Règles d’utilisation des diurétiques
dans le traitement de l’hypertension
artérielle et de maladies diverses
:
Nous envisagerons successivement leur justification dans la
protection cardiovasculaire primaire de l’hypertendu et la protection
de la fonction rénale des patients avec néphropathie, avant
d’envisager leurs complications et leur mécanisme d’action antihypertensive, qui reste toujours aussi hypothétique que la
pathogénie de l’hypertension essentielle.
Nous terminerons par la
discussion des bithérapies antihypertensives en combinaison fixe
comprenant un diurétique et les indications spécifiques des divers
diurétiques dans les HTA avec dyskaliémie.
Nous terminerons par
les indications plus rares des diurétiques : traitement des hypercalciuries et prévention des lithiases calciques et de
l’ostéoporose par les thiazides ; traitement de l’hypercalcémie par
les diurétiques de l’anse, du diabète insipide néphrogénique par les
thiazides, du glaucome et de l’alcalose ventilatoire par
l’acétazolamide.
A - DIURÉTIQUES ET PROTECTION CARDIOVASCULAIRE
PRIMAIRE DE L’HYPERTENDU :
À la fin des années 1990, les diurétiques thiazidiques n’occupaient
plus la première place qu’ils avaient avant 1990 en termes de
journées de prescription (15 % contre 44 % pour les anticalciques,
21 % pour les IEC et 20 % pour les bêtabloquants d’après les
statistiques de 1996 de la Veterans Administration des États-Unis).
Ils mériteraient de reprendre cette place au XXIe siècle, du moins
dans la prévention cardiovasculaire primaire de l’hypertendu, si l’on
juge selon les critères de la médecine factuelle (evidence-based
medicine).
En effet, si toutes les grandes classes d’antihypertenseurs en
monothérapie en comparaison à un placebo normalisent
approximativement 50 % des HTA essentielles légères à modérées
(étude de Veterans
Administration et étude RAHNE), les
diurétiques et les dihydropyridines (DHP) sont les deux classes qui
diminuent paradoxalement le plus la PA. En effet, ce sont les deux seules classes qui stimulent les récepteurs AT1 de l’angiotensine II
par activation de la formation d’angiotensine II, alors que les
bêtabloquants, les IEC et les non-DHP à longue durée d’action
(NDHPLDA) diminuent cette activation en diminuant la formation
d’angiotensine II soit directement (IEC) ou indirectement par
freination de la rénine secondairement à l’inhibition de l’activation
des récepteurs b1 (bêtabloquant et NDHPLDA).
Dans une métaanalyse
récente des études contre placebo, nous avons montré que
les diurétiques et les DHP, par comparaison aux bêtabloquants et
aux IEC, réduisaient davantage à la fois la pression systolique (−11,7
versus −6,9 mmHg ; p = 0,005) et la pression diastolique (−4,96
versus −3,53 mmHg ; p = 0,01).
Par ailleurs, les diurétiques constituent la seule classe
d’antihypertenseurs ayant fait la preuve de son efficacité par rapport
à un placebo en termes de prévention primaire des AVC, des
infarctus du myocarde, de l’insuffisance cardiaque, et en termes de
mortalité cardiovasculaire et globale. Les seules nuances à apporter
à cette affirmation globale sont les suivantes :
– la prévention de l’infarctus du myocarde avec les diurétiques n’a
été démontrée que chez le sujet âgé recevant l’association d’un thiazide à faibles doses et d’un épargneur de potassium, et non chez
le sujet d’âge moyen avec des thiazides seuls à fortes doses ;
– les bêtabloquants seuls diminuent le nombre d’AVC non mortels
(mais pas celui des AVC mortels chez les sujets âgés), mais ne
diminuent pas le nombre des infarctus du myocarde ni la mortalité
cardiovasculaire ou globale ;
– les DHP de longue durée d’action (nitrendipine) diminuent le
nombre des AVC mortels ou non et la mortalité cardiovasculaire
globale, mais non le nombre d’infarctus ou d’insuffisance cardiaque ;
– les alpha1-bloquants, les IEC et les antagonistes des récepteurs AT1 de
l’angiotensine II n’ont jamais fait l’objet d’une évaluation contre
placebo isolé en prévention primaire.
Dans les essais comparatifs de prévention cardiovasculaire primaire,
les thiazides n’ont été comparés en tête à tête qu’avec quatre classes
d’antihypertenseurs.
1- Comparaison à d’autres classes d’antihypertenseurs
en monothérapie
:
* Bêtabloquants
:
Les résultats sont discordants. Dans les deux grands essais du MRC
chez les sujets d’âge moyen et les sujets âgés, les thiazides s’avèrent
supérieurs aux bêtabloquants alors que l’étude HAPPHY ne montre
aucune différence et que l’étude MAPHY montre une mortalité
cardiovasculaire supérieure avec les thiazides seuls donnés à forte dose chez
des hommes d’âge moyen (mais sur un petit nombre d’événements).
* Dihydropyridines à longue durée d’action
:
On dispose de deux études :
– l’étude INSIGHT a montré une morbidité et une mortalité
cardiovasculaires globales comparables, mais une réduction du
risque à la fois d’infarctus du myocarde (61/77 ; RR = 0,72) et
d’insuffisance cardiaque (12/26 ; RR = 0,46) avec l’association
thiazide et amiloride comparée au Chronoadalatet ;
– l’étude ALLHAT où la chlortalidone comparée à l’amlodipine
(10 mg) a donné une protection coronaire, cérébrale et globale comparable, mais une protection supérieure vis-à-vis de
l’insuffisance cardiaque, avec une baisse comparable de la PA
moyenne.
* alpha1-bloquants
:
Dans l’étude ALLHAT, le bras doxazosine a été interrompu en raison
d’une incidence moindre sous chlortalidone de l’insuffisance
cardiaque et d’AVC, mais non des infarctus et de la mortalité
globale.
*
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
:
L’étude ALLHAT a comparé le lisinopril (40 mg) à 25 mg de
chlortalidone.
La protection a été comparable pour le risque
coronarien dans les deux groupes, mais le risque d’AVC (RR = 1,15)
et d’insuffisance cardiaque (1,19) était significativement plus élevé
avec le lisinopril, tout particulièrement dans le sous-groupe des
Noirs américains, où le RR était respectivement de 1,40 et de 1,32.
Cette différence importante était en partie, mais non complètement,
expliquée par une PA systolique plus élevée (+ 2 mmHg dans la
population générale et + 4 mmHg dans la population noire) du fait
que les médicaments associés en deuxième intention étaient
l’aténolol, la clonidine ou la réserpine, connus pour avoir une
synergie antihypertensive avec un thiazide et non avec les IEC car
freinant comme ces derniers l’activation du récepteur AT1.
