Toxines des bactéries pathogènes Cours de Bactériologie
Les bactéries produisent des composants
toxiques.
Il peut s'agir de structures
bactériennes comme le lipo-polysaccharide
de la paroi des bactéries à Gram négatif, ou
endotoxine, qui joue un rôle crucial dans
l’apparition du choc dans les états septiques
à bactéries à Gram négatif.
Beaucoup de
bactéries pathogènes sécrètent des
exotoxines protéiques qui sont classées
selon leur mode d'action (enzymes) et
souvent à l'origine de symptomatologies
particulières.
Certaines exotoxines agissent
à l’extérieur de la cellule en se liant avec
des récepteurs cellulaires ou en induisant
des pores membranaires.
D’autres transloquent pour agir sur des cibles
cytoplasmiques spécifiques.
Toxines agissant sur la membrane
cellulaire ou formant des pores
:
Ces toxines sont
produites par de nombreuses bactéries.
Ce sont des cytotoxines agissant sur la membrane
lipidique et entraînant une lyse cellulaire :
phospholipases (α toxine de C. perfringens,
phopholiases C de P aeruginosa,) ,
sphingomyélinases ( ß toxines S. aureus...),
exotoxines SH-dépendante (streptolysine O-SLO, listé-riolysine O-LLO...), peptides lyti-ques (toxines δ S. aureus...)
Certaines de ces toxines forment des pores
et sont produites par les bactéries sous
forme de monomères hydro-solubles.
Après
reconnaissance d’un récepteur cellulaire,
elles adoptent une organisation oligomérique qui favorise l’insertion dans la
membrane et la formation de pores (toxine-
α du staphylocoque, SLO , hémolysines
RTX de E. coli...).
Ces toxines ont été
décrites d'abord comme des hémolysines,
du fait de leur action sur la paroi des
globules rouges mais cette hémolyse ne
participe pas au processus infectieux.
La
perméabilité cellulaire induit des effets
indépendants de la lyse cellulaire : inhibition
le fonctionnement des phagocytes, flux
sélectif d’ions monovalents K+. activation de
protéases.
Ces toxines sont produites en
général par des bactéries à croissance
extracellulaire, bien que la listériolysine O
de Listeria monocytogenes , un pathogène
intracellulaire, soit impliquée dans
l'échappement du phagosome.
Toxines agissant sur des récepteurs de
la membrane cellulaire :
La toxine ST de E. coli
:
Une entérotoxine thermostable ST (18-20
aminoacides) est produite par certaines
souches entérotoxinogènes de E. coli.
Le
récepteur de la ST est une protéine
transmembranaire du pôle apical des
cellules épithéliales intestinales , possédant
une activité guanylate cyclase qui catalyse
la formation de guanosine monophosphate
cyclique (GMPc).
L’augmentation de la
concentration cytosolique en GMPc induit
une hypersécrétion d’ions Cl par les
entérocytes.
Ce mode d'action de la toxine
ST mime la liaison de deux peptides
endogènes : la guanyline et l’uroguanyline,
deux peptides de moins de 20 aa fortement
homologues avec la ST.
La guanyline et
l’uroguanyline seraient des régulateurs
paracrines de l’équilibre entre l’absorption et
la sécrétion intestinale de l’eau et des ions.
Les toxines activant les lymphocytes T :
les superantigènes.
Une famille d’exotoxines bactériennes
appelées "superantigènes" constitue des
mitogènes puissants des lymphocytes.
Par
leur activité mitogène très puissante, ces superantigènes interviennent dans plusieurs
situations en pathologie humaine.
L’interaction du récepteur des lymphocytes
T avec les molécules du complexe majeur
d’histocompatibilité (CMH) de classe II
présentant les peptides antigéniques est la
première étape de la réponse immunitaire
spécifique.
Les superantigènes s’associent
aux molécules du CMH de classe II sans
subir d’apprêtement sous forme de peptides.
Cette liaison permettrait sa reconnaissance
par l’ensemble des lymphocytes T utilisant,
dans la composition de la chaîne β de son
récepteur pour l’antigène, un même gène Vβ
.
Un superantigène activerait ainsi toute une
famille de lymphocytes T différents utilisant
un gène V β particulier chez un individu.
Les principaux superantigènes bactériens
- les entérotoxines staphylococciques (A, B,
C, D et E) à l’origine d’intoxications
alimentaires à Staphylococcus aureus,
- La toxine du syndrome de choc toxique
(TSST1) produite par les staphylocoques
est responsable de la survenue de chocs
septiques consécutifs à l’utilisation de
tampons hygiéniques.
- Les toxines érythrogènes (exotoxines AB
C ) de Streptococcus pyogenes sont à
l’origine de la scarlatine.
Toxines à mode d'action intra-cellulaire
:
Ces toxines sont des enzymes organisées
en plusieurs domaines : un domaine
catalytique A qui porte l’activité toxique et un
ou plusieurs domaines B assurant la
reconnaissance cellulaire et permettant la
translocation transmembranaire du
fragment A.
