Techniques de transplantation hépatique chez l’adulte Cours de Chirurgie
Introduction
:
Appliquée à ses débuts comme une thérapeutique de dernier
recours, la transplantation hépatique est désormais le traitement le
plus efficace des hépatopathies chroniques évoluées et des formes
les plus graves de l’insuffisance hépatique aiguë.
Cette performance,
liée d’abord aux progrès de l’immunosuppression, à la qualité de la
conservation du greffon ainsi qu’aux performances de l’anesthésie
et de la réanimation périopératoire, doit aussi à l’amélioration de la
technique d’implantation du greffon.
Dans son ouvrage Experience in hepatic transplantation, paru en
1969, Thomas Starzl, père de la méthode, en décrivait les principes
fondamentaux qui, aujourd’hui encore, garantissent le succès de
l’opération.
Le perfectionnement et la simplification des moyens de
dérivation du sang veineux cave inférieur pendant l’implantation
du greffon, la rationalisation des procédés de reconstruction
vasculaire et biliaire, le développement des techniques de
réduction ou de bipartition du greffon hépatique pour greffer les
enfants ou les adultes et plus récemment l’utilisation de
greffons prélevés chez le donneur vivant sont venus, au cours
de la dernière décennie, enrichir la technique de la greffe et élargir
le champ de son application.
Nous n’aborderons ici que les techniques de transplantation
hépatique orthotopique, c’est-à-dire celles où le greffon, constitué
de tout ou partie d’un foie, est implanté à la place du foie natif,
lequel fait l’objet d’une exérèse totale préalable.
Mise en place générale
:
Plusieurs types de greffons peuvent être implantés :
– les greffons entiers, parce qu’ils n’ont subi aucune réduction de
volume, prélevés sur le donneur en état de mort cérébrale. Les
pédicules vasculaires sont intacts, longs et de bon calibre, donc
faciles à implanter ;
– les hémigreffons droits ou gauches, issus de la bipartition ex situ
ou in situ d’un greffon entier ou prélevés sur un donneur vivant.
Leur fonction immédiate proportionnelle à leur volume, le petit
calibre des vaisseaux et des canaux biliaires, la présence d’une
tranche de section sont autant d’éléments qui augmentent la
morbidité postopératoire.
Quelle que soit la nature du greffon utilisé, une greffe de foie se
déroule en trois phases successives, distinctes par leur difficulté
technique et leurs conséquences physiologiques.
A - La phase I est consacrée à l’exérèse du foie natif
:
Elle peut être simple et rapide.
C’est le cas lorsque l’indication de la
transplantation est une hépatite fulminante ou une hépatopathie
métabolique sans altération macroscopique de la structure du foie.
Elle est en réalité souvent compliquée par l’hypertension portale et
les troubles de l’hémostase qui accompagnent la cirrhose, indication
la plus fréquente de la greffe.
Les antécédents de chirurgie de
l’hypocondre droit ajoutent, sur ce terrain, une difficulté supplémentaire liée à la présence d’adhérences, chargées de néovaisseaux de dérivation portocave.
Elles multiplient les
difficultés de dissection et peuvent faire de cette phase une étape à
ce point hémorragique qu’elle met en jeu le pronostic vital de
l’opéré, en le précipitant dans le cercle vicieux des complications de
la transfusion massive.
B - La phase II est caractérisée par l’absence anatomique
et fonctionnelle du foie
:
C’est la phase « anhépatique ».
Elle commence à l’instant où le foie
natif a été enlevé, et s’achève à la revascularisation du greffon.
D’une
durée variable en fonction des conditions opératoires, cette phase
est consacrée à parfaire l’hémostase du lit d’hépatectomie, puis à la
confection des anastomoses veineuses qui précèdent la
revascularisation du greffon.
La phase anhépatique se caractérise par la survenue de troubles
hémodynamiques et métaboliques liés respectivement à
l’interruption du retour veineux des territoires splanchnique et cave
inférieur, et à l’absence totale de fonction hépatique.
Le défaut de fonction hépatique peut être compensé par l’apport
parentéral de facteurs de la coagulation et par la correction de
l’hypocalcémie ou de l’acidose métabolique qui s’installent
rapidement.
