Thermalisme et médecine vasculaire

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Introduction :

L’utilisation des bains à visée médicale remonte à la plus haute Antiquité.

Les Babyloniens avaient déjà établi un système thérapeutique reposant sur la pratique de bains, d’applications de compresses d’eau chaude et d’eau froide ainsi que d’ablutions en rivières.

En France, bon nombre de villes thermales se sont développées sur des sites gallo-romains.

Le thermalisme européen a pris un grand essor au XVIIe siècle ; le XIXe siècle représente la période de développement maximal.

Il faut attendre le XXe siècle pour la description des effets physiologiques de l’immersion. Actuellement, certaines stations se sont spécialisées dans la prise en charge des pathologies vasculaires.

Nous préciserons les modes d’actions du thermalisme, ses indications en pathologie vasculaire et ses limites.

Effets de l’immersion :

L’effet diurétique des bains a été suggéré dès le XVIIIe siècle.

En 1708, Floyer et Baynards constataient que l’immersion dans les eaux de la ville thermale de Bath était suivie d’une augmentation de la diurèse.

Le mécanisme physiologique a été précisé par O’Hare.

Thermalisme et médecine vasculaire

Cet auteur a étudié les modifications hémodynamiques et biologiques chez huit sujets témoins après une immersion de 2 heures dans l’eau de la ville thermale de Bath à 35 °C.

Durant le bain on constatait une nette augmentation de l’index cardiaque ; la fréquence cardiaque et les pressions restaient stables.

Les résistances vasculaires baissaient.

La diurèse se majorait.

Les sujets perdaient en moyenne 0,5 kg.

La natriurèse et la kaliurèse doublaient.

Lors des 30 premières minutes du bain, on notait l’apparition d’une hémodilution.

La viscosité plasmatique et l’albuminémie baissaient.

L’ionogramme sanguin était inchangé ; la clairance de la créatinine ne se modifiait pas.

Le mécanisme d’augmentation de la diurèse reposerait sur une nouvelle répartition des volumes liquidiens par diminution de l’effet de l’apesanteur lors de l’immersion.

La poussée d’Archimède entraîne une diminution de l’effet de la gravitation avec une nouvelle répartition des liquides ; le sang des veines périphériques gagne en partie la cage thoracique.

Le volume sanguin thoracique se majore.

Cette modification stimulerait la diurèse et augmenterait le débit cardiaque.

Le rôle du facteur natriurétique atrial a été évoqué.

Lors d’une étude sur 28 sujets soumis au bain thermal de Barbotan, on notait une élévation significative du facteur natriurétique atrial.

Par ailleurs, les auteurs retrouvaient une baisse de l’activité rénine plasmatique et de l’aldostérone qui témoignerait de l’effet antagoniste du facteur natriurétique atrial sur le système rénine-angiotensine-aldostérone.

D’autres mécanismes ont été proposés reposant sur les prostaglandines ou le système kininekallikréine.

La constatation d’une hémodilution alors que la diurèse se majore semble paradoxale ; elle serait secondaire à une mobilisation des liquides du secteur interstitiel vers le secteur plasmatique sous l’effet de la pression hydrostatique.

L’immersion dans l’eau thermale entraîne une augmentation de la diurèse, une augmentation du débit cardiaque par augmentation du volume d’éjection ventriculaire gauche et une hémodilution.

Mais ces modifications n’apparaissent pas exclusivement avec l’eau thermale.

Dans l’étude de O’Hare, les mêmes sujets étaient immergés avec les mêmes conditions dans une eau non thermale.

Les modifications hémodynamiques, rénales et rhéologiques étaient identiques.

Ainsi, les effets de l’immersion semblent indépendants de la composition de l’eau.

Les applications thérapeutiques peuvent être regroupées sous le terme d’hydrothérapie.

Les eaux thermales sont de composition physicochimique très variable.

Certaines sont à prédominance bicarbonatée, d’autres sont sulfurées, chlorurées, sulfatées ou faiblement minéralisées.

Elles comportent en quantités variables des oligoéléments tels l’arsenic, le manganèse, l’iode, le bore, le brome, le strontium ou le cuivre, le zinc… certaines sont faiblement radioactives.

Quoi qu’il en soit, il ne semble pas exister de parallélisme strict entre la composition physicochimique d’une eau thermale donnée et l’indication thérapeutique.

La température de la plupart des bains se situe à 35 °C environ.

Sur le plan théorique les effets de l’immersion pourraient intervenir de manière bénéfique tant dans le cadre des pathologies veineuses que dans celui des pathologies artérielles.

La mobilisation des liquides du secteur tissulaire vers le secteur plasmatique pourrait favoriser la diminution des oedèmes périphériques.

Ces derniers sont fréquents en cas d’insuffisance veineuse. Les échanges capillaires sont altérés tant lors des insuffisances veineuses que dans le cadre des artériopathies périphériques évoluées.

Ils seraient améliorés par l’augmentation du débit cardiaque associé à une baisse des résistances périphériques.

En outre, la perfusion des tissus ischémiques serait favorisée par les améliorations rhéologiques consécutives à une hémodilution.

La baisse des résistances périphériques serait renforcée par la pratique de bains carbogazeux ; le CO2 isolé entraîne une vasodilatation des vaisseaux dermiques.

La température des bains à 35 °C permet de limiter au maximum les échanges caloriques ; elle assure un état de relaxation à la musculature striée.

