Traitement endovasculaire des anévrismes de l’aorte thoracique Cours de Chirurgie
Introduction
:
Les anévrismes de l’aorte thoracique représentent 20 à 30 % des
anévrismes de l’aorte.
Selon la localisation anatomique, on distingue
le segment I correspondant à l’aorte ascendante, le segment II
correspondant à l’aorte horizontale, le segment III entre l’artère sousclavière
et la traversée diaphragmatique et enfin, le segment IV
thoracoabdominal.
Le segment I représente 45 % des localisations anévrismales, le
segment II 10 %, le segment III 35 % et le segment IV 10 %.
La maladie athéromateuse représente l’étiologie la plus fréquente
suivie des lésions dystrophiques de la média (maladie de Marfan,
anévrisme disséquant) puis des causes plus rares : post-traumatiques
et infectieuses avec une mention particulière pour les faux
anévrismes anastomotiques sur prothèse.
Le risque de rupture audelà
d’un diamètre de 60 mm justifie l’indication thérapeutique.
Si la chirurgie sous circulation extracorporelle est l’unique traitement
des localisations des segments I et II, de nouvelles techniques
endovasculaires se sont développées pour permettre de traiter le
segment III.
En effet, le traitement chirurgical des lésions de l’aorte
descendante expose les opérés à une mortalité à 30 jours non
négligeable, de 4 à 20% selon qu’il s’agit de lésions stables ou en
phase de rupture ; la morbidité est aussi relativement importante et
principalement liée au clampage de l’aorte qui peut se compliquer
d’altération des fonctions rénale, hépatique, digestive et
pleuropulmonaire, mais aussi d’ischémie médullaire avec paraplégie
définitive dans 5 à 12% des cas.
La lourdeur de la morbimortalité postopératoire justifie l’introduction de nouvelles tentatives
thérapeutiques avec mise en place d’endoprothèses dérivées de
l’expérience acquise dans le traitement des anévrismes de l’aorte
abdominale.
Il s’agit bien sûr de techniques en cours d’évaluation
dont le bénéfice théorique reste encore à démontrer malgré les
résultats encourageants publiés par le groupe radiochirurgical de
Standford.
L’objectif de cet article est de faire le point actuel du traitement endovasculaire des anévrismes de l’aorte thoracique, qu’ils soient
athéromateux, post-traumatiques ou dans le cadre évolutif d’une
dissection de type B.
Bilan préthérapeutique
:
A -
ÉVALUATION DE L’ÉTAT CLINIQUE
:
Comme tous les patients devant subir une thérapeutique majeure,
une consultation de préanesthésie est requise avec évaluation
préopératoire de l’état cardiorespiratoire, rénal et métabolique.
L’évaluation cardiologique est particulièrement poussée avec
réalisation d’une scintigraphie myocardique complétée par une
coronarographie en cas d’ischémie silencieuse.
B - IMAGERIE PRÉ-, PER- ET POSTOPÉRATOIRE
:
Ces nouvelles techniques endovasculaires nécessitent une imagerie
pré- et peropératoire plus précise que pour la chirurgie classique car
le matériel utilisé doit être parfaitement adapté au diamètre
vasculaire des lésions que l’on veut traiter.
L’imagerie préopératoire
permet de choisir le calibre et la longueur précise de l’endoprothèse
ou de récuser éventuellement les patients pour ce type de technique.
L’artériographie était considérée jusqu’à présent comme l’examen de
référence pour déterminer la faisabilité de la méthode.
Elle permet
de préciser l’état de l’aorte sus- et sous-jacente, la topographie des
principales collatérales, la hauteur et le calibre des collets anévrismaux dans les différents plans de l’espace, la taille et les
sinuosités des artères permettant l’accès à l’aorte (calcifications des
artères iliaques, sténoses éventuellement).
À cette fin, l’utilisation de
cathéters d’angiographie marqués tous les centimètres par des
repères radio-opaques permet au mieux de mesurer les différents
critères déjà cités.