Ceci permet l'attachement, la
translocation et la reconnaissance de la
cible intracellulaire.
La diphtérie est
une toxi-infection associant une angine
pseudo-membraneuse sévère à des signes
d’intoxication.
Cette angine peut évoluer
vers le croup par extension des fausses
membranes au larynx..
Les signes
d'intoxication dus à la toxine pantrope sont
cardiaques, neurologiques, digestifs, rénaux
et hémorragiques.
La toxine produite par Corynebacterium
diphteriae, le germe responsable de la
diphtérie, est codée par un phage.
Cette
toxine est synthétisée sous forme d’un
peptide précurseur de 53 kDa activé par
clivage en deux sous-unités A et B
associées par un pont disulfure.
La sous-unité B permet la liaison à la cellule avec un
récepteur membranaire : le précur-seur de
l’heparin-binding epidermal growth factor, ou
HB-EGF.
La toxine est ensuite internalisée
par endocytose.
La baisse progressive du
pH des endosomes change sa
conformation, ce qui permet à la sous-unité
catalytique A de transloquer vers le cytosol.
La toxine diphtérique est une ADP ribosyl
transférase active sur la diphtamine du
facteur EF2 (liant le guanosine triphosphate,
ou GTP), un des facteurs d’élongation de la
synthèse protéique dans les cellules
eucaryotes.
L’inhibition de la synthèse
protéique est à l’origine de la mort de la
cellule.
L’exotoxine A de Pseudomonas
aeruginosa présente la même activité ADP
ribosyl transférase dirigée contre le facteur
EF2.
Son rôle dans la pathogénie de
l’infection reste inconnu.
(NAD+) + EF2 ->
ADPR-EF2 + Nicotinamide + (H+)
La toxine du choléra
:
Le choléra est une maladie diarrhéique
grave évoluant par épidémies et due à un
bacille Gram négatif en virgule Vibrio
cholerae.
Le syndrome diarrhéique est lié à
la sécrétion de la toxine cholérique.
Les
bactéries adhérent aux entérocytes et
sécrètent localement la toxine cholérique.
Ses gènes sont portés par le phage ctx.
Elle est constituée de 2 sous-unités A et B
codées par deux gènes distincts (ctxA et
ctxB).
La toxine cholérique est composée
d’une sous-unité A de 27 kDa qui s’associe
à un pentamère de sous-unités B de 11,7
kDa
Le fragment A est clivé en deux fragments
A1 et A2 reliés par un pont disulfure.
Les sous-unités B reconnaissent le ganglioside
GM1, un glycolipide ubiquitaire de la surface
des cellules cibles.
Une fois transloquée, la
sous-unité A1 est capable d’ADP ribosyler la
sous-unité de la protéine Gs (Arg 201),
qui réduisant l’activité GTPasique
intrinsèque de la protéine et induit
l’activation constitutive de l’adénylate
cyclase et la production d’AMPc dans
l’entérocyte.
Il en résulte une hypersécrétion
d’eau et d’ions chlorures par l’épithélium
intestinal.
La toxine de la coqueluche
:
La toxine pertussique appartient à la famille
des toxines AB5.
C'est une ADP ribosylase
ayant pour cible la sous-unité... de la
protéine Gi .
L’ADP ribosylation de la
Cys352 bloque l’interaction de Gi avec son
récepteur.
Autres toxines ADP ribosylantes
:
Deux toxines, C2 et C3, produites par
Clostridium botulinum sont des ADP ribosyl
transférases dirigées respectivement contre
l’actine (ADP ribosylation des isoformes non
musculaires d’actine), et les petites
protéines G de la famille de Rho (
remaniement profond du cytosquelette
d’actine). P. aeruginosa produit aussi l’exoenzyme
S (ExoS), une ADP ribosylase
sécrétée au contact de la cellule eucaryote
grâce à une sécrétion de type III, qui
favoriserait l’invasion
Toxines à activité ARN glyco-sidase
:
La shiga toxine et les toxines shiga-like (
vérotoxines) sont des facteurs de virulence
respectifs des shigelles et des E. coli
entéro-hémorragiques, les EHEC O157:H7
responsables de la colite hémorragique et
du syndrome hémolytique et urémique.
Ces
toxines sont des ARN glycosidases clivant
la liaison N-glycosidique de l’adénosine en
position 4324 de l’ARN ribosomal 28S, d'où
une inactivation du ribosome et un arrêt de
la synthèse protéique.
Toxines à activité glucosyl transférase
:
Les souches de Clostridium difficile, qui sont
à l’origine des colites pseudomembraneuses,
produisent deux toxines,
constituées chacune d’une chaîne
peptidique, de 308 et 270 kDa.
Elles
induisent la désagrégation du réseau de microfilaments d’actine des cellules
épithéliales.
Dans l’entérocyte, un anneau
de filaments d’actine présent au pôle apical
contrôle l’ouverture et, donc, la perméabilité
des jonctions serrées (les tight junctions) qui
existent entre les cellules épithéliales
intestinales.
