Toxicomanie aux stupéfiants
Cours de Médecine Légal
e
Épidémiologie
:
A - Mode d’utilisation
:
Le terme de toxicomanie est actuellement considéré comme
trop vague.
On distingue : l’usage, consommation du produit
régulière ou occasionnelle ; l’abus, consommation du
produit conduisant à des effets indésirables ; la dépendance :
consommation régulière du produit en dépit de conséquences
dommageables.
Cette dépendance peut être physique
: dans ce cas, l'arrêt de consommation entraîne un
syndrome de sevrage, ou psychologique : le sujet ne parvient
pas à arrêter sa consommation même lorsqu’il le
désire.
La tolérance est le fait de devoir augmenter les doses
consommées pour maintenir l’effet initial.
On désigne parfois
sous le nom de craving un besoin impérieux du produit
ressenti par le sujet en période de sevrage.
B - Conséquences des consommations :
Morphine et héroïne sont fréquemment responsables de
surdoses ou overdoses mortelles.
En outre, l’usage de la
voie intraveineuse conduit à la transmission de maladies
infectieuses : sida, hépatites B et C, septicémies et endocardites,
abcès…
En 1995, environ 1 000 décès ont été liés au sida et environ
500 aux surdoses.
Toutefois, les conséquences de la
consommation d’héroïne vont bien au-delà de ces maladies
: délinquance, exclusion sociale, violence…
Les conséquences de la consommation des autres produits
restent difficiles à apprécier.
La cocaïne et les amphétamines
entraînent une dépendance psychique importante.
Les complications somatiques sont essentiellement le fait
des surdoses.
C - Prévalence des consommations
:
La consommation d’héroïne occasionnelle ou régulière toucherait
environ 150 000 personnes parmi lesquelles 5 000
sont actuellement traitées par la méthadone. Un usage occasionnel
de drogue, essentiellement de cannabis, serait le
fait d’environ 7 millions de personnes en France.
Modalités de prise en charge
:
A - Souhait d’arrêt de la consommation
de drogue :
Ce sont essentiellement les sevrages d’héroïne et, à un
moindre degré, de codéine et parfois de buprénorphine ou
de méthadone qui nécessitent un traitement spécifique.
Cependant, ce traitement ne saurait se concevoir sans une
psychothérapie de soutien ce qui implique un suivi effectué
par une équipe spécialisée.
Lorsqu’il existe une dépendance à l’héroïne, le sevrage
nécessite, en outre, un traitement médicamenteux spécifique
poursuivi pendant 4 à 7 jours, plus long, s’il s’agit
d’un sevrage en méthadone dont la cinétique est lente. Ce
traitement associe de manière variable, en fonction des
symptômes de manque des patients ;
• de la clonidine (Catapressan) ou de la guanfacine (Estulic)
qui antagonisent sélectivement les symptômes organiques
de sevrage.
En raison des risques de bradycardie et
d’hypotension, ce traitement ne doit être administré qu’en milieu hospitalier, pendant une courte période, lorsque des
symptômes de sevrage ont été dûment constatés.
La valeur
de la tension artérielle constitue un bon guide.
Les effets
indésirables de ces molécules (somnolence, asthénie, lypothymies)
ne doivent pas être attribués au sevrage ;
• un sédatif qui peut être une benzodiazépine : mais on
connaît aussi le risque de dépendance à ces molécules pour
les toxicomanes.
Aussi, cette indication concerne-t-elle
essentiellement les patients qui ont, ce qui est fréquent, une
co-dépendance aux benzodiazépines et qu’il importe de ne
pas sevrer simultanément.
Dans le cas contraire, il vaut
mieux recourir à d’autres produits : hydroxyzine (Atarax),
alimémazine (Théralène), cymémazine (Tercian)…
• un antalgique : toutefois le dextropropoxyphène (Antalvic)
a des effets opiacés et les antalgiques mineurs sont peu
efficaces.
L’arrêt de la cocaïne et des amphétamines pose d’autres
problèmes.
Le syndrome de sevrage conduit parfois à la
prescription d’antidépresseurs bien que l’indication de ces
produits n’ait pas réellement été validée.
B - Souhait de remplacer l’héroïne
par un traitement de substitution
:
Ici aussi, un tel traitement ne saurait se concevoir en dehors
d’une psychothérapie de soutien et une prise en compte des
problèmes médico-sociaux des patients.
Celles-ci sont
assurées par un centre spécialisé ou par un réseau villehôpital
de médecins et de pharmaciens spécialement formés.