La tomodensitométrie, en particulier grâce à la technologie hélicoïdale,
procure au mieux les informations concernant les mensurations
précises de l’anévrisme, l’état de la paroi anévrismale (athérome,
thrombus) et l’état des artères iliaques.
Les reconstructions
tridimensionnelles permettent d’analyser à la fois les contours de
l’anévrisme et l’intérieur de celui-ci.
L’imagerie par résonance
magnétique pourrait également être appliquée à ce type
d’exploration.
À terme, ces deux méthodes devraient permettre de réaliser de
véritables angioscopies virtuelles et de modéliser les endoprothèses
et leur mise en place.
La qualité de l’imagerie peropératoire est également essentielle au
succès de ce type de traitement, permettant un positionnement
parfait de l’endoprothèse, de contrôler l’absence de fuite ou de
plicature de celle-ci.
L’échocardiographie transoesophagienne (ETO) est détaillée plus loin.
Enfin, l’imagerie est indispensable au suivi secondaire et à long
terme de ces patients ; ainsi, les radiographies sans préparation du
thorax permettent de rechercher d’éventuelles ruptures ou
migrations de la prothèse tandis que la tomodensitométrie vérifie la
perméabilité de la lumière, la régression et l’exclusion de l’anévrisme
ainsi que l’absence de fuite.
Technique d’implantation
:
A - MATÉRIEL
:
Différents types de stents grafts ont été décrits.
Leur objectif est
double : servir d’armature à la paroi aortique par un grillage
métallique et assurer l’étanchéité de la lumière par le textile.
Ce
matériau utilise un substitut vasculaire simplement fixé aux
extrémités par des endoprothèses métalliques ou entièrement
recouvertes de métal.
Les alliages actuellement utilisés sont des
métaux hémocompatibles utilisés chez l’homme depuis plus de 10
ans.
Ils sont peu thrombogènes et leurs caractéristiques
biomécaniques sont bien connues.
Différents modèles artisanaux ou
commercialisés ont été étudiés, utilisant, soit un polyester (Boston,
World Medical Medtronic, Standford), du polytétrafluoroéthylène
(PTFE) (Gore) ou du polycarbonate-uréthane (Corvita, Schneider,
Boston). Certains peuvent être tubulaires ou dégressifs, les diamètres
de l’aorte thoracique pouvant fortement varier entre la partie
proximale et distale.
Leurs extrémités proximale ou distale peuvent
être recouvertes de tissu ou non, permettant dans ce cas d’avoir une
meilleure stabilité sans risque d’occlusion des collatérales comme la
sous-clavière gauche ou des artères intercostales.
La plupart des
textiles utilisés pour recouvrir ces endoprothèses sont connus depuis
plus de 20 ans en chirurgie vasculaire et ont l’avantage d’avoir été
parfaitement évalués sur le plan mécanique et biologique.
Cependant l’épaisseur du tissu étant le facteur limitant principal lors
de l’intervention, des modifications ont été réalisées pour en
diminuer l’épaisseur afin de réduire la taille des cathéters porteurs.
De ce fait, les caractéristiques du tissu et en particulier la porosité
ont été modifiées, ce qui soulève quelques problèmes : le degré
minimal de porosité qu’il faut atteindre pour stopper la transmission
transversale de la pression aortique et arrêter la croissance d’un
anévrisme n’est pas connu, une forte porosité n’assure pas
l’exclusion immédiate de l’anévrisme, celle-ci ne survenant le plus
souvent que plusieurs heures après l’implantation, ce qui rend
difficile l’évaluation immédiate du résultat thérapeutique ; enfin, la
réduction de l’épaisseur du tissu rend ce matériel plus fragile et le
devenir à long terme de ce matériel est inconnu.
B - INSTALLATION ET SURVEILLANCE PÉRIOPÉRATOIRE
:
Le patient est installé en décubitus dorsal, le champ opératoire inclut
la cage thoracique, l’abdomen et les deux triangles de Scarpa pour
permettre une éventuelle conversion chirurgicale.
