Traitement chirurgical des escarres
(Suite) Cours de Chirurgie
* Lambeau en îlot musculocutané de grand fessier inférieur
:
On peut utiliser le même lambeau que celui décrit pour la fermeture
des escarres sacrées basses et latéralisées.
Le résultat est
identique à l’intervention précédente, mais la réalisation est un peu
plus difficile.
* Utilisation des muscles ischiojambiers (biceps et semi-tendineux)
:
Principe : utiliser les muscles de la face postérieure de la cuisse sur
la perforante fémorale supérieure pour combler la perte de
substance ischiatique.
Deux possibilités existent : le transfert des
muscles avec comblement de la perte de substance par les chefs
musculaires distaux retournés ou le transfert de la peau crurale
située sous l’escarre avec utilisation des muscles comme « portevaisseaux
» et accessoirement en comblement.
+ Rappel anatomique
:
Le muscle semi-membraneux ne contient des fibres musculaires qu’à
partir de mi-cuisse et ne peut survivre sur un pédicule proximal.
Le muscle semi-tendineux et le chef long du biceps ont une origine
commune sur la tubérosité ischiatique.
Ils sont jointifs sur
environ 5 cm puis se séparent en deux chefs musculaires distincts.
Leur vascularisation émane de branches perforantes de l’artère
fémorale profonde.
Celles-ci sont au nombre de trois, avec
des interconnexions.
La branche proximale suffit en général à la
vascularisation des deux muscles.
Rarement la deuxième perforante
peut être prépondérante.
Un test de clampage avant section permet
de détecter ces situations d’exception.
+ Transfert des muscles ischiojambiers
:
Tracé de l’incision cutanée : si la cuisse est vierge de toute
incision, l’exposition du plan musculaire se fait grâce à la levée d’un
vaste lambeau cutané crural postérieur à pédicule médial.
On part
en haut de la berge latérale de l’escarre et on poursuit latéralement
jusqu’à 5 cm au-dessus du pli poplité, où on s’incurve médialement
pour croiser le haut du creux et découvrir l’extrémité inférieure des
deux muscles ischiojambiers.
En cas de cicatrice préalable, un abord direct partant de l’escarre
jusqu’à 5 cm au-dessus du pli poplité est dessiné.
L’incision suit le
tracé et se fait jusqu’au fascia que l’on inclut dans la levée du
lambeau avec difficulté car il est irrégulièrement individualisé.
La
fosse poplitée est généralement comblée par de la graisse souscutanée
qui peut rendre difficile la reconnaissance des tendons
d’insertion des deux muscles qui délimitent le sommet de la fosse.
Le nerf sciatique est très superficiel et notamment sa branche de
division fibulaire commune.
Il faut généralement dégraisser un peu
la fosse le long des deux berges médiale et latérale pour bien voir
les chefs musculaires.
Du côté médial, le semi-tendineux est le plus
superficiel et le plus proche du bord tandis que le semi-membraneux
est plus charnu et plus profond.
Le nerf émerge sous l’angle aigu
formé par l’accolement des deux muscles biceps et semi-tendineux
au sommet du creux.
Après identification des chefs musculaires, le semitendineux
est sectionné complètement.
Le chef long du biceps crural
est également incisé et la partie médiale du muscle est dégagée
avant que l’on incise le chef musculaire latéralement un peu audessus
du plan du fémur que l’on palpe.
Les muscles semi-tendineux et le chef long du biceps sont disséqués
de bas en haut au-dessus du nerf sciatique.
Les deux
perforantes inférieures rencontrées sont liées.
La dissection peut
s’arrêter dès que le pédicule supérieur apparaît, que la portion
musculaire utile au transfert atteint facilement la perte de substance
et que le comblement est suffisant.
En général, l’extrémité des
muscles est repliée dans l’escarre.
La fermeture cutanée s’effectue
sur au moins trois drains de Redon aspiratifs dont un sous le
transfert musculaire.
Le vaste lambeau cutané de rotation permet de
fermer la perte de substance cutanée par lifting médial et supérieur.
+ Lambeaux musculocutanés d’ischiojambiers en VY
:
La technique originelle a été modifiée par Christine Kauer
pour combler les escarres ischiatiques en incluant l’îlot cutané
complètement dans la fesse au prix d’une rotation de 90° du
lambeau.
C’est cette technique que nous allons décrire.
Le tracé triangulaire se fait avec des berges légèrement convexes en
partant de la berge inférolatérale de la perte de substance.
La largeur du lambeau sera celle de l’escarre.
Le lambeau
triangulaire doit avoir une dizaine de centimètres de hauteur si la
rotation est prévue.
Il peut être beaucoup plus long et atteindre le
haut de la fosse poplitée s’il reste simplement prévu en transfert
vertical.
Dans le premier cas, la pointe inférieure du triangle est
prolongée par une incision verticale allant jusqu’à 3 cm au-dessus
du pli de la fosse poplitée, pour permettre le repérage et la section
des deux chefs musculaires, puis leur libération jusqu’à la première
perforante.
La dissection à partir de la première perforante se poursuit
latéralement et médialement, puis la berge supérieure du triangle
est libérée suffisamment pour permettre l’ascension et la rotation du
triangle cutané dans la perte de substance.
Il faut surtout bien
dégager la partie inférieure du lambeau pour permettre librement
l’ascension et le retournement.
Dans la technique décrite, le lambeau est tiré dans la perte de
substance avec une rotation de 90°.