L’étude ANBP2 australienne, randomisée mais non en double
aveugle, a comparé un thiazide à divers IEC et montré avec le
thiazide un risque coronarien (1,16) et global (1,12) supérieur.
Le
risque cérébral global était comparable, mais le risque d’AVC
mortels était diminué de 48 %.
Il faut noter cependant qu’une PA
comparable entre les deux groupes n’avait été obtenue que grâce à
l’addition de thiazide chez 15 % des patients du bras IEC et que la
taille de cette étude était beaucoup plus petite que pour la
comparaison chlortalidone-lisinopril dans ALLHAT
(1 431 événements contre 6 455).
On rapprochera de ces études de morbidité et de mortalité l’étude
LIVE, qui a comparé sur 48 semaines l’effet de l’indapamide et
de l’énalapril sur la régression de l’hypertrophie ventriculaire
gauche (HVG) échocardiographique, et démontré de façon très
rigoureuse la supériorité de l’indapamide, en ce qui concerne non
seulement la régression de la masse du ventricule gauche mais aussi
celle de l’épaisseur des parois.
Cette étude corrobore les résultats de
l’étude TOMHS, qui avait montré la supériorité de la chlortalidone sur l’énalapril dans la prévention de l’HVG chez les
hypertendus.
Cette discordance de conclusion avec celle des métaanalyses
antérieures tient à la rigueur de la méthodologie (avec
contrôle continu de la qualité des échocardiographies et évaluation
finale centralisée totalement en aveugle, vis-à-vis à la fois du
traitement et de la séquence des échocardiographies), au plus grand
nombre de patients (500), à la plus longue durée de l’étude
(48 semaines contre 24 semaines ou moins dans la plupart des autres
études) et à l’absence d’utilisation simultanée ou antérieure de
diurétique dans le groupe IEC.
Cette efficacité supérieure des
diurétiques sur les IEC dans la régression ou la prévention de l’HVG
des hypertendus est en accord avec le rôle de l’apport sodé, bien
démontré sur le plan clinique et expérimental par l’équipe de
Mimran.
Le mécanisme intime liant l’HVG à l’apport sodé reste
encore énigmatique.
Cependant, des données expérimentales ont
démontré que l’augmentation de l’apport sodé augmente la rigidité
des gros troncs artériels, ce qui augmente l’impédance aortique
et donc le travail cardiaque pour une même PA moyenne.
Vu
l’importance de l’HVG concentrique dans la survenue d’une
insuffisance cardiaque diastolique, les diurétiques peuvent ainsi
jouer un rôle dans la prévention de ce type d’insuffisance cardiaque
alors même qu’ils n’ont plus de place dans ce type de pathologie
une fois l’OAP jugulé.
2- Études comparatives des diurétiques en association
:
Les résultats des essais comparant le traitement « conventionnel »
(diurétique et/ou bêtabloquant) à un IEC (captopril dans l’étude
CAPPP ; énalapril ou lisinopril dans l’étude STOP-hypertension 2) ou à un antagoniste calcique (diltiazem dans l’étude
NORDIL) sont plus difficiles à interpréter en termes de protection
vasculaire liée spécifiquement aux diurétiques, d’autant qu’aucune
différence de morbidité et de mortalité cardiovasculaires globales
n’a été observée.
Seule l’incidence des AVC a été trouvée plus
grande avec le captopril et plus faible avec le diltiazem par rapport
au traitement conventionnel.
Les diurétiques, plus cérébroprotecteurs que les bêtabloquants dans les études du MRC,
sont probablement responsables de la supériorité du traitement
conventionnel dans l’étude CAPPP.
Au contraire, les bêtabloquants,
qui diminuent la formation d’angiotensine II, peuvent expliquer la
moins bonne protection cérébrale du traitement conventionnel par
rapport au diltiazem à courte durée d’action (qui augmente la
formation d’angiotensine II).
En effet, le groupe dit conventionnel a
été traité de façon prépondérante par des bêtabloquants (dans une
proportion de trois sur cinq contre deux sur cinq seulement pour les thiazides).
La récente méta-analyse évaluant les nouveaux
antihypertenseurs par rapport au traitement conventionnel confirme
la moins bonne cérébroprotection avec les IEC, qui diminuent la
formation d’angiotensine II (le RR d’AVC est de 1 à 1,19).
Ce lien
direct entre formation d’angiotensine II et protection cérébrale a été
retrouvé dans notre revue générale des grandes études et
s’explique par des mécanismes anti-ischémiques cérébraux médiés
par l’activation des récepteurs non-AT1 (AT2 et AT4) de
l’angiotensine II.
Par ailleurs, la méta-analyse de la Blood Pressure
Lowering Trialist Collaboration confirme que le traitement
conventionnel est supérieur aux antagonistes calciques dans la
prévention de l’insuffisance cardiaque (RR = 0,68-0,82).
Au total, comme l’a encore démontré la méta-analyse en réseau,
aucune méta-analyse ne peut valablement proposer une autre classe
d’antihypertenseur pour détrôner les thiazides (surtout s’ils sont
combinés aux épargneurs de potassium) de leur première place pour
le traitement initial, notamment chez le sujet âgé, puisque les
diurétiques offrent une meilleure protection cérébrale que les
bêtabloquants, les alphalpha1-bloquants et les IEC, et une meilleure
protection cardiaque que les antagonistes calciques (insuffisance
cardiaque) et que les alpha1-bloquants (insuffisance cardiaque).
Ceci est
d’autant plus remarquable que les diurétiques, même à faibles doses,
exposent à des complications métaboliques plus fréquentes qu’avec
les nouveaux antihypertenseurs (alpha1-bloquants, antagonistes
calciques et IEC).
Cependant, la fréquence globale de leurs effets secondaires est plus
faible que celle des DHP (42 % avec le coamilozide [HCTZ +
amiloride] et 49 % avec le Chronoadalatet) et entraîne moins
souvent l’arrêt du traitement (1 048 contre 1 259) dans l’étude
INSIGHT.
Seule la classe des AT1-bloquants présente une
tolérance incontestablement meilleure que celle des diurétiques, la
fréquence de ses effets secondaires étant comparable à celle d’un
placebo.
Ces faits justifient les recommandations françaises de l’Agence
nationale d’accréditation en d’évaluation en santé, celles de la British
Society of Hypertension et celles du JNC-7, qui recommandent
les diurétiques en première intention.
Ces recommandations
précisent de plus qu’on ne peut parler d’hypertension résistante à
une bi- ou trithérapie sans avoir introduit un diurétique.
