisation postopératoire.
Dans tous les autres cas, la réductionostéosynthèse
doit être préférée pour obtenir
une consolidation en position anatomique
tout en diminuant le risque d’enraidissement
du coude.
* Traitement des complications
:
Comme nous l’avons vu précédemment, les
complications neurologiques ne doivent
aboutir qu’à une surveillance clinique, puis
éventuellement électromyographique
appropriée.
Les fractures très complexes largement
ouvertes ou associées à d’autres lésions
traumatiques du membre supérieur peuvent
imposer l’utilisation de fixateurs externes
isolés ou en complément d’une ostéosynthèse
a minima.
Les indications chirurgicales devant un
enraidissement fixé du coude (arthrolyses
avec parfois ablation d’ostéomes du coude
réalisant de véritables butoirs articulaires)
doivent être mûrement réfléchies car elles
imposent l’engagement du patient à
participer activement à une rééducation
postopératoire longue et difficile, sous
réserve de n’obtenir aucune amélioration
fonctionnelle.
L’anatomie normale de
l’interligne articulaire est indispensable pour
espérer améliorer la mobilité articulaire du
coude.
B - FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ
SUPÉRIEURE DE L’ULNA :
Il en existe deux variétés.
Les fractures de
l’olécrâne représentent la fracture du coude
le plus fréquemment rencontrée, intéressant
à la fois l’adulte jeune (accident de sport ou
de la voie publique) et le vieillard (chute de
sa hauteur).
Les fractures de l’apophyse coronoïdiennes sont beaucoup plus rares.
1- Fractures de l’olécrâne
:
* Anatomopathologie
:
Ces fractures sont le plus souvent
articulaires, intéressant la grande cavité
sigmoïde de l’ulna.
Leur classification par
Merle d’Aubigné les distingue selon leur
siège.
Les fractures du sommet ou bec
olécrânien, extra-articulaires, correspondent
à une désinsertion osseuse du triceps.
Les
fractures de la partie moyenne de l’olécrâne,
articulaires, respectent de principe au moins
le tiers distal de l’apophyse olécrânienne et
ne mettent donc pas en jeu la stabilité
sagittale du coude.
Les fractures de la base
de l’olécrâne, à la jonction portion horizontale-portion verticale de la grande
cavité sigmoïde, aboutissent au risque de
luxation antérieure du coude.
On distingue de plus les fractures selon le
caractère simple ou comminutif du trait
et selon le degré de déplacement des
différents fragments qui varie en fonction de
l’intégrité des ailerons olécrâniens.
* Diagnostic
:
+ Interrogatoire
:
Ces fractures surviennent le plus souvent
par flexion brutale du coude associée à une
contraction violente du triceps soit au cours
d’un traumatisme indirect (chute sur la
main, coude en flexion), soit après un
traumatisme direct (chute sur la face
postérieure du coude en flexion).
Les
fractures en extension sont beaucoup plus
rares.
+ Examen clinique
:
Le blessé se présente aux urgences pour une
douleur de la face postérieure du coude plus
ou moins marquée et une impotence
fonctionnelle parfois incomplète.
Il existe un
gonflement de la face postérieure du coude
associé à un hématome sous-cutané et une
douleur exquise en regard.
La mobilisation active en flexion est possible
mais l’extension active est impossible,
signant la désinsertion tricipitale.
L’état de la couverture cutanée doit
absolument être précisé car l’olécrâne est un
os sous-cutané et le taux d’ouverture initiale
et surtout secondaire par nécrose cutanée est
grand, avec pour conséquence le risque
d’infection, en particulier en cas
d’ostéosynthèse.
En effet, la peau des sujets âgés est très
fragile et le mécanisme par choc direct est
très fréquent.
Cette particularité explique
l’indispensable précocité du traitement en
cas de réduction-ostéosynthèse à ciel ouvert.
+ Examen radiographique
:
Il comporte un coude de face et de profil
visualisant facilement le trait de fracture, son
type et son déplacement.
La fréquence de
survenue de lésions ostéoarticulaires
associées est très importante et impose donc
leur recherche systématique.
* Lésions ostéoarticulaires associées
:
+ Luxation de la tête radiale
:
Cette entité correspond à la variété haute
des fractures de Monteggia.
Fracture de l’apophyse coronoïde
Elle doit être systématiquement recherchée
sur le cliché de profil car cela impose parfois
sa réduction et son ostéosynthèse.
+ Luxation transolécrânienne du coude
:
Le fragment proximal fracturé de l’olécrâne
reste à sa place, maintenu par le triceps
derrière l’épiphyse humérale, alors que le
reste du squelette antébrachial (ulna et
radius restés solidaires) est luxé en avant
par rapport à l’humérus.
* Traitement
:
+ Sur les lieux de l’accident ou lors
de l’arrivée du patient aux urgences :
Après avoir examiné le patient, le coude doit
être immobilisé dans une attelle en prenant
grand soin de protéger la peau par des
Américains ou une Velbande.
