Traitement médical de l’artérite

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Introduction :

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) se définit comme une atteinte artérielle obstructive, principalement mais non exclusivement liée à l’athérosclérose.

L’AOMI est une pathologie extrêmement fréquente qui, en elle-même, compromet peu le pronostic vital.

Elle est en revanche souvent le témoin d’une atteinte athéroscléreuse dans d’autres territoires, notamment artères coronaires et cérébrales, qui peuvent elles rapidement compromettre le pronostic vital et fonctionnel.

On doit donc raisonner dans le bilan et la prise en charge thérapeutique d’un patient artéritique, non pas seulement sur ses seuls symptômes localisés aux membres inférieurs, mais aussi sur le dépistage, la prévention et le traitement des autres localisations.

Rappel épidémiologique :

Les études épidémiologiques retrouvent une incidence de la maladie chez 2 à 3% des hommes et 1 à 2% des femmes, âgés de plus de 60 ans.

La prévalence augmente avec l’âge passant de 1 à 1,5 % avant 50 ans pour atteindre 5 % au-delà de 70 ans chez les hommes.

Lorsque l’on utilise des tests plus sensibles, comme la prise de pression distale, cette prévalence est multipliée par 3 à 4.

Traitement médical de l’artérite

L’évolution de l’artériopathie chez le claudicant est le plus souvent lente et bénigne dans ses conséquences ischémiques. Après 5 à 10 ans de suivi, 70 à 80 % des patients sont stables ou améliorés, 20 à 30 % ont aggravé leurs symptômes, et 5 à 10% ont besoin d’une amputation mineure ou majeure.

Malgré ce relativement bon pronostic local, l’espérance de vie est réduite chez l’artéritique en raison principalement d’une surmortalité d’origine cardiovasculaire.

Dix ans après les premiers signes de claudication, environ 60 % des patients de sexe masculin sont décédés et le risque de mortalité cardiovasculaire est multiplié par 2 à 3.

Dans une étude épidémiologique récente, le risque relatif de mortalité cardiovasculaire après 10 ans de suivi était multiplié par 6 et la mortalité coronaire par 6,6, chez les patients avec une atteinte vasculaire périphérique.

L’excès de mortalité totale, outre la mortalité coronaire qui est la principale, s’explique aussi par les accidents vasculaires cérébraux, les ruptures d’anévrisme de l’aorte et les cancers du poumon.

L’incidence des accidents cardiovasculaires non mortels chez le claudicant est estimée entre 2 et 3 % par an.

Par ailleurs, si on retient que 20 % des artéritiques voient leur artérite se dégrader, on peut calculer que 1 % des hommes au-delà de 55 ans auront une ischémie critique des membres.

L’incidence annuelle d’une ischémie critique est estimée entre 500 et 1 000/million d’habitants.

Le pronostic de l’ischémie critique est redoutable. La mortalité est de 18 % et le taux d’amputations majeurs de 26 % à 1 an.

Classification :

Les indications thérapeutiques de l’AOMI dépendent, bien entendu, du stade évolutif de la maladie, et l’on ne traite pas de la même façon un patient se plaignant d’une claudication à 500 m, qu’un autre ayant un trouble trophique associé à des douleurs de décubitus.

À la classique mais imprécise classification de Leriche et Fontaine, on préfère maintenant définir le claudicant par des critères plus objectifs incluant, outre la distance de marche et la gêne fonctionnelle, l’index de pression systolique (IPS) à la cheville qui doit être systématiquement noté lors de l’examen clinique d’un artéritique.

La survenue de douleurs spontanées et de décubitus doit faire suspecter une ischémie critique dont la définition a été précisée par le consensus européen de 1989.

La définition de l’ischémie critique chronique des membres inférieurs, que le malade soit ou non diabétique, repose sur l’un des deux critères suivants :

– douleurs ischémiques de décubitus, persistantes et récidivantes, ayant nécessité régulièrement un traitement antalgique adéquat de plus de 2 semaines, avec une pression systolique inférieure ou égale à 50 mmHg à la cheville et/ou inférieure ou égale à 30 mmHg à l’orteil ;

– ulcération ou gangrène du pied ou des orteils, avec une pression systolique inférieure ou égale à 50 mmHg à la cheville ou inférieure ou égale à 30 mmHg à l’orteil.