Quelques points
musculaires sont nécessaires pour maintenir le triangle cutané en
place et la suture cutanée se fait sur au moins trois drains de Redon
aspiratifs dont un sous le transfert dans l’escarre.
Le site donneur
est suturé verticalement en toute simplicité en décollant ce qui est
nécessaire de berge cutanée de chaque côté.
3- Escarres trochantériennes
:
Les possibilités de fermeture sont beaucoup plus nombreuses pour
cette escarre très chirurgicale.
* Lambeaux cutanés locaux
:
On peut de part et d’autre de la perte de substance, qui est souvent
modérée, tracer un LLL, voire deux LLL inversés.
Un
lambeau de rotation tracé aux dépens de la fesse peut également
être utilisé, de même qu’un « Z » de répartition des tensions
cutanées.
En tout état de cause, il est bon de n’utiliser ces lambeaux qu’en cas
de perte de substance modérée et en ayant de préférence suturé le
plan musculaire au-dessus du trochanter.
* Lambeau iliaque sous-cutané
:
Il utilise la peau inguinale la plus latérale dans une zone d’excès
cutané naturel (zone du groin flap) pédiculé sur le tissu sous-cutané
et ses vaisseaux.
Il permet de réparer des escarres trochantériennes latérales.
Un îlot cutané inguinal latéral est dessiné
et l’incision se prolonge médialement le long du pli inguinal.
L’îlot
cutané est isolé puis l’incision cutanée inguinale, qui reste
superficielle, est menée et chaque berge est disséquée en conservant
une fine couche graisseuse sous le derme des deux berges sur une
largeur de 3 cm environ.
Le tissu sous-cutané est prélevé
complètement jusqu’au fascia avec sa vascularisation cutanée qui
est en grande partie axiale et assurée par les branches de l’artère
circonflexe iliaque superficielle.
L’îlot cutané ainsi mobilisé peut
être transféré dans l’escarre.
* Transferts musculaires et musculocutanés
:
+ Lambeau de TFL
:
Rappel anatomique : le TFL est tendu de l’épine iliaque
antérosupérieure (EIAS) au condyle tibial latéral.
Il est charnu dans
sa portion supérieure, tendineux en bas et a pour rôle de mettre
sous tension le fascia lata (aponévrose fémorale).
Muscle de type I selon Mathes et Nahai, son pédicule naît de l’artère
fémorale profonde par l’intermédiaire de l’artère circonflexe latérale
qui naît entre vaste latéral et droit fémoral.
Il aborde le TFL sur son bord médial en émergeant de la face
postérieure du droit fémoral.
Ce point est repéré à quatre
travers de doigts (8 à 10 cm) au-dessous de l’EIAS, sur la ligne
fémorale antérieure.
Technique chirurgicale : le bord antérieur du lambeau est tracé le long
d’une droite joignant l’EIAS et la face latérale du genou sur un
patient en décubitus latéral.
Cette ligne délimite le bord
antérieur du lambeau qui est situé en arrière mais peut être dépassée
de 1 à 2 cm médialement.
Il faut calculer la longueur du lambeau
transférable à partir de l’entrée du pédicule vasculaire dans le
muscle à quatre travers de doigts (8 cm) de l’EIAS et dessiner un
lambeau triangulaire suffisamment long pour couvrir l’escarre avec
une rotation de 90° au moins vers l’arrière.
Il est bon de prévoir
33 % de longueur supplémentaire à celle que l’on mesure depuis la
berge antérieure de l’incision à partir du point d’entrée du pédicule,
pour tenir compte du recul qui accompagne la rotation.
La longueur
maximale se situe à 10 cm au-dessus du pli du genou (escarre trochantéro-ischiatique).
La levée du lambeau est menée de bas en haut à partir du tractus iliotibial identifiable dans la région de la pointe du lambeau
, au besoin après avoir disséqué la berge cutanée
périphérique sur 1 à 2 cm pour bien exposer cette bandelette.
La
bandelette est incisée le long des deux berges.
La levée du lambeau,
aisée, expose le vaste latéral.
La dissection est prudente dans la région du pédicule.
Il n’est pas
nécessaire de le voir mais il importe évidemment de ne pas le
couper.
En arrière, le lambeau est détaché jusqu’à l’escarre.
La peau
crurale est disséquée sur 5 à 6 cm de chaque côté de la prise du
lambeau pour permettre la fermeture.
L’isolement du lambeau sera
facilité si cette dissection est faite en premier.
Le lambeau est alors tourné dans la perte de substance et le tractus iliotibial puis le muscle sont soigneusement suturés aux berges de la
perte de substance.
La zone donneuse est refermée, soit par décollement-suture des berges cutanées, soit par tracé d’un
refend cutané crural horizontal (pointillé), soit, si le lambeau est
large, par une greffe cutanée en peau mince.
+ Lambeau musculaire de vaste latéral
:
Tracé de l’incision cutanée : on trace la ligne allant de
l’EIAS au milieu de la face latérale du genou ; l’incision est tracée
comme pour le TFL sous le pédicule de ce dernier à cinq travers de
doigts de l’EIAS jusqu’à la hauteur du pli latéral du genou.
L’incision cutanée puis aponévrotique permet de passer sous le TFL
en arrière qu’on charge sur un écarteur, et de repérer en
avant la jonction entre le vaste latéral et le droit fémoral.