1- Méthadone :
La méthadone est un opiacé à cinétique lente. Une prise
unique peut être prescrite pour une durée de 24 h.
La méthadone
expose aux surdoses si elle est prescrite à un sujet non
dépendant.
Aussi est-il nécessaire de débuter, en cas de
doute, par des posologies faibles de 20 à 40 mg/j augmentées
progressivement jusqu’à ce qu’un équilibre soit atteint,
généralement entre 60 et 100 mg/j.
Le traitement est obligatoirement débuté dans un centre
agréé. Initialement, la règle est de délivrer quotidiennement
la méthadone pour une prise immédiate.
Ultérieurement,
le relais peut être pris par le médecin traitant et la
délivrance effectuée de manière hebdomadaire.
Le suivi
comporte, au moins dans la période initiale, la recherche
régulière de produits psychotropes dans les urines.
En dehors du risque initial de surdose, la méthadone est
bien tolérée.
Il existe cependant des interactions en cas d’association
avec des inhibiteurs du cytochrome P450, tel que
l’indinavir, qui augmente ses effets ou des inducteurs enzymatiques,
la rifampicine, qui les diminue.
2- Buprénorphine :
La buprénorphine fortement dosée (Subutex) est prescrite,
sur carnet à souche pour une durée maximale de 28 jours,
éventuellement avec délivrance fractionnée, par tout médecin.
Le risque de surdose moins important qu’avec la
méthadone existe cependant et la posologie initiale doit
donc être prudente : 0,8 à 4 mg/j augmentée progressivement jusqu’à 8 à 16 mg/j.
La buprénorphine entraîne une
dépendance moins forte que celle de la méthadone.
Antagoniste
partiel de la morphine, elle provoque des syndromes
de sevrage si elle est prescrite en relais d’un opiacé avec
un délai de latence trop bref.
3- Sulfate de morphine :
L’usage du sulfate de morphine (Skénan, Moscontin) de
même que celui des opiacés de synthèse ne bénéficie pas
d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en tant
que traitement de substitution et leur prescription peut être
opposable par la Sécurité sociale et mettre en cause la responsabilité
du médecin en cas d’accident.
On qualifie de prise en charge « à bas seuil d’exigence » la
distribution de produits de substitution sans demander à
l’usager l’arrêt de sa consommation d’opiacés, mais avec
comme objectif d’obtenir une réduction des risques infectieux
(sida, hépatites…) par une meilleure hygiène de vie.
C - Sujet dépendant de l’héroïne soigné pour
une raison intercurrente
:
Si la pathologie intercurrente est grave, il semble judicieux
d’éviter, de surcroît, l’apparition d’un syndrome de sevrage.
En outre, l’usage de produits hypotenseurs et de sédatifs,
utilisés dans le sevrage opiacé, s’avère souvent peu souhaitable
dans ce contexte.
Bien que l’attitude à adopter soit
controversée, il semble logique d’entreprendre, pendant la
phase aiguë de la maladie, une thérapeutique de substitution,
par exemple par la buprén orphine.
Cependant, il faut
auparavant s’assurer de la réalité de la dépendance opiacée
ce qui peut s’avérer en pratique difficile, les patients
ayant généralement tendance à majorer leur consommation.
Par la suite, ce traitement sera progressivement diminué
pendant la période de convalescence et, après guérison,
le patient sera adressé à un médecin ou à un centre de
traitement spécialisé.
Surdoses (ou overdoses
ou intoxications aiguës) :
A - Opiacés
:
Les accidents de surdoses surviennent dans des circonstances
particulières :
• un toxicomane qui a arrêté sa consommation pendant
un intervalle de quelques semaines, mois ou années
« rechute ».
Lorsqu’il reprend sa consommation d’emblée
aux doses auxquelles il était habitué précédemment alors
qu’un état de tolérance au produit s’était installé, il risque,
du fait de la disparition de cette tolérance, un accident aigu.
Une situation analogue est celle des sujets qui, réclamant
une substitution, font état d’une consommation bien plus
élevée qu’en réalité ;
• les lots d’héroïne vendus clandestinement sont très généralement
« coupés » par des produits adultérants (talc, quinine,
strychnine…) qui peuvent d’ailleurs surajouter leur
propre toxicité aux effets de l’héroïne. Ainsi, l’usager
ignore la quantité réelle d’héroïne qu’il va s’injecter.
L’utilisation d’un produit moins frelaté que les autres peut ainsi
conduire à une intoxication aiguë ;
• une situation particulière est représentée par les passeurs
de drogue ou body packers qui ingèrent des boulettes d’héroïne.