De fait, les
diurétiques ont une action antihypertensive additive ou synergique
prouvée et recommandée avec la majorité des autres classes
d’antihypertenseurs. Avec les inhibiteurs du système rénineangiotensine
(bêtabloquant, IEC, antagonistes des récepteurs AT1),
cette action est synergique, alors qu’avec les vasodilatateurs (qui
entraînent une rétention sodée), les antihypertenseurs centraux, les
antagonistes calciques et les alpha1-bloquants, elle ne serait qu’additive.
Ceci justifie les bithérapies à combinaison fixe,
auxquelles devrait s’ajouter une association diurétique et diltiazem.
Le seul inconvénient des associations avec les
alpha1-
bloquants et IEC ou AT1 bloquants est le risque de malaise
orthostatique, à craindre surtout chez le sujet âgé, dont le baroreflexe
est émoussé.
De plus, la faiblesse de la dose de thiazide peut
diminuer la protection vis-à-vis des AVC, car la revue des grands essais thérapeutiques suggère un lien entre le degré de
stimulation du système rénine-angiotensine et cette protection
cérébrale, probablement par la stimulation des récepteurs non AT1
de l’angiotensine II.
Il faut rappeler ici que la protection cérébrale
donnée par les diurétiques et par les DHP est comparable, comme l’a bien
démontré l’étude INSIGHT.
Cette constatation est en
accord avec ce concept, les DHP stimulant la sécrétion de rénine.
Les études de cohorte ont montré que le risque cardiovasculaire
présentait une relation log linéaire avec la PA systolique jusqu’à son
seuil définissable de 115 mmHg et avec la pression diastolique
jusqu’à 75 mmHg, suggérant que ces pressions devraient être les PA
optimales, car associées au risque cardiovasculaire le plus faible.
Cependant, de tels chiffres ont rarement été atteints dans les grandes
études, expliquant que les recommandations des consensus aient été
variables mais toujours plus élevées, par exemple :
– en l’absence de diabète et d’insuffisance rénale, inférieures à
140/85 mmHg pour Ramsay et al ;
– en présence d’un diabète, inférieures à 140/80 mmHg pour
Ramsay, mais inférieures à 130/85 pour Bakris.
La récente méta-analyse des grandes études concernant les
diabétiques a montré que la fréquence d’obtention d’une PA
systolique inférieure à 140 mm Hg n’atteignait guère 50 %, ce qui
démontre bien le caractère volontariste et non prouvé par les faits
de ces recommandations.
B - DIURÉTIQUES ET PRÉVENTION DE LA PROGRESSION
DES NÉPHROPATHIES PROTÉINURIQUES :
L’étude MDRD a fortement suggéré, grâce à une analyse post
hoc, que la progression de l’insuffisance rénale pouvait être
ralentie par une diminution de la PA au-dessous des chiffres tensionnels de 140-90 proposés par l’Organisation mondiale de la
santé.
En effet, la comparaison de deux groupes d’insuffisants
rénaux, dont la PA a été maintenue en moyenne à 130-85 et 125-75 mmHg, a pu montrer une moindre dégradation de la fonction rénale
dans le groupe à PA inférieure à condition toutefois que leur
protéinurie soit supérieure à 1g/j.
Pour obtenir une telle baisse tensionnelle, les diurétiques sont presque constamment
indispensables, à dose progressivement croissante, en raison du rôle
de la rétention sodée dans l’HTA des insuffisants rénaux.
La justification des diurétiques dans l’insuffisance rénale est d’autant
plus grande que la déplétion sodée qu’ils induisent diminue la
protéinurie, qui représente avec l’HTA l’un des deux facteurs
de progression de l’insuffisance rénale les plus importants.
Il n’est
pas inutile de rappeler que, dans la seule étude ayant comparé en
tête à tête un diurétique, l’HCTZ, et un IEC, l’énalapril, pendant
4 ans, chez 110 diabétiques de type 2 avec macroprotéinurie,
l’évolution de la filtration glomérulaire (mesurée par EDTA) a été
comparable alors que celle de la protéinurie n’a été moins bonne
avec le thiazide qu’au cours de la quatrième année.
Ceci explique que l’association diurétique IEC et/ou AT1-bloqueur
représente le traitement de choix de toutes les néphropathies
protéinuriques, le diurétique pouvant être un thiazide seul si la
clairance de la créatinine est supérieure à 60 ml/min et un
diurétique de l’anse, éventuellement associé à un thiazide, si la
clairance de la créatinine devient inférieure à 60 ml/min.
Les
antagonistes des récepteurs AT1 ont maintenant fait leur preuve
dans la néphropathie du diabétique de type 2 (étude RENAAL,
étude IDNT).
L’association supplémentaire d’un épargneur de
potassium est en revanche à éviter en raison du risque
d’hyperkaliémie des IEC. Nous lui préférons l’association IEC et AT1-bloqueur comme dans l’étude COOPERATE, qui a par
ailleurs montré une meilleure synergie antiprotéinurique pour
l’association AT1-bloqueur et IEC avec les diurétiques qu’avec les
antagonistes calciques.
Rappelons que l’association d’un diurétique à un IEC et/ou un
antagoniste des récepteurs AT1 expose à une augmentation initiale
de la créatininémie.
Celle-ci doit être tolérée tant qu’elle ne dépasse
pas 30 % et qu’elle s’accompagne d’une diminution de la
protéinurie.
Cette baisse initiale de la filtration glomérulaire et de la
protéinurie au cours des traitements antihypertenseurs de
l’insuffisance rénale est même un facteur prédisant une meilleure
conservation à long terme de la fonction rénale.
Si elle dépasse
30 %, il faut diminuer les doses du diurétique et/ou de l’IEC,
éliminer les éventuels anti-inflammatoires et, si cela ne suffit pas,
rechercher une sténose de l’artère rénale (uni- ou bilatérale) par
échodoppler.
Rappelons que, en cas d’exploration radiologique avec produit de
contraste iodé (angiographie, scanner), il est recommandé d’arrêter
transitoirement les diurétiques 24 à 48 heures avant, pour diminuer
le risque d’aggravation de l’insuffisance rénale.
Signalons que l’on a
récemment proposé le recours à l’administration d’acétylcystéine
(Fluimucilt per os à la dose de 600 mg deux fois par jour la veille et le jour
de l’examen) pour diminuer ce risque.
C - COMPLICATIONS DES DIURÉTIQUES DANS
LE TRAITEMENT DE L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE
ET DE LA PROGRESSION DES NÉPHROPATHIES :
1- Complications hydroélectrolytiques et rénales
:
Elles ont déjà été envisagées dans la première partie. Aussi, nous
nous contenterons d’insister seulement ici sur le fait que chez
l’hypertendu les complications électrolytiques devraient toujours
être prévenues par la combinaison d’un diurétique hypokaliémiant
avec un épargneur de potassium à doses modérées, en l’absence
d’insuffisance rénale, et d’un inhibiteur de la synthèse
d’angiotensine II ou d’un bloqueur des récepteurs de l’angiotensine
II en cas d’insuffisance rénale.