On la
trouve le plus facilement au tiers moyen de la cuisse. Vers le haut,
on peut, en chargeant le muscle droit fémoral sur un écarteur,
repérer l’arrivée du pédicule sur le vaste latéral.
On descend le long
de l’interstice jusqu’à l’insertion du vaste sur le fémur.
L’insertion du vaste latéral sur le fémur est détachée au bistouri
électrique et le muscle progressivement disséqué de bas en haut.
Le vaste intermédiaire qui est sous-jacent est quelquefois
emporté avec lui sans inconvénient car il n’est pas toujours facile de
les individualiser.
La peau entre l’incision et l’escarre est tunnellisée ou incisée
et le lambeau, toujours très volumineux, est transféré dans l’escarre et solidement suturé à ses berges profondes.
Une greffe de peau
mince immédiate ou secondaire est posée sur le comblement
musculaire, la peau est refermée sans problème sur trois drains de
Redon aspiratifs dont un sous le muscle transféré.
+ Lambeau musculocutané en îlot de vaste latéral
:
On tracera, dans les derniers centimètres de l’incision de voie
d’abord du vaste latéral, un îlot cutané de la taille de la
perte de substance cutanée de l’escarre trochantérienne en restant
5 cm au-dessus du pli latéral du genou.
Le reste de l’intervention se
déroule de la même manière que précédemment.
Il est bon
d’attacher l’îlot cutané au muscle par quelques points.
+ Lambeau musculaire ou musculocutané du droit fémoral
:
On peut également transférer le muscle droit fémoral, muni ou non
d’une palette cutanée distale (2 cm au-dessus de la patella).
L’incision est crurale médiane de haut en bas, le prélèvement du
muscle d’une grande simplicité.
En bas, le tendon patellaire est
sectionné 1 cm au-dessus de l’os et le muscle disséqué de bas en
haut.
Le décollement de la berge cutanée latérale permet a priori de
transposer le muscle avec ou sans palette cutanée dans l’escarre.
La
fermeture de la voie d’abord ne pose pas de problème particulier.
Il
n’est pas indispensable de visualiser le pédicule.
4- Escarres périnéales
:
* Postérieures
:
+ Lambeaux locaux
:
Les lambeaux locaux sont les plus utiles.
La perte de substance,
généralement de faible surface, peut être fermée par une plastie
reprenant le plus souvent l’incision d’un lambeau de rotation fait
antérieurement.
Un LLL peut aussi rendre service dans les petites
escarres.
+ Lambeau scrotal
:
Le lambeau scrotal peut être utilisé pour des escarres de petite taille
situées dans la région périnéale antérieure ou postérieure.
La
peau du scrotum, indissociable du muscle crémaster sous-jacent, est
richement vascularisée et permet la réalisation de lambeaux musculocutanés pratiquement au hasard, aux dépens de la face
antérieure ou postérieure des bourses, avec fermeture sans problème
du site donneur.
Des escarres pubiennes, inguinocrurales médiales, ischiatiques,
périnéales postérieures, si leur taille est modérée, peuvent ainsi
être fermées.
La couverture obtenue est de bonne qualité mais le manque de
volume apporté par ces lambeaux limite leur utilisation à des pertes
de substances peu profondes.
+ Lambeau musculaire ou musculocutané du gracile
:
Ce transfert offre une bonne fiabilité quand il est musculaire et
comble bien les surfaces anfractueuses périnéales pas trop étendues
(6 X 4 cm maximum).
Le prélèvement d’une palette cutanée est
moins fiable, surtout dans la moitié inférieure de la cuisse.
Le
meilleur prélèvement musculocutané est en péninsule, ne dépassant
pas la moitié supérieure du muscle.
Le lambeau cutané en îlot est
très précaire, en dessous de la zone médiane du muscle.
* Rappel anatomique
:
Le gracile est vascularisé par un pédicule principal issu de l’artère
fémorale profonde.
Passant sous le court adducteur qu’elle vascularise au passage, l’artère chemine sur les long puis grand
adducteurs avant d’aborder le gracile à sa face médiale et à 8 cm en
dessous de l’épine du pubis.
Un pédicule accessoire aborde pareillement le muscle à la jonction
entre le tiers inférieur et les deux tiers supérieurs.
Il doit être sacrifié
dans cette utilisation.
Tracé des incisions.
Le relief du muscle est toujours facile à identifier sous la peau.
Pour
le prélèvement musculaire, l’incision suit une ligne joignant l’épine
du pubis au milieu de la face médiale du genou.
La palette cutanée est tracée à cheval sur cette ligne.
La largeur prélevable est de 5 à 6 cm.
Classiquement, le repérage du muscle est difficile une fois la peau
ouverte et on recommande de trouver son tendon à la partie
moyenne de la face médiale du genou.
Nous n’avons jamais repéré
le muscle avec sécurité par cette contre-incision et préférons de loin
inciser d’abord la moitié supérieure de la voie d’abord, puis
identifier le pédicule se trouvant à 8 cm sous l’épine et abordant le
gracile par sa face médiale.
À coup sûr, le muscle est repéré par la
pénétration du pédicule.
On peut alors poursuivre les incisions
cutanées, disséquer la face antérieure du muscle vers le bas, lier le
pédicule accessoire, sectionner le muscle à la hauteur voulue et
effectuer la levée du lambeau de bas en haut.
Dans la partie
supérieure, le gracile colle au muscle semi-membraneux et on
emporte en général son fascia.