1- Technique d’anesthésie
:
C’est une anesthésie générale balancée avec intubation endotrachéale.
Elle associe :
– un hypnotique ;
– un anesthésique volatil halogène ;
– un morphinique.
La surveillance peropératoire comprend :
– pression sanglante artérielle ;
– contrôle électrocardioscopique ;
– capnométrie ;
– diurèse horaire ;
– monitorisation de la température et de la pression veineuse
centrale.
Au moment du largage de la prothèse, l’hypotension est obtenue
par l’association anesthésique volatil halogène et/ou hypotenseur
type urapidil (Eupressyl).
L’extubation, dans la mesure du possible, est effectuée sur la table
après réchauffement et récupération des grandes fonctions vitales.
2- Surveillance périopératoire
:
Elle comprend, outre la monitorisation de l’électrocardiogramme
(ECG) et de la pression artérielle, une surveillance échographique
permanente par mise en place d’une sonde transoesophagienne.
C - TECHNIQUE D’IMPLANTATION
:
Le choix et les mensurations du stent-graft sont prédéterminés en
fonction de la lésion à traiter et de la morphologie aortique d’après
l’imagerie réalisée en préopératoire.
La longueur de la prothèse doit
être suffisante pour recouvrir toute la lésion et reposer sur une partie
saine de l’aorte en amont et en aval.
Si l’extension de la lésion se fait
jusqu’au pied de la sous-clavière, un pontage carotido-sous-clavier
peut être réalisé pour permettre l’implantation du stent-graft en zone
saine en regard de l’ostium de l’artère sous-clavière gauche.
Le
diamètre de l’endoprothèse doit être surdimensionné, d’environ 10
à 15 % par rapport à la taille de l’aorte.
Un diamètre inférieur peut
en effet entraîner des fuites, de même qu’un diamètre supérieur
pourrait également entraîner une fuite proximale du fait de la
plicature du tissu.
Le risque de nécrose de la paroi aortique est un
risque théorique pour lequel il n’y a pas de réponse actuellement.
L’implantation doit se faire dans les mêmes conditions de sécurité
opératoire qu’une chirurgie aortique mais nécessite des conditions
radiologiques parfaites, c’est dire l’intérêt d’une salle radiochirurgicale spécifique telle que nous l’avons développée dans
notre hôpital.
Un cathéter est placé dans la portion ascendante de l’aorte par abord
huméral droit pour permettre des contrôles angiographiques au
cours de l’implantation.
Pour faciliter le positionnement proximal
ou distal, des repères radio-opaques avec des guides métalliques
peuvent être laissés en place au niveau de l’ostium de la sousclavière
gauche par abord brachial gauche et du tronc coeliaque par
voie fémorale controlatérale au cours de l’implantation.
Le stent-graft est mis en place par artériotomie fémorale, iliaque ou
aortique, en fonction de la taille des introducteurs (> 20 F) et de
l’anatomie des artères du patient.
Une héparinisation générale à la
dose de 5 000 unités (50 mg) est réalisée dès l’abord chirurgical.
La
prothèse est ensuite introduite sur un guide rigide dont l’extrémité
est placée dans la portion ascendante de l’aorte. Avant l’implantation
du stent-graft, la pression systolique est abaissée par des inhibiteurs calciques au-dessous de 70 mmHg.
Après l’implantation, la prothèse
est dilatée par un ballonnet compliant à faible pression (3 atm).
Un
contrôle angiographique et par ETO est ensuite réalisé afin de
vérifier le bon positionnement du matériel.
L’ensemble du cathéter
porteur ainsi que le guide sont retirés et l’artériotomie est refermée
conventionnellement.
Place de l’échocardiographie transoesophagienne
:
L’ETO préopératoire complète le bilan lésionnel radiologique grâce
aux nouvelles incidences offertes par les sondes multiplans.
Elle
évalue les caractéristiques de la paroi aortique dans la future zone
d’implantation du stent : épaisseur pariétale, plaques d’athérome.