Les
pansements alcoolisés sont à proscrire sous
peine d’entraîner des brûlures cutanées.
S’il
s’agit d’une fracture ouverte, la plaie est
d’abord désinfectée, puis couverte
stérilement.
+ Différentes méthodes thérapeutiques
:
– Traitement fonctionnel.
Il repose sur le principe de la mobilisation
immédiate du coude.
– Traitement orthopédique.
Il correspond à l’immobilisation du membre
supérieur par un plâtre brachiopalmaire ou
brachioantébrachial (laissant libre la
pronosupination) à 90° de flexion du coude,
pour une période de 21 à 30 jours.
– Traitement chirurgical.
La voie d’abord chirurgicale est postérieure,
suivant la crête ulnaire postérieure.
La
qualité de la réduction doit systématiquement
être vérifiée par une arthrotomie
latérale.
L’ostéosynthèse est réalisée au fil
d’acier ou synthétique soit isolément
(cerclage), soit appuyé sur deux broches
entrées par le sommet de l’olécrâne et
traversant le foyer de fracture (haubanage).
Certains proposent le vissage axial
(centromédullaire) ou oblique, bicortical.
Enfin, l’utilisation d’une plaque vissée
postérieure moulée peut être rendue
nécessaire du fait du caractère complexe de
certaines fractures.
Comme dans toutes les
fractures du coude, la stabilité du montage
doit être suffisante pour autoriser une
mobilisation postopératoire immédiate en flexion-extension et en pronosupination
pour éviter l’apparition d’un enraidissement
articulaire définitif.
– Indications thérapeutiques.
Dans l’immense majorité des cas, le
traitement chirurgical doit être entrepris afin
de réduire anatomiquement la fracture et de
permettre une mobilisation précoce grâce à
une ostéosynthèse stable (le haubanage est
la technique la mieux adaptée pour atteindre
ce but).
En cas de lésions cutanées
importantes, une ostéosynthèse peut être
différée de 1 à 2 semaines.
Les fractures non
déplacées sont les seules à pouvoir être
traitées orthopédiquement.
Le traitement
fonctionnel est le plus souvent utilisé en cas
de fracture du sujet âgé à l’état cutané
précaire.
Elle aboutit à une pseudarthrose
fibreuse, le plus souvent indolore, associée à
une perte de la force d’extension du coude
parfaitement compatible avec les exigences
fonctionnelles des sujets âgés.
2- Fractures de l’apophyse coronoïde
:
Ces fractures sont soit associées à une
luxation du coude (fractures du bec de la
coronoïde), soit s’intègrent dans une fracture
comminutive (avec ou sans luxation du
coude) intéressant l’ensemble de l’extrémité
supérieure de l’ulna (fractures de la base de
la coronoïde).
La symptomatologie clinique est le plus
souvent celle de la lésion associée et le
diagnostic des fractures de l’apophyse
coronoïde repose sur une lecture attentive
des radiographies de profil de tout coude
traumatisé.
Le traitement des fractures du bec de la
coronoïde est celui de la luxation du coude
qu’elle accompagne.
En cas de fracture du
bec isolé (se méfier d’une luxation
spontanément réduite), le traitement est
fonctionnel.
Une incarcération intraarticulaire
du fragment coronoïdien fracturé
est la seule indication chirurgicale théorique.
Les fractures déplacées de la base
compromettant à la fois la surface articulaire
de la grande cavité sigmoïde de l’ulna et la
stabilité du coude, elles doivent être réduites
et ostéosynthésées chirurgicalement par
vissage soit par voie postérieure, soit par
voie antérieure.
C - FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ
SUPÉRIEURE DU RADIUS
:
1- Anatomopathologie
:
Elles intéressent dans l’immense majorité
des cas la tête radiale (contrairement à ce
qui se passe chez l’enfant, où la fracture
siège presque toujours dans le col du
radius).
Ce sont donc des fractures
articulaires intéressant à la fois l’articulation huméroradiale et la radio-ulnaire proximale.
La classification anatomopathologique de Mason est utilisée par la grande majorité des
auteurs, même si elle a souvent été modifiée
pour mieux préciser le type de fracture.
Elle distingue quatre types de fractures de
la tête radiale :
– type I : fracture non déplacée ;
– type II : fracture déplacée avec un trait
unique détachant seulement un fragment de
l’épiphyse radiale ;
– type III : fracture complexe multifragmentaire
avec souvent présence de refends dans
le col du radius ;
– type IV : fracture de type I, II ou III
associée à une autre fracture du coude ou à
une luxation.
2- Lésions associées
:
Elles sont fréquentes et souvent au premier
plan pour déterminer le pronostic de ces
fractures.
Elles peuvent en particulier
intéresser le ligament collatéral médial du
coude (rupture ou désinsertion osseuse) ou
l’apophyse coronoïdienne (fracture) et
conduisent parfois à une luxation du coude
dont l’association à une fracture de la tête du radius est très fréquente.
Il peut
également exister des fractures en « miroir »
du condyle externe ou de l’extrémité
proximale de l’ulna.