On détache la partie supérieure du
muscle au-dessus du pédicule jusqu’à ce que la mobilité du transfert
soit satisfaisante.
La fermeture s’effectue, dans tous les cas, par
rapprochement simple et on draine la loge musculaire par deux
drains de Redon aspiratifs, ainsi que la région couverte.
Antérieures (pubiennes)
Ce sont des formes graves qui affectent presque toujours les sujets
paraplégiques dont la colonne a été ostéosynthésée et qui présentent
une antéversion du bassin telle qu’en position assise leur appui
principal est la symphyse pubienne.
En général, il n’existe plus
d’appui au niveau des deux têtes fémorales (résection, nécrose
aseptique, désarticulation, etc).
Il peut en résulter des escarres du mont du pubis et du périnée sousjacent
se compliquant de problèmes urétraux et d’ostéite de la
symphyse pubienne.
Dans notre expérience, la récidive (par
poursuite de la compression) est habituelle et le pronostic désastreux
à assez court terme.
Nous n’avons jamais réussi à obtenir une
répartition des compressions en position assise qui soit satisfaisante.
Bien entendu, les problèmes urétraux et l’ostéite sont à traiter en
collaboration avec les urologues et les chirurgiens orthopédistes.
Il
faut notamment envisager une dérivation définitive des urines et
quelquefois une ostéosynthèse pubienne de stabilisation.
Le lambeau simple ou bilatéral du gracile couvre bien la région
périnéale antérieure et le mont du pubis.
Le TFL en péninsule
long ou superlong, éventuellement autonomisé dans un premier
temps, apporte une couverture fasciocutanée de qualité moyenne.
Le groin flap tel qu’il est décrit pour les escarres trochantériennes est
également utilisable si la région du pédicule est intacte.
Enfin, on peut bien sûr faire appel au muscle droit de l’abdomen en
prélèvement musculaire pur ou musculocutané à palette abdominale
sus-ombilicale.
Malheureusement, la plupart de ces patients ont déjà
l’abdomen grevé par un anus contre et souvent par une vessie de Bricker.
Il en résulte des difficultés ou une impossibilité pratique
raisonnable de prélever ces lambeaux.
C - ESCARRES DES MEMBRES INFÉRIEURS
:
Les possibilités de couverture par lambeaux des escarres du membre
inférieur sont restreintes et aléatoires, et ce d’autant plus que l’on se
rapproche du pied.
En effet, la population porteuse d’escarres du membre inférieur ne
permet pas d’envisager, sauf exception très particulière (escarre
accidentelle du sujet jeune), la réalisation de lambeaux sophistiqués
tels les récents lambeaux neurovasculaires.
De même, les axes
vasculaires de la jambe et du pied doivent ici être respectés au
maximum. Les lambeaux libres ont peu d’indications sur ce terrain.
Enfin, l’expansion cutanée ne doit pas, à notre avis, être utilisée en
dessous du genou.
Tout échec de couverture doit faire discuter l’indication d’une
amputation de sauvetage à mi-cuisse.
1- Escarres du genou
:
Elles portent le plus souvent sur les faces latérale, médiale, voire
antérieure du genou.
Elles sont habituellement dues ou du moins
associées à des rétractions musculotendineuses sévères responsables
d’attitudes vicieuses des membres inférieurs empêchant un nursing
correct.
Ces rétractions doivent être traitées en priorité. Lorsque
l’escarre est profonde, l’articulation peut être menacée, ce qui justifie
l’indication opératoire.
Leur fermeture est fonction de leur taille, de la profondeur et de la
localisation.
Elle ne diffère en rien de celle des pertes de substance
d’autres origines et fait appel aux lambeaux locaux cutanés au
hasard (LLL, rotation), aux lambeaux musculaires des gastrocnémiens
, aux lambeaux fasciocutanés.
2- Escarres du talon
:
La chirurgie de couverture des escarres talonnières est
exceptionnelle.
Elle fait appel aux techniques désormais classiques :
– lambeau de muscle court fléchisseur des orteils à pédicule
proximal ;
– lambeau de muscle abducteur de l’hallux ;
– lambeau plantaire médial en îlot à pédicule proximal ;
– lambeaux fasciocutanés jambiers à pédicules distaux ;
– lambeau calcanéen de Grabb.
Ne retiendront notre attention que les lambeaux un peu plus
couramment utilisables en pratique :
– lambeaux de rotation cutanée plantaires classiques : pédiculés sur le
bord médian du pied, ils ferment de petites pertes de substance
talonnière sans altérer la sensibilité des orteils ;
– lambeaux de rotation musculocutanés plantaires : ils emportent
avec la peau plantaire les tendons du muscle abducteur de l’hallux
et du muscle court fléchisseur des orteils.
La zone donneuse
antérieure est laissée en cicatrisation dirigée ou recouverte par une
greffe de peau.
Ils laissent une anesthésie définitive de la face
plantaire des trois premiers orteils ;
– lambeaux hétérojambiers : ils gardent des indications pour
la couverture d’escarres chez les patients coopérants, ne présentant
pas de limitation de la mobilité des membres inférieurs, lorsqu’un
premier lambeau a échoué ou que la taille de l’escarre ne permet
pas d’utiliser un lambeau local et que l’amputation n’est pas encore
envisagée.
C’est dire qu’ils sont exceptionnellement indiqués lors
d’escarres.
