Thrombose veineuse : diagnostic et traitement Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
La maladie veineuse thromboembolique est
une maladie qui reste fréquente et grave.
L’incidence du premier épisode de
thrombose veineuse profonde (TVP) est
d’environ 2-4/ 1 000 habitants/an aux États-Unis, mais elle est difficilement estimable
compte tenu du nombre d’épisodes
thrombotiques passés inaperçus, le
diagnostic clinique manquant souvent de
sensibilité et de spécificité.
Sa gravité est liée à la survenue d’une
embolie pulmonaire (EP), principale complication en phase aiguë de la TVP
responsable de 5 000 à 10 000 décès par an
aux États-Unis.
En dehors de cette
complication aiguë, le pronostic à moyen et
long terme de la TVP est également
étroitement lié au risque de récidive et à la
survenue d’un syndrome post-thrombotique
qui représente un coût élevé de santé
publique.
La prévention d’une EP ou d’une récidive
est la principale justification d’un diagnostic
et d’un traitement adapté.
Le diagnostic
clinique repose sur un interrogatoire et un
examen clinique soigneux et la reconnaissance
de situations à risque.
Ce diagnostic
clinique doit ensuite être confirmé par des
examens paracliniques dont essentiellement
l’échodoppler.
Le traitement anticoagulant initial (héparine
non fractionnée ou héparine de bas poids
moléculaire) doit être poursuivi par un
anticoagulant oral débuté en même temps.
La durée du traitement anticoagulant n’est
pas encore résolue, mais peut être guidée
par la présence de facteurs de risque
persistants ou réversibles, ou la notion
d’épisodes thrombotiques récidivants.
Il ne
faut pas oublier les traitements non
médicamenteux, notamment la contention
élastique qui permet de diminuer de moitié
la survenue du syndrome post-thrombotique.
Le bilan étiologique ne doit pas être négligé
tout en évitant les excès.
Il doit être complet,
à la recherche d’une thrombophilie ou d’un
cancer en cas d’antécédents personnels ou
familiaux de thrombose ou en cas de
récidive précoce après l’arrêt du traitement,
voire, afortiori, sous traitement
anticoagulant bien conduit.
Diagnostic positif
:
A - SIGNES CLINIQUES LOCAUX
:
Même si le diagnostic de TVP ne peut être
porté sur le seul examen clinique, il reste capital dans la démarche diagnostique car il
permet d’établir un diagnostic de
présomption qu’il faudra ensuite confirmer
par des examens paracliniques.
Il est important d’intégrer ces signes dans le
contexte clinique, car ils n’ont pas la même
signification suivant qu’ils surviennent chez
un patient sans terrain à risque ou un
patient à risque tel que : le patient cancéreux,
le patient paralysé ou porteur d’une
immobilisation plâtrée, le patient alité, le
patient aux antécédents thromboemboliques,
ou le patient revenant d’un voyage
prolongé.
Chacun de ces signes cliniques peut être
isolé, mais associés, leur valeur diagnostique
est majorée.
L’absence d’un diagnostic de
rechange est également un élément
important en faveur du diagnostic de TVP.
DOULEUR SPONTANÉE
Elle représente souvent le premier signe
d’appel. Elle n’a pas de caractère spécifique
et son intensité est variable.
Elle peut aller
d’une simple sensation de pesanteur à une
véritable impotence fonctionnelle.
Elle est
plus évocatrice lorsqu’elle siège sur un trajet
veineux ou au niveau du mollet, mais elle
peut se situer également au niveau de l’aine
ou de la cuisse.
B -
EXAMEN CLINIQUE :
1- OEdème
:
Son siège est dépendant de celui de la
thrombose.
Il est dur et ne « prend pas le
godet ».
Son importance est appréciée par la
mesure comparative des deux membres.
Cette mesure sert de référence pour le suivi
évolutif.
2- Douleur provoquée
:
Il s’agit du classique signe de Homans qui
correspond à une douleur apparaissant à la
dorsiflexion du pied.
Le patient est examiné
en décubitus dorsal, les jambes fléchies à 90°.
La douleur peut également être provoquée
par la compression du mollet dans le sens
antéropostérieur.
Parfois, la palpation permet de retrouver un
cordon veineux induré et douloureux.
3- Augmentation de la chaleur
cutanée
:
Elle s’apprécie avec le dos de la main.
Son
caractère localisé est très évocateur d’une
thrombose veineuse.
4- Dilatation des veines
superficielles et cyanose :
L’hypertension veineuse superficielle
secondaire à l’obstruction du réseau veineux
profond par la thrombose est responsable
d’une dilatation du réseau veineux
superficiel.
Elle peut toutefois être difficile
d’interprétation chez les patients présentant
une insuffisance veineuse avec varices.
La cyanose peut apparaître en position
déclive en raison de la stase veineuse.
C
- SIGNES CLINIQUES GÉNÉRAUX
:
Une hyperthermie aux environs de 38 °C,
une sensation d’angoisse, une accélération
du rythme cardiaque (pouls grimpant de
Mahler) sont fréquemment observées.
D - FORMES CLINIQUES
:
1- Thromboses veineuses
des membres inférieurs
:
Toute jambe douloureuse peut être une TVP.
La douleur spontanée ou provoquée par la
palpation peut être d’intensité variable.
Il
faut rechercher les autres signes cliniques
qui sont parfois absents (oedème,
augmentation de la température cutanée,
dilatation veineuse superficielle...).
L’examen
doit être comparatif, ces signes étant
fortement évocateurs quand ils sont
asymétriques. Le contexte clinique de
survenue de ces symptômes est important.
2- Thromboses veineuses
des membres supérieurs :
Elles n’ont rien de spécifique, mais on
retrouve fréquemment une thrombose
veineuse superficielle ou une lymphangite,
notamment à proximité d’un abord veineux.
Les circonstances d’apparition de cette
thrombose veineuse sont souvent évocatrices
(pose d’un cathéter ou d’une chambre
implantable, voire d’un pacemaker).
L’oedème
de l’avant-bras ou du bras est associé à une
douleur à type de pesanteur ou névralgie.