Elle apprécie également la fonction ventriculaire gauche.
L’ETO est utile pendant la phase de positionnement du stent-graft.
Elle permet de suivre la progression du guide, de corriger
d’éventuelles erreurs de trajet dangereuses en présence de thrombus,
de détecter les lésions intimales induites par la progression du
cathéter porteur.
L’échographie évalue les résultats immédiats de l’implantation :
calibre du stent-graft, qualité du contact avec la paroi aortique,
contrôle de l’oblitération du collet de l’anévrisme.
Le doppler
couleur s’avère très performant dans la détection des fuites
prothétiques et dans l’analyse de leur mécanisme.
L’ETO joue un
rôle essentiel dans l’évaluation du devenir de l’anévrisme.
Elle
autorise un contrôle de ses dimensions, elle permet surtout
d’apprécier le degré d’exclusion et de thrombose qui représente un
critère d’efficacité de l’implantation.
La présence d’une zone hypoéchogène avec effet de contraste spontané est le témoin d’une
thrombose incomplète.
Cette anomalie peut être considérée comme
un signe indirect de fuite d’autant qu’elle est souvent associée à une
expansion systolique de l’anévrisme et à une déformation systolodiastolique d’un segment de prothèse. Le doppler couleur
peut également détecter une réalimentation de l’anévrisme par une
collatérale.
En outre, la technique du stent-graft s’adresse souvent à
des patients à haut risque cardiaque, particulièrement sensibles aux
variations de pression, de volémie et de coagulation qui
accompagnent la procédure.
À chaque instant, l’échographie permet
de contrôler l’état de la fonction myocardique, le remplissage
ventriculaire ou la cinétique d’une prothèse valvulaire.
Indication
:
Pour pouvoir bénéficier d’une endoprothèse, les anévrismes doivent
répondre à des critères anatomiques très précis :
– le collet supérieur doit être situé au moins 15 mm en dessous de
l’artère sous-clavière gauche et au-dessus du tronc coeliaque pour
permettre une fixation correcte de l’endoprothèse sur une paroi
aortique saine, afin d’obtenir une étanchéité suffisante.
Quand le
collet proximal ou distal est insuffisant, un pontage peut être
envisagé pour permettre l’implantation du stent-graft au-dessus de
ces artères ;
– les endoprothèses nécessitant des introducteurs de gros diamètre
(entre 18 et 24 F) relativement rigides, les artères iliaques doivent
présenter un calibre suffisant (supérieur à 6 mm) et un trajet
rectiligne.
Cependant, en présence d’une sténose focale, une
angioplastie éventuellement complétée par la mise en place d’une endoprothèse peut être envisagée avant l’implantation endoaortique.
Un abord sous-péritonéal iliaque ou aortique peut aussi être réalisé
en présence de lésions iliaques externes bilatérales.
Les contreindications
relatives sont essentiellement représentées par les
angulations aortiques de plus de 60° et les lésions athéromateuses
extensives proximales ou distales.
Discussion
:
A - RÉSULTATS DE NOTRE EXPÉRIENCE
:
Depuis janvier 1996, 35 patients âgés en moyenne de 48 ± 16 ans
(extrêmes 16 à 77 ans) ont été traités par mise en place
d’endoprothèses pour différentes lésions de l’aorte thoracique.
L’un de ces patients présentait une double localisation, ce qui
nous a amené à traiter 36 lésions ; il s’agissait de 11 anévrismes athéromateux, 19 ruptures post-traumatiques subaiguës ou
chroniques, quatre anévrismes disséquants et deux faux anévrismes.
Une topographie isthmique lésionnelle était retrouvée 26 fois tandis
que dans dix cas, les lésions siégeaient sur l’aorte descendante.
Les prothèses implantées comprenaient 27 Tallent, sept Gore et deux Mintech Boston, soit 36 prothèses puisqu’un patient avait deux
lésions étagées traitées par deux endoprothèses.
Le suivi moyen est de 19 ± 10 mois (1 à 46 mois).