3- Diagnostic
:
– Interrogatoire.
Ces fractures surviennent lors d’une chute
sur la paume de la main, la position du
coude en flexion-extension et pronosupination
déterminant le type fracturaire.
– Examen clinique.
La douleur, parfois très modérée, siège à la
face postéroexterne du coude.
L’impotence
fonctionnelle est souvent discrète.
Il existe
un gonflement de la face postéroexterne du
coude avec une douleur exquise lors de la
palpation de la tête du radius.
Enfin, la
mobilisation en pronosupination déclenche
la douleur.
– Examen radiographique.
Il comporte un coude de face et de profil,
mais le trait de fracture est parfois difficile à
mettre en évidence et il ne faut alors pas
hésiter à demander d’autres incidences, en
particulier par une pronosupination
progressive déroulant la tête radiale.
L’existence de lésions ostéoarticulaires
associées est systématiquement recherchée.
4- Traitement
:
Il est très controversé, même si le but est
uniformément admis : permettre une
mobilisation précoce du coude pour éviter
la principale complication de ces fractures,
l’enraidissement.
* Différentes méthodes thérapeutiques
:
+ Traitement non chirurgical
:
Il repose sur le principe de la mobilisation
précoce du coude dès la diminution des
phénomènes douloureux. Pendant la phase
algique (8-10 jours), une immobilisation
antalgique du membre supérieur dans un
plâtre brachiopalmaire est réalisée.
5- Traitement chirurgical
:
Il peut être effectué par voie d’abord externe
ou postéroexterne.
– Réduction-ostéosynthèse.
Après repositionnement du ou des
fragments, une ostéosynthèse à l’aide de
broches ou de vis est pratiquée.
Cette
intervention est de réalisation délicate et doit
aboutir à un résultat anatomique parfait
associé à une bonne stabilité du montage.
– Résection de la tête radiale simple.
Elle correspond à la réalisation d’une
ostéotomie du col du radius pour exérèse de
la tête radiale fracturée qui doit être aussi
économique que possible.
C’est une
intervention simple mais répondant à des
règles précises et non sans conséquences sur
la stabilité ultérieure du coude et sur le
fonctionnement biomécanique de l’avantbras
et du poignet.
– Résection suivie d’une arthroplastie de la tête
radiale.
Deux principaux types de prothèses
existent : la prothèse de Swanson
et les prothèses métalliques.
La première est
en réalité une entretoise en silicone
fonctionnant comme une arthroplastie
d’interposition.
Elle se complique souvent
par l’apparition d’une siliconite liée à l’usure
des prothèses, responsable d’ostéolyses
parfois majeures.
Cette complication a
amené certains à abandonner les
arthroplasties de tête radiale, d’autres
préconisent leur ablation systématique après
guérison des lésions associées (la prothèse a
alors joué son rôle d’entretoise pendant la
phase de cicatrisation des lésions
ligamentaires), d’autres enfin ont abandonné
ce type d’implants pour les prothèses
métalliques qui ne possèdent pas les mêmes
inconvénients.
– Ablation économique d’un ou plusieurs
fragments de tête radiale.
Cette méthode correspond à la résection de
la tête limitée aux morceaux libérés pour
éviter les complications de la résection.
Elle
ne peut toutefois se discuter qu’en cas de
petits fragments faisant corps étrangers intra-articulaires où elle possède un intérêt
théorique.
+ Indications thérapeutiques
:
Elles dépendent du type fracturaire
(classification de Mason), de l’existence de
lésions associées, et en particulier d’une
instabilité du coude par atteinte du ligament
collatéral médial.
Toutefois, les différents
auteurs ne sont d’accord que sur quelques
indications classiques, la prise en charge de
ces traumatismes restant encore aujourd’hui
une affaire d’école.
Les fractures non déplacées (type I) sont
traitées par immobilisation courte et
mobilisation rapide (8-10 jours).
Les
fractures de types III sont traitées par
résection isolée ou suivie d’une prothèse de
tête radiale.
Les fractures de types II à deux
fragments représentent la meilleure
indication à la réduction suivie d’une
ostéosynthèse.
En dehors de ces situations,
aucune technique ne fait l’unanimité.
Toutefois, il semble que les prothèses
métalliques de tête radiale donnent de bons
résultats à moyen terme.
La rupture associée du ligament collatéral
médial impose son traitement spécifique qui
peut faire appel soit à l’immobilisation
plâtrée 3 semaines (source de raideur), soit à
sa réparation chirurgicale.
En cas
d’indication de résection de la tête radiale,
l’existence d’une rupture associée du
ligament collatéral médial aboutit
inéluctablement à un échec par instabilité
du coude, déviation rapide en valgus et
perturbations de toute la biomécanique de
l’avant-bras.
Certains ont proposé la
réparation chirurgicale du ligament associée
à la résection, mais il semble que cette
situation soit une bonne indication de
prothèse de tête radiale.