L’interruption du flux veineux portal et cave inférieur
peut avoir, en l’absence de voies de dérivation, des conséquences
graves : chute du débit cardiaque par amputation majeure de la précharge ; anurie par la conjonction d’une hypoperfusion artérielle
et d’un obstacle sur l’effluent veineux des reins ; stase veineuse dans
le territoire splanchnique dont les conséquences sont une pullulation
microbienne avec largage d’endotoxines au moment de la
reperfusion ainsi qu’une majoration de l’hypertension portale qui
rend difficile, voire impossible l’assèchement, pourtant
indispensable, du lit d’hépatectomie.
La conservation de la continuité cave inférieure lors de l’ablation du
foie malade et la création d’une anastomose portocave temporaire
(pendant la phase anhépatique) sont un moyen simple et efficace
d’éviter ces complications.
Aussi est-il devenu exceptionnel
d’avoir recours à l’installation d’un shunt extracorporel, veinoveineux, entre d’une part, la veine porte et la veine cave
inférieure (via la veine iliaque externe) et d’autre part, le territoire
cave supérieur (via la veine axillaire).
Le shunt utilisé par la majorité
des équipes est un shunt « actif », le sang étant propulsé à l’aide
d’une pompe.
L’utilisation proposée par Griffith et Shaw de la
pompe non occlusive, fonctionnant par effet Venturi (Biomedicus)
et associée à un circuit « coaté » à l’héparine permet d’éviter
l’anticoagulation du receveur par voie générale.
C - La phase III est celle de la reconstruction artérielle
et biliaire
:
À ce stade, le greffon, revascularisé par la veine porte, n’est plus en
état d’ischémie et le receveur n’est plus en situation d’anhépatie.
Cette étape marque donc la fin de l’atmosphère de stress qui
caractérise les deux phases précédentes.
On peut alors consacrer
toute son attention à la reconstruction minutieuse de l’artère et de la
voie biliaire.
Ces deux anastomoses sont en effet le siège de la
majorité des complications chirurgicales de la transplantation
hépatique.
Transplantation orthotopique
du foie entier
:
A - PRÉPARATION « EX VIVO » DU GREFFON
:
Réalisée en même temps que débute l’intervention chez le receveur,
sur une table spécifiquement dévolue à cet effet, cette étape consiste
à préparer les sites d’anastomoses vasculaire et biliaire du greffon.
L’opérateur (idéalement celui qui a prélevé l’organe) et son assistant
sont assis en vis-à-vis, de part et d’autre d’une table de dissection.
Le greffon, sorti de son conteneur de transport avec les plus grandes
précautions d’asepsie, est immergé dans une grande cupule de
sérum isotonique froid, dont la température, contrôlée tout au long
de la dissection, est maintenue entre 4 et 8 °C par la présence de
glace pilée stérile.
1- Préparation de la veine cave inférieure
:
Le greffon est exposé par sa face postérieure.
La veine cave
inférieure est tendue entre quatre fils repères, placés à 3 heures et 9 heures sur les berges de ses extrémités. Son segment sus-hépatique
est libéré de la collerette diaphragmatique prélevée avec le foie.
Lors
de cette manoeuvre, les veines diaphragmatiques sont
soigneusement liées ou suturées. Leur ostium, visible dans la
lumière de la veine cave, guide leur repérage.
À droite, la libération
du diaphragme se poursuit dans le plan du ligament triangulaire
droit en restant au ras de la capsule du foie.
Les segments rétro- et sous-hépatiques de la veine cave inférieure
sont ensuite nettoyés du tissu celluleux lâche qui les recouvre.
La
veine surrénalienne droite, ainsi exposée, est liée à son origine,
cette ligature est assurée par un point en « X ».
La parfaite
étanchéité de l’axe cave est finalement vérifiée en oblitérant son
orifice supérieur et en injectant, par l’orifice inférieur, du liquide
froid, sous faible pression.
Les extrémités proximale et distale
de la veine cave rétrohépatique sont laissées ouvertes ou fermées à
l’aide d’une rangée d’agrafes en fonction du mode d’implantation
choisi.
2- Préparation des éléments du pédicule
:
– La veine porte est canulée à l’aide d’un drain (Argyle Charrière
n° 10) qui permettra de purger le foie avant sa revascularisation.
Tendue au zénith par l’aide, elle est libérée des tissus qui l’entourent,
en restant au ras de son adventice.