Deux types de lambeaux hétérojambiers sont actuellement utilisés :
les lambeaux fasciocutanés de jambe classiques (prélevés à la face
postérieure ou médiale de la jambe, le plus souvent à pédicule
proximal) et le lambeau fascio-myo-cutané de la face médiale de la
jambe, plus fiable que les précédents puisqu’il incorpore à sa partie
proximale le chef médial du muscle gastrocnémien et ses perforantes
myocutanées.
C’est ce dernier type de lambeau qui a notre
préférence.
Ces lambeaux permettent d’atteindre toutes les pertes de substance
de la jambe mais nous les réservons au tiers inférieur, notamment
au talon et au pied où les solutions chirurgicales de couverture sont
les moins nombreuses.
3- Escarres des malléoles
:
* Malléole latérale
:
On pourra faire appel aux lambeaux fasciocutanés jambiers
postérieurs et latéraux à pédicules distaux ou au lambeau de
muscle abducteur du cinquième orteil à pédicule proximal pour une
très petite perte de substance.
* Malléole médiale
:
On fera essentiellement appel aux lambeaux fasciocutanés jambiers
postérieurs et médial à pédicules distaux, au lambeau de muscle
abducteur de l’hallux, voire au lambeau fasciocutané d’arche
médiale à pédicule supérieur.
4- Escarres de l’avant-pied
:
Les possibilités locales et locorégionales sont ici très limitées.
On
fera appel à la cicatrisation dirigée, voire à la technique de Papineau pour l’exposition des métatarsiens (greffe d’os
spongieux qu’on laissera granuler avant de greffer).
En cas d’échec,
l’amputation de l’avant-pied, de la jambe ou à mi-cuisse reste la
dernière solution.
D - ESCARRES OCCIPITALES ET CRÂNIENNES
:
Elles sont rares quoique non exceptionnelles et affectent volontiers
des sujets jeunes dans le coma (accident de la route, tétraplégie).
Les escarres n’atteignant pas le périoste peuvent être traitées par
cicatrisation dirigée et ferment souvent, au prix d’une alopécie
cicatricielle corrigeable secondairement si nécessaire. Quand l’os est
exposé, il est prudent de procéder à la fermeture de l’escarre par
une des trois techniques suivantes.
* Technique de granulation-greffe
:
C’est une technique très ancienne : elle consiste à perforer la corticale
externe perdue, voire à la réséquer partiellement pour permettre au
diploé de granuler, de recouvrir l’os dévascularisé et de recevoir une
greffe de peau mince.
En pratique, on perfore la corticale externe
très prudemment avec une fraise boule jusqu’au diploé et des
pansements gras permettent de suivre la granulation jusqu’à ce que
toute la zone osseuse soit recouverte et puisse recevoir la greffe.
* Lambeaux de rotation
:
La technique la plus simple consiste à tracer un grand lambeau de
rotation emportant au moins la moitié à deux tiers du cuir chevelu
, voire deux lambeaux opposés en « S » si l’escarre est
occipitale haute, par exemple.
Le périoste reste en place et, en
l’absence de possibilité de fermeture de la zone de prélèvement, on
greffe immédiatement le périoste exposé.
On peut également
quadriller la galéa inextensible tous les 1 à 2 cm afin de donner au
cuir chevelu une certaine expansion, et permettre la couverture
complète de l’escarre et de la zone de prélèvement.
Cette dévascularisation doit néanmoins rester prudente pour éviter les
nécroses secondaires.
Une variante bien connue est le tracé de trois lambeaux triangulaires
à partir de la perte de substance quand elle est située au sommet du
vertex, par exemple.
La striation de la galéa rend ainsi la
fermeture possible si l’escarre ne dépasse pas 10 à 12 cm².
* Lambeaux d’Orticochea
:
C’est une technique très élégante, décrite en 1967, qui consiste à
fermer une escarre occipitale ou frontale même volumineuse
(> 10 cm²) par le découpage du reste du cuir chevelu en deux
lambeaux rectangulaires empilés, puis un lambeau
trapézoïdal et un ou deux grands lambeaux triangulaires.
Là aussi, la striation des trois derniers lambeaux donne
l’expansion nécessaire à la fermeture complète de la perte de
substance.
Chacun des lambeaux est basé sur l’une des artères
cutanées crâniennes.
E - AUTRES ESCARRES
:
Des escarres peuvent survenir dans des localisations plus rares.
1- Pointe de la scapula
:
Les escarres de la région scapulaire sont des escarres de décubitus.
L’excellent environnement musculaire et l’absence d’organes nobles
sous-jacents les rendent en général accessibles à la cicatrisation
dirigée.
Si un geste de couverture doit être réalisé, on fera appel aux
lambeaux cutanés classiques, au lambeau musculaire ou musculocutané de grand dorsal ou au lambeau musculaire de trapèze inférieur à
pédicule supérieur.
Ces lambeaux musculaires sont à éviter chez le
paraplégique non grabataire.
+ Technique de levée du lambeau musculaire ou musculocutané
de trapèze inférieur à pédicule supérieur
:
C’est le contingent inférieur du muscle (T5 à T12) qui est
utilisé dans cette indication, en se servant du pédicule principal
constitué par l’artère trapézienne qui aborde le muscle à 8 cm
environ de la ligne médiane, en dessous et en dehors de l’angle
supérieur de la scapula, et chemine ensuite à la face profonde du
muscle.
La palette cutanée est tracée à l’aplomb du muscle et de son pédicule
vasculaire préalablement repéré, soit en îlot, soit en
péninsule.