D’après une étude cas-témoin, la
prévention des hypokaliémies des thiazides par l’amiloride est
même capable de diminuer le risque de mort subite par rapport aux
bêtabloquants.
Les associations fixes des diurétiques à des
inhibiteurs de la sécrétion de rénine (bêtabloquants) et surtout de la
synthèse ou des récepteurs AT1 de l’angiotensine II peuvent être
utilisées dans le même but. Rappelons que la recommandation de
doses modérées de thiazide (de 12,5 à 50 mg d’HCTZ au maximum)
et de leur association aux épargneurs de potassium est
particulièrement importante chez le sujet âgé pour éviter les
hyponatrémies.
2- Complications métaboliques des diurétiques
:
Les principales complications métaboliques des diurétiques sont
l’hyperuricémie et une insulinorésistance responsable de
l’intolérance aux hydrates de carbone et de la dyslipidémie.
Elles
sont importantes à discuter car leur conséquence néfaste sur le
pronostic cardiovasculaire a été initialement surestimée, conduisant
à considérer a priori les diurétiques comme moins cardioprotecteurs
que les nouveaux antihypertenseurs, alors qu’aucune preuve n’a pu
en être apportée jusqu’à présent, même chez le diabétique.
* Hyperuricémie
:
Elle est en rapport avec une diminution de la clairance de l’acide
urique proportionnelle à la déplétion sodée et à la stimulation du
système rénine angiotensine.
Elle est donc habituelle avec les thiazides et les diurétiques de l’anse, et plus rare avec les épargneurs
de potassium, dont la déplétion sodée induite dans l’hypertension
essentielle est faible.
Un consensus existe pour ne pas la corriger,
sauf s’il existe des antécédents de goutte.
On peut alors avoir recours
aussi bien aux uricosuriques (comme la benzbromarone, le losartan
ou Cozaart, seul antagoniste des récepteurs AT1 de l’angiotensine II
à avoir cette propriété) qu’à l’allopurinol, inhibiteur de la xanthineoxydase.
Jusqu’à tout dernièrement, l’hyperuricémie n’était pas
considérée comme un facteur de risque vasculaire indépendant,
mais des études épidémiologiques plus récentes remettent en cause
ce consensus et une étude récente en donne une explication
physiopathologique en montrant que sa correction chez
le diabétique a pu améliorer la vasodilatation endothélium-dépendante.
* Intolérance aux hydrates de carbone
:
Une intolérance aux hydrates de carbone a tout d’abord été
rapportée dans une étude du MRC en 1976 alors qu’étaient données
de fortes doses de thiazidiques seuls. Elle avait été rapportée à une
insulinorésistance favorisée par la déplétion potassique.
Cette
explication n’est cependant pas suffisante, car une insulinorésistance
a été également rapportée dans l’étude européenne chez le sujet âgé,
alors qu’une association de thiazide et de triamtérène était utilisée.
Le risque d’apparition d’un diabète (glycémie à jeun supérieure à
7 mmol ou non à jeun supérieure à 11 mmol/l, ou prise d’un
traitement antidiabétique) avec les thiazides seuls à faibles doses
n’est cependant pas plus grand dans l’étude ARIC que celui d’un
groupe contrôle hypertendu non traité ou du groupe traité par IEC
seul, antagoniste calcique seul (RR à 0,95, 0,99 et 1,17), à l’opposé de
ce qui est observé avec les bêtabloquants (RR = 1,26).
La majoration de l’incidence du diabète de type 2 observée dans le
groupe conventionnel par rapport au groupe captopril de l’étude
CAPPP, ou dans le groupe placebo par rapport au groupe ramipril
de l’étude HOPE, est plutôt à mettre sur le compte des
bêtabloquants que sur celui des thiazides.
Ces données doivent d’autant moins conduire à restreindre les
thiazides chez les hypertendus, même obèses ou diabétiques de type
2, que leur efficacité dans la protection cardiovasculaire a été bien
démontrée chez les diabétiques de type 2 dans l’étude SHEP.
Néanmoins, on doit proscrire les fortes doses de thiazides (> 50 mg
d’HCTZ) car elles ont été incriminées à l’origine de comas
hyperosmolaires.
Il faut signaler cependant que l’étude ALLHAT a confirmé
l’existence d’un effet diabétogène plus important avec la
chlortalidone qu’avec l’amlodipine (RR = 1,18) ou le lisinopril
(RR = 1,43), parallèlement à un risque hypokaliémique plus fort (RR
respectivement de 4,47 et 10,6).
Ceci ne fut associé à aucun surcroît
de risque de complication cardiovasculaire.
C’est même l’inverse qui
a été observé, alors que le traitement associé était comparable et
comportait entre autres des bêtabloquants.
* Dyslipidémie :
Elle est caractérisée par une augmentation du cholestérol total et
des triglycérides, et par une baisse du high density lipoprotein
cholestérol.
Elle est également médiée par l’insulinorésistance et
potentialisée par la déplétion potassique et par la coadministration
de bêtabloquants sans activité sympathomimétique intrinsèque.
Cependant, ces anomalies sont surtout rencontrées avec de fortes
doses de diurétiques et sont transitoires car exceptionnellement
retrouvées dans les études prolongées sur plus de 1 an.
De plus,
elles sont majorées par le tabagisme, qui aggrave l’insulinorésistance
et, selon une étude israélienne, leur persistance ne se verrait que
chez les fumeurs. Ainsi n’y a-t-il aucune raison de ne pas prescrire
des thiazides à un sujet diabétique, obèse ou ayant une dyslipidémie
initiale.
L’étude ALLHAT a cependant également confirmé l’effet
hypercholestérolémiant de la chlortalidone par rapport à
l’amlodipine et surtout le lisinopril, le pourcentage de patients avec
un cholestérol total supérieur à 2,40 g/l étant de 14,4 avec la
chlortalidone, contre 13,4 % avec l’amlodipine (non significatif) et
12,8 % (p < 0,005) avec le lisinopril.
Cette dyslipidémie n’a cependant
entraîné aucun surcroît de morbidité coronaire, au terme d’un suivi
de 6 ans.
3- Retentissement sur la qualité de vie et la
carcinogenèse :
Les risques de malaise orthostatique, d’impuissance, d’altération des
fonctions cognitives et de carcinogenèse rénale sont également à
discuter, car ils sont fréquemment mis en avant pour dénier aux
diurétiques leur place comme traitement initial préféré dans le
traitement de l’HTA essentielle non maligne.