La rupture accidentelle, in vivo, d’une boulette peut
conduire à une surdose.
1- Signes cliniques :
La surdose en opiacés se caractérise par un coma.
Celui-ci
n’est pas profond, le malade étant, souvent, susceptible
d’être réveillé.
Par contre, il existe une dépression respiratoire
majeure avec bradypnée qui peut être extrême et confiner
à l’apnée.
À l’inverse, une polypnée est possible et
témoigne d’une intoxication grave.
L’auscultation est généralement
normale ou ne retrouve que quelques râles bronchiques
disséminés.
Le myosis extrêmement serré, la présence de trace de
piqûres aux bras sont des arguments importants pour évoquer
la surdose.
Cependant, ces éléments peuvent manquer,
notamment les traces de piqûres lorsque la surdose est le
fait d’une reprise récente de la consommation ou d’un usage
par inhalation lequel, quoique plus rarement en cause que
la voie intraveineuse est cependant possible.
2- Complications :
• L’arrêt cardiaque succède rapidement à l’apnée et constitue
la cause habituelle de décès de ces patients.
• L’oedème aigu pulmonaire peut constituer une complication,
survenant parfois à distance chez un sujet conscient.
Il est habituellement observé lors de l’autopsie des toxicomanes
décédés de surdose.
• Les pneumopathies d’inhalation constituent également
une complication secondaire observée dans les jours qui
suivent l’accident.
• Le Néocodion peut entraîner des convulsions liées au
camphosulfonate qui entre dans sa formulation.
3- Traitement :
Dans les formes graves et a fortiori en cas de risque d’arrêt
cardiaque imminent (bradycardie, apnée), si on dispose
de matériel de réanimation, il faut recourir à la ventilation
assistée.
Sinon l’injection intraveineuse, de naloxone (Narcan,
Nalone), antidote spécifique des opiacés, permet d’obtenir
dans un délai de quelques dizaines de secondes une
régression spectaculaire des troubles.
Cependant, la durée
d’action de la naloxone est brève, environ 20 min, au-delà
desquelles une rechute du coma et de l’apnée est possible.
Le malade doit donc être maintenu sous surveillance, transféré
en milieu spécialisé et, éventuellement, l’emploi de la naloxone répété, ce qui peut être difficile chez un patient
pas toujours coopératif, dont le réveil est souvent brutal et
chez lequel la naloxone précipite un état de manque.
Il faut, par ailleurs, souligner que la naloxone n’est pas un
traitement de l’oedème aigu pulmonaire.
B - Cocaïne et amphétamines
:
Les intoxications aiguës par la cocaïne et les amphétamines
se caractérisent par des états d’agitation aiguë accompagnés d’hyperthermie avec rhabdomyolyses et parfois
convulsions.
Des oedèmes pulmonaires ainsi que des accidents cardiovasculaires
ont également été rapportés lors d’intoxications
par la cocaïne : infarctus sur coronaires saines, accidents
vasculaires cérébraux et morts subites, particulières par le
jeune âge du sujet.
Manifestations cliniques du syndrome
de sevrage (ou état de manque) :
A - Opiacés
:
L’état de manque est souvent allégué par les usagers de
drogue et de fait, il est fréquent que ceux-ci ne puissent
s’approvisionner que de façon ininterrompue.
Toutefois,
les syndromes de sevrage graves sont rares.
L’interruption
d’un traitement de substitution ou d’opiacés de la pharmacopée
entraîne, par contre, des syndromes de sevrage
souvent plus graves que ceux observés chez les consommateurs
d’héroïne.
Dans les heures qui suivent la dernière prise apparaissent des
troubles évoquant un syndrome grippal : douleurs lombaires
et musculaires, impression de froid, fièvre, nausées, diarrhée,
le patient est anxieux et insomniaque.
Un certain
nombre de symptômes sont plus spécifiques et attestent de
la réalité d’un état de manque sévère : mydriase, bâillements, rhinorrhée, sueurs, larmoiement.
L’hypertension artérielle,
la polypnée et les tremblements sont également des signes
de gravité qui impliquent un traitement d’urgence.
Celui-ci
doit se faire dans le cadre d’une prise en charge structurée
et non par la seule administration d’opiacés dont le prescripteur
devrait, ensuite, assurer la continuité.
B - Cocaïne et amphétamines
:
Le sevrage se caractérise essentiellement par un besoin
intense du produit accompagné d’un état dépressif.
Les troubles somatiques sont, par contre, absents ou
minimes.