On évite ainsi la section
accidentelle des branches à destinée cholédocienne de l’artère
hépatique qui précroisent la veine.
La dissection est poursuivie
jusqu’à hauteur de la plaque hilaire, là où elle se bifurque.
– L’artère hépatique est préparée en fonction de sa distribution
anatomique qui est parfois incomplètement connue à ce stade.
– Souvent unique, elle a été prélevée en continuité avec le tronc
coeliaque et un segment d’aorte.
L’ostium du tronc coeliaque est
repéré et un patch d’aorte taillé autour de lui.
Un fil repère, passé
dans ce patch, permet de maintenir l’axe artériel tendu par le
poids d’une petite pince gainée, pendant qu’il est libéré de
manière antérograde de sa gaine lymphatique.
Ainsi sont
successivement repérés et oblitérés : une à deux branches
diaphragmatiques issues de l’origine du tronc coeliaque, qui sont
liées, le moignon de l’artère gastrique gauche, l’origine de l’artère
splénique (parfois emmenée avec le greffon pancréatique), le
moignon de l’artère gastroduodénale.
Ces vaisseaux sont laissés
ouverts, pouvant servir de patch d’élargissement au moment de
l’implantation.
Au-delà, la dissection s’arrête lorsque sont
aperçues les branches de division droite et gauche de l’artère
hépatique propre.
On s’assure de cette façon de leur intégrité sans
risquer de les traumatiser.
– Dans près de 40 % des cas, il existe une artère hépatique droite
ou gauche de distribution non modale.
La distribution artérielle
du foie étant de type terminal, ces artères doivent être conservées
quel que soit leur calibre.
L’artère hépatique gauche atypique naît
habituellement d’un tronc gastrohépatique issu du tronc coeliaque
et prélevé en même temps que lui.
Le traitement de ce
vaisseau accessoire consistera à lier la branche à destinée gastrique
du tronc gastrohépatique.
Lorsqu’une artère hépatique gauche
naît directement de l’aorte, son ostium est repéré et emporté avec
le tronc coeliaque sur le patch d’aorte.
L’artère hépatique droite naît en règle de l’artère mésentérique supérieure.
Le
pédicule hépatique comporte donc deux artères séparées qu’il
convient d’unifier « ex situ ».
Bien que de nombreux procédés de
reconstructions aient été rapportés, nous utilisons habituellement
la technique décrite par Gordon, qui consiste à
anastomoser en continuité, le tronc coeliaque et l’artère
mésentérique supérieure après avoir adossé leur ostium entouré
d’un patch d’aorte.
Lorsque l’origine de l’artère mésentérique
supérieure n’a pu être prélevée (prélèvement pancréatique total
simultané), l’artère hépatique droite peut être réimplantée dans le
moignon de l’artère splénique ou de l’artère gastroduodénale.
– Lorsque les éléments artériel et veineux du pédicule hépatique
ont été repérés, le tissu lymphatique dont ils ont été séparés est
raccourci et lié par toutes petites prises, en restant à distance de la
voie biliaire principale, préservant ainsi le tissu celluloconjonctif
riche en éléments vasculaires qui l’entoure et qu’il est essentiel de
respecter afin de ne pas la dévasculariser.
Le greffon apprêté est pesé (le rapport poids du greffon sur poids
du greffé est un facteur déterminant sa fonction initiale).
En
attendant son implantation, il est conservé dans sa solution de
lavage, à 4 °C.
Les vaisseaux iliaques prélevés sur le donneur en
même temps que le foie sont débarrassés de leur surtout fibreux et
conservés eux aussi à 4 °C, prêts à l’emploi si cela s’avère nécessaire.
B - TRANSPLANTATION STANDARD : EXÉRÈSE DU FOIE
NATIF AVEC CONSERVATION DE LA VEINE CAVE INFÉRIEURE ; ANASTOMOSE PORTOCAVE
TEMPORAIRE ; IMPLANTATION DU GREFFON
EN « PIGGYBACK »
:
Piggyback est le terme anglo-saxon qui caractérise la façon dont on
porte quelqu’un « à cheval sur le dos ».
Cette métaphore illustre
parfaitement la technique de transplantation hépatique qui consiste
à conserver la continuité de la veine cave côté receveur, pour y
implanter un segment de veine cave du greffon englobant l’ostium
des veines hépatiques.