Ainsi, si la présence d’effets thérapeutiques spécifiques des eaux thermales reste à démontrer, les effets physiologiques de l’hydrothérapie semblent de mieux en mieux expliqués.

Stations thermales :

Dix-sept stations thermales ont une orientation angéiologique.

La pathologie veineuse chronique représente l’indication de 14 d’entre elles. Dans 10 cas l’insuffisance veineuse chronique est une des indications majeures de la station ; les quatre stations restantes prennent en charge les ulcères variqueux dans le cadre de la pathologie dermatologique.

Le plus souvent les indications sont mixtes, une même station thermale traite plusieurs handicaps ; les indications rhumatologiques sont souvent associées mais on note aussi des indications dans le domaine de la gynécologie, de la pneumologie et des affections otorhinolaryngologiques.

L’artériopathie des membres inférieurs constitue l’indication de trois stations.

Certaines stations proposent aussi des cures thermales pour les acrosyndromes. Les contre-indications les plus fréquentes sont représentées par les cardiopathies décompensées, les thromboses veineuses récentes et les artériopathies des membres inférieurs au stade de gangrène.

La cure se poursuit le plus souvent sur une durée de 3 semaines.

En dehors des bains, les méthodes thermales sont variées ; on retrouve la pratique de douches, pulvérisations, jets sous pression, marches dans des couloirs d’eau thermale, massages, applications de boue thermale. Certains pratiquent conjointement des cures de boisson.

À Royat, on réalise des injections sous-cutanées de gaz thermal.

Comment concevoir une cure thermale ?

L’analyse de la littérature ne permet pas d’évaluer l’effet des cures thermales dans les indications angéiologiques.

Les travaux publiés présentent le plus souvent d’importants biais méthodologiques. Plus que la cure thermale en tant que médicament il faut concevoir cette dernière en tant qu’association d’hydrothérapie et prise en charge globale de la pathologie.

Elle doit constituer un temps privilégié d’éducation sanitaire. Le contrôle des facteurs de risque vasculaire représente un élément fondamental du pronostic des sujets avec une artériopathie au stade de la claudication intermittente.

Ainsi, ils pourront bénéficier lors de la cure de conseils diététiques pour assurer le meilleur contrôle d’une dyslipidémie ou d’un diabète.

Ils seront sensibilisés à la nécessité de l’arrêt de toute intoxication tabagique.

Les mesures de prévention vis-à-vis des lésions cutanées distales leur seront expliquées.

La prise en charge est complétée par une kinésithérapie comprenant notamment une rééducation à la marche.

En cas d’insuffisance veineuse le respect des règles de diététique et d’hygiène est important.

Il est souvent négligé par les sujets. Le port d’une contention élastique constitue un des traitements majeurs des insuffisances veineuses ; l’adhésion à cette thérapeutique est parfois médiocre.

Ces différents éléments seront expliqués aux patients lors du séjour.

L’adjonction d’une kinésithérapie est souvent nécessaire, que ce soit pour une rééducation de la marche ou la levée d’une ankylose.

Indications du thermalisme en pathologie vasculaire :

Elles ont pour but une amélioration fonctionnelle ; cette prise en charge est complémentaire des autres thérapeutiques.

En pathologie veineuse, l’indication principale est représentée par l’insuffisance veineuse chronique, ceci quel que soit le stade.

Elle peut être soit secondaire, après une thrombose veineuse, soit primitive.

La présence d’un ulcère de jambe n’est pas une contreindication.

En pathologie artérielle, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs au stade d’ischémie transitoire représente l’indication élective.

Au stade d’ischémie permanente, le pronostic est médiocre ; à 1 an, près de 25 % des patients ont été amputés. Une prise en charge en milieu médicochirurgical spécialisé est recommandée.

Devant un ulcère artériel, s’il n’est pas retenu d’indication de revascularisation ou d’amputation d’emblée, l’apport des soins thermaux peut être discuté.

Certaines stations (comme Royat) proposent en traitement adjuvant sur la lésion des douches filiformes au gaz thermal.

Les effets secondaires ne sont pas spécifiques des indications.

Si dans la littérature les complications infectieuses sont les plus fréquemment décrites, elles semblent rares en valeur absolue.

La prise en charge d’une cure thermale nécessite une demande d’entente préalable auprès de la caisse d’assurance maladie (arrêté du 6 Avril 1981).

Lorsque l’avis est favorable, les frais de traitement à l’établissement thermal sont remboursés au taux de 70 %.

Des prestations complémentaires (remboursement des frais de séjour, remboursement des frais de transport, indemnités journalières) peuvent être assurées en dessous d’un certain plafond de revenu.

En 1995, les dépenses de santé étaient de 11 735 francs par Français, la part du thermalisme était de 107 francs.

Les indications de pathologie vasculaire constituent environ 10 % des indications de cure thermale.

Conclusion :

Le thermalisme constitue une prise en charge complémentaire en pathologie vasculaire.

Il doit comporter non seulement les soins thermaux stricts, mais aussi une éducation sanitaire des patients et une rééducation.

Ces thérapeutiques sont historiquement très anciennes mais pour assurer leur pérennité elles doivent être évaluées.

Le thermalisme en pathologie vasculaire bénéficierait de réalisation d’études menées suivant les critères rigoureux de la littérature internationale.

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