Aucun décès périopératoire n’a été observé dans cette série ; de
même, aucune conversion chirurgicale immédiate n’a été nécessaire
en dehors d’un patient traité pour anévrisme disséquant qui a
nécessité une chirurgie secondaire en raison d’une réinjection du
faux chenal par une porte d’entrée plus distale.
Les complications peropératoires ont été marquées par une occlusion
sous-clavière gauche traitée par la mise en place d’une endoprothèse au travers du Dacront, une rupture iliaque traitée par pontage
iliofémoral réalisé dans le même temps opératoire.
Les complications précoces résolutives (5/35 = 14,2 %) sont
caractérisées par deux atélectasies pulmonaires traitées par mise en
place d’endoprothèses bronchiques en silicone pendant 3 mois, un
hématome local du bras ayant nécessité une reprise chirurgicale, une
paresthésie radiale, un syndrome inflammatoire sévère d’une
dizaine de jours disparaissant spontanément.
Les complications neurologiques (2/35 = 5,7 %) sont marquées par une
hémiplégie définitive et une paraplégie en voie de récupération.
Les fuites résiduelles (5/35 = 14,2 %) ont été observées sur le scanner
de sortie ; il s’agissait de deux fuites proximales dont l’une a été
traitée avec succès 6 mois après par la mise en place d’une nouvelle endoprothèse tandis que l’autre est régulièrement surveillée.
De
même, on observe une fuite distale sous surveillance, une fuite liée
à la réinjection de l’anévrisme par des collatérales intercostales
également sous surveillance et enfin, une fuite mineure observée
entre deux prothèses.
Pour l’instant, ces fuites sont mineures et font
l’objet d’une simple surveillance.
B - ANALYSE DE LA LITTÉRATURE
:
Le traitement des anévrismes thoraciques par mise en place
d’endoprothèses autoexpansibles recouvertes de Dacront a été
publié pour la première fois par l’équipe de Standford.
Depuis, le
même groupe a publié avec Mitchell une série de patients porteurs
d’anévrisme de l’aorte thoracique descendante n’englobant pas les
artères sous-clavières ou coeliaques.
Les taux de succès primaires et
secondaires étaient respectivement de 81 % et 88 %.
Habituellement,
l’abord artériel était fémoral ou iliaque, mais dans 47 % des cas un
abord aortique a été nécessaire. Un échec technique a été observé
dans 11 % des cas et un seul patient a nécessité une conversion
chirurgicale.
Respectivement, dans 32 % et 6 % des cas, une
deuxième ou une troisième endoprothèses ont été implantées pour
colmater une fuite, soit de façon immédiate, soit de façon différée.
Trois patients sont décédés précocement et deux autres
secondairement par rupture de l’anévrisme.
Deux patients ont
présenté des paraplégies dont une transitoire.
Les auteurs ont montré que pendant la période d’étude, seuls 37 %
des patients présentant un anévrisme thoracique étaient redevables
de cette technique ; ce nombre relativement peu important peut
s’expliquer par des difficultés d’accès vasculaire en raison de la taille
de l’introducteur (26 F), l’absence de collet anévrismal ou un collet
trop large.
Certains auteurs ont également proposé un traitement mixte
associant un remplacement de l’aorte ascendante par chirurgie sous
circulation extracorporelle associé à la mise en place peropératoire
d’une endoprothèse dans l’aorte descendante chez des patients
présentant des lésions extensives de l’aorte thoracique segments I, II
et III.
À côté des anévrismes de la portion descendante de l’aorte
thoracique, les ulcères pénétrants et les hématomes intramuraux
pourraient être considérés comme des indications potentielles.
C - PLACE DU TRAITEMENT ENDOVASCULAIRE
PAR RAPPORT À LA CHIRURGIE CONVENTIONNELLE :
1-
Avantages théoriques :
– La lésion thoracique peut être traitée par simple artériotomie
fémorale évitant ainsi une thoracotomie ou une thoraco-phréno-laparotomie.