L’intérêt de cette technique est de
contourner la difficulté que représente la confection des deux
anastomoses caves inférieures (sus- et sous-hépatique) dans la
technique standard.
1- Installation
:
Le receveur entre en salle d’opération 1 à 2 heures avant le moment
prévu de l’incision.
C’est le temps qu’il faut à l’équipe anesthésique
pour mettre en place, avec la plus grande asepsie, les voies d’abord
vasculaires nécessaires au remplissage et au contrôle de
l’hémodynamique (cathéter de Swan-Ganz par la veine jugulaire
droite ; grosses voies d’abord veineuses et cathéter artériel radial au
membre supérieur droit).
Le malade est installé en décubitus dorsal.
Le bras gauche est en
abduction, à 90°, une antépulsion de 20° de l’épaule gauche expose
au mieux la face interne du bras et le creux axillaire de ce côté.
L’intervention va durer 6 à 10 heures ; les points d’appui sensibles
(pointes des omoplates, coudes, tête des péronés, sacrum, talons),
exposés chez les cirrhotiques dénutris, sont donc soigneusement
protégés pour éviter la survenue d’escarres ou de paralysies
périphériques.
La peau, rasée avant l’entrée en salle d’opération, est lavée, séchée
puis désinfectée.
Les champs sont appliqués de telle sorte que soient
exposés en même temps la voie d’abord abdominale qui doit
pouvoir aller loin dans le flanc droit et les sites de canulation de
l’éventuel shunt veinoveineux (creux axillaire gauche et région
inguinale droite).
L’opérateur se place à droite du malade.
Les premier et second aides
sont respectivement en face de lui et à sa gauche.
Deux aspirateurs
sont installés, l’un d’eux peut être relié à un système
d’autotransfusion (Cell-Saver).
La présence d’une instrumentiste et d’une panseuse rompues à cette
intervention est indispensable.
Elles s’installent au pied et à gauche
de l’opéré.
2- Voies d’abord
:
Il est admis aujourd’hui que la voie d’abord est exclusivement
abdominale.
L’incision est réalisée en deux temps.
– C’est d’abord une incision bi-sous-costale, qui, à droite, descend
bas dans le flanc.
Toutes les veinules pariétales de dérivation cavocave sont minutieusement liées avant d’être sectionnées.
Le
ligament rond, souvent chargé d’une grosse veine ombilicale
perméabilisée, est sectionné entre deux ligatures appuyées.
Côté foie,
le fils mis en attente sur une pince forte servira à soulever le foie et
exposer la région sous-hépatique.
Les premiers centimètres du ligament falciforme sont liés et sectionnés, libérant la face antérieure
du foie de son attache pariétale.
La cavité abdominale ainsi ouverte
est explorée : l’ascite est prélevée pour examen bactériologique, puis
vidée ; on vérifie la bonne position de la sonde gastrique, on
recherche toute lésion qui aurait pu échapper à l’exploration
préopératoire et qui remettrait en question la poursuite du geste
chirurgical, on apprécie enfin le volume de la rate et l’importance
des adhérences qu’elle contracte avec la paroi ou l’épiploon pour ne
pas risquer de la décapsuler lors de la mise en place des valves de
l’écarteur.
– L’incision bi-sous-costale suffit en règle pour exposer largement le
site opératoire.
Sinon, elle est ensuite complétée par un refend
médian, vertical, jusqu’à la pointe de la xiphoïde.
Le tissu
graisseux prépéritonéal sous-xiphoïdien est réséqué en même temps
que les grosses varices qui le parcourent pour éviter qu’elles ne
soient accidentellement embrochées lors de la fermeture de
l’aponévrose.
Un écarteur rigide et puissant, capable à la fois de soulever et
d’élargir l’auvent costal, est mis en place.
Ce peut être deux simples
valves sous-costales arrimées à des piquets de tête ou un écarteur
plus sophistiqué comme l’écarteur de Bookwalter (Codman), celui
de Tagasako (fournitures hospitalières) ou enfin l’iron intern de
Stieber mis au point à Pittsburgh.
La qualité de l’exposition qu’ils
apportent facilite considérablement les temps suivants.