Récemment, le TransAtlantic Inter-Society Consensus (TASC) sur la prise en charge de l’AOMI a légèrement élargi les critères hémodynamiques définissant l’ischémie critique. « Le terme d’ischémie critique doit être utilisé pour tous les patients avec ischémie chronique de repos associée à une douleur, un ulcère ou une gangrène, attribuable à une atteinte artérielle objectivement démontrée.

Le terme d’ischémie critique implique la notion de chronicité et doit être distingué de l’ischémie aiguë des membres inférieurs ».

Les pressions retenues afin de parler d’ischémie critique sont une pression à la cheville inférieure à 50-70 mmHg, ou une pression mesurée à l’orteil inférieure à 30-50 mmHg, ou encore une pression transcutanée d’oxygène (TcPO2) inférieure à 30-50 mmHg.

Ces définitions sont beaucoup plus précises que les stades III et IV de la classification de Leriche et Fontaine, qui peuvent englober des patients dont la sévérité des lésions et le devenir sont très différents.

Ainsi, des douleurs de décubitus peuvent n’être que transitoires lors d’une obstruction fémorale superficielle et, après mise en charge de la circulation collatérale, le patient peut évoluer en quelques jours vers un stade II, et ne pas nécessiter de chirurgie en urgence qui pourrait au contraire l’aggraver.

Autrement dit, un stade III ou IV de la classification de Leriche et Fontaine ne doit pas signifier ipso facto la nécessité d’une revascularisation en l’absence d’une quantification plus précise de l’ischémie.

Enfin, cette classification donne l’illusion que la progression de l’AOMI est linéaire allant du stade I au stade IV, alors qu’un patient peut entrer dans la maladie par une ischémie critique.

De même, le pronostic de la maladie n’est pas forcément lié à la topographie des lésions artérielles, mais dépend principalement des possibilités thérapeutiques.

Les possibilités de traitement de l’ AOMI reposent sur un trépied qui associe :

– le traitement médical ;

– le traitement endovasculaire ;

– le traitement chirurgical. Nous incluons volontairement dans le traitement médical les thérapeutiques endoluminales qui ont profondément changé la prise en charge de l’artéritique au cours de la dernière décennie et qui font maintenant partie à part entière de l’arsenal thérapeutique du médecin.

Traitement médical proprement dit :

Le traitement médical a deux buts : contrôler l’athérosclérose, cause de cette pathologie, afin de prévenir la progression de la maladie, améliorer la perfusion périphérique et, par suite, les symptômes d’ischémie.

A – CONTRÔLE DES FACTEURS DE RISQUE D’ATHÉROSCLÉROSE :

Il repose principalement sur la correction des facteurs de risque de l’athérosclérose.

Elle doit être mise en route dans tous les cas. L’étude de Framingham a permis de relier quatre facteurs de risque majeurs au développement de l’athérosclérose : la cholestérolémie, la tension artérielle, le tabac et la glycémie.

Compte tenu de la forte prédominance du tabac dans la survenue d’une AOMI, une intoxication tabagique doit être arrêtée.

1- Tabac :

En ce qui concerne spécifiquement l’AOMI, on ne dispose pas d’études de bonne qualité concernant l’amélioration de la claudication après sevrage tabagique.

L’arrêt du tabac entraîne indiscutablement un bénéfice assez rapide sur la progression de l’athérosclérose en général et contribue également à l’amélioration du pronostic de l’artéritique en diminuant les risques d’amputation ou d’aggravation des symptômes.

Chez les patients ayant été opérés, la poursuite de l’intoxication tabagique diminue, divise par deux les chances à 5 ans de perméabilité d’un pontage, qu’il soit proximal ou distal.

La dépendance du malade vis-à-vis du tabac doit être évaluée afin d’améliorer la prise en charge du sevrage souvent difficile.

2- Hypercholestérolémie :

Un artéritique sur deux environ a une hypercholestérolémie.

En cas d’hypercholestérolémie, et compte tenu du bénéfice important du traitement par les statines démontré vis-à-vis de la maladie coronaire en prévention secondaire, une hypercholestérolémie même modérée (supérieure à 2,20 g/L ou 5,7 mmol/L) doit être prise en charge, afin d’améliorer le pronostic coronaire et vital.

Il n’y a pas à l’heure actuelle d’évidence prouvant que le traitement hypocholestérolémiant diminue la progression de l’artériopathie.

3- Hypertension artérielle :

La correction d’une HTA doit être obtenue, en évitant les diurétiques, et en privilégiant de préférence les vasodilatateurs.