En effet, celle-ci joue
alors le rôle de butoir latéral luttant contre
le valgus et permet donc la cicatrisation du
ligament collatéral médial tout en autorisant
la mobilisation immédiate du coude.
Traumatismes du coude
de l’enfant :
A - FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ
INFÉRIEURE DE L’HUMÉRUS :
1- Anatomopathologie
:
* Fractures supracondyliennes
:
Ce sont les fractures du coude de l’enfant
les plus fréquentes, particulièrement entre 5
et 10 ans.
Lors du traumatisme,
l’épiphyse humérale se fracture juste audessus
du cartilage de croissance, à travers
la partie moyenne des deux fossettes
(olécrânienne et coronoïdienne) et se déplace
en arrière.
Le déplacement se fait le plus
souvent avec une rotation interne, une
bascule et une translation postérieure du
fragment inférieur.
La classification de ces
fractures est faite selon son déplacement :
– stade I : fracture non déplacée ;
– stade II : fracture avec déplacement
modéré (un seul déplacement primaire) ;
– stade III : fracture avec déplacement
important, mais avec un contact persistant
entre les deux fragments ;
– stade IV : fracture avec déplacement
majeur où il n’existe plus de contact entre
les deux fragments.
* Fractures du condyle latéral
:
Cette fracture doit être bien connue car elle
passe souvent inaperçue.
Il s’agit d’un
décollement épiphysaire de stade IV selon
Salter et Harris.
Le trait, qui est
articulaire, détache le condyle, l’épicondyle
externe, le versant latéral de la trochlée et
un fragment plus ou moins important de la
métaphyse humérale.
Les fractures sont
classées selon leur déplacement :
– stade I : fracture non déplacée ;
– stade II : fracture avec translation externe
et bascule minime ;
– stade III : fracture avec translation externe
et bascule postéroexterne.
* Fractures de l’épicondyle médial
:
Il s’agit d’un décollement apophysaire
séparant l’épicondyle médial de la
métaphyse.
La classification de ces fractures
est établie en fonction du déplacement de
l’épicondyle :
– stade I : fracture peu ou pas déplacée ;
– stade II : fracture déplacée ;
– stade III : fracture avec incarcération de
l’épicondyle ;
– stade IV : fracture associée à une luxation
du coude.
* Fractures du condyle médial
:
Bien que rares, elles doivent être
systématiquement recherchées car source de
séquelles importantes.
C’est un décollement épiphysaire de stade IV selon Salter et
Harris, emportant la partie médiale de
l’épiphyse avec un fragment de la trochlée
humérale.
2- Diagnostic
:
La forme prise pour description est la
classique fracture supracondylienne.
* Interrogatoire
:
Le mécanisme le plus fréquent (plus de neuf
fois sur dix) se fait en extension par une
chute sur la paume de la main, coude fléchi.
* Examen clinique
:
Il est souvent difficile du fait de l’installation
rapide de l’oedème et des douleurs de
l’enfant.
Son but essentiel est donc de
rechercher l’existence d’une complication vasculonerveuse.
L’abolition du pouls radial
n’est pas exceptionnelle.
Elle est parfois
accompagnée de signes ischémiques distaux
(perte de la chaleur cutanée, cyanose,
paresthésies...) et doit mener à la réalisation
immédiate du traitement.
* Examen radiographique
:
Il comporte dans tous les cas une incidence
de face et de profil bilatérale afin de pouvoir
réaliser une étude comparative.
En effet,
l’analyse des radios du coude de l’enfant est
rendue difficile par l’apparition progressive
des quatre points d’ossification de l’épiphyse
humérale (point condylien latéral entre
6 mois et 2 ans, point épicondylien médial
vers 6 ans, point trochléen et point
épicondylien latéral vers 12 ans).
Ce n’est
que vers 13 à 15 ans que la réunion des
quatre points d’ossification fait disparaître
les cartilages de conjugaison huméraux.
3- Évolution
:
* Favorable :
Le plus souvent, après un traitement adapté,
la guérison se fait sans séquelle.
La fracture
consolide en 30 à 45 jours, puis la
mobilisation du coude permet de retrouver
des amplitudes articulaires pratiquement
symétriques.
* Complications immédiates
:
Une ouverture cutanée est retrouvée dans
environ 5 % des cas.
En revanche,
d’importantes lésions cutanées secondaires
par suffusion hémorragique sous-cutanée à
partir de la fracture sont fréquentes.
Des
complications vasculonerveuses sont possibles (5 à 10 %), en particulier dans les
fractures à grand déplacement.
L’artère
humérale, le nerf médian ou radial peuvent
en effet être directement lésés par l’arête
osseuse fracturaire responsable de
contusions ou de compressions.
Leur
incarcération dans le foyer de fracture est
exceptionnelle et le pronostic des atteintes
nerveuses est donc, dans l’immense majorité
des cas, très favorable.
La rupture vraie de
l’artère humérale est rarissime mais doit être
évoquée en cas de persistance de signes
ischémiques après réduction et contention
de la fracture.
Une étude au doppler peut alors amener à
l’abord de l’artère.