3- Phase I : exérèse du foie natif
Il n’y a pas de tactique opératoire univoque pour mener à bien
l’exérèse du foie natif.
Toutes les techniques sont bonnes dès lors
qu’elles satisfont à la règle d’or de cette étape : minimiser les pertes
sanguines.
On mesure la difficulté de l’objectif lorsqu’on sait que, en
cas de cirrhose, tous les ligaments d’attache du foie sont le siège
d’une circulation veineuse collatérale dense et fragile.
La section
entre ligatures doit être préférée à la coagulation électrique.
Cette
première étape, habituellement simple, peut être compliquée par
l’existence d’adhérences périhépatiques.
* Hépatectomies simples
:
+ Premier temps : isolement des éléments du pédicule hépatique
Les éléments du pédicule doivent être conservés longs pour ne pas
risquer de manquer d’étoffe lors de l’implantation du greffon.
Pourtant, ils sont abordés à environ 2 cm du bord supérieur du
premier duodénum, parce que, à ce niveau, ils sont le plus souvent
uniques et de gros calibre.
La dissection est réalisée pas à pas, en
liant tous les tissus avant de les sectionner.
Cette attitude limite les
pertes sanguines peropératoires et prévient la lymphorrhée qui peut
gravement compliquer les suites opératoires.
Le deuxième aide, muni d’une valve de Leriche protégée, récline le
bord libre du foie vers le haut alors que le premier aide abaisse le
bloc duodénopancréatique pour présenter un pédicule hépatique
tendu.
La dissection du pédicule hépatique comporte trois temps.
On se porte d’abord sur le côté droit du pédicule pour isoler le
cholédoque.
Aussitôt aperçu, il est contourné « au large » pour ne
pas risquer de blesser les grosses veines fragiles qui l’entourent.
Cette manoeuvre est réalisée à l’aide d’un dissecteur à pointe
mousse.
Le cholédoque est sectionné entre deux ligatures, à 2 cm du
bord supérieur du duodénum ; son extrémité distale est rabattue
vers le bas.
Il n’est pas rare de découvrir en arrière une artère
hépatique droite qui est liée et sectionnée.
La cholécystectomie
préalable n’est pas conseillée.
Elle fait perdre du temps et du sang.
La section du cholédoque expose le flanc droit du tronc porte et
donne le niveau de passage de l’artère hépatique.
L’ouverture du feuillet antérieur du petit épiploon et
l’amincissement progressif du pédicule exposent d’abord l’artère
hépatique propre.
Elle est contournée au ras de l’abouchement de
l’artère gastroduodénale avant d’être libérée, de bas en haut, du tissu
fibrolymphatique dense qui l’engaine.
Sa dissection s’arrête au
niveau de ses branches de division qui sont liées et sectionnées.
L’artère hépatique et l’origine de ses branches de division sont
rabattues vers le bas.
Il ne reste plus, dans le pédicule, que la veine porte.
Elle est
facilement exposée, au ras du duodénum, en la débarrassant du
tissu lymphatique qui l’entoure.
Le tronc de la veine porte est
ensuite libéré au doigt, de bas en haut, jusqu’à l’origine de ses
branches droite et gauche qui sont coupées entre ligatures solides
ou plus simplement sectionnées à l’aide d’une pince type endo-GIA vasculaire.
+ Deuxième temps : anastomose portocave temporaire
Le tronc de la veine porte est clampé à son origine ; ses branches droites
et gauches sectionnées en amont d’une ligature réalisée à l’aide des fils déjà mis en attente.
Les ostia droit et gauche, unifiés, élargissent la
bouche d’anastomose portocave.
Le segment interhépatorénal de la
veine cave inférieure est alors bien exposé.
Il est débarrassé du feuillet rétropéritonéal qui le recouvre et la face antérieure de la veine cave
inférieure clampée latéralement. Une anastomose portocave
terminolatérale est ainsi réalisée.
Elle assurera le drainage du
territoire splanchnique pendant toute la phase anhépatique qui vient de
débuter.
Lorsque le lobe de Spieghel est hypertrophique, l’exposition du
segment sous-hépatique de la veine cave inférieure peut être difficile, au
point d’abandonner l’idée d’une dérivation temporaire.
* Troisième temps : exérèse du foie natif en conservant la continuité
cave inférieure
Le foie est maintenant totalement dévascularisé.