En outre, il faut prendre soin d’éviter une diminution trop rapide et trop importante de la pression artérielle, notamment en cas d’ischémie sévère.

En cas d’utilisation des inhibiteurs de l’enzyme de conversion, il faut être particulièrement prudent dans la surveillance de la fonction rénale (créatinémie), en raison de la fréquence accrue de sténoses associées des artères rénales chez l’artéritique (de l’ordre de 15 %).

En raison de la coexistence fréquente d’une maladie coronaire chez le claudicant, le problème de la prescription de bêtabloquants sur ce terrain est souvent posé.

De nombreux médecins craignent ici cette classe thérapeutique, en raison du risque potentiel et théorique d’une aggravation de l’artérite par baisse de pression artérielle et en raison d’une vasoconstriction périphérique induite par le blocage des récepteurs périphériques bêta-2.

Une méta-analyse des essais thérapeutiques par bêtabloquants chez l’artéritique souffrant de claudication intermittente ne met pas en évidence d’aggravation de la distance de marche.

Il n’y a donc aucune raison de ne pas faire profiter l’artéritique angineux, ou ayant fait un infarctus du myocarde, de cette classe médicamenteuse, d’autant que l’on choisit un bêtabloqueur cardiosélectif.

En revanche, on évite les bêtabloquants en cas de claudication intermittente sévère avec un périmètre de marche déjà très limité, et en cas d’ischémie critique.

4- Diabète :

Le traitement d’un diabète doit être effectué, principalement pour la prévention de la microangiopathie qui contribue d’ailleurs à l’aggravation des conséquences de la macroangiopathie.

En effet, le bénéfice d’un équilibre parfait d’un diabète, qu’il soit insulinoou non insulinodépendant, n’a toujours pas été formellement démontré sur les complications liées à l’athérosclérose.Traitement médical de l’artérite Bis

L’individualisation du pied artériel, du pied neuropathique et du pied infectieux est classique chez le diabétique, bien que ces trois atteintes agissent souvent en conjonction.

L’atteinte neurologique et la moindre résistance aux infections contribuent à la plus grande gravité de l’artériopathie chez le diabétique.

La claudication intermittente est moins souvent révélatrice de l’artérite chez le diabétique et l’atteinte artérielle peut n’être découverte qu’au stade de la gangrène ou des troubles trophiques.

Le risque d’amputation majeure et d’exérèses limitées en cas d’artériopathie et de troubles trophiques est très augmenté chez le diabétique.

L’infection est une menace permanente du pied diabétique.

On se méfie particulièrement d’un petit pertuis en regard d’une articulation qui peut témoigner d’une arthrite septique d’un orteil.

Une ostéoarthrite fistulisée ne peut cicatriser qu’après une antibiothérapie adaptée de plusieurs semaines, ou seulement par l’exérèse de l’orteil intéressé après un bilan artériel soigneux.

Enfin, la survenue d’une gangrène humide chez le diabétique est particulièrement grave en raison de sa détérioration souvent fulgurante pouvant entraîner une véritable cellulite du dos du pied, puis de la jambe, en l’absence de traitement chirurgical (mise à plat plus ou moins amputation) en urgence.

B – ANTITHROMBOTIQUES :

1- Antiagrégants plaquettaires :

La prescription d’antiagrégant plaquettaires a essentiellement pour but de prévenir la mortalité et la morbidité liées aux accidents coronaires et cérébraux de cette population à haut risque.

Cette recommandation se base essentiellement sur les données de la méta-analyse des antiplatelet trialist’s, qui montrent une baisse très significative de 15 % des décès par infarctus du myocarde et accidents vasculaires cérébraux et de 30 % de la morbidité liée à ces accidents, par l’aspirine.

L’artérite des membres inférieurs, définissant en elle-même un groupe de patients à haut risque coronaire et vasculaire cérébral, est une indication formelle à la prescription au long cours d’antiagrégants plaquettaires en l’absence de contre-indication.

Une étude a montré une diminution de la progression des lésions, évaluée par artériographie, chez les patients traités par aspirine seule.

L’aspirine diminue le pourcentage d’occlusion des pontages à condition de prescrire l’aspirine avant la chirurgie.

La posologie utilisée est comprise entre 80 et 325 mg/j, en une seule prise.

Aucune étude n’a montré la supériorité d’une dose par rapport à une autre dans cette indication, et l’on prescrit habituellement 100, 160 ou 300 mg/j.