L’absence de réapparition
du pouls radial sans signe d’ischémie distale
correspond le plus souvent à un spasme de
l’artère.
Ici aussi, la possibilité d’apparition
d’un syndrome de Volkmann doit rendre
très prudente la surveillance initiale de ces
enfants.
* Complications secondaires
:
+ Déplacements secondaires
:
Ils sont liés à une ostéosynthèse ou une
immobilisation insuffisante et mènent à
l’apparition d’un cal vicieux.
+ Cals vicieux
:
La séquelle la plus fréquente est le
développement d’un cubitus-varus peu
invalidant, mais esthétiquement très
désagréable.
Les cals vicieux en rotation
interne sont également fréquents.
+ Enraidissement du coude
:
Il ne doit plus exister du fait de l’abandon
de toute rééducation précoce traumatisante,
source par le passé de volumineuses
ossifications.
4- Traitement
:
* Méthodes
:
Lorsqu’un déplacement existe, celui-ci doit
être réduit sous peine de laisser apparaître
un cal vicieux.
Cette réduction peut être
réalisée à foyer ouvert (abord chirurgical de
la fracture) ou à foyer fermé (méthode
orthopédique par manoeuvres externes).
Une fois la réduction obtenue, la contention fracturaire doit assurer la stabilité de cette
réduction jusqu’à consolidation.
La
contention peut être assurée soit par une
immobilisation plâtrée de type thoracobrachial
ou brachiopalmaire avec une écharpe
de Mayo ou un bandage de Dujarier, soit
par un brochage (deux broches sont le plus
souvent utilisées) toujours associé à la même
immobilisation postopératoire.
L’embrochage
peut être réalisé selon la technique de
Judet en percutané par voie externe, ou
après abord du foyer fracturaire par une
broche interne et une externe.
La méthode de Blount est prônée par de
nombreux auteurs.
Elle correspond à une
immobilisation du coude au-delà de 90° de
flexion par un collier maintenant le poignet
au cou.
Son utilisation impose une bonne
information aux parents et la possibilité de
surveiller parfaitement l’enfant.
* Indications
:
Les fractures non déplacées sont traitées par
immobilisation dans un plâtre brachiopalmaire
à angle droit, avant-bras en demipronation
pour 30 à 45 jours selon l’âge.
Les fractures déplacées de type II ou III
doivent être réduites orthopédiquement.
La
contention sera assurée soit par la méthode
de Blount, soit par l’embrochage selon Judet.
Dans les fractures déplacées de type IV, une
tentative de réduction orthopédique précède
toujours la réduction sanglante réservée aux
échecs de la première méthode ou à certains
autres cas particuliers (fracture vue avec
retard, ischémie sévère selon les auteurs).
Un embrochage est ici systématiquement
utilisé une fois la réduction obtenue.
Dans tous les cas, un contrôle clinique et
radiographique sera effectué aux deuxième
et septième jours.
5- Autres fractures de l’extrémité
distale de l’humérus :
* Fractures du condyle latéral
:
Elles surviennent deux fois sur trois chez
l’enfant de moins de 8 ans.
La douleur et la
tuméfaction siègent sur la face externe du
coude.
L’aspect radiographique ne doit pas
tromper car la grande majorité du fragment
fracturé n’est pas ossifiée et celui-ci apparaît
donc toujours de petite taille sur les clichés
réalisés.
L’évolution de ces fractures est tout
d’abord marquée par le risque de
méconnaissance initiale sur les radios faites
en urgence, puis par leur caractère instable
lié à l’insertion des muscles épicondyliens.
Or, la réduction de cette fracture articulaire
doit être anatomique pour rétablir la
congruence du coude et éviter le cubitusvalgus
dont le retentissement fonctionnel est
variable.
Le traitement des fractures non
déplacées est orthopédique par
immobilisation plâtrée de type thoracobrachial
ou brachiopalmaire, associée à une
écharpe de Mayo ou un bandage de Dujarier
pour 4 à 6 semaines.
Les fractures déplacées
sont le plus souvent traitées par réduction
sanglante car le contrôle radiographique de
la qualité de la réduction est d’interprétation
très délicate.
Dans ce cas, un brochage
associé à une immobilisation plâtrée doit
être pratiqué.
* Fractures de l’épicondyle médial
:
Elles surviennent chez l’enfant entre 7 et 15
ans et entrent très souvent dans le cadre
d’une luxation du coude.
Après un
traumatisme indirect du coude avec
mécanisme d’arrachement par traction sur
l’épicondyle médial apparaît une douleur
localisée à la face médiale du coude.
La radiographie met en évidence la fracture.
En cas de fracture non déplacée, une
immobilisation 3 à 4 semaines doit être
pratiquée.
En cas de déplacement, cette
dernière doit être réduite soit orthopédiquement
par manoeuvres externes, soit après
abord chirurgical.
Une contention par
broches ou vis est alors le plus souvent
réalisée, suivie d’une immobilisation plâtrée
de 3 ou 4 semaines.