Il s’est affaissé.
Cette réduction de volume facilite sa mobilisation.
De sa main
gauche, l’opérateur attire le foie vers le bas en plaçant l’index et le
médius de part et d’autre du ligament falciforme.
Celui-ci est
sectionné jusqu’à l’origine des feuillets antérieurs des ligaments
triangulaires droit et gauche.
La traction exercée sur le foie tend la
veine cave sus-hépatique.
On aperçoit alors son bord droit, battant,
qui correspond au bord droit de la veine hépatique droite.
Ce repère
situe le niveau de la face antérieure de la veine cave dans le tissu
celluleux lâche qui la recouvre et permet de l’approcher en toute
sécurité.
C’est en restant à son contact que l’on trouve le plan de
décollement du ligament triangulaire droit dont l’effondrement est
amorcé sur quelques centimètres.
– La mobilisation de la glande hépatique se poursuit à gauche.
Le
ligament triangulaire gauche est décroché pas à pas ; le lobe gauche
récliné vers la droite par le second assistant.
La section du petit
épiploon, jusqu’à l’insertion diaphragmatique de la pars condensa,
permet d’accéder au flan gauche de la veine cave inférieure encore
recouverte du segment I.
– C’est ensuite le décrochement du foie de ses attaches droites et
postérieures.
L’assistant en premier, de sa main droite
(revêtue d’un gant en tissu qui accroche sans effort la capsule du
foie), récline le foie au fur et à mesure que l’opérateur décolle le
ligament triangulaire droit.
Cette bascule hépatique est menée
jusqu’au flanc droit de la veine cave inférieure.
Il aura fallu d’abord
décoller la glande surrénale droite, éventuellement lier sa veine de
drainage, et plus haut, sectionner, entre ligatures appuyées ou à
l’aide de l’endo-GIA vasculaire, le ligament hépatocave.
– Reste à libérer la veine cave inférieure du secteur dorsal qui
l’enserre et s’y arrime par ses veines hépatiques.
Ce temps
est conduit par la droite. Les veines hépatiques accessoires issues
du foie droit sont liées pas à pas de bas en haut, au fur et à mesure
qu’elles se présentent.
Le tronc de la veine hépatique droite finit
ainsi par être exposé.
Sa section en amont d’une rangée d’agrafes
vasculaires permet d’accéder à la rangée des vaisseaux hépatiques
issus de la partie gauche du secteur dorsal.
Le tronc commun des
veines hépatiques moyenne et gauche est sectionné le premier pour
largement exposer les petites veines accessoires.
Ce temps est long,
il doit être conduit avec prudence, chaque ligature appuyée.
Chaque
plaie vasculaire constitue une source d’hémorragie abondante.
Le foie est explanté et envoyé dans sa totalité à l’examen
anatomopathologique.
L’hypocondre droit est vide.
La veine cave
inférieure le traverse longitudinalement à sa partie gauche.
Elle faseye sous les ondes de pression de l’oreillette droite.
La veine
porte s’y abouche à plein canal.
Le retour au coeur droit est ainsi
préservé, le territoire splanchnique drainé et les pertes caloriques
limitées.
* Hépatectomies difficiles
:
C’est le cas lorsque l’hypertension portale est intense et qu’il existe
des antécédents de chirurgie de l’hypocondre droit.
L’existence
d’adhérences épaisses, rétractiles, extrêmement hémorragiques et la disparition des plans de dissection barrent l’accès aux différents sites
de clampage et d’anastomose.
En pratique, trois types de difficultés
sont rencontrés.
+ Absence de passage entre le diaphragme et le foie
:
Cela peut être le cas suite à une hépatectomie préalable sur foie de
cirrhose.
La tranche de section s’est soudée au muscle
diaphragmatique et toute tentative de passage se solde par une
hémorragie difficile à contrôler ou une brèche pleurale... ou les deux.
La désafférentation vasculaire première du foie permet en fait de
passer en sous-capsulaire ou dans le parenchyme sans risquer
d’hémorragie importante puisque le foie n’est plus vascularisé.
+ Veine cave sus-hépatique inabordable
:
C’est une situation fréquente lorsque l’origine de la cirrhose est une
maladie de Budd-Chiari ou lorsqu’il s’agit d’une échinococcose
alvéolaire développée au sommet du foie.