Ces données avec l’aspirine sont confortées par la méta-analyse des essais concernant les accidents cardiovasculaires chez l’artéritique traité par la ticlopidine (Ticlidt), un autre antiagrégant plaquettaire.

Une diminution par trois du risque relatif d’accidents cardiovasculaires fatals ou non fatals est obtenue par cette drogue après un suivi de 6 à 12 mois, au prix néanmoins d’effets secondaires 2,4 fois plus fréquents par rapport au placebo.

Pour cette raison, l’aspirine, en raison de son moindre coût et de l’absence de surveillance hématologique, est plus souvent prescrite.

Le clopidogrel (un dérivé de la ticlopidine, Plavixt) a montré une efficacité légèrement supérieure à l’aspirine chez l’artéritique et une tolérance comparable à cette dernière, supériorité qui n’est cependant pas confirmée chez le patient coronarien.

La prescription de ticlopidine nécessite une surveillance de l’hémogramme en raison du risque de neutropénie, d’agranulocytose, voire d’aplasie médullaire durant les 3 premiers mois de traitement, effets secondaires qui ne semblent pas être présents avec le clopidogrel.

Pour cette raison, le clopidogrel a remplacé la ticlopidine dans ses indications.

Les recommandations actuelles préconisent chez l’artéritique l’utilisation en première intention de l’aspirine et de ne prescrire le clopidogrel (Plavixt) qu’en cas de contre-indication ou d’intolérance à l’aspirine.

2- Anticoagulants :

Leur place est mal définie, en raison de l’absence de données suffisantes dans l’artériopathie non opérée, et de données contradictoires concernant le maintien de la perméabilité des pontages fémoropoplités ou distaux.

Il est probable que, si leur bénéfice existe, il soit contrebalancé par le risque hémorragique inhérent à cette classe thérapeutique.

En dehors de la prévention des embolies systémiques chez les patients atteints de cardiopathie emboligène (fibrillation auriculaire, prothèse cardiaque mécanique), ils n’ont pas de place dans le cadre thérapeutique de la claudication intermittente chronique.

Une héparinothérapie doit en revanche être instituée à la phase aiguë d’une oblitération artérielle.

Chez le sujet ayant été opéré d’un pontage jambier, l’étude BOA a randomisé aspirine versus anticoagulants oraux.

Plus de 2 600 patients ayant un pontage sus- ou sous-articulaire ont été randomisés en ouvert pour recevoir, soit un anticoagulant oral à forte dose (INR entre 3 et 4,5), soit 80 mg d’aspirine.

Environ 14 % d’occlusions de pontages survinrent après 21 mois de suivi, sans différence significative entre les deux groupes.

En termes d’événements combinés (décès vasculaires, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, amputation), les anticoagulants oraux étaient légèrement supérieurs à l’aspirine, 13 événements en moins pour 1 000 patients traités, mais ceci au prix de 18 hémorragies majeures supplémentaires.

En ce qui concerne les types de pontage, les anticoagulants étaient supérieurs pour les pontages veineux, alors qu’inversement, l’aspirine prévenait mieux l’occlusion des pontages prothétiques.

Soulignons que l’INR cible de cette étude, qui était atteint lors de 50 % des prélèvements de contrôle, est supérieur à celui utilisé en pratique courante (entre 2 et 3), et on peut penser qu’à ces dernières doses, l’aspirine soit supérieure aux antivitamines K (AVK).

3- Fibrinolytiques :

Ils n’ont aucune utilité au stade chronique de la maladie, qu’il s’agisse de la claudication ou de l’ischémie critique. L’utilité des fibrinolytiques, en perfusion locale, dans la prise en charge des ischémies aiguës, a été démontrée pour des ischémies de moins de 14 jours.

Le fibrinolytique le plus utilisé est l’urokinase en perfusion intra-artérielle à l’aide d’une sonde descendue au contact du thrombus ou de l’embolie.

La dose d’urokinase utilisée habituellement est de 4 000 UI/min pendant 4 à 6 heures, puis 2 000 UI/min, sans dépasser 12 à 24 heures de fibrinolyse.

Ce traitement ne peut être effectué qu’en milieu spécialisé, après une confrontation médico-radio-chirurgicale, afin de choisir la meilleure option thérapeutique devant l’urgence thérapeutique que constitue l’ischémie aiguë de membre.

C – MARCHE ET RÉÉDUCATION DES ARTÉRIOPATHIES :

Des exercices de marche réguliers font partie intégrante du traitement visant à améliorer la distance de marche chez le claudicant.