* Hypotension orthostatique
:
Le malaise orthostatique peut être favorisé par tous les
antihypertenseurs et en particulier par les diurétiques.
Sa prévention
est importante pour éviter les AVC, les chutes et les fractures.
Pour
cela, il est nécessaire, surtout chez le sujet âgé, de n’augmenter que
très progressivement les doses, avec vérification régulière de la
fréquence cardiaque et de la PA, en position couchée et debout.
Dans
l’étude STOP Hypertension 2, concernant des sujets âgés de
76 ± 10 ans, la fréquence de ces malaises était de l’ordre de 25 à 28 %
et comparable pour le traitement conventionnel (diurétique et/ou
bêtabloquant) et le traitement par IEC ou DHP.
* Impuissance :
Elle est fréquente chez l’hypertendu et encore plus après mise en
route du traitement.
Les thiazides à fortes doses, comme dans
l’étude du MRC, augmentent significativement la fréquence des
impuissances.
Cependant, à faibles doses, comme dans l’étude TOMHS, la diminution de la fréquence de l’acte sexuel et de l’intérêt
pour lui n’était pas plus grande avec la chlortalidone qu’avec
l’acébutolol, l’énalapril ou l’amlodipine.
*
Fonctions cognitives
:
Une altération des fonctions cognitives du sujet âgé a pu être
rapportée lors de l’utilisation des thiazides à fortes doses. Une étude
randomisée récente n’a montré cependant aucune différence
significative entre un placebo, un demi-comprimé de Modurétict et
50 mg d’aténolol.
Il n’y a donc aucune contre-indication à utiliser
l’association thiazide et épargneur de potassium à faibles doses chez
le sujet âgé, comme chez le sujet très âgé chez lequel les diurétiques
ont été les seuls à prouver leur efficacité dans la prévention
cardiovasculaire.
*
Carcinogenèse rénale
:
D’après un éditorial de Messerli, les diurétiques (essentiellement thiazides à fortes doses) pourraient être un facteur de risque de
cancer rénal.
En effet, neuf études cas/témoins et trois études de
cohorte le suggèrent, surtout chez la femme (RR de 2 contre 1,7 chez
l’homme).
Ceci conduit Messerli à ne plus recommander en
première intention les thiazides chez les femmes avant la
ménopause, car le traitement thiazidique n’éviterait que six AVC
mais pas d’infarctus ni de mort « pour le prix d’un cancer du rein ».
En revanche, chez l’homme et chez le sujet âgé, quel que soit le
sexe, le « prix d’un cancer du rein » serait payé par la prévention de
20 à 40 AVC, de trois à 28 infarctus et de trois à dix décès de cause
cardiovasculaire.
S’il veut suivre les conseils de Messerli, le médecin
doit de plus tenir compte de la perte de l’effet préventif des thiazides
vis-à-vis de l’ostéoporose, particulièrement fréquente chez la femme,
et du risque de décès par fracture du col.
Interactions médicamenteuses
Enfin, nous insisterons de nouveau sur le risque d’interférence avec
les AINS, qui sont une des causes de résistance d’une hypertension
à une trithérapie comprenant un diurétique et qui peuvent précipiter
une insuffisance rénale et une insuffisance cardiaque.
D - MÉCANISME DE LA BAISSE TENSIONNELLE INDUITE
PAR LES DIURÉTIQUES DANS L’HYPERTENSION
ESSENTIELLE
:
Le mécanisme antihypertenseur des diurétiques reste
paradoxalement encore mal connu. Ce paradoxe reflète en fait notre
ignorance de la pathogénie de l’HTA essentielle.
Un consensus existe
pour considérer qu’il réside essentiellement dans l’induction d’une
balance sodée négative, même si celle-ci n’est que transitoire.
Durant les 2 premières semaines (pendant lesquelles le poids
diminué n’est pas encore revenu à son niveau initial), la baisse tensionnelle, qui s’établit progressivement pendant la première
semaine pour se maintenir constante par la suite, s’explique avant
tout par l’abaissement du débit cardiaque, les résistances périphériques restant à leur niveau initial même après une élévation
réactionnelle transitoire.
Ceci peut se comprendre si on se
rappelle l’équation hémodynamique fondamentale : PA
moyenne = débit cardiaque × résistances périphériques totales, la
diminution du débit cardiaque étant elle-même due à la diminution
du retour veineux en rapport avec l’hypovolémie.
Au-delà de la quatrième semaine, on constate la persistance de la
baisse tensionnelle alors que le débit cardiaque est revenu à son niveau initial
et que les résistances périphériques sont abaissées.
Ceci implique
une diminution de la vasoconstriction des artérioles.
La finalité de cette vasodilatation artériolaire répond
à la théorie de Guyton, qui veut que la perfusion des tissus doit
s’adapter à leur demande métabolique.
En effet, celle-ci étant
constante d’un jour à l’autre implique que le débit cardiaque basal
reste constant en dépit de la baisse de pression de perfusion.
Le mécanisme intime de cette vasodilatation dépendant de la
déplétion sodée initiale reste encore mystérieux.
Des expériences in vitro réalisées avec les thiazides, l’indapamide,
les diurétiques de l’anse et les épargneurs de potassium ont réussi à
démontrer une action vasodilatatrice directe sur les artérioles, mais
à des concentrations le plus souvent pharmacologiques.
Pour les thiazides ayant gardé une activité inhibitrice de l’anhydrase
carbonique (comme le HCTZ mais pas le bendrofluazide), des
travaux récents ont montré qu’ils provoquaient in vitro (à des
concentrations compatibles avec des doses thérapeutiques) une
relaxation de la fibre musculaire lisse par ouverture des canaux
potassiques activés par le calcium, suite à l’alcalinisation du
cytoplasme par inhibition de l’anhydrase carbonique.
En effet,
l’ouverture de ces canaux potassiques conduit à une
hyperpolarisation de la cellule musculaire lisse, conduisant à la
fermeture des canaux calciques voltage-dépendants.
La
démonstration in vivo chez l’homme d’un effet artériolodilatateur
des diurétiques indépendant de leur effet natriurétique reste à faire
(pour l’instant, seul un effet veinodilatateur direct a été démontré
avec le furosémide).
Indépendamment de leur action vasodilatatrice artériolaire à long
terme, les diurétiques augmentent la compliance des gros troncs
artériels. Ceci améliore la fonction d’amortissement de l’onde
systolique, fréquemment altérée chez l’hypertendu âgé.