– Le clampage aortique dure quelques secondes, nécessité par le
temps du largage prothétique ; l’absence de clampage aortique
prolongé évite donc les conséquences d’amont (hypertention
artérielle, insuffisance cardiaque, nécrose myocardique, etc) et celles
d’aval données par l’ischémie viscérale et surtout médullaire.
– L’absence d’utilisation des moyens d’assistance circulatoire
(circulation extracorporelle fémorofémorale ou artère pulmonaireartère
fémorale, etc) devrait permettre une diminution de la
mortalité et de la morbidité, en particulier neurologique
(paraplégie), mais l’analyse de la littérature montre que le risque de
paraplégie n’est pas totalement exclu (une paraplégie définitive dans
la série de Standford).
2- Problèmes non résolus
:
– La mise en place d’endoprothèses couvertes nécessite des
conditions anatomiques particulièrement favorables : axes fémoraux iliaques de taille suffisante (diamètre des introducteurs de 18 à
26 F), présence d’un collet anévrismal d’amont et d’aval, diamètre
aortique modéré, anévrisme isolé à l’aorte thoracique descendante.
Tous les anévrismes thoraciques ne sont donc pas accessibles à ces
techniques.
– L’exclusion anévrismale par endoprothèse couverte expose,
comme la technique chirurgicale classique, à une exclusion de
certaines artères viscérales et notamment les branches à destinée
médullaire.
– Ces nouvelles méthodes nécessitent une imagerie préthérapeutique d’excellente qualité pour sélectionner correctement
les indications et surtout une coopération radiochirurgicale sans
faille pour assurer des conditions d’asepsie chirurgicale, une qualité
d’imagerie et de radioprotection parfaite.
3- Risque médullaire
:
Nous avons vu que les séries cliniques rapportées dans la littérature
sont encore limitées et font état de rares paraplégies après
implantation.
Le risque de paraplégie est difficile à préciser bien que
théoriquement, il devrait être diminué par rapport à la chirurgie.
Mais pour les anévrismes extensifs intéressant la partie basse de
l’aorte thoracique, non thrombosés avec de nombreuses intercostales
perméables, il nous paraît préférable de proposer une technique
chirurgicale avec réimplantation des collatérales dans le même
temps.
4- Conversions chirurgicales
:
Elles sont habituellement secondaires à un échec technique et
intéressent essentiellement la réparation des accès vasculaires.
Les
séries encore limitées de la littérature ne font pas état des
conversions immédiates pour traiter la lésion aortique elle-même.
5- Fuites précoces
:
Elles sont le plus souvent en rapport avec une faute technique :
défaut de largage (trop haut, trop bas), mauvais choix de taille de
l’endoprothèse (diamètre, longueur).
Ces problèmes peuvent le plus
souvent être résolus par l’implantation d’une nouvelle endoprothèse
d’amont ou d’aval, en coaxial.
L’opacification retardée du sac anévrismal peut être aussi due à une
réinjection par les collatérales intercostales.
Ces fuites sont le plus
souvent spontanément résolutives.
Enfin, comme au niveau abdominal, il faut opposer les fuites
mineures aux fuites précoces majeures qui nécessitent un geste
complémentaire endoluminal ou une conversion chirurgicale.
Les
fuites mineures imposent une surveillance morphologique
rapprochée et doivent être traitées secondairement si elles persistent.
6- Complications locales
:
Elles peuvent être non spécifiques, secondaires à toute artériotomie
(lymphocèle, hématome).
Elles sont souvent directement en rapport avec la méthode endoluminale : traumatismes artériels (rupture ou dissection),
embolie systémique de cristaux de cholestérol.
Ces complications
sont en rapport avec des difficultés de cathétérisme chez des patients
présentant des lésions iliaques sévères ou des tortuosités, une
angulation aortique prononcée ou une thrombose endoanévrismale
importante.
Elles sont liées à la qualité du matériel utilisé, au choix
des indications et à l’expérience des opérateurs.