Le bénéfice de la marche est démontré et passe principalement par une augmentation de l’efficacité musculaire ainsi que du système cardiorespiratoire.

La marche doit être au minimum quotidienne et durer 1 heure.

Les programmes de rééducation permettent d’obtenir un doublement de la distance de marche en 3 à 6 mois.

Il faut recommander une marche régulière, sans jamais forcer lorsque la claudication s’installe, complétée par des mouvements simples des membres inférieurs.

En moyenne, la rééducation par la marche entraîne une amélioration de 135 % du périmètre de marche.

Ces données expliquent que toute évaluation d’un traitement vasoactif doit impérativement être effectuée par rapport à un placebo, en raison de l’amélioration spontanée fréquemment observée de la distance de marche. Si la marche est bénéfique chez le claudicant, elle doit être proscrite dès qu’il existe un trouble trophique d’origine artérielle.

Cette erreur de compréhension de l’intérêt de la marche dans la rééducation de l’artéritique est fréquemment observée.

En effet, dans ce cas, le repos permet au mieux d’obtenir une cicatrisation, la marche détournant le flux sanguin des tissus sous-cutanés vers les muscles grands consommateurs d’O2.

Après cicatrisation, spontanée ou grâce à la revascularisation, l’entraînement quotidien à la marche peut et doit être repris.

D – VASODILATATEURS OU VASOACTIFS :

La prescription de vasodilatateurs artériels périphériques ou plutôt vasoactifs est souvent effectuée, et 22 spécialités orales sont présentes dans le Vidalt 2001.

Deux critiques majeures sont à leur adresser : une efficacité la plus souvent non prouvée ou avec des résultats discordants d’une étude à l’autre, et surtout le risque pour le patient de négliger l’exercice et l’arrêt du tabac devant la prescription d’un « médicament de l’artérite ».

Comme nous l’avons évoqué, seules les études effectuées contre placebo avec une méthodologie adéquate (double aveugle) méritent d’être retenues, en raison de l’amélioration naturelle de la claudication par l’exercice.

Le bénéfice obtenu par ces molécules, même s’il apparaît légèrement supérieur au placebo dans quelques études, n’a probablement pas de signification clinique sur le bénéfice à long terme.

L’intérêt de cette famille thérapeutique est donc limité.

En pratique, on devrait les réserver aux patients ayant un périmètre de marche très réduit et ne pouvant pas bénéficier d’une revascularisation endoluminale ou chirurgicale.

Dans ces cas, une monothérapie doit être essayée, sans association de plusieurs vasoactifs.

La pentoxifylline, le naftidrofuryl, le buflomédil et le cilostazol (non commercialisé en France) ont fait l’essai d’études contrôlées.

E – PROSTANOÏDES OU DÉRIVÉS DE LA PROSTACYCLINE :

C’est dans cette indication que les prostanoïdes, représentés en pratique essentiellement par l’iloprost (analogue stable de la prostacycline) et la prostaglandine (PGE)1, doivent être discutés.

La prostacycline et ses dérivés sont de très puissants vasodilatateurs et antiagrégants plaquettaires.

L’intérêt des prostanoïdes reste controversé.

Dans l’ischémie critique liée à l’athérosclérose, le premier essai a été publié en 1973, avec l’administration intra-artérielle de PGE1 (alprostadil), et faisait état d’une amélioration spectaculaire.

Depuis plus de 20 ans, de nombreuses études ont essayé les prostanoïdes dans cette indication, initialement par voie intra-artérielle avec des complications propres à la voie d’administration, puis par voie intraveineuse.

Si on retient les essais contrôlés, comme cela a été effectué dans deux méta-analyses étudiant l’iloprost, il semblait y avoir un bénéfice en termes d’efficacité sur la douleur et de réduction de la taille des ulcères (nombre de répondeurs dans le groupe iloprost de 49 % versus 26 % sous placebo, p < 0,001).

En termes d’événements lourds, tels que la réduction des amputations, l’odds ratio était de 0,52 (p = 0,01).

Ces données reposaient sur des essais de petite taille et des méta-analyses regroupant moins de 800 patients.

La publication en 1999 de l’essai ICAI doit nous rendre septiques quant à l’efficacité réelle de la prostacycline et de ses dérivés dans l’ischémie critique des membres inférieurs.

Il s’agit d’un essai randomisé, contrôlé, ouvert comparant un placebo à la PGE1 administrée en intraveineux à la dose de 60 µg/j pendant 2 heures.