Or, cette
altération a deux conséquences néfastes : l’augmentation de la
pression systolique et l’abaissement de la pression diastolique, avec
pour conséquence une augmentation de la pression pulsée.
L’augmentation de la pression systolique s’explique par
l’augmentation de la vitesse de propagation de l’onde du pouls
proportionnelle à la rigidité artérielle, expliquant que l’onde
réfléchie, au lieu de revenir dans la diastole, revient pour renforcer
l’onde systolique.
Alors que le risque d’AVC apparaît
essentiellement lié à la PA moyenne, le risque d’infarctus du
myocarde est essentiellement lié à la pression systolique et donc à la
pression pulsée.
Cette différence entre le retentissement coronarien
et cérébral s’explique par le fait que l’ischémie myocardique est
accrue par la baisse de la pression diastolique (la circulation
coronaire ne se faisant que durant la diastole) et par l’augmentation
du stress pariétal lors de la systole, qui se fait contre une impédance
aortique augmentée du fait d’une pression systolique élevée.
L’efficacité des diurétiques sur la compliance artérielle explique
qu’ils forment la classe d’antihypertenseurs qui abaisse le plus la
pression pulsée, comme l’a montré l’étude de l’Administration
des vétérans, avec une baisse de 8,6 mmHg pour l’HCTZ,
6,3 pour la clonidine, 5,5 pour le diltiazem, et 4 pour le captopril et
l’aténolol.
Avec Safar, il faut remarquer que l’amélioration de la compliance
induite par les diurétiques est plus faible dans l’HTA humaine
essentielle que dans les modèles expérimentaux de rat Dahl sensible
au sel, probablement en raison de la stimulation réactionnelle des
systèmes adrénergiques et rénine-angiotensine.
De fait, son équipe a
pu démontrer une amélioration additive de cette compliance par
l’addition de 50 mg de captopril, alors que l’addition de 5 mg
d’amiloride était sans effet sur cette compliance et que la PAM était
comparable.
Cette observation est une justification des associations IEC et thiazide.
Ces mécanismes d’action à long terme des diurétiques expliquent
que les diurétiques sont les antihypertenseurs ayant le rapport
vallée/pic le plus élevé lors de la mesure ambulatoire de la PA sur
les 24 heures.
L’existence d’un effet pic pourrait constituer à
nos yeux la seule démonstration de leur action vasodilatatrice
directe, indépendante de l’équilibre hydrosodé.
Quoi qu’il en soit,
ils sont en particulier remarquablement efficaces pour restaurer la
chute nocturne de la PA, notamment chez l’insuffisant rénal.
La stabilité du contrôle tensionnel accordée par les diurétiques
par rapport aux nouveaux antihypertenseurs (antagonistes du
calcium même à longue durée d’action, IEC) explique
probablement leur remarquable protection cardiovasculaire,
malgré leurs effets métaboliques délétères, et leur efficacité
supérieure à celle des IEC dans la régression de l’HVG, comme
vient le démontrer l’étude LIVE, en dépit de la stimulation de la
synthèse de l’angiotensine II, cofacteur de croissance favorisant
l’hypertrophie cardiaque.
E - BITHÉRAPIES ANTIHYPERTENSIVES EN COMBINAISON
FIXE COMPRENANT UN DIURÉTIQUE :
La justification de leur utilisation en deuxième intention est évidente
quand, pour un malade donné, la nécessité d’associer deux
composants a été établie sur le plan de l’efficacité et de la tolérance.
En effet, cela diminue le nombre de comprimés à prendre (et
favorise donc a priori l’observance) et par ailleurs le coût.
Leur justification en première intention mérite en revanche
discussion.
– Les combinaisons fixes d’épargneurs de potassium avec les
thiazides ou diurétiques de l’anse ne se justifient que chez les
patients initialement normokaliémiques, pour diminuer les risques
d’hyper- ou hypokaliémie.
– La combinaison fixe de réserpine et de bendrofluméthiazide est
intéressante par la diminution des doses des deux composants, dont
les doses initiales plus élevées étaient responsables d’effets
secondaires non négligeables : dépression pour la réserpine,
impuissance pour le bendrofluméthiazide.
– Les combinaisons fixes des thiazides avec les bêtabloquants, les
IEC et les AT1-bloquants sont parfaitement logiques sur le plan de
la synergie dans la baisse tensionnelle, puisqu’elles sont conformes
à la théorie des paires synergiques de traitements proposée par le
groupe de Cambridge.
Une synergie est en effet observée si les
deux médicaments associés ont une action opposée sur la rénine,
donc sur la formation d’angiotensine II, et donc sur l’activation des
récepteurs-AT1 de l’angiotensine II.
L’étude ALLHAT en a
magistralement démontré le bien-fondé. Cette étude randomisée en
double aveugle a inclus plus de 33 000 patients hypertendus ayant
au moins un autre facteur de risque cardiovasculaire.
La chlortalidone a été comparée à l’amlodipine et au lisinopril pendant
une durée moyenne de 5 ans.
Si nécessaire, une bithérapie pouvait
être instituée.
La baisse tensionnelle a été comparable dans les
groupes chlortalidone et amlodipine alors que dans le groupe
lisinopril elle a été significativement plus faible : la pression
systolique a diminué de 2 mmHg de moins en moyenne.
Or, dans le
groupe lisinopril, le deuxième élément de la bithérapie était choisi
parmi des médicaments freinant tous la rénine (aténolol, clonidine,
réserpine), expliquant la baisse moindre de la PA systolique avec le
lisinopril.
Les nouvelles classes non évaluées dans ces deux études
(à savoir les AT1-bloquants et les NDHPLDA) entrent logiquement
dans le groupe AB de Dickerson (IEC et bêtabloqueurs) et non CD
(calcium-antagonistes DHP et diurétiques) car ces deux classes
atténuent l’activation des récepteurs AT1, les sartans en bloquant
directement les récepteurs AT1 et les NDHPLDA en inhibant la
sécrétion de rénine par action sympatholytique centrale prédominante.
Les NDHPLDA s’opposent sur ce point aux NDHP à
courte durée comme le diltiazem utilisé dans cinq septièmes de la
durée de l’étude NORDIL.
La justification des associations d’un thiazide avec un bêtabloquant,
un IEC, un AT1 bloquant ou une NDHPLDA, en termes de
protection cardiovasculaire indépendante de la baisse tensionnelle,
repose essentiellement sur une meilleure protection cérébrale.
En
effet, nous avons montré que la cérébroprotection était corrélée
directement à la formation d’angiotensine II.
Or, la formation
d’angiotensine II est diminuée par les bêtabloquants, les IEC et les
NDHPLDA et augmentée par les AT1-bloquants et les thiazides.
