Techniques de transplantation hépatique chez l’adulte
(Suite) Cours de Chirurgie
* Déclampage :
La veine cave est libérée la première.
L’étanchéité du surjet et du
moignon de veine côté greffon est vérifiée ; déclampage ensuite de
la veine porte.
Le massage de l’anastomose aide le surjet à se
détendre le long du growth factor pour élargir la ligne de suture.
La recoloration du greffon est lente ; le parenchyme hépatique est massé
avec douceur, pour « défroisser » les sinusoïdes, et réchauffé en
l’arrosant de sérum tiède.
Il faut s’assurer dans l’immédiat de l’absence de fuites sur les
anastomoses ou sur le greffon.
Le lobe droit du foie est empaumé
par le premier aide et totalement basculé à gauche.
Cette manoeuvre
expose parfaitement le côté droit de l’anastomose cave et le segment rétrohépatique de la veine cave.
Puis le lobe gauche est basculé à droite, pour vérifier le côté gauche.
On s’assure que le surjet de la
veine porte s’est tendu et que l’hémostase est bonne dans les tissus
qui entourent les éléments du pédicule.
Un clamp « bull-dog » non
traumatique est placé sur l’artère et la voie biliaire pour éviter que
le reflux de sang veineux n’inonde le champ.
L’hémostase doit être parfaite avant de passer au temps suivant.
5- Phase III : reconstruction artérielle et biliaire
La confection d’une bonne anastomose artérielle est nécessaire à la
vascularisation de la voie biliaire du greffon.
Elle n’est cependant
pas suffisante pour garantir la qualité de l’anastomose biliaire qui
doit être techniquement parfaite.
* Anastomose artérielle
:
De très nombreuses techniques d’artérialisation du greffon
hépatique ont été décrites, différentes par le site d’anastomose
utilisé, côté greffon ou côté receveur.
Deux situations radicalement
différentes se présentent selon que l’artère hépatique du receveur se
prête ou non à la confection d’une anastomose de bonne qualité.
+ Artère hépatique du receveur utilisable
:
Elle est de bon calibre, avec une paroi saine.
L’implantation est
réalisée au mieux à cheval sur l’artère hépatique commune et
propre, en regard de l’ostium de l’artère gastroduodénale.
Cette
dernière est en effet une voie de suppléance importante en cas de
sténose de l’origine du tronc coeliaque par un ligament arqué et son ostium élargit la zone d’anastomose.
Côté greffon, il est inutile de conserver tout l’axe artériel. Sa
longueur est ajustée entre tension et plicature.
Deux sites
d’implantation sont privilégiés : la convergence artère gastroduodénale/artère hépatique commune, ou la convergence
tronc coeliaque/artère splénique.
L’anastomose est au mieux
réalisée à l’aide de loupes. Une artère correctement revascularisée
bat fort et frémit sous les doigts.
Nombreuses sont les équipes qui
disposent d’un échographe peropératoire avec étude des flux par
effet doppler.
Sa réalisation en fin d’intervention et la réfection d’une
anastomose au moindre doute sur sa qualité constituent une mesure
efficace pour réduire l’incidence des thromboses artérielles
postopératoires.
Lorsqu’une artère hépatique droite a été abouchée au tronc coeliaque
selon la technique de Gordon, l’anastomose est réalisée sur
l’extrémité distale de l’artère mésentérique supérieure, largement
spatulée par un trait de refend.
+ Artère hépatique du receveur inutilisable
:
C’est le cas lorsqu’elle est thrombosée ou que ses parois ont été
disséquées par un hématome intramural.
– L’artère splénique est le site récepteur le plus proche.
Elle est
accessible dans son quart proximal au bord supérieur du pancréas.
L’axe artériel du greffon est suffisamment long pour y être implanté
sans avoir recours à l’interposition d’un greffon vasculaire.
L’anastomose est de type terminolatéral, utilisant le patch aortique
ou de type terminoterminal, entre le tronc coeliaque du greffon et
l’artère splénique proximale préalablement sectionnée.
Nous
utilisons ce dernier mode de réimplantation lorsque la longueur de
l’artère côté greffon ne suffit pas à la réalisation d’une anastomose
sans tension ou lorsque la ligature de l’artère splénique est indiquée
(désafférentation d’un anévrisme situé en aval).
Lorsque ni l’artère
hépatique ni l’artère splénique proximale du receveur ne sont
utilisables, l’artère du greffon est implantée directement sur l’aorte.
L’aorte coeliaque est accessible à une implantation directe mais elle
est difficile à exposer parce que profondément enchâssée entre les
piliers du diaphragme.
– La face antérieure de l’aorte abdominale sous-rénale est un site
beaucoup plus pratique, facilement exposé par voie sousmésocolique,
en décollant le quatrième duodénum.
L’aorte est
débarrassée, sur quelques centimètres, des structures lymphatiques
qui la recouvrent, pour en permettre un clampage latéral en sécurité.
L’allongement de l’axe artériel du greffon est cette fois
indispensable.
Pour ce faire, nous utilisons le trépied iliaque prélevé
en même temps que le foie, jusque-là préservé au froid.
Le segment
proximal de l’iliaque primitive est anastomosé en terminoterminal
au tronc coeliaque ou à son patch aortique.
La bifurcation iliaque
externe hypogastrique permet d’appliquer idéalement ce greffon à
la face antérieure de l’aorte.
Deux voies de passage sont
possibles pour amener le greffon iliaque sur le site d’anastomose
aortique.
La voie rétropéritonéale (qui passe successivement
en avant de la veine rénale gauche, à droite de l’origine de l’artère
mésentérique supérieure, en arrière du corps du pancréas et
débouche finalement dans le hile du foie, au bord gauche de la veine
cave inférieure sous-hépatique) est exceptionnellement utilisée car
aucun contrôle du greffon artériel n’est possible dans son trajet
rétropancréatique.
La seconde voie est moins directe mais intrapéritonéale et aisément contrôlable sur toute sa longueur.
Cette
voie passe successivement au travers de la racine du mésocôlon
transverse, puis dans l’arrière-cavité des épiploons en avant du
corps du pancréas, enfin en arrière de l’antre prépylorique avant de
déboucher à la partie gauche du hile du foie.
L’anastomose sur
l’aorte est réalisée à l’aide d’un surjet de fils monobrin non
résorbable