La durée du traitement était de 28 jours et les événements étaient analysés à la sortie de l’hôpital et à 6 mois.

L’intérêt majeur de l’étude repose sur sa taille, puisque 771 patients ont reçu le traitement actif et 789 le placebo.

Les événements combinés regroupaient les décès et les événements vasculaires (persistance de l’ischémie critique, amputation majeure, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral).

L’incidence des événements combinés était favorable à la sortie du patient mais devenait non significative à 6 mois.

Aucune différence significative n’était observée en termes de décès ou d’amputation majeure à 6 mois.

Dans le cadre de la claudication, plusieurs essais ont démontré un effet supérieur au placebo des prostanoïdes sur le court terme, mais aucun élément ne permet d’évaluer sur le long terme le rapport coût/bénéfice de ces traitements qui doivent être administrés pendant plusieurs jours en perfusion intraveineuse.

Les dérivés oraux de la prostacycline se sont révélés très décevants dans un essai contrôlé.

En fait, la seule indication démontrée des dérivés de la prostacycline concerne la maladie de Buerger, à la suite d’un essai randomisé en double aveugle utilisant l’Ilomédinet.

F – HÉMODILUTION :

Introduite en 1963 par Housset, la perfusion massive de sérum physiologique ou de macromolécules et l’hémodilution normovolémique (qui a pour but de ramener l’hématocrite à 35 %) restent d’actualité.

L’hémodilution permet d’augmenter le débit sanguin au niveau des membres et la libération d’O2 au niveau des tissus.

Ce traitement n’a cependant pas été validé formellement par des essais contrôlés.

Les perfusions massives sont souvent utiles en cas d’ischémie critique ou de douleurs de décubitus, essentiellement lorsqu’il n’y a pas de possibilités chirurgicales ou endoluminales permettant de soulager rapidement le patient.

En pratique, il faut néanmoins se méfier de l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale et l’HTA, souvent présentes chez l’artéritique, et qui peuvent en limiter l’emploi.

On peut utiliser soit la perfusion de sérum physiologique à la posologie de 1 L en 1 heure le premier jour, 2 L en 2 heures le deuxième, puis 3 L en 3 heures, chaque jour pendant 8 à 10 jours, ou 1 000 mL de macromolécules en 1 heure pendant 8 à 10 jours.

Dans les deux cas de figure, il est nécessaire de surveiller l’absence de survenue d’une insuffisance cardiaque induite par l’hypovolémie sur la clinique et la pesée quotidienne.

On surveille également la tension artérielle, la diurèse, ainsi que la fonction rénale.

L’hémodilution normovolémique (associant saignée et perfusion) doit surtout être réservée au sujet polyglobulique.

D’une part la polyglobulie peut décompenser, en raison de l’hyperviscosité, une artériopathie auparavant stable, et d’autre part la saignée sans compensation volémique est un facteur favorisant les accidents thrombotiques chez le polyglobulique.

G – TRAITEMENTS ADJUVANTS :

1- Antalgiques :

En cas de douleurs permanentes de décubitus, il faut soulager le malade en ayant recours à une antalgie efficace, sans hésiter si nécessaire à recourir aux morphiniques.

Il faut proscrire une position jambe pendante au bord du lit qui soulage la douleur mais qui est responsable de la formation d’un oedème qui aggrave l’ischémie.

La position allongée, les pieds du lit légèrement en déclivité, doit être plutôt préconisée.

2- Soins locaux :

Tout artéritique doit être éduqué vis-à-vis du risque de survenue d’un trouble trophique plus fréquent sur un pied ischémique, et tout particulièrement chez le diabétique.

On doit recommander une hygiène et une inspection journalière des pieds, et des soins de podologie prudents afin d’éviter toute blessure.

Toute plaie cutanée doit faire l’objet de soins vigilants, en milieu spécialisé en cas de doute sur l’évolution de la plaie, sans oublier de vérifier la mise à jour de la vaccination antitétanique.

3- Greffes cutanées :

En cas d’ulcère cutané ischémique, on peut proposer, après une détersion soigneuse afin d’obtenir un fond de plaie propre et bourgeonnant, une greffe cutanée soit en résille, soit plus facilement en pastilles permettant d’obtenir plus rapidement la cicatrisation.

Ces greffes en pastilles sont effectuées au lit du malade, après une simple anesthésie locale au niveau du site de prélèvement des greffons.