La maladie inflammatoire
ou la « tumeur » parasitaire engaine la veine cave inférieure d’un
tissu cicatriciel impossible à disséquer.
Mieux vaut ne pas aborder
la veine cave dans l’espace inter-hépato-diaphragmatique.
Elle est
contrôlée très facilement à travers une courte phrénotomie
horizontale dans son segment intrapéricardique.
+ Pédicule hépatique indisséquable
:
Le pédicule est clampé en masse, à sa base et sectionné le plus
distalement possible.
Chacun des éléments qui le composent peut
être reconnu et disséqué à partir de la tranche de section.
Il n’est pas rare dans cette situation de découvrir une thrombose de
la veine porte.
La confection d’une anastomose portocave
temporaire n’est pas nécessaire puisque des voies de dérivation
nombreuses et efficaces se sont créées avec le temps.
Nous verrons
dans le chapitre consacré à la réimplantation comment contourner
la difficulté d’implantation que crée cette situation.
4- Phase II : anhépatie
Cette phase est consacrée à parfaire l’hémostase du lit
d’hépatectomie, puis à la réalisation des deux anastomoses
veineuses que comporte l’implantation du greffon hépatique avant
sa revascularisation.
* Hémostase du lit d’hépatectomie
:
Au flanc droit de la veine cave, la surrénale droite, dépéritonisée et
parfois privée de son système de drainage, suinte toujours.
Le
passage d’aiguilles ne ferait qu’aggraver le saignement.
L’hémostase
est réalisée au bistouri électrique.
L’utilisation d’un coagulateur à jet
d’argon, quand on en dispose, rend la manoeuvre très simple.
Enfin, la zone cruentée d’insertion du ligament triangulaire droit est
asséchée par des surjets aller-retour, qui finissent par rapprocher ses
racines antérieure et postérieure.
Parfaire l’hémostase est un impératif qui peut prendre beaucoup de
temps.
C’est là l’intérêt d’avoir confectionné une anastomose portocave.
* Confection des anastomoses veineuses
:
Le greffon est sorti de son container stérile.
Pendant toute la durée
de confection des anastomoses, il sera recouvert d’un champ humide
et froid régulièrement arrosé d’eau glacée.
La technique de réalisation des anastomoses veineuses varie selon
les écoles.
Font cependant l’unanimité l’ordre de réalisation de ces
anastomoses, cave d’abord puis porte, l’utilisation de surjets de fils
non résorbables pour les confectionner, et la nécessité de purger le
foie au sang ou à l’aide de sérum albuminé ou non avant sa remise
en charge.
+ Implantation cave
:
Selon la nature de l’anastomose réalisée entre les veines caves du
donneur et du receveur, trois techniques ont été décrites.
– Dans la première, la plus ancienne, l’extrémité distale de la veine
cave rétrohépatique du greffon est implantée en terminolatéral, à la
face antérieure de la veine cave du receveur, au niveau de
l’abouchement des veines hépatiques.
La réalisation de cette
anastomose exige un double clampage de la veine cave.
L’extrémité
proximale de la veine cave inférieure côté greffon est liée après la
purge du greffon.
– Dans la deuxième, la veine cave du greffon est taillée en un large
patch entourant les ostia de toutes les veines hépatiques, principales
et accessoires.
Ce patch de veine cave est implanté à la face
antérieure de la veine cave du receveur le long d’une incision
verticale.
Un double clampage cave est là encore nécessaire.
– Dans la troisième, la veine cave du greffon est conservée mais
implantée en latérolatéral à la veine cave du receveur.
Pour ce faire,
les deux extrémités de la veine cave du greffon sont d’abord
refermées (à l’aide d’une rangée d’agrafes vasculaires) puis sa face
postérieure anastomosée à la face antérieure de la veine cave native,
le long d’une incision verticale un peu latéralisée à droite.
Un simple clampage latéral de la veine cave inférieure du receveur suffit.
Le
flux portocave est donc maintenu.
Après avoir passé les points
d’angle supérieur et inférieur de l’anastomose, le greffon est
introduit dans l’hypocondre droit. De sa main gauche, le deuxième
assistant soulève le lobe gauche.
Le bord droit de la suture est réalisé
en transanastomotique par la gauche en commençant par l’angle
supérieur.