Ceci
suggère donc, qu’indépendamment de la baisse tensionnelle,
l’association de thiazide renforcera la prévention des AVC pour tous
ces médicaments et que la meilleure cérébroprotection sera obtenue
par l’association thiazides et AT1-bloquants.
Par ailleurs, on remarquera aussi que la cérébroprotection devrait
être aussi d’autant meilleure que la dose de thiazide et de sartan est
plus élevée, c’est-à-dire avec Fortzaart, ou Cotaregt-Nisiscot
(160/25), qui sont associés à 25 mg et non 12,5 mg d’HCTZ, et avec
Cokenzent et Hytacandt 16 ou Coaprovel 300t, en raison de la plus
forte dose de sartan.
Ces bithérapies fixes posent par ailleurs le problème de leur choix
préférentiel entre elles.
Pour appuyer ce choix, il faudrait que ces
bithérapies aient été comparées entre elles dans de grandes études
randomisées de morbidité et de mortalité.
Ceci n’a pas encore été
réalisé mais est parfaitement justifié car l’étude ALLHAT a montré
qu’une bithérapie était le plus souvent nécessaire pour obtenir une
PA inférieure ou égale à 140/90.
Bien que cette étude ait conclu de
donner la préférence aux thiazides par rapport aux DHP, il faut
reconnaître que, en termes de protection cardiovasculaire globale,
l’amlodipine n’était pas significativement inférieure.
Aussi, dans le
choix d’une bithérapie, il nous paraît logique de ne pas écarter les DHP. De plus, les DHP sont, avec les thiazides, les deux seules
classes activant les récepteurs AT1 et donc synergiques pour la
baisse tensionnelle quand ils sont associés avec tous les autres
antihypertenseurs inhibant l’angiotensine II, à savoir bêtabloquants,
IEC, AT1-bloqueurs et NDHPLDA comme le COERvérapamil et
le vérapamil L.
En raison de leurs effets non optimaux sur le risque d’insuffisance
cardiaque et d’AVC, les préparations à longue durée d’action du
vérapamil ne nous paraissent pas un choix prioritaire comme
deuxième antihypertenseur.
Dans CONVINCE, le risque d’AVC
avec le vérapamil, comparé à diurétique et/ou un bêtabloquant, était
de 1,15 (0,90-1,48) et, dans l’étude INVEST, le vérapamil comparé à
l’aténolol était associé à un risque cardiovasculaire global augmenté
dans le sous-groupe avec antécédents d’insuffisance cardiaque
(RR = 1,21 [0,99-1,40]).
Aussi, la discussion de deuxième médicament doit se concentrer sur
bêtabloquant, IEC et AT1-bloqueurs, en écartant a priori les
bêtabloquants en raison du risque plus élevé de diabète par rapport
aux IEC (études CAPPP et HOPE) et aux AT1-bloquants (études
LIFE et SCOPE).
On en arrive donc à souhaiter qu’une grande étude
compare les quatre bithérapies suivantes : un thiazide associé à un
IEC ou un AT1-bloqueur, et une DHP associée également à un IEC
ou un AT1-bloqueur.
L’étude UKPDS a montré un risque cardiovasculaire similaire pour
le captopril et l’aténolol, alors que l’étude LIFE a montré un risque
d’AVC et cardiovasculaire global moindre avec le losartan comparé
à l’aténolol.
On peut escompter dès lors une supériorité des AT1-
bloqueurs sur les IEC en termes de risque cérébral et vasculaire
global.
Les données de l’étude VALIANT, qui a montré une
égalité entre valsartan et captopril à forte dose, laissent présager un
risque cardiaque équivalent entre les deux classes. Vu l’infériorité
de l’amlodipine comparée à la chlortalidone dans l’étude ALLHAT
vis-à-vis du risque d’insuffisance cardiaque, on peut s’attendre à une
légère supériorité de la bithérapie thiazide-AT1 bloquant sur les trois
autres.
F - TRAITEMENT DIURÉTIQUE SPÉCIFIQUE
DES HYPERTENSIONS ARTÉRIELLES
AVEC DYSKALIÉMIE :
Dans les hypertensions avec hypokaliémie par hyperaldostéronisme
secondaire à un hyperréninisme primitif (tumeur à rénine), à une
néphroangiosclérose maligne idiopathique ou sclérodermique, ou à
une sténose unilatérale des artères rénales, les diurétiques sont
initialement contre-indiqués en raison de l’hypovolémie, qui se
corrige grâce à un traitement étiologique (ablation de la tumeur ou
intervention de revascularisation en cas de sténose) ou grâce à un
traitement pharmacologique par IEC ou antagoniste des récepteurs
AT1.
Les sténoses bilatérales des artères rénales bénéficient en
revanche souvent d’un traitement diurétique car elles sont
habituellement volodépendantes et à rénine basse ou normale.
Dans les hypertensions avec hypokaliémie et rénine basse relevant
d’un hyperaldostéronisme primaire, ou d’une hypersécrétion de
DOC, ou d’une inhibition de la 1a-hydroxy-stéroïde-déshydrogénase
idiopathique (non due à l’excès de réglisse), la spironolactone et
l’éplérénone sont efficaces.
En revanche, dans le syndrome de Liddle
lié à l’hyperactivité du canal sodium amiloride-sensible, seuls
l’amiloride et le triamtérène corrigent l’HTA et l’hypokaliémie,
spironolactone et éplérénone étant inefficaces, puisqu’ils sont
antagonistes de l’aldostérone et que la sécrétion de celle-ci est
freinée.
Dans le syndrome de Gordon avec hyperkaliémie et fonction rénale
normale, les thiazides normalisent l’HTA, l’hyperkaliémie et
l’acidose hyperchlorémique.
G - INDICATIONS RARES DES DIURÉTIQUES
:
Elles dépendent
de la nature des diurétiques.
1- Thiazides et traitement des hypercalciuries
idiopathiques ou de l’hypoparathyroïdie traitée
:
* Hypercalciuries
:
L’effet hypocalciuriant peut être mis à profit pour traiter les
hypercalciuries idiopathiques associées à des lithiases calciques et à
certaines ostéoporoses du sujet jeune, ou observées au cours des
hypoparathyroïdies traités par calcium et vitamine D.
On
a recours de préférence à une association thiazide et épargneur de
potassium (type Modurétict), car la déplétion potassique aggrave
l’hypocitraturie, autre facteur lithogène, et favorise l’asthénie.
Chez
les sujets normotendus, on commence par un demi-comprimé par
jour et on peut augmenter jusqu’à 2 comprimés si la tolérance
orthostatique est bonne et si l’hypercalciurie n’est pas corrigée en
dépit d’une restriction associée des protides à 1 g/kg de poids et du
sel à 5-6 g/j (natriurèse des 24 heures inférieure à 100 mmol, urée
des 24 heures inférieure à 350 mmol).