4- Cures thermales :

Elles n’ont pas en elles-mêmes une efficacité particulière.

Elles ont l’avantage de favoriser l’application des mesures hygiénodiététiques, dans un environnement favorable au patient, et de faciliter l’éducation du patient.

H – RADIOLOGIE INTERVENTIONNELLE :

La radiologie vasculaire interventionnelle, et tout particulièrement le développement de l’angioplastie transluminale percutanée, a considérablement modifié le traitement de l’AOMI durant ces 15 dernières années.

Elle permet de traiter des patients qui, ayant seulement une claudication, ne relèvent pas encore de la chirurgie, et inversement, elle permet maintenant de traiter des patients ayant une ischémie très sévère pour lesquelles une chirurgie est soit contre-indiquée par l’état général du patient, soit trop périlleuse et souvent vouée à l’échec.

Pour cette raison, elle fait maintenant partie, à part entière, du traitement médical de l’artérite.

1- Angioplastie endoluminale percutanée par ballonnet :

Le principe est très simple.

Après avoir traversé un segment artériel sténosé par un guide, une sonde munie d’un ballonnet dégonflé est positionnée en regard du rétrécissement et le ballonnet gonflé à l’aide d’un mélange de produit de contraste et de sérum glucosé.

La pression transmise par le ballonnet va alors « impacter » la plaque d’athérosclérose dans la paroi vasculaire et entraîner son remodelage.

Le succès de l’angioplastie est défini par une sténose résiduelle inférieure à 30 % du diamètre de l’artère normale sur deux incidences orthogonales.

Les risques de l’angioplastie sont essentiellement la création d’un hématome au point de ponction et celui d’entraîner une dissection artérielle lors de l’inflation du ballonnet.

Dans ce cas, on dispose maintenant des endoprothèses ou stents qui permettent de « réacoller » la paroi vasculaire, et qui se posent également par voie endovasculaire.

Le succès initial de l’angioplastie au niveau iliaque et fémoral est de 70% à 1 an et chute à 40-50 % à 5 ans ; les résultats étant les meilleurs en cas de sténose iliaque avec un bon lit d’aval. Les indications se sont élargies aux occlusions qui peuvent maintenant être « recanalisées ».

2- Thrombolyse locale in situ :

Elle s’adresse surtout aux ischémies aiguës et n’a pas d’indication au stade de la claudication.

Les fibrinolyses systémiques ne sont plus utilisées dans cette indication.

Après ponction artérielle et mise en place, au sein même du thrombus, d’un cathéter multiperforé, une perfusion d’urokinase est administrée pour une durée variable selon les équipes, habituellement jusqu’à la recanalisation et, au maximum, moins de 24 heures. Le risque d’hémorragie majeure est de 2 % environ.

Les contre-indications à une fibrinolyse générale doivent être respectées.

La fibrinolyse est au mieux réalisé en salle de radiologie interventionnelle, avec un contrôle régulier de l’artériographie, ce qui permet d’une part de repositionner le cathéter au cours de l’avancement de la fibrinolyse et, d’autre part, d’associer à la fibrinolyse d’autres techniques de radiologie interventionnelle (angioplastie, thromboaspiration).

La plupart des équipes associent à la fibrinolyse une prescription d’aspirine et d’héparine avec un temps de céphaline activateur (TCA) maintenu entre 1,5 et 3 fois le témoin.

3- Thromboaspiration :

Elle est utilisée essentiellement en cas d’ischémie aiguë, ou en cas d’embolie distale suite à une angioplastie.

Elle consiste à descendre un cathéter au contact du thrombus et à l’aspirer à l’aide d’une seringue située à l’autre extrémité du cathéter.

Tout en maintenant la dépression par la seringue, le cathéter est ensuite retiré avec le thrombus à travers le Désilet artériel.

4- Autres techniques :

L’athérectomie, l’angioplastie par laser et l’angioplastie par ultrasons n’ont pas de supériorité démontrée par rapport à l’angioplastie par ballonnet.

Plus récemment, au stade d’ischémie critique, des essais de thérapie génique, non contrôlés, ont été publiés.

Le principe repose sur l’injection intramusculaire au niveau de la jambe de plasmides nus codant pour la sécrétion de facteurs de croissance (vascular endothelial growth factor [VEGF] ou fibrosblast growth factor [FGF]-1).

Si cette approche est prometteuse, elle nécessite encore d’être formellement validée.

I – INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES :

1- Au stade d’artériopathie asymptomatique :

Seule la prescription d’aspirine, ou d’un autre antiagrégant plaquettaire en cas de contre-indication à l’aspirine, se justifie en association avec la correction des facteurs de risque d’athérosclérose.

En effet, comme nous l’avons vu, la présence d’une artériopathie même asymptomatique est un excellent facteur prédictif d’atteinte coronaire.

2- Au stade de claudication :

Le traitement médical est toujours indiqué en première intention, après bilan des lésions par échographie-doppler.

Il n’y a pas d’indication à réaliser d’emblée une artériographie. Le traitement repose principalement sur la prescription d’antiagrégants plaquettaires, sur des exercices de marche journaliers, ainsi que sur le contrôles des facteurs de risque.

Ce n’est qu’en cas d’absence d’amélioration des symptômes, après 6 mois de traitement médical, et après avoir analysé le profil des lésions artérielles de façon non invasive, que l’on peut être amené à proposer une angioplastie iliaque, fémorale commune, voire fémorale superficielle en cas de sténose courte.

Dans ces cas, il est souhaitable de programmer l’artériographie et l’angioplastie dans le même temps.

Chez certains patients ayant une athérosclérose évoluée du trépied fémoral et une claudication, une endartériectomie chirurgicale peut être proposée.

Dans les autres situations qui pourraient bénéficier d’une angioplastie complexe ou bien celles difficiles à traiter en raison de la diffusion des lésions, une confrontation multidisciplinaire médicale, radiologique et chirurgicale est toujours souhaitable.

Signalons le cas très particulier d’une claudication intermittente survenant de façon brutale chez un sujet n’ayant aucun symptôme artériel au préalable.

Dans ce cas, il faut savoir évoquer une embolie artérielle, surtout si le patient est jeune. Une artériographie doit alors être effectuée rapidement.

Elle a également pour intérêt de rechercher les autres causes d’artériopathie non athéroscléreuse des membres inférieurs.

3- Au stade d’ischémie critique :

L’ischémie critique est une situation grave, le membre étant souvent compromis, et le pronostic vital du malade peut être engagé en cas d’amputation.

En situation de sauvetage de membre, plusieurs thérapeutiques peuvent être proposées, après avoir effectué un bilan complet des lésions, en milieu spécialisé, par artériographie.

Dans tous les cas, une revascularisation doit être recherchée de parti pris soit chirurgicale, soit endoluminale, et maintenant de plus en plus souvent de façon combinée.

C’est dans l’ischémie critique et en situation de sauvetage de membre qu’il faut savoir parfois tenter des « audaces thérapeutiques » avec des recanalisations souvent associées à des angioplasties d’axes distaux, par voie percutanée ou encore des pontages très distaux.

L’ischémie critique survient souvent chez des patients âgés et fragiles, chez lesquels une chirurgie vasculaire représente souvent une agression importante.

Ces situations cliniques difficiles méritent, dans tous les cas, une prise en charge concertée et multidisciplinaire.

Malgré tous les efforts thérapeutiques, le pronostic de l’ischémie critique reste sombre, un patient sur deux est amputé ou décédé 1 an plus tard.

En cas de revascularisation impossible, les traitements par prostanoïdes peuvent être tentés avec les limites déjà évoquées.

Dans tous les cas, un facteur favorisant ou déclenchant l’ischémie doit être recherché et corrigé.

Un bas débit, une fibrillation auriculaire, une anémie, un syndrome myéloprolifératif, la prescription de vasoconstricteurs, un cancer doivent être recherchés.

C’est dans l’ischémie critique que l’injection de plasmides codant pour des facteurs de croissance, tels que le VEGF ou le FGF-1, et favorisant le développement des collatérales, a été tenté.

Si les résultats sont encore au stade préliminaire, la « manipulation de l’angiogenèse » sera peut-être un des traitements de demain.

Conclusion :

Le traitement médical de l’artérite des membres inférieurs repose principalement sur la marche, la prescription d’un antiagrégant plaquettaire et le contrôle des facteurs de risque d’athérosclérose.

On ne doit jamais oublier, lorsque l’on traite un artéritique, que l’athérosclérose responsable des symptômes allégués par le patient est souvent présente de façon asymptomatique, ou patente dans d’autres territoires, principalement coronaire et cérébral.

Il ne faut donc pas se limiter à la prescription automatique d’un médicament de l’artérite dont nous avons vu les limites, mais plutôt prendre en charge le sujet et la maladie dans sa globalité.

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