La levée du lambeau est faite en décubitus latéral ou
ventral, bras en abduction.
Le muscle est repéré à la partie inférieure de la voie d’abord, clivé du muscle grand dorsal sous-jacent, et
emporte le fascia profond.
Les vaisseaux trapéziens sont vus à la
face profonde, ce qui permet de centrer le prélèvement.
La dissection
est menée de bas en haut en sacrifiant les branches vasculaires
accessoires qui perforent le muscle rhomboïde au voisinage de la
pointe de la scapula, et le lambeau est glissé dans son site receveur
par simple translation latérale.
2- Rachis
:
La plupart des patients que l’on est amené à voir pour une escarre
de ce type sont des complications du traitement de métastases
osseuses soumises à une radiothérapie.
Ils ont éventuellement
bénéficié d’une ostéosynthèse et le matériel est exposé.
La hauteur à
couvrir est en général de deux à trois vertèbres.
Il faut donc trouver
une couverture de bonne qualité et d’assez grande surface.
* Lambeaux cutanés et fasciocutanés locorégionaux
:
Leur tracé ne diffère pas dans cette localisation et a déjà été décrit.
Il
faut cependant noter que l’incorporation du fascia thoracolombaire
à la face profonde de ces lambeaux, si elle est peut-être bénéfique
sur le plan de la sécurité vasculaire, les rend totalement inextensibles
et impose parfois de greffer le site donneur pour éviter une
préjudiciable fermeture sous tension.
* Lambeau de muscle trapèze inférieur à pédicule supérieur
:
Son prélèvement a été décrit au chapitre précédent.
La palette est
cette fois située latéralement par rapport à la perte de substance à
couvrir.
Le point pivot de ce lambeau étant proximal, à hauteur de l’angle supéro-interne de la scapula, seules les escarres situées en regard
des processus épineux des vertèbres cervicales et des huit premières
vertèbres thoraciques sont susceptibles d’être couvertes par ce
lambeau.
* Lambeau musculaire (ou musculocutané) de grand dorsal
à pédicule inférieur
:
Le prélèvement a retro du muscle grand dorsal est possible
grâce à l’existence de pédicules accessoires.
Les artères perforantes
lombaires et intercostales, au nombre de quatre à six chacune,
abordent le muscle près de ses insertions vertébrales lombaires et
thoraciques basses et assurent, lors de la section du pédicule
principal thoracodorsal, la survie du muscle dans sa totalité (muscle
de type V selon Mathes et Nahai).
Les escarres rachidiennes thoraciques et lombaires peuvent donc être
couvertes sans difficulté par ce lambeau, ce qui le rend
complémentaire du lambeau de trapèze destiné aux escarres
cervicales.
2- Coude
:
Ces escarres sont très rares.
Les escarres du coude siègent le plus
souvent, soit au niveau de la face postérieure en regard de l’olécrâne
et constituent des escarres de la position couchée, soit au niveau de
la face médiale et sont alors habituellement associées à une
rétraction en adduction du membre supérieur contre le thorax qui
doit être traitée pour elle-même au préalable.
Des accidents de
perfusion, notamment de produits de chimiothérapie, peuvent par
ailleurs en être l’origine.
Ces escarres, si elles sont profondes,
peuvent menacer l’articulation et leur évolution, si elle est confiée à
la cicatrisation dirigée, aboutit à une rétraction qui peut être
responsable d’une limitation fonctionnelle.
L’indication chirurgicale
est de ce fait assez souvent posée.
Seuls les lambeaux simples et
fiables, n’interrompant pas d’axe vasculaire majeur du membre
supérieur, sont ici utilisables.
Décrit par Lamberty, ce lambeau fasciocutané possède
une vascularisation axiale représentée par une artère cutanée
constante vascularisant la peau de la face antérolatérale des deux
tiers proximaux de l’avant-bras, le long de laquelle on peut prélever
un lambeau fasciocutané couvrant l’olécrâne ou l’épicondyle
médial.
* Lambeau musculaire ou musculocutané de grand dorsal
:
En cas de perte de substance très étendue de la région du coude, les
solutions locales sont dépassées et un lambeau à distance doit être
employé.
Le lambeau musculaire ou musculocutané du muscle
grand dorsal à pédicule supérieur peut être utilisé en ne prélevant
que la portion verticale du muscle.
En cas de lambeau musculocutané, la palette cutanée doit être
dessinée assez bas sur le muscle de manière à obtenir un arc de
rotation suffisant.
La dissection est menée jusque dans la fosse
axillaire, en sectionnant éventuellement le tendon du muscle pour
gagner encore en mobilité.
Une tranchée rejoignant la perte de substance est ensuite réalisée
dans la face médiale du bras pour permettre l’enfouissement du
pédicule musculaire.
L’extrémité du muscle (éventuellement
surplombée par la palette cutanée) est utilisée pour combler la perte
de substance.
Une autre possibilité, si l’on ne souhaite pas effectuer de tranchée à
la face médiale du bras, consiste à réaliser un lambeau musculocutané en deux temps à la manière d’un cross-leg, laissant le
coude le long du corps pendant la phase de cicatrisation de la palette
cutanée.
Un sevrage est ensuite effectué à 3 semaines, ne laissant
subsister au niveau du site receveur que la palette cutanée.
Des réserves sont à formuler concernant l’utilisation de ce muscle
chez les patients paraplégiques.