L’apport de calcium n’est pas
restreint mais maintenu optimal, entre 700 et 1 000 mg/24 heures
afin d’éviter d’induire une hyperoxalurie.
* Ostéoporose :
En ce qui concerne l’intérêt des thiazides dans le traitement
préventif et curatif de l’ostéoporose, il a été surtout démontré par
des études cas/témoins et des études de cohortes, mais non dans de
larges essais randomisés contre placebo.
Une méta-analyse
récente permet de conclure à un effet bénéfique en ce qui
concerne non seulement la densitométrie osseuse, mais aussi le
risque de fracture, qui serait réduit de 20 %. Rappelons que cet effet
est plus important lorsque les doses d’HCTZ sont supérieures à
25 mg.
Chez le sujet âgé, on a donc intérêt à ne pas trop diminuer la
dose de thiazide, sauf si cela est nécessité par la survenue
d’hypotension orthostatique, facteur de chute et d’ischémie cérébrale
transitoire.
Une dose allant jusqu’à 50 mg peut être utilisée, car elle
n’augmente pas le risque de mort subite par rapport aux
bêtabloquants, même si elle n’est pas associée à un diurétique
d’épargne potassique.
L’effet bénéfique des thiazides dans l’ostéoporose est expliqué
essentiellement par son action hypocalciuriante rénale, aboutissant
à une freination de la parathormone et du catabolisme osseux. Cet
effet hypocalciuriant est aboli par l’augmentation des apports sodés.
Ces derniers doivent donc être bien restreints à 100 mmol/j (6 g de
sel).
Un travail récent a démontré que l’effet hypocalciuriant de 50 mg
de HCTZ était davantage renforcé par le bicarbonate de potassium
que par le chlorure de potassium, probablement en raison d’une
meilleure équilibration de la surcharge acide alimentaire.
De plus, le
bicarbonate de potassium est plus efficace que le bicarbonate de
sodium car l’excès de sodium diminue l’effet hypocalciuriant des
thiazides.
À l’opposé, du fait de leur effet hypercalciuriant stimulant la
parathormone, les diurétiques de l’anse diminuent la densité osseuse
et aggrave l’hyperparathyroïdie.
Ils sont donc déconseillés chez les
sujets à risque d’ostéoporose.
2- Diurétiques thiazidiques et traitement du diabète
insipide néphrogénique héréditaire
:
Le diabète insipide central par défaut de sécrétion d’ADH peut être
traité efficacement par de la desmopressine (DDAVP ou Minirint).
Au contraire, dans le diabète insipide néphrogénique (par défaut
génétique de récepteur V2 ou de synthèse des aquaporines AQP-2),
la réduction de la diurèse ne peut être obtenue que par réduction
des apports osmolaires en sodium et urée, c’est-à-dire par restriction
en sel et en protéines associée à un traitement diurétique
thiazidique dont le mécanisme d’action vient d’être mieux
compris. Avant les travaux de Magaldi, on expliquait la réduction
paradoxale de la diurèse sous thiazides par la contraction du volume
extracellulaire entraînant une hyperréabsorption proximale et donc
une réduction du débit d’eau et de chlorure de sodium délivré au
tube collecteur.
Grâce à des travaux de microperfusion, Magaldi a
montré que les thiazides agissaient spécifiquement sur la face
luminale de la portion médullaire interne du collecteur en
interférant avec l’action de la prostaglandine E2, cette dernière étant
connue pour diminuer la perméabilité à l’eau en inhibant
l’adénylcyclase stimulée par l’ADH.
On conçoit que cette action soit
potentialisée par les AINS (comme la tolmentine, dont la tolérance
chez l’enfant est bonne) car ils inhibent la synthèse de
prostaglandine E2.
L’action des thiazides est renforcée par
l’amiloride, qui prévient l’hypokaliémie, celle-ci pouvant par ellemême
créer un diabète insipide néphrogénique.
3- Diurèse forcée par diurétique de l’anse
:
En dehors du traitement de l’hyponatrémie de dilution avec ou sans
oedème et des tentatives infructueuses d’améliorer le pronostic des
insuffisances rénales aiguës, la diurèse forcée par de fortes
doses de diurétique de l’anse et compensation hydroélectrolytique a
été proposée dans deux autres indications :
– le traitement d’urgence des hypercalcémies ;
– le traitement de certaines intoxications.
En raison de l’avènement des biphosphonates, qui inhibent
remarquablement les hypercalcémies ostéolytiques néoplasiques
dans les 48 heures et moins efficacement les hypercalcémies
parathyroïdiennes, cette méthode est tombée en désuétude.
Les intoxications dans lesquelles la diurèse forcée aux diurétiques
de l’anse a été proposée sont : celles aux salicytates, aux
barbituriques de longue durée d’action, à l’éthylène-glycol, au
thallium, au bromure et à l’iode, ces deux halides étant réabsorbés
par le BAL.
4- Indications particulières de l’acétazolamide
:
En raison de la diminution de son efficacité par l’acidose qu’il induit,
l’acétazolamide n’est plus guère utilisé que de façon transitoire dans
les cas suivants :
– traitement du glaucome aigu à angle ouvert (sous forme injectable
si nécessaire : ampoule à 500 mg) ; l’acétazolamide diminue en effet
la sécrétion liquidienne dans la chambre antérieure de l’oeil ;
– traitement préventif de l’alcalose de reventilation des
bronchitiques chroniques en poussée ;
– traitement du mal des montagnes (par correction de l’alcalose
d’hyperventilation) ; une revue récente précise que la dose de
750 mg est nécessaire et qu’elle a la même efficacité que la dexaméthasone à 8-16 mg ; il faut traiter trois sujets pour éviter
un cas, en cas d’ascension de plus de 500 mètres par jour au-dessus
de 4 000 m ;
– traitement du vertige de Ménière (pour lequel n’existe cependant
aucune étude contrôlée) ;
– traitement des migraines avec aura fréquentes du syndrome cerebral autosomal dominant arteriopathy (CADASIL) ; l’acétazolamide
provoque en effet une augmentation de la perfusion cérébrale par
vasodilatation des gros troncs (les artérioles étant altérées) ; il
pourrait agir aussi par hypercapnie ou par un effet vasculaire direct
comme pour les thiazides avec activité inhibitrice de l’anhydrase
carbonique.
Rappelons que, en raison du risque de lithiase phosphocalcique et
de néphrocalcinose par alcalinisation importante des urines,
l’acétazolamide n’a plus sa place dans le traitement au long cours
des lithiases uriques et xanthiques.