Une circulation collatérale peut se
développer rapidement et un syndrome cave
supérieur peut apparaître en cas d’extension
à la veine cave supérieure.
Si aucune voie
d’abord n’a été réalisée, il faut alors
rechercher une pathologie médiastinale
souvent tumorale ou un syndrome du défilé
thoracique.
3- Thromboses pelviennes
:
Elles surviennent dans un contexte
particulier de chirurgie pelvienne, de
grossesse ou de post-partum.
Chez la
femme, il s’agit de thrombose des veines
ovariennes détectable par certains examens paracliniques tels que le scanner ou
l’imagerie par résonance magnétique (IRM).
Le tableau clinique est représenté par des
douleurs abdominales, des troubles urinaires
ou digestifs.
Parfois, la seule manifestation
clinique est celle d’une migration embolique
pulmonaire.
4- Phlébite bleue
:
Il s’agit d’une urgence thérapeutique, car au
tableau de TVP se surajoute celui d’une
ischémie aiguë du membre inférieur atteint.
Elle associe une douleur intense localisée ou
diffuse, un oedème, une cyanose, une
ischémie avec pied froid, abolition du pouls
et déficit sensitivomoteur.
Elle est souvent
confondue avec une occlusion artérielle
aiguë.
E - EXAMENS PARACLINIQUES
:
Si la clinique permet d’orienter le diagnostic,
les examens paracliniques restent cependant
indispensables pour confirmer le diagnostic.
Suivant l’importance de la probabilité
clinique, on débute ou non un traitement
anticoagulant en attendant cette
confirmation paraclinique.
1- Échodoppler veineux
:
Cet examen s’est largement développé au
cours de ces dernières années en raison de
son caractère non invasif et de sa bonne
accessibilité pour la plupart des praticiens.
Il associe la technique du doppler complétée
par l'exploration échographique
bidimensionnelle.
Le doppler couleur peut
faciliter l’examen dans des zones
anatomiquement difficiles.
Il fournit des informations morphologiques,
les critères diagnostiques étant
l’incompressibilité veineuse à l’appui de la
sonde ou la visualisation d’une zone échogène endoveineuse représentant un
thrombus.
En prenant la phlébographie comme « étalon
or », cette technique a une très bonne
sensibilité (97 %) et une très bonne spécificité
(97 %) pour la détection des thromboses
veineuses proximales (veine poplitée et
veine fémorale).
La sensibilité serait en
revanche moins bonne (# 50 %) pour la
détection des thromboses surales, mais ceci
dépend de la technique utilisée.
La
technique habituellement utilisée en France
permet d’améliorer grandement cette
sensibilité pour les thromboses surales.
Certains auteurs proposent la
réalisation d’un doppler de contrôle à 1
semaine en cas de forte suspicion clinique et
de négativité de l’examen, afin de détecter
l’extension proximale d’une éventuelle
thrombose surale passée inaperçue.
Même si cet examen comporte certaines
limites liées à l’expérience de l’opérateur, et
parfois aux mauvaises conditions d’examen
ou d’échogénicité chez certains patients, il a
totalement supplanté la phlébographie
comme examen de première intention pour
le diagnostic de TVP.
2- Phlébographie
:
Elle est encore considérée comme l’examen
de référence pour le diagnostic des TVP,
mais son caractère invasif la place en
deuxième intention dans la stratégie
diagnostique en cas d’échodoppler veineux
non informatif, ce qui n’arrive actuellement
que dans moins de 5 % des cas.
Cette technique nécessite l’injection de
produit de contraste iodé au niveau de la
veine dorsale du pied.
Les critères
directs de positivité de l’examen sont la
visualisation d’une lacune radioclaire ou
d’une cupule ; les critères indirects étant
l’absence de segment veineux principal et la
présence d’une circulation veineuse
collatérale
Malgré sa supériorité
diagnostique, cette technique présente
cependant certaines limites.
En raison de
la dilution du produit de contraste, les
veines iliaques et pelviennes sont mal
visualisées, et contrairement à l’échodoppler, les veines musculaires (notamment
soléaires) et la veine fémorale profonde ne sont pas explorées.
La qualité
et l’interprétation de l’examen sont également opérateur
dépendantes.
Enfin, pour
des raisons inhérentes au patient, la réalisation de cet examen
est parfois impossible (insuffisance rénale, infections locales
ou absence de voie d’abord veineuse).
3- D-dimères
:
Les D-dimères (DD) sont des produits issus
de la dégradation de la fibrine.
Il existe
différentes méthodes de dosage des DD.
La méthode de référence utilise la technique enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa).
Avec cette technique, un dosage négatif
(inférieur à 500 μg/L) permet d’exclure le
diagnostic de TVP avec une valeur
prédictive négative proche de 95 %.
En
revanche, un dosage positif ne permet en
aucun cas d’affirmer l’existence d’une TVP.
Deux kits de dosage utilisant des techniques
différentes sont actuellement disponibles en
urgence et ont montré des performances
identiques à la technique Elisa
conventionnelle.
L’une utilise la technique
Elisa et est réalisée de façon automatisée sur
plasma, l’autre utilise une technique
d’agglutination et est réalisée sur sang
total.
Un test Elisa négatif associé à un examen échodoppler négatif permettrait d’éviter le
recours à la réalisation d’un deuxième
examen au septième jour.
Diagnostics différentiels
:
Il faut rechercher toutes les affections
pouvant avoir une symptomatologie faisant
évoquer une phlébite. Une jambe
douloureuse peut évoquer un problème
musculaire (hématome, déchirure
musculaire), une tendinite, ou des douleurs
neurologiques (sciatique tronquée).
Une poussée d’insuffisance veineuse
chronique, un lymphoedème, une
compression extrinsèque peuvent être
responsables d’un oedème.
Un lymphoedème
ou un érysipèle peuvent évoquer un
syndrome inflammatoire local sans TVP.
L’élimination de ces différents diagnostics
accroît la valeur diagnostique des signes
cliniques observés.
Diagnostic évolutif
:
A - EMBOLIE PULMONAIRE
:
Il existe un lien étroit entre TVP et EP et on
peut affirmer qu’il s’agit d’une seule et
même maladie.