Les points chargent une large épaisseur de veine et sont éversants, appliquant l’intima de chaque berge l’une contre l’autre.
Lorsque les trois quarts de l’anastomose sont atteints, on
utilise l’autre chef pour finir l’anastomose.
La purge du greffon est évacuée à travers les mailles, un temps relâchées, du surjet.
Cette
purge est essentielle parce qu’elle rince le foie du potassium contenu
dans la solution de conservation et vide la veine cave inférieure de
l’air qu’elle contient.
+ Anastomose porte
:
Habituellement, c’est une anastomose simple.
Le rétablissement du
flux porte n’est possible qu’après avoir décroché la veine porte de
son implantation cave. Une ligature appuyée ou une rangée
d’agrafes, 0,5 cm au-dessus de l’anastomose portocave, suffit.
La
veine porte du receveur est abouchée à celle du greffon en terminoterminal.
Les longueurs doivent être minutieusement
évaluées pour ne pas risquer de plicature lors du relâchement des
écarteurs.
L’anastomose est réalisée à l’aide d’un surjet continu de Prolènet 5/0.
Le noeud du surjet est confectionné à distance de
l’anastomose, lui ménageant une possibilité d’expansion lorsqu’il
sera mis en tension au moment du déclampage.
C’est le growth factor décrit par Starzl.
Ce temps peut être rendu difficile par l’existence d’une thrombose
de la veine porte, complication fréquente dans l’évolution d’une
cirrhose.
Le caillot, qui s’arrête en règle au confluent splénomésaraïque, est dans la majorité extirpable.
Le plan de clivage
se situe d’ailleurs au-delà de l’endothélium, laissant en place un
manchon d’adventice suffisamment solide pour supporter une
suture.
Il s’épithélialise avec le temps.
Rarement, le thrombus n’est pas extirpable.
La confection d’une
anastomose portocave temporaire n’a donc pas été possible. Pour
autant, l’hypertension portale est rarement gênante parce que
l’oblitération portale chronique a favorisé le développement d’une
collatéralité importante et efficace.
L’allongement de la veine porte
du greffon à l’aide d’un segment de veine iliaque provenant du
même donneur (toujours prélevé en même temps que le foie) permet
d’aller chercher un flux splanchnique à l’étage sous-mésocolique, à
la terminaison de la veine mésentérique supérieure.
Le greffon passe
successivement en avant du pancréas, puis au travers de la racine
du mésocôlon transverse au pied de laquelle il est implanté en
terminolatéral à la face antérieure de la veine mésentérique
supérieure.
La veine mésentérique supérieure est contrôlée
dans la racine du mésentère, au pied du mésocôlon transverse en
avant du troisième duodénum.
Elle est libérée sur 2 à 3 cm, ce qui
passe par la section entre ligatures d’un à deux affluents jéjunaux.
Cette dissection présente un risque hémorragique sérieux par la
présence de veines jéjunales fines, tendues et nombreuses.
Dans ce
contexte, il peut être utile de mettre en place un shunt veinoveineux
entre le territoire splanchnique et le territoire cave inférieur.
La
canule « portale », qui n’est pas utilisable dans ce cas, est remplacée
par une canule plus fine (Argyle n° 10 ou 12), poussée dans le
confluent splénomésaraïque par la veine mésentérique inférieure.
Dans quelques cas exceptionnels, c’est tout le système veineux
splanchnique qui est bouché. Cette situation n’est pas une
contre-indication à la greffe.
L’implantation de la veine porte du
greffon peut porter sur l’extrémité distale de la veine rénale gauche,
anastomose terminalisée (les facteurs trophiques issus du territoire
splanchnique passent par les multiples dérivations splénorénales qui
se sont développées avec le temps chez le cirrhotique), ou sur la
veine cave inférieure, réalisant ce qui a été appelé une
hémitransposition cavoporte.
Elle est de type terminoterminal ou
latéroterminal avec, dans ce cas, ligature de la veine cave
inférieure en aval de l’anastomose.
Aucun de ces deux modes de
réimplantation ne corrige l’hypertension portale, mais la
normalisation de la fonction hépatique réduit le risque
hémorragique et participe à la disparition de l’ascite.
La
réimplantation rénale présente l’avantage de ne pas interrompre le
flux cave.