7- Complications générales
:
Il faut insister sur la survenue d’un syndrome pseudosepticémique
associant une fièvre, des frissons, une asthénie.
Ces signes
surviennent dans un tiers des implantations dès les premières heures
et peuvent persister 2 à 3 jours. Dans notre expérience, aucune
infection n’a pu être authentifiée.
La physiopathologie de ce
syndrome reste encore obscure (réaction inflammatoire secondaire
au matériel endoprothétique ? à la thrombose massive du sac
anévrismal ? aux manipulations diverses endoluminales ?).
D - PERSPECTIVES DU TRAITEMENT ENDOVASCULAIRE
:
1- Prise en charge des lésions traumatiques aiguës
de l’aorte descendante
:
Les polytraumatisés, le plus souvent par accident de la voie
publique, qui présentent une rupture traumatique de l’aorte
descendante étaient jusqu’à ces dernières années, traités
chirurgicalement avec un taux de mortalité et de morbidité
relativement élevé.
Certains auteurs ont donc proposé une
approche endovasculaire que nous avons développée dans notre
institution.
C’est la raison pour laquelle la stratégie de prise en
charge s’est progressivement modifiée dans notre institution.
Ainsi,
lorsque la rupture aortique est associée à des lésions périphériques
et/ou cérébrales et/ou abdominales et en l’absence d’hémothorax
significatif, le patient est surveillé en secteur de soins intensifs sous
traitement hypotenseur. Le bilan lésionnel initial comporte un
scanner thoracique hélicoïdal et une ETO.
En l’absence de
complications intrathoraciques, l’implantation éventuelle d’une
endoprothèse est programmée dans les semaines suivant l’accident.
En revanche, en cas de lésions aortiques isolées et à plus forte raison
s’il existe un hémothorax, l’indication chirurgicale de première
intention est posée en urgence.
Il n’est pas déraisonnable de penser que dans un avenir proche, les
ruptures aiguës non compliquées pourraient être traitées par voie endovasculaire à condition d’avoir une panoplie d’endoprothèses de
longueurs et de calibres adaptés disponible en urgence.
2- Dissections aortiques
:
L’implantation de stents-grafts dans la vraie lumière aortique en
regard de la porte d’entrée pourrait prévenir la rupture précoce et
l’évolution anévrismale ; le but serait d’exclure le faux chenal et
donc de diminuer le flux et la pression dans la fausse lumière afin
de favoriser sa thrombose.
Des études expérimentales ont montré que l’on pouvait exclure
le faux chenal à l’aide d’endoprothèses non couvertes à la condition
de couvrir la totalité de la zone disséquée ; or, la couverture totale
de la dissection nécessite la pose de plusieurs endoprothèses avec
risque de recouvrir de nombreuses collatérales.
Une autre étude a
montré qu’il était possible, expérimentalement, d’exclure
complètement le faux chenal en implantant une endoprothèse
couverte en regard de la porte d’entrée.
Deux études cliniques récentes confirment l’efficacité clinique
dans ce type d’indication.
Ainsi, dans celle de Dake, une
diminution du diamètre et une thrombose du faux chenal ont été
observées chez 15 des 19 patients, les quatre autres ayant une
thrombose partielle, la diminution moyenne du diamètre de l’aorte
sur l’ensemble de cette population étant significative ; la mortalité a
été de 16 % (deux ruptures et un sepsis) avec quatre complications
(une colectomie, une amputation de membre inférieur, une
insuffisance rénale et une pneumonie) ; aucune paraplégie n’est à
déplorer.
Conclusion
:
L’expérience acquise ces 10 dernières années dans le traitement endovasculaire des lésions athéromateuses a permis d’étendre
progressivement ces procédures à l’aorte abdominale puis maintenant à
l’aorte thoracique.
Ces tentatives thérapeutiques paraissent justifiées
compte tenu de la lourdeur du traitement chirurgical conventionnel,
mais seule l’évaluation prospective et comparative permettra de cerner
progressivement les indications des traitements respectifs.