L’incarcération du
fragment fracturé dans l’interligne articulaire huméro-ulnaire, surtout en cas de luxation
du coude associée, impose le recours à la
réduction sanglante du fragment et à son
ostéosynthèse par broches ou vis.
* Fractures du condyle médial
:
Elles sont rares (2 à 3 % des fractures du
coude de l’enfant), mais souvent source de
séquelles.
Les signes cliniques siègent sur la
face médiale du coude, mais seule la
radiographie permet de réaliser le
diagnostic.
En l’absence de déplacement
dans le foyer de fracture, un traitement par
immobilisation plâtrée est indiqué.
Les
déplacements fracturaires doivent être
réduits sous peine d’aboutir à un cubitus
valgus et un enraidissement du coude.
B - FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ
SUPÉRIEURE DE L’ULNA :
Tout comme chez l’adulte, les fractures
peuvent intéresser l’olécrâne ou l’apophyse
coronoïde.
1- Fractures de l’olécrâne
:
Elles surviennent le plus souvent après un
traumatisme direct et représentent 3 % des
fractures du coude de l’enfant.
Leur
classification se fait en fonction du siège de
trait de fracture et du déplacement.
Leur
pronostic est lié aux lésions associées
(fractures du radius ou de l’épiphyse
humérale ou encore luxation du coude).
Ici
aussi, une fracture de type Monteggia doit
toujours être éliminée par la lecture attentive
du cliché de profil du coude.
Le risque
évolutif est surtout l’apparition d’un
enraidissement du coude.
Le traitement des
fractures non déplacées consiste en une
immobilisation par plâtre brachiopalmaire,
coude fléchi à 90°, pendant 6 semaines.
En
cas de léger déplacement, le coude peut être
initialement immobilisé à 60°.
Dans les
fractures très déplacées ou après échec du
traitement orthopédique, le traitement
comprend une réduction à ciel ouvert, suivie
d’un embrochage.
2- Fractures de l’apophyse coronoïde
:
Elles ne représentent que 1 % des fractures
du coude de l’enfant et leur pronostic est lié
aux lésions associées (luxation du coude
surtout).
Si le coude est stable, le traitement
consiste en une immobilisation par plâtre brachiopalmaire, coude fléchi à 100° avec 45°
de supination, pendant 4 semaines.
Si le
coude est instable, la fracture de la
coronoïde doit être ostéosynthésée après
réduction d’un éventuel déplacement fracturaire.
En postopératoire, le membre est
immobilisé dans un plâtre brachiopalmaire
pendant 4 semaines.
C - FRACTURES DE L’EXTRÉMITÉ
SUPÉRIEURE DU RADIUS :
Contrairement à l’adulte, elles intéressent
dans la grande majorité des cas (trois fois
sur quatre) le col du radius et
représentent environ 7 % des fractures du
coude, survenant le plus souvent vers l’âge
de 10 ans.
1- Anatomopathologie
:
Les fractures du col du radius sont classées
selon leur déplacement initial.
– Stade I : fracture non déplacée.
– Stade II : fracture avec bascule de fragment
proximal inférieure à 30°.
– Stade III : fracture avec bascule de
fragment proximal entre 30° et 60°.
– Stade IV : fracture avec bascule de
fragment proximal supérieure à 60°.
2- Lésions associées
:
Les fractures de l’extrémité supérieure du
radius accompagnent très fréquemment une
autre lésion traumatique du coude (40 % des
cas) qui doit donc être systématiquement
recherchée : fracture de l’olécrâne, luxation
du coude, fracture de la coronoïde ou de
l’épicondyle interne.
L’atteinte associée du
ligament collatéral médial est aussi
fréquente, liée au mécanisme lésionnel.
3- Diagnostic
:
L’impotence fonctionnelle fait suite à un
traumatisme indirect du coude au cours
d’un mouvement de valgus forcé en
extension du coude.
La douleur siège sur la
face latérale du coude et l’examen
radiographique confirme le diagnostic. Une
lésion associée doit être éliminée.
4- Évolution
:
Bien traitée, la fracture du col du radius
évolue trois fois sur quatre vers la guérison
sans séquelle.
Néanmoins, un enraidissement
du coude ou une déformation en cubitus-valgus par épiphysiodèse ou nécrose
de la tête radiale peuvent survenir.
Ces
complications sont plus fréquentes en cas de
fracture de la tête du radius que du col.
5- Traitement
:
Le traitement des fractures non déplacées
fait appel à une immobilisation dans un
plâtre brachiopalmaire pendant 4 semaines.
Les fractures de type II sont traitées par
réduction par manoeuvres externes avec
pression directe manuelle sur la tête radiale
et la même immobilisation plâtrée.
En cas
de fracture de type III, le même traitement
peut être tenté (un poinçon planté dans la
tête peut éventuellement aider à la
réduction), mais l’embrochage centromédullaire
ascendant selon Métaizeau sans abord
du foyer trouve ici une de ses meilleures
indications.