Chez les patients ayant une
EP, il existe une thrombose veineuse des
membres inférieurs chez 70 à 90 % d’entre
eux.
Le risque embolique est différent
selon la localisation de la thrombose.
En cas
de TVP proximale, le risque embolique est
d’environ 50 %, alors qu’en cas de TVP
distale, le risque embolique est d’environ
10 %.
L’EP seule constitue un facteur
pronostique péjoratif en cas d’épisode
thromboembolique. L’existence d’une EP
associée ou non à une TVP signe une forme
clinique plus grave que la TVP seule.
Il a été
en effet prouvé que le risque de faire une EP
mortelle sous traitement est trois fois plus
important en cas d’EP initiale qu’en cas de TVP sans EP.
Des études, impliquant la réalisation d’une
scintigraphie pulmonaire systématique,
réalisées chez des patients porteurs d’une TVP proximale ont montré qu’il existait un
pourcentage important (environ 50 %) d’EP
dont la moitié sont asymptomatiques.
– Un dépistage systématique, même en
l’absence de signe clinique d’EP par une
scintigraphie pourrait donc être justifié en
cas de thrombose veineuse proximale.
La
mise en évidence d’une embolie scintigraphique, si elle ne modifie pas
l’attitude thérapeutique, peut en effet servir
d’examen de référence en cas de suspicion
de récidive embolique sous traitement
anticoagulant et permettre ainsi d’exclure
bon nombre de fausses récidives.
Cette
attitude pose cependant un problème en
termes de santé publique du fait du coût
qu’elle induit.
– L’angioscanner thoracique spiralé a pris une
place importante ces dernières années dans
le diagnostic de l’EP.
Son accès relativement
facile et son caractère faiblement invasif font
qu’il est souvent utilisé en routine dans de
nombreux centres, la scintigraphie
pulmonaire n’étant pas toujours disponible
en urgence.
Pour apprécier la valeur diagnostique de
l’angioscanner spiralé, plusieurs études ont
été menées en comparaison avec
l’angiographie pulmonaire montrant une
bonne sensibilité et spécificité (respectivement
86 à 95 % et 92 à 97 %) dans le
diagnostic des EP proximales.
Le diagnostic repose alors sur la mise en
évidence directe du thrombus sous la forme
d’un defect intraluminal total ou partiel, ou l a mise en évidence de l'atteinte
parenchymateuse en aval.
L’angioscanner
permet également de participer à l’enquête
étiologique à la recherche d’un diagnostic
différentiel.
Sa sensibilité et sa spécificité
sont en revanche trop faibles pour éliminer
le diagnostic d’EP périphérique (soussegmentaire)
en cas d’examen normal,
faisant alors courir un risque potentiel de
récidive embolique aux patients.
Les limites de cet examen sont représentées,
en outre, par :
– des difficultés techniques, en rapport avec
la qualité du remplissage vasculaire,
nécessitant un opérateur expérimenté ;
– les artefacts liés aux mouvements
respiratoires ;
– l’impossibilité pour le patient de maintenir
une apnée satisfaisante.
Afin d'établir la place exacte de
l’angioscanner dans la stratégie diagnostique
de l’EP, une grande étude multicentrique
française est en cours de réalisation.
B - RÉCIDIVES
:
La maladie veineuse est une maladie
chronique dont l’évolution à moyen terme
est marquée par le risque de récidive.
La
fréquence de récidive de TVP après 1 an de
suivi chez les patients ayant eu un premier
épisode varie de 6 à 13%.
Cette variation
vient du fait que ce risque est étroitement lié
à la présence d’un facteur de risque
réversible (chirurgie, traumatisme) où la
récidive sera moins fréquente (5 %).
Au
contraire, en l’absence de facteur de risque
réversible (thrombophilie, cancer,
immobilisation prolongée), ou lorsque la
TVP semble idiopathique, le risque de
récidive est beaucoup plus élevé (25 %).
La qualité et la durée de
l’anticoagulation sont des déterminants
essentiels du risque de récidive.
Même si la
durée du traitement anticoagulant est
controversée, il a été montré qu’un
traitement anticoagulant oral d’une durée de
6 mois par rapport à un traitement de
6 semaines permet de diminuer les récidives
de 50 %.
Il est important de signaler que la récidive
a, en général, la même localisation.
C - SYNDROME POST-THROMBOTIQUE
:
C’est une complication chronique de la TVP
qui est causée par la combinaison d’une
hypertension veineuse secondaire à
l’obstruction veineuse et l’altération des
valvules, et à une anomalie de la
microcirculation.
L’incidence varie selon les études entre 20 et
100 % en raison de l’absence de définition
précise, mais ce syndrome concerne plus de
la moitié des TVP proximales et un tiers des
TVP distales.
Ces séquelles sont la cause
majeure de l’insuffisance veineuse chronique
sévère qui représente un coût de santé
publique important.
Il survient dans les
2 ans après le début de la TVP.
Les différentes stratégies thérapeutiques
pour prévenir ce syndrome, notamment la
thrombolyse, montreraient une diminution
du syndrome post-thrombotique mais au
prix de complications hémorragiques
notables ; ce résultat est contesté.
À l’heure
actuelle, le seul traitement efficace du
syndrome post-thrombotique est sa
prévention reposant sur une meilleure prise
en charge de la TVP à la phase aiguë, et
surtout sur le port de la contention élastique
qui diminuerait jusqu’à 50 % l’apparition
d’un syndrome post-thrombotique.
Diagnostic étiologique
:
Il est important à réaliser car il permet
d’aider à la décision de la durée du
traitement anticoagulant oral.
Il faut savoir
que l’âge est en soi un facteur de risque
important, risque qui augmente
exponentiellement après 40 ans.
Il peut également permettre de détecter une
éventuelle pathologie sous-jacente justifiant
d’un traitement spécifique et d’envisager (en
cas d’anomalie constitutionnelle de
l’hémostase) une enquête familiale pouvant
permettre de prévoir d’éventuelles mesures
préventives.