Prise en charge postopératoire
:
La prise en charge postopératoire immédiate et à moyen terme doit
s’efforcer de favoriser la phase de cicatrisation.
1- Antibiothérapie
:
Adaptée aux germes retrouvés dans l’escarre lors du prélèvement
préopératoire, elle est systématiquement mise en route pendant
l’intervention et habituellement poursuivie en postopératoire
pendant une dizaine de jours.
2- Installation du patient sur un support adapté
:
Il faut impérativement éviter de reproduire, au niveau du lambeau
de couverture qui vient d’être réalisé, les mêmes erreurs que celles
qui sont à l’origine de l’escarre, sous peine d’aboutir à un échec
précoce de la couverture.
Une décharge aussi stricte que possible est
donc nécessaire pendant toute la phase de cicatrisation et ce dès la
sortie du patient du bloc opératoire.
L’idéal, pour les patients très fragiles, porteurs d’escarres multiples
ou d’escarres de décubitus chez lesquels les positions de
latéralisation sont très limitées, est de disposer d’un lit fluidisé, y
compris en milieu de réanimation chirurgicale, ce qui évite un séjour
prolongé dans une salle de réveil moins bien équipée.
Ce type de
support n’est pas adapté pour les patients de plus de 80 kg.
Une
fois la cicatrisation obtenue et les fils enlevés, un sevrage progressif
du lit fluidisé doit être réalisé en plaçant journellement le patient
sur matelas alvéolé pendant des laps de temps croissants.
Cette
procédure permet une remise en charge très graduelle au niveau
des points d’appui et du lambeau.
La nouvelle génération de
matelas à air (type Therapulse) est, de ce point de vue, plus
pratique puisqu’elle permet une remise en charge progressive sans
sevrage grâce à un durcissement progressif et programmable des
boudins.
Les patients moins fragiles et coopérants pourront être placés sur
un matelas alvéolé (type Cliniplo) ou un sur-matelas à air (type
Therakair), en position de latéralisation déchargeant totalement la
zone opérée.
L’installation du patient doit alors être
systématiquement vérifiée par le chirurgien et l’équipe soignante
rompue aux techniques de nursing.
3- Alimentation hypercalorique hyperprotidique
:
L’alimentation hyperprotidique favorise les phénomènes de
cicatrisation.
Celle-ci, débutée dès la phase préopératoire pour
lutter contre la dénutrition, sera donc poursuivie pendant toute la
phase de cicatrisation.
Une supplémentation en zinc et en vitamine
C serait également favorable à ce stade.
Les dosages itératifs
de la protidémie, de l’albuminémie et de la proalbuminémie
permettent de vérifier l’efficacité de cette alimentation.
4- Ablation des drains et des fils
:
L’ablation des drains ne doit pas être trop précoce, les gros
décollements habituellement effectués au cours de ce type de
chirurgie étant susceptibles de suinter pendant plus de 8 jours.
Les
fils pourront être enlevés entre j15 et j30.
L’épidermisation en cas de
greffe cutanée sur un lambeau musculaire oblige à poursuivre les
soins et pansements de 4 à 6 semaines avant que l’épidermisation
ne soit solide et susceptible d’une remise en charge totale.
5- Suivi postopératoire
:
Il est bon que le patient soit suivi pendant 1 à 2 mois postopératoires
pour dépister les complications locales et suivre la cicatrisation
complète.
Les services de rééducation fonctionnelle et autres services
spécialisés représentent certainement la meilleure solution de prise
en charge.
Il est hautement souhaitable de revoir le patient 15 jours
après le retour à domicile afin d’en vérifier le bon déroulement.
Complications
:
Les complications lors d’une chirurgie d’escarres bien conduite sont
très rares, mis à part les problèmes de délais de cicatrisation liés à
une greffe cutanée associée. Parmi les complications, nous ne
citerons que les quatre que l’on rencontre le plus habituellement.
A - SÉROME
:
Le sérome ou épanchement d’un liquide clair sérohématique est
l’accumulation, sous la plastie ou dans la zone de prélèvement d’un
lambeau musculaire, d’un épanchement de constitution progressive
après l’ablation du drainage aspiratif (entre le 5e et le 8e jour).
Ces séromes s’apparentent à un épanchement de Morel-Lavallée et
répondent à la même étiologie : c’est la persistance d’un écoulement
lymphatique avec retard à l’instauration d’un drainage par les voies
naturelles.
C’est ainsi qu’il convient de toujours vérifier, 2 à 3 jours
après l’ablation des drains de Redon, l’état de la zone de
prélèvement des lambeaux et l’état des plasties de voisinage : un
ballottement liquidien doit faire effectuer une ponction évacuatrice.
Il faut la répéter deux ou trois fois en moyenne jusqu’à assèchement
de l’épanchement qui se tarit généralement en une dizaine de jours.
Il s’agit plus d’une évolution naturelle possible que d’une
complication vraie, surtout si on la dépiste systématiquement.
Elle
n’a pour inconvénient que la nécessité d’une surveillance sur une
quinzaine de jours après l’ablation des drains.
En l’absence de ponction évacuatrice, des épanchements importants
peuvent se constituer et s’évacuer par l’une des cicatrices.
Il n’est
pas exclu qu’une infection survienne alors et ne complique le tableau
avec constitution d’un abcès.
B - NÉCROSE
:
1- Nécrose de bordure
:
La nécrose de bordure des lambeaux cutanés est une complication
qui se situe elle aussi à la limite de l’évolution naturelle.