Dans les fractures de type IV,
ce n’est qu’après échec de cette technique
qu’un abord du foyer est réalisé pour
réduction à ciel ouvert et brochage condyloradial.
Une immobilisation plâtrée accompagne
l’embrochage, quelle que soit sa technique.
Enfin, la résection de la tête radiale est
formellement proscrite chez l’enfant.
D - PRONATION DOULOUREUSE
DE L’ENFANT :
Il s’agit d’une subluxation de la tête radiale
par rapport au ligament annulaire radioulnaire.
Ce tableau est stéréotypé,
fréquent, et de diagnostic facile.
Il s’agit d’un
petit enfant, âgé de 1 à 5 ans, qui présente,
après avoir subi une traction brutale dans
l’axe du bras alors que le membre est en
extension (souvent pour le faire monter sur
un trottoir...), une impotence fonctionnelle
du membre.
En effet, l’enfant ne se sert
absolument plus de son membre supérieur,
conservant son coude immobile en extension
et pronation, l’avant-bras pendant le long
du corps.
La palpation douce
retrouve les différents repères anatomiques
du coude en position normale.
Toute
tentative de supination déclenche la douleur
qui siège au coude.
Les radiographies de
face et de profil du coude sont normales.
Cette association avec le mécanisme
lésionnel permet de poser le diagnostic de
pronation douloureuse et d’en réaliser le
traitement.
Il faut, après avoir mis en confiance l’enfant,
porter l’avant-bras en supination progressive
et en flexion du coude plus ou moins
associées à une pression sur la tête radiale.
En cours de manoeuvre, un ressaut
est perçu par l’examinateur (il peut aussi
être audible) signant la guérison.
Dès la
disparition de son appréhension, l’enfant
reprend ses jeux en utilisant symétriquement
ses deux membres supérieurs confirmant,
s’il en était besoin, le diagnostic de
pronation douleureuse.
Aucune
immobilisation ne doit être réalisée, mais les
parents doivent être informés du mécanisme
causal pour éviter les récidives tout en
sachant qu’il n’existe pas de risque de
séquelle de cet accident.
Luxations du coude
:
Ce sont des urgences fréquentes (environ
10 % des traumatismes du coude de
l’adulte), touchant surtout l’adulte jeune au
cours d’un accident de sport.
A - ANATOMOPATHOLOGIE
:
Trois types de luxations du coude peuvent
être distinguées : les luxations de
l’articulation huméroantibrachiale (luxation
conjointe), les luxations isolées d’un des os
de l’avant-bras (il s’agit à peu près toujours
de luxations de la tête radiale) et les
luxations huméroradio-ulnaires transversales
intéressant les trois articulations du coude
(luxations divergentes) qui sont tout à fait
exceptionnelles.
1- Luxations huméroantibrachiales
:
Elles représentent la grande majorité des
luxations du coude.
Dans plus de 90 % des
cas, il s’agit de luxations postérieures, c’est-à-dire que le squelette antibrachial se
déplace en bloc en arrière sous la palette
humérale.
La luxation antérieure,
beaucoup plus rare, peut être pure et
survient alors dans un contexte malformatif
ou d’hyperlaxité pathologique ou associée à
une fracture de l’olécrâne (luxation
transolécrânienne).
2- Luxations de la tête radiale
:
Chez l’adulte, elles s’associent toujours à une
fracture de la diaphyse ulnaire entrant dans
le cadre d’une fracture de Monteggia.
Chez
l’enfant, même si la recherche de la fracture
de l’ulna doit être systématique, les
luxations isolées de la tête radiale existent.
3- Luxations divergentes des deux os
de l’avant-bras
:
Elles sont très rares et sont consécutives à
l’enfoncement de l’humérus (tel un coin)
entre le radius et l’ulna.
Elles s’associent
forcément à une rupture du ligament
annulaire.
B - LÉSIONS ASSOCIÉES
:
Une rupture du ligament collatéral médial
est souvent retrouvée dans les traumatismes
comportant un valgus forcé du coude.
Il
s’agit souvent d’un arrachement de son
insertion humérale, comme en témoigne la fracture-arrachement de l’épicondyle médial.
Il peut également exister des fractures
associées de l’épicondyle latéral ou du
condyle huméral.
C - DIAGNOSTIC
:
La forme prise pour description est la
classique luxation conjointe postérieure.
1-
Interrogatoire :
Ces luxations surviennent le plus souvent
chez l’adolescent ou l’adulte jeune lors d’un
traumatisme indirect violent au cours d’une
chute sur la main, le coude en hyperextension
et supination.
2- Examen clinique
:
La douleur est très importante et
l’impotence fonctionnelle est totale.
Le
patient se présente dans la position des
traumatisés du membre supérieur, le coude
en demi-flexion. Initialement, il existe de
profil une déformation caractéristique du
membre supérieur.
L’avant-bras est
raccourci, l’axe du bras tombant face au tiers
supérieur de l’avant-bras et le diamètre du
coude est très augmenté.
La palette
humérale fait saillie en avant et l’olécrâne en
arrière.