A - RECHERCHE D’UN OU PLUSIEURS FACTEURS DE RISQUE
:
Chez un patient ayant présenté une TVP, il
est important de rechercher le ou les facteurs
de risque qui ont pu favoriser cet épisode
thrombotique.
Leur mise en évidence, dans
certains cas, doit permettre de les supprimer
(pilule contraceptive, hormonothérapie
substitutive de la ménopause), ou de les
combattre (voyages prolongés) pour éviter
une récidive thrombotique.
Les situations à risque sont représentées
par : une immobilisation plâtrée, un
traumatisme, un alitement de plus de
4 jours, la grossesse ou le post-partum, un
acte chirurgical, en particulier une chirurgie
orthopédique, carcinologique, ou pelvienne.
La contraception orale, le traitement
substitutif de la ménopause, le traitement
hormonal des cancers augmentent le risque
relatif de TVP.
Cela est également vrai en
cas d’obésité, d’insuffisance veineuse,
d’insuffisance cardiaque ou respiratoire,
d’antécédents personnels ou familiaux de
thrombose.
Les voyages prolongés en avion, en car, ou
en voiture, représentent également un
facteur de risque.
Certains médicaments comme le Tégrétolt
augmentent le risque de thrombose
veineuse, surtout s’il est associé à d’autres
facteurs de risque.
En cas de suspicion clinique de TVP, la
présence d’un ou plusieurs facteurs de
risque renforce la probabilité diagnostique.
B - ANOMALIES DE L’HÉMOSTASE :
THROMBOPHILIES :
1- Anomalies acquises
:
L’anomalie le plus fréquemment rencontrée
est la présence d’un anticoagulant circulant
et/ou d’un anticorps anticardiolipine.
La
recherche d’un anticoagulant circulant se fait
par la mise en évidence d’un temps de céphaline activé (TCA) allongé par rapport
au témoin en dehors de toute héparinothérapie
(en pratique à réaliser avant
l’héparinothérapie ou sous traitement
anticoagulant oral).
Le dosage des anticorps anticardiolipines immunoglobulines G (IgG)
doit toujours être associé à la recherche d’un
anticoagulant circulant.
L’existence d’un anticoagulant circulant
fortement positif et confirmé à plusieurs
reprises justifie la prescription d’un
traitement anticoagulant oral au long cours
avec un international normalized ratio (INR)
supérieur ou égal à 3 du fait du risque de
récidives de TVP mais aussi du risque de
thromboses artérielles (infarctus du
myocarde, accident vasculaire cérébral).
La découverte d’un anticoagulant circulant
justifie la recherche systématique d’une
maladie auto-immune sous-jacente (et avant
tout d’un lupus).
Il faut également
rechercher une pathologie maligne ou une
pathologie iatrogène (notamment après
neuroleptiques), mais ce syndrome reste le
plus souvent idiopathique.
2- Anomalies constitutionnelles
:
Environ 25 % des TVP sont dues à une
anomalie de l’hémostase.
Le bilan
d’hémostase peut être réalisé avant la mise
en route du traitement anticoagulant,
pendant celui-ci mais sous certaines
conditions, ou enfin à l’arrêt de ce
traitement.
Les dosages de l’antithrombine III (AT III) et
de la résistance à la protéine C activée
(RPCa) sont modifiés par l’héparine (et
doivent donc être réalisés sous antivitamines
K (AVK), ceux des protéines C et S étant
modifiés par les AVK (et peuvent donc être
réalisés sous héparine seule).
Les déficits en AT III, protéine C et protéine
S sont retrouvés chez 10 % des patients
ayant présenté une TVP, mais sont
responsables d’un risque de récidive élevé.
Les premières manifestations thromboemboliques
surviennent en général chez les sujets
jeunes.
Leur recherche ne doit donc pas
faire partie du bilan systématique d’une
thrombose veineuse mais doit être discutée
en fonction du contexte.
La mise en évidence
de l’un de ces déficits nécessite a priori la
poursuite du traitement anticoagulant au
long cours, bien que cette attitude soit
discutée, notamment s’il existe un facteur
déclenchant évident (chirurgie, voyage...).
La RPCa est due à une mutation du gène du
facteur V induisant le remplacement d’une
arginine par une glutamine en position 305
de la protéine (mutation du facteur V de
Leiden).
Elle se transmet sur le mode autosomique
dominant.
C’est la cause la plus fréquente
des thrombophilies puisqu’elle est retrouvée
chez 20 % des patients ayant présenté une
thrombose veineuse.
Contrairement aux
autres déficits, le premier épisode de
thrombose peut survenir chez des sujets
âgés, mais le risque de récidive semble
moins élevé que dans les précédents déficits.
Sauf en cas de déficit à l’état homozygote,
situation relativement rare, la découverte
d’un déficit hétérozygote ne justifie donc très
probablement pas d’un traitement
anticoagulant au long cours après un
premier épisode thrombotique.
Il est en
revanche nécessaire de réaliser des mesures
préventives renforcées en cas de situation à
risque.
Plus récemment, un nouveau facteur de
risque de maladie veineuse thromboembolique
a été mis en évidence. Il s’agit d’une
mutation du gène de la prothrombine
(transition G à A en position 20210).
Cette
mutation semble fréquemment associée à la
mutation du facteur V de Leiden.
Le risque
thrombotique de ce déficit est encore mal
évalué.
Des études récentes suggèrent une relation
forte entre l’hyperhomocystéinémie et la
thrombose veineuse.
L’hyperhomocystéinémie
peut être causée par des facteurs
héréditaires ou être liée à l’environnement.
Les carences en vitamine B12, en B6 et en folates peuvent être à l’origine de
l’hyperhomocystéinémie que l’on peut
corriger par supplémentation vitaminique.
On ne sait pas encore si le fait de corriger
cette hyperhomocystéinémie permet de
réduire le risque thrombotique.
Il semble par
ailleurs exister une interaction entre le
facteur V de Leiden et l’hyperhomocystéinémie,
l’association de ces deux facteurs
augmentant le risque de thromboses
veineuses.