Quels que
soient la taille du pédicule et le respect du rapport classique largeur
du pédicule inférieure ou égale à 1,5 fois la longueur du lambeau,
on a souvent un aspect bleuâtre de la limite cutanée du lambeau sur
1 à 2 mm.
Ce retour veineux, difficile en superficie, se traduit au
bout de quelques jours par l’apparition d’une croûte noirâtre qui
consacre la nécrose de bordure.
Un retard de cicatrisation de 15 à
21 jours est alors à prévoir, mais il est sans aucune gravité.
Il suffit
d’enlever la croûte quand le sillon d’élimination s’est bien constitué
et de terminer par des soins locaux l’épidermisation correcte de la
plastie.
2- Nécrose partielle
:
La nécrose partielle des lambeaux cutanés n’est pas exceptionnelle
dans la chirurgie des escarres.
Même en l’absence de compression
du lambeau, malgré un drainage adéquat et des constantes
hémodynamiques correctes, on peut observer un infarcissement
progressif d’une partie périphérique du lambeau plutôt qu’une
ischémie.
Le lambeau reste violacé puis devient bleuâtre et
finalement une nécrose en « carte de géographie » plus ou moins
profonde est délimitée 10 à 15 jours après l’acte chirurgical.
Il faut la
traiter comme l’escarre, à savoir exciser la zone nécrotique et tenter
une cicatrisation secondaire.
3- Nécrose subtotale
:
C’est un échec chirurgical qui impose en général une réintervention
avec utilisation d’une autre technique.
L’état précaire du patient et
le grand âge peuvent expliquer ces nécroses plus étendues qu’on
observe beaucoup moins chez les sujets jeunes.
4- Nécrose des transferts musculaires
:
Elle est peu fréquente et n’affecte que la partie supérieure du muscle
grand fessier ou une partie d’un transfert de biceps et semitendineux
à la ceinture pelvienne.
La résection de la nécrose est suivie d’une granulation dirigée et d’une nouvelle greffe si elle est
importante.
La nécrose totale ou subtotale d’un lambeau musculaire
pelvien est le reflet d’un problème vasculaire majeur, en général une
thrombose de la culotte de cheval de très mauvais pronostic.
C - INFECTION
:
Paradoxalement, dans cette chirurgie de plaie « sale », l’infection est
assez rare.
La prévention systématique de l’infection est faite par l’excision du
tissu de granulation de l’escarre avec changement de champs
opératoires et d’instruments avant la plastie, ainsi que par
l’utilisation d’antibiotiques à large spectre pendant 8 à 10 jours
postopératoires.
Un drainage aspiratif au moins double, souvent
triple ou quadruple, est mis en place dans la plupart des plasties.
Dans ces conditions, l’infection postopératoire est tout à fait
exceptionnelle, sauf si l’état général est précaire.
En effet, si l’état nutritionnel du patient est insuffisant, il peut
s’installer un tableau d’infection subaiguë de la zone opérée.
Le
patient présente une température à peine élevée et c’est au bout de
8 à 10 jours que la rougeur et l’induration cutanée de la plaie
opératoire vont attirer l’attention, tandis que biologiquement une
infection torpide se confirme.
Le taux des protides sanguins est
toujours très abaissé.
L’infection se traite classiquement par une mise à plat et
l’instauration d’un drainage par une grande lame de Delbet,
complétées après 48 heures par des rinçages doux au sérum. Un
prélèvement et un antibiogramme sont faits systématiquement lors
de l’évacuation du pus.
Si l’on soupçonne une infection lors de
l’ablation des drains de Redon, il faut envoyer leur extrémité et le
liquide de drainage en culture, afin d’adapter l’antibiothérapie.
On peut être amené, quelques semaines après l’infection, à réintervenir si la zone opératoire ne ferme pas.
Il faudra néanmoins
peser l’intérêt réel d’une nouvelle fermeture, tentative utile
seulement si l’état général du patient est restauré.
Bien entendu, les complications habituelles d’une infection du site
opératoire peuvent être rencontrées : fièvre élevée, bactériémie ou
septicémie.
Néanmoins, l’antibiothérapie à large spectre
postopératoire systématique rend ce tableau aigu exceptionnel.
D - DÉSUNION
:
C’est une réouverture de la plaie opératoire après 15 jours à
3 semaines en l’absence d’une infection subaiguë.
Deux causes
essentielles doivent être recherchées quand une désunion se
produit : un problème général (nutrition) ou un problème local.
Il
peut s’agir d’un sérome qui cherche à s’évacuer.
L’évolution est alors
favorable après tarissement des sécrétions.
Il peut s’agir d’un
manque de vitalité des berges opérées dont l’évolution se fait alors
vers l’échec de la plastie.
Là encore, il convient avant tout de
restaurer l’état général et de n’envisager de réintervention que si
celui-ci est correct.
Enfin, une désunion persistante en l’absence d’hypoprotidémie/
hypoalbuminémie, même si aucune infection ne semble
en cause, doit faire évoquer une infection torpide : ostéoarthrite
coxofémorale, ostéite de l’ischion, ostéite résiduelle (il est
quelquefois très difficile d’en faire le diagnostic) ou une
dévascularisation majeure (thrombose du carrefour aorto-iliaque).
Une réintervention s’impose pour stériliser le foyer et couvrir
l’exérèse osseuse.