La palpation montre la perte des
trois repères anatomiques fondamentaux du
coude.
L’état cutané doit être précisé et l’examen
doit rechercher des complications vasculonerveuses.
3- Examen radiographique
:
Il comporte un coude de face et de profil
aboutissant facilement au diagnostic
lésionnel.
L'existence de lésions ostéoarticulaires associées est systématiquement
recherchée.
D - ÉVOLUTION
:
1- Évolution favorable
:
Réduite en urgence et correctement traitée
et surveillée, la luxation du coude a un bon
pronostic.
2- Complications
:
* Complications immédiates
:
Les complications artérielles à l’origine de
phénomènes ischémiques sont très rares,
même si la rupture sous-adventitielle de
l’artère humérale est possible.
L’atteinte des
nerfs médian ou radial est exceptionnelle,
alors que celle du nerf cubital est plus
fréquente.
La survenue d’un syndrome de Volkmann
sous plâtre est possible et doit être
systématiquement recherchée.
Des fractures peuvent s’associer à la luxation
du coude : fracture de l’épicondyle médial,
de la coronoïde et de la tête radiale en
particulier.
La fracture de l’épicondyle
médial peut aboutir à l’incarcération du
fragment dans l’interligne huméro-ulnaire
lors du traumatisme ou après réduction de
la luxation.
Enfin, une radiographie de contrôle sous
plâtre à la 48e heure doit vérifier la pérennité
de la réduction.
* Complications secondaires
:
À terme, le risque majeur est la survenue
d’un enraidissement du coude qui peut aller
jusqu’à l’ankylose complète (absence totale
de mobilité).
Ceci est lié aux lésions
associées osseuses (fractures parcellaires) et
surtout à l’atteinte des parties molles périarticulaires (muscles, ligaments et
capsule) qui se rétractent lors de leur
cicatrisation.
Le développement d’un
ostéome post-traumatique par ossification de
l’hématome antérieur sous-périosté
intervient aussi de façon prépondérante
dans certains cas.
La survenue de luxations récidivantes est
très rare, correspondant à une instabilité
chronique postérolatérale.
E - TRAITEMENT
:
1- Traitement de la luxation
:
La réduction d’urgence s’impose.
Elle peut
être réalisée soit sous analgésie, soit de
principe sous anesthésie générale, ce qui
permet de tester la stabilité du coude après
la réduction.
Une courte immobilisation
d’environ 10 jours dans un plâtre brachiopalmaire avec 90° de flexion est
ensuite nécessaire pour favoriser la
cicatrisation des lésions capsuloligamentaires.
S’il est bien entendu indispensable de vérifier par une radiographie de face et de
profil que la réduction du coude a
effectivement été obtenue, il est encore plus
essentiel de contrôler à nouveau les rapports
anatomiques du coude après la réalisation
du plâtre brachiopalmaire car la récidive
immédiate de luxation est possible, surtout
si le plâtre est fait avec un angle de flexion
insuffisant.
La prescription d’un traitement
médical par indométacine (75 mg/j pendant
5 à 15 jours) participe à la prévention du
développement des ostéomes.
La
mobilisation active du coude sera ensuite
débutée, le plus souvent avec l’aide d’un
kinésithérapeute.
La progression de
l’amplitude de mobilité du coude doit être
vérifiée en consultation afin d’adapter le
protocole en fonction des progrès du
malade.
Lorsque l’épicondyle médial est fracturé, son
éventuelle incarcération dans l’interligne huméro-ulnaire impose l’abord chirurgical
du coude pour réduire et ostéosynthéser
l’épicondyle médial incarcéré.
2- Traitement de l’enraidissement séquellaire du coude
:
Il est avant tout préventif, grâce à une
immobilisation courte, une rééducation
précoce bien menée et, éventuellement, un
traitement médical luttant contre l’apparition
d’ostéomes.
Si, malgré ces précautions, le coude reste
enraidi à distance de l’accident, se pose le
problème de l’indication chirurgicale pour
tenter d’améliorer la mobilité du coude.
Il
faut bien savoir que la perte définitive d’une
dizaine de degrés d’extension du coude
après luxation est quasi systématique et ne
nécessite aucun traitement (le patient doit
être prévenu d’emblée de cette évolution).
Ce n’est qu’après avoir évalué le
retentissement fonctionnel réel de
l’enraidissement et déterminé son origine
exacte, que l’on pourra envisager son
traitement chirurgical qui fait appel aux
résections d’éventuels ostéomes et à la
pratique d’arthrolyse (libération des
rétractions et des adhérences, en particulier capsuloligamentaires).
Toutefois, un délai
minimal de plusieurs mois à 2 ans (selon les
auteurs) doit être respecté sous peine
d’aboutir à un échec, quelle que soit la
technique utilisée.
3- Traitement des luxations
du coude chez l’enfant
:
La tendance à l’enraidissement étant moins
marquée chez l'enfant, la durée
d’immobilisation sera plus longue (en
moyenne 3 semaines).