Enfin, il existerait une relation entre un taux
élevé du facteur VIII et la thrombose
veineuse.
Des études complémentaires
sont nécessaires pour connaître le lien exact.
Pour des raisons d’économie de santé, un
bilan d’hémostase complet n’est donc réalisé
qu’après avoir recueilli l’histoire personnelle
et familiale du patient.
Schématiquement,
l’enquête concerne les patients jeunes, les
patients ayant récidivé, ceux ayant une
histoire familiale thromboembolique, et enfin
les patients présentant une TVP de siège
inhabituel (thrombose cérébrale ou
digestive).
En ce qui concerne la recherche d’une RPCa,
les attitudes sont plus controversées et
certaines équipes la réalisent de manière
systématique, notamment chez les sujets
âgés.
En cas de découverte d’une anomalie
constitutionnelle, une enquête familiale est
réalisée afin de prévenir une maladie
veineuse thromboembolique chez les
membres de la famille encore asymptomatiques.
L’intérêt de ce dépistage est malgré
tout controversé en cas de RPCa.
C - RECHERCHE D’UNE MALADIE
DE SYSTÈME
:
En dehors de l’existence d’un anticoagulant
circulant et/ou d’un anticorps anticardiolipine,
les maladies de système peuvent en
effet induire une TVP.
Il s’agit essentiellement
du lupus érythémateux disséminé,
de la maladie de Behçet et de la maladie de
Buerger.
Le bilan immunologique ne doit
pas être systématique mais doit être guidé
par la clinique qui recherche la possibilité
d’une pathologie de ce type.
D - RECHERCHE D’UN CANCER
:
L’association entre maladie veineuse
thromboembolique et cancer est connue
depuis longtemps puisqu’elle a été décrite
par Trousseau en 1864.
L’épisode
thrombotique peut être révélateur ou
annonciateur, le cancer lui succédant alors
dans des délais variables, la majorité des
cancers survenant en général au cours des
6 premiers mois suivant la thrombose.
Les localisations le plus fréquemment
retrouvées sont : le pancréas, les ovaires, les
tumeurs primitives hépatiques.
La
majorité des cancers sont dépistés lors du
bilan systématique.
L’enquête étiologique doit donc comporter
avant tout un interrogatoire et un examen
clinique soigneux comprenant notamment
les touchers pelviens.
Une radiographie du
thorax, une échographie abdominopelvienne,
une numération-formule sanguine,
une vitesse de sédimentation et un bilan
hépatique viennent les compléter, mais ne
doivent pas se substituer à cet examen
clinique qui reste l’élément majeur du
dépistage initial. Le dosage de l’ensemble
des marqueurs tumoraux n’est pas justifié.
Une surveillance clinique est nécessaire
durant les 6 premiers mois, en particulier
lorsque la thrombose est survenue sans
facteur déclenchant.
La recherche minutieuse d’un cancer est en
revanche justifiée si une récidive survient
peu de temps après l’arrêt des AVK (récidive
précoce), ou surtout si elle se produit malgré
un traitement AVK bien conduit.
Traitement
:
A - HÉPARINE
:
Avant la mise en route du traitement, il faut
contrôler : le taux de prothrombine, le TCA
afin de dépister d’éventuelles anomalies de
l’hémostase et la numération-formule des
plaquettes pour disposer d’un chiffre
plaquettaire de référence.
1- Héparine non fractionnée (HNF)
:
Il est clairement établi que le traitement héparinique est efficace en cas de maladie
veineuse thromboembolique et qu’il
constitue le traitement de première intention.
Ce traitement doit être administré par voie
intraveineuse continue, mais l’administration
par voie sous-cutanée en deux ou
trois injections par jour peut constituer une
alternative tout aussi fiable, sauf chez l’obèse
où l’on craint un problème de mauvaise
absorption.
Cette voie d’administration reste
cependant peu utilisée.
L’administration
d’héparine intraveineuse discontinue est en
revanche abandonnée en raison d’une
augmentation du risque hémorragique.
L’attitude actuelle de mise en route du
traitement est de débuter par une dose
d’HNF adaptée au poids du patient de
450 U/kg/j.
On la fait habituellement
précédée d’un bolus de 50 U/kg, même si
l’utilité clinique de ce bolus n’a jamais été
clairement démontrée.
Le contrôle de l’efficacité du traitement
repose sur la mesure du TCA ou de
l’héparinémie (mesure de l’activité anti-Xa)
qui doit être effectuée 6 heures après la mise
en route de la perfusion et vérifiée 6 heures
après chaque changement de posologie.
En
effet, il a été démontré que le taux de
récidives précoces était directement lié à la
rapidité d’efficacité du traitement
anticoagulant.
Le contrôle est ensuite
réalisé au moins une fois par jour.
La zone
thérapeutique pour le TCA se situe entre 1,5
et 2,5 fois le témoin.
Les patients ayant un TCA inférieur à 1,5
ont un risque de récidive thromboembolique
significativement plus élevé, alors que le
risque hémorragique est significativement
diminué si le TCA est inférieur à 2,5.
Par
rapport aux HBPM, l’HNF a l’inconvénient
de nécessiter une adaptation posologique car
il existe une grande variabilité inter- et intraindividuelle.
Elle présente cependant
l’avantage de ne pas s’accumuler en cas
d’insuffisance rénale.
La sensibilité des réactifs utilisés pour
effectuer la mesure du TCA varie cependant
de façon très importante d’un laboratoire à
un autre, ce qui constitue un problème
majeur, source d’accidents thérapeutiques
potentiellement graves par sur- ou sousdosage.
Des niveaux très différents
d’héparinémie peuvent en effet correspondre
à une même valeur de TCA suivant le réactif
utilisé.
Il est donc plutôt conseillé de
surveiller si possible le traitement par
l’héparinémie, dont la zone thérapeutique se
situe entre 0,3 et 0,7 U/mL, surtout si une
inefficacité du traitement est suspectée.
Au départ, il convient de demander au
laboratoire les zones thérapeutiques pour le
réactif du TCA utilisé, zones qui doivent
correspondre à une héparinémie entre 0,3 et
0,7 U/mL.