Les toxines A et B de C. difficile
sont à l’origine d’un état d’hyperperméabilité paracellulaire.
Ces toxines inactivent les
petites protéines G de la famille de Rho
(Rho, Rac et Cdc42) par glucosylation.
Dans l’intestin, l’inactivation de Rho produit
l’ouverture de la voie paracellulaire , ce qui
est à l'origine de la diarrhée de C. difficile et
de l’exsudat inflammatoire à l’origine des
membranes.
Métalloprotéases à Zn2+
Le tétanos et le botulisme sont des
pathologies paralysantes causées par des
neurotoxines produites par des bactéries
anaérobies du genre Clostridium.
La
symptomatologie est due à des
neurotoxines qui protéolydsent les protéines
fusogènes des vésicules synaptiques
portant les neurotransmitteurs.
La toxine du tétanos
:
La toxine tétanique est produite par Clostridium tetani.
La bactérie pénètre par
une plaie cutanée et libère la toxine
tétanique.
Celle-ci reconnaît les gangiosides
GT1 GD1b des fibres présynaptiques des
terminaisons nerveuses périphériques.
Ces
fibres opèrent un transport axonal
rétrograde de la toxine, ce qui a pour effet
de l’amener dans le système nerveux
central.
La toxine tétanique bloque la
libération de neurotransmetteurs inhibiteurs
(GABAergiques et glycinergiques) en
inhibant la fusion des vésicules portant
l'acétylcholine, provoquant l’apparition de
spasmes.
La toxine tétanique est une métalloprotéase Zn2+dépendante, clivant la
synapto-brévine, une protéine de la
membrane des vésicules de
neurotransmetteurs.
La toxine du botulisme
:
Le botulisme est dû à une inhibition du
fonctionnement des fibres nerveuses
périphériques cholinergiques innervant les
muscles squelettiques.
Il en résulte un
tableau de paralysie flasque. L’entrée de la
toxine se fait par voie digestive après
absorption de conserves alimentaires.
Les
toxines botuliques produites par divers sérotypes A, B, C, D, F et G de C botulinum
possèdent un mode d’action voisin de celui
de la toxine tétanique.
Les toxines se fixent
sur les gangliosides GD1b des neurones
moteurs des muscles striés, des neurones
sympathiques et parasympathiques.
Ces
protéines de fusion impliquées dans
l’exocytose sont des cibles des toxines
botuliques ( protéolyse de la
synaptobrévine, syntaxine, ou SNAP-25):
1) la synapto-brévine de la membrane des
vésicules des neurotransmetteurs est la
cible des toxines B, D, F et G :
2) Les
toxines A, B et C clivent la SNAP-25 et la syntaxine, qui sont présentes sur la
membrane plasmique présynaptique.
Ces
protéines inhibent la fusion des vésicules
(acétylcholine) qui jouent un rôle important
dans la neurosécrétion et le trafic des
vésicules dans les cellules .
Toxines à activité adénylate cyclase
:
Les toxines du charbon et de la
coqueluche
:
Le charbon est une maladie septicémique
due à Bacillus anthracis.
Cette bactérie
colonise les plaies et produit séparément
des peptides toxiques qui portent l’activité
catalytique et reconnaissent des récepteurs
exposés sur la membrane cytoplasmique
des cellules eucaryotes.
L’antigène
protecteur PA forme un heptamère capable
de transloquer les activités enzymatiques
de EF et LF.
Le facteur oedémateux
(oedema factor) est une adénylate cyclase
dépendante de la calmoduline , et le facteur
létal (lethal factor).
Bordetella pertussis sécrète aussi une
adénylate cyclase de même type.
En
augmentant la concentration en AMPc du
cytosol des cellules, cette toxine inhibe la
phagocytose et la production de radicaux
libres par les macrophages.
Toxines à activité déamidase
:
Le facteur cytotoxique nécrosant (CNF) est
une toxine sécrétée par certaines souches
de E. coli uropathogènes et
entéropathogènes.
Le CNF provoque une
augmentation du nombre des fibres de
tension.
La toxine active la protéine G Rho
par activité déamidase sur le résidu Glu 63.
Rho perd son activité GTPasique.
La toxine dermonécrotique de B. pertussis présente la
même activité déamidase dirigée sur Rho .
Conclusion
:
La connaissance actuelle du mode d’action
d’un grand nombre de toxines microbiennes
a permis de constater que les protéines G
sont fréquemment la cible de toxines
microbiennes.
Pour détourner les voies de
transduction cellulaire, l’évolution
bactérienne a privilégié un mode d’action
sur les protéines G plutôt que sur les
kinases ou sur d’autres enzymes.
L’intérêt
de l’étude des toxines ne se limite pas à
l'explication des pathologies.
Ce sont des
outils de biologie cellulaire et des thérapies
contre diverses maladies ( vaccins, immnunotoxines).