2- Héparines de bas poids
moléculaire (HBPM)
:
Les HBPM sont, depuis une dizaine
d’années, largement utilisées dans le
traitement de la maladie veineuse
thromboembolique.
De
nombreuses études ont montré que
l’administration d’une HBPM par voie souscutanée,
à dose uniquement adaptée au
poids et sans surveillance biologique, était
au moins aussi efficace et aussi sûre que
l’HNF en perfusion intraveineuse continue
avec adaptation posologique dans le
traitement des TVP.
Toutefois, l’héparinémie par la mesure de l’activité
anti-Xa peut s’avérer utile, dans certains cas,
pour dépister un surdosage ou un risque
hémorragique (insuffisance rénale, sujet âgé,
obésité, femme enceinte).
La zone
thérapeutique, qui n’est pas bien validée, se
situerait entre 0,5 et 1 UI anti-Xa/mL, le
prélèvement devant être effectué entre la
troisième et la quatrième heure après
l’injection, 2 jours après le début des
injections.
Actuellement, seule une minorité de
malades porteurs d’une TVP sont encore
traités par HNF : les obèses, les insuffisants
rénaux, les malades avec EP symptomatique
associée et pour certains les femmes
enceintes, les autres étant traités par une
HBPM.
Les autres situations où l’on utilise
également l’HNF en perfusion intraveineuse
sont les situations pour lesquelles le malade
doit subir des examens complémentaires
agressifs comme une gastroscopie ou une
coloscopie.
Du fait de leur simplicité d’utilisation
(administration sous-cutanée et absence
d’adaptation posologique à un test
biologique du fait d’une moins grande
variabilité inter- et intra-individuelle que
l’HNF), les HBPM ont peu à peu supplanté
l’HNF sauf dans les situations précitées.
Trois autres arguments plaident également
pour ce remplacement : le fait que le risque
de thrombopénies induites par l’héparine
soit plus faible sous HBPM que sous HNF, la possibilité démontrée par deux
études cliniques de traiter certains malades
par HBPM à domicile, et enfin le fait
que pour certaines HBPM, on peut d’ores et
déjà réaliser un traitement par une seule
injection sous-cutanée par jour.
La surveillance de la numération
plaquettaire est toujours nécessaire deux fois
par semaine, même si les études ont montré
que le taux de thrombopénie était inférieur
sous HBPM par rapport à l’HNF.
Il pourrait
même être discuté de renforcer la
surveillance pendant la période à risque [24].
3- Thrombopénies induites
par l’héparine :
La thrombopénie induite par l’héparine
(TIH) de type II ou immunologique est
sévère.
Elle associe une thrombopénie et des
thromboses artérielles ou veineuses dans un
cas sur deux, et s’accompagne, dans ces caslà,
d’un taux de mortalité proche de 20 %.
Elle survient dans 80 % des cas entre le
cinquième et le 15e jour d’héparinothérapie,
plus précocement en cas d’héparinothérapie
antérieure.
Elle est définie par un taux de
plaquettes inférieur à 100´109/L, mais
toute baisse du chiffre plaquettaire
supérieure ou égale à 30 % par rapport au
chiffre initial est évocatrice.
Tout épisode
thrombotique survenant sous HNF ou sous
HBPM à doses curatives ou préventives doit
faire absolument évoquer l’hypothèse d’une
TIH.
Le diagnostic de TIH est un diagnostic
clinique qui peut être confirmé par des tests
biologiques.
En cas de suspicion clinique
forte, quel que soit le résultat des tests
biologiques, l’héparinothérapie doit être
immédiatement interrompue et être
remplacée par un autre traitement
antithrombotique, soit pour traiter une
thrombose précessive ou compliquant une
TIH, soit pour prévenir la survenue d’une
thrombose.
Il existe actuellement principalement deux
thérapeutiques à notre disposition : le danaparoïde (Orgarant) et une hirudine
(lépirudine : Refludant).
– Le danaparoïde (qui est un héparinoïde)
se rapproche par son mode d’action de
l’héparine mais il expose à un risque de
réaction croisée de l’ordre de 5 % qui justifie
une surveillance plaquettaire quotidienne,
voire biquotidienne.
C’est la mesure de
l’activité anti-Xa qui permet d’apprécier son
efficacité et de dépister un risque
hémorragique.
Il s’administre en perfusion
continue ou par voie sous-cutanée.
– L’hirudine est une protéine inhibant
spécifiquement la thrombine. Sa surveillance
s’effectue par le TCA avec une zone
thérapeutique se situant entre 1,5 et 2,5 par
rapport au témoin.
Il existe néanmoins un
risque hémorragique important lié en partie
à la difficulté de surveillance, du fait de la
grande variabilité des TCA et à l’apparition
dans 50 % des cas d’anticorps antihirudine
responsable d’une augmentation inattendue
de l’effet anticoagulant.
L’introduction des AVK en remplacement de
l’héparinothérapie ne constitue pas une
bonne alternative dans cette situation de
thrombose en raison de leur délai d’action
et de leur risque d’hypercoagulabilité initiale
susceptible d’induire des complications.
La prévention des TIH passe par une
réduction de la durée du traitement
héparinique (en introduisant les AVK de
façon précoce) et par une surveillance
plaquettaire.
B - TRAITEMENT ANTICOAGULANT
ORAL : ANTIVITAMINES K
L’introduction précoce des AVK dès le
premier jour de traitement de la thrombose
veineuse est admise.
Cette introduction doit
cependant être réalisée après avoir
correctement évalué le risque hémorragique
potentiel (chutes), la nécessité d’examens
invasifs (ponction artérielle ou biopsies
notamment digestives), et l’adhésion
prévisible du patient, ou au moins de son
entourage, au traitement anticoagulant oral.
1- Choix du type d’AVK
:
Il faut distinguer les AVK à demi-vie courte
(inférieure à 12 heures) telles que Sintromt
(acénocoumarol) et ceux à demi-vie longue
comme la Coumadinet (warfarine) et le
Préviscant (fluindione).
La Coumadinet (warfarine), du fait de sa
demi-vie plus longue, constitue le
médicament de choix pour les traitements
au long cours (fibrillation auriculaire,
prothèse valvulaire, traitement au long cours
d’une maladie veineuse thromboembolique).
Le Sintromt (acénocoumarol) a l’avantage
d’exercer un effet anticoagulant plus rapide
et peut être utilisé en cas de TVP ne
justifiant pas d’un traitement au long cours.
En raison de sa demi-vie plus courte,
l’administration du Sintrom se faisait avec
deux prises par jour ; une étude récente
montre qu’il n’y a pas d’argument pour ce
mode d’administration et que la prise
unique par jour est possible.
2- Surveillance du traitement AVK
:
La surveillance du traitement AVK se fait
par l’INR qui doit se situer dans une zone
thérapeutique comprise entre 2 et 3.
L’obtention de cet objectif est absolument
fondamental car elle permet de limiter
considérablement les risques hémorragiques
du traitement sans diminuer son
efficacité.
Pendant la période de relais, le traitement
par héparine (HNF ou HBPM) doit être
poursuivi pendant une durée de 5 à
7 jours et ne peut être interrompu
qu’après obtention d’un INR supérieur à 2
sur deux contrôles successifs.
Au-delà de 70 ans, on propose
de diminuer la dose initiale d’un quart.
De nombreux médicaments ont une activité
inhibitrice ou potentialisatrice sur les AVK.
L’attitude la plus sage est donc de renforcer
la surveillance de l’INR chaque fois que l’on
est amené à modifier les thérapeutiques
associées.
3- Éducation du patient
:
Afin de prévenir les complications du
traitement anticoagulant oral, il est
nécessaire d’expliquer clairement au patient
l’objectif ainsi que le mécanisme d’action du
traitement anticoagulant, les risques
encourus en distinguant les accidents
mineurs et majeurs nécessitant une prise en
charge médicale urgente.
Le patient doit être
averti qu’il ne doit pas prendre de nouveau
médicament sans en parler au préalable à
son médecin traitant, et qu’en ce qui
concerne l’alimentation, il est important
qu’elle soit équilibrée.
Ces explications sont
notées sur une fiche AVK que le patient peut
conserver.
Un carnet de surveillance
permettant de noter les résultats des INR et
les doses prises à domicile doit également
être remis au patient.
Enfin, le patient doit
garder sur lui une carte signalant qu’il est
sous traitement anticoagulant oral.
La prise en charge du suivi et de
l’adaptation posologique par des unités
spécialisées permet d’améliorer le rapport
bénéfice/risque du traitement anticoagulant
oral.
4- Durée du traitement
anticoagulant oral
:
La durée du traitement AVK reste encore
très controversée, mais des recommandations
sont malgré tout proposées.
Pour un premier épisode de TVP, elle
pourrait être de 3 mois s’il y a un facteur
déclenchant réversible (chirurgie ,
traumatisme, voyage...), et de 6 mois en
l’absence de facteur déclenchant évident.
Une durée d’au moins 1 an, voire au long
cours, est généralement préconisée en cas de
récidive et lorsqu’il existe un facteur de
risque persistant (cancer, thrombophilie,
immobilisation prolongée...).
Les modalités d’arrêt du traitement, là
encore, sont controversées.
Il semble bien
cependant qu’un arrêt brutal n’entraîne pas
d’effet rebond et puisse être réalisé sans
risque.
On peut cependant proposer une
diminution progressive sur une quinzaine de
jours lorsque le traitement préalable a été
prescrit au long cours et lorsque les patients
sont anxieux à l’idée de l’arrêt de ce
traitement.
C - THROMBOLYSE
:
Il existe de nombreuses controverses dans la
littérature concernant le traitement thrombolytique dans la thrombose veineuse.
En effet, ce traitement coûteux présente un
risque hémorragique trois fois supérieur par
rapport au traitement par héparine pour un
bénéfice qui n’est pas évident.
Mais la
plupart des auteurs s’accordent pour ne
l’utiliser que dans des cas très particuliers
représentés par des thromboses proximales
sévères, non occlusives, et datant de moins
de 8 jours.
Ce bénéfice consisterait en une diminution
du syndrome post-thrombotique, diminution
qui n’est pas retrouvée par tous les
auteurs.
La possibilité d’un risque
embolique induit par le traitement thrombolytique n’est pas clairement
établie.
Quoi qu’il en soit, les quelques
indications pouvant être envisagées
concernent des patients jeunes, sans aucun
facteur de risque hémorragique et présentant
une TVP proximale sévère et récente.
Le traitement habituellement utilisé est, soit
la streptokinase administrée à la dose de
100 000 U/h après une dose de charge de
250 000 U sur 30 minutes, soit l’urokinase
administrée à la dose de 2 200 à
4 400 U/kg/h.
La durée du traitement est
habituellement de 48 à 72 heures, l’héparine
n’étant reprise qu’après la fibrinolyse.
D - INTERRUPTION CAVE
:
Les barrages caves définitifs (clips ou filtres
caves) s’avèrent utiles dans certaines
situations bien précises et relativement rares.
Les clips caves, qui nécessitent une
anesthésie générale, tendent à être
abandonnés.
Les indications généralement admises
concernent :
– une contre-indication absolue au
traitement anticoagulant au cours d’une
thrombose veineuse proximale.
Le problème
est souvent de définir ce qui représente
réellement une contre-indication absolue au
traitement anticoagulant.
Il peut s’agir d’une
contre-indication d’emblée ou d’un accident
hémorragique survenant au cours du
traitement imposant l’arrêt de celui-ci.
L’arrêt des anticoagulants induit un risque
important de thrombose du filtre, ce qui
nécessite la reprise du traitement
anticoagulant dès que la situation du malade
le permet.
En cas de thrombose surale, une
simple surveillance par échodoppler répétée
paraît suffisante, et on n’envisage la pose
d’un filtre qu’en cas d’extension proximale ;
– une inefficacité du traitement
anticoagulant ;
– la survenue d’une EP sous traitement
anticoagulant est une indication licite, bien
que très rare. Encore faut-il que cette
récidive soit parfaitement documentée et
que le traitement anticoagulant ait été
adapté et suivi de façon correcte.
La réalisation systématique d’une scintigraphie
pulmonaire en cas de thrombose veineuse
proximale permet de servir d’examen de
référence.
Si une EP sous traitement est
suspectée, cet examen est répété et comparé
à l’examen initial.
Cette procédure permet
d’éliminer un grand nombre de fausses
récidives mais pose bien sûr un problème
de coût.
En cas de doute, le recours à
l'angiographie pulmonaire est
indispensable ;
– en cas d’extension de la TVP initiale
malgré le traitement anticoagulant, le risque
embolique étant mal connu, l’indication du
filtre cave est plus discutable ;
– les suites d’embolectomies, situation dans
laquelle la mise en oeuvre d’un traitement
anticoagulant à doses efficaces est
difficilement réalisable et le risque de
récidive embolique menaçant ;
– le coeur pulmonaire chronique postembolique non opérable, car la moindre
récidive peut être fatale.
Compte tenu de l’étude PREPIC, les
autres indications sont très discutables et ne
doivent être envisagées que de façon
exceptionnelle au cas par cas :
– le caractère flottant du thrombus proximal
a souvent été pris en compte, mais le
caractère emboligène de ces caillots flottants
(dont la définition elle-même est sujette à
caution) vient d’être remis en question par
une étude récente ;
– en fonction du terrain sur lequel survient
la maladie veineuse thromboembolique.
En
cas d’état cardiorespiratoire déficient (du fait
d’une insuffisance cardiorespiratoire
préalable ou d’une EP sévère associée), la
pose de filtre cave pourrait alors à la rigueur
se justifier, une nouvelle EP risquant d’être
fatale, mais ceci nécessite des études
complémentaires.
Malgré une efficacité
indiscutable sur le risque embolique à court
terme, les filtres caves définitifs majorent le
risque de récidive de thrombose veineuse à
long terme, et ceci sans effet sur la
mortalité.
Si l’on rajoute à cela l’existence
de complications mécaniques parfois très
graves (migration du filtre, déchirure de la
veine cave...) et le surcoût induit par ces
matériels, on conçoit que leurs indications
doivent être posées avec soin.
Si une
indication de filtre cave est posée, le choix
de l’opérateur est fondamental pour
minimiser la survenue de complications
mécaniques et compte tenu du risque de
récidive de TVP, la nécessité d’un traitement
AVK au long cours une fois le filtre en place
mérite d’être posée ;
– les filtres temporaires pourraient
constituer une alternative intéressante en
évitant notamment les récidives de TVP à
long terme, mais leur évaluation reste trop
insuffisante pour pouvoir les préconiser
actuellement.
Leurs indications en
association avec un traitement thrombolytique
pour éviter un hypothétique migration
embolique induite par ce traitement
semblent déraisonnables.
E - TRAITEMENT NON
MÉDICAMENTEUX
:
Le traitement médicamenteux doit
obligatoirement s’accompagner d’autres
procédures thérapeutiques.
1- Contention
:
La contention élastique doit être réalisée par
bandes de contention pendant la phase
d’oedème avec un relais par collant ou bas
jarrets de contention en fonction du niveau
de la thrombose, sauf s’il existe une contreindication
liée à une artériopathie des
membres inférieurs.
Cette contention doit
être parfaitement adaptée à la morphologie
du patient afin d’éviter les phénomènes de
garrot, source de récidive.
Elle doit être de
classe II ou III. Sa prescription est
fondamentale car elle réduit de moitié le
risque de syndrome post-thrombotique.
La
durée de prescription devrait être au
minimum de 1 an en cas de TVP proximale.
Celle-ci sera plus ou moins prolongée
ultérieurement en fonction de l’évolution
clinique et échographique.
2- Drainages lymphatiques
:
Les drainages lymphatiques selon la
méthode de Leduc sont nécessaires en cas
d’oedème et de douleurs importantes.
Ils
présentent un effet très spectaculaire sur ces
symptômes.
3- Surélévation des pieds du lit
:
Elle doit être systématique en l’absence
d’artériopathie associée.
4- Lever précoce
:
Il est actuellement préconisé.
Ce lever peut
être réalisé d’emblée en cas de TVP surale et
au bout de 24 à 48 heures de traitement
héparinique en cas de TVP proximale.
En
cas d’EP associée ou d’oedème très
important du membre inférieur, ce délai
peut être rallongé.
Perspectives thérapeutiques
d’avenir :
A - PERSPECTIVES À COURT TERME
:
Compte tenu des études précitées, les HBPM permettent d’ores et déjà de réaliser
un traitement à domicile même pour les TVP
proximales.
Il faut cependant insister sur le
fait que cette attitude ne concerne
actuellement que des malades présélectionnés
(les critères de sélection restent
d’ailleurs à mieux définir) et qu’il s’agit plus,
du moins au début, d’une courte
hospitalisation que d’un véritable traitement
à domicile.
Le passage initial du malade,
dans les 24 à 48 premières heures, dans un
centre spécialisé paraît en effet indispensable
pour débuter le traitement anticoagulant, le
relais héparine-AVK, envisager la contention
élastique, l’éducation du malade et surtout
organiser le bilan étiologique.
Cette attitude,
porteuse d’une économie de santé
considérable, pourrait permettre de concilier
le confort et la sécurité du malade tout en
impliquant étroitement le médecin traitant
et le médecin spécialisé pour le retour au
domicile.
B - PERSPECTIVES À MOYEN TERME
:
Il est probable que les HBPM seront
remplacées par le pentasaccharide qui
correspond à la molécule active de
l’héparine (celle qui se fixe sur l’AT III) et
qui est fabriquée par synthèse chimique.
Ce
médicament, prescrit en une injection souscutanée
par jour, aurait notamment
l’avantage d’être exempt du risque de TIH.
Il est également possible que les AVK soient
également remplacées par des antithrombines
directes (actives sans nécessité de l’AT
III) utilisables par voie orale et qui, par
rapport aux AVK, pourraient peut-être être
prescrites sans nécessité d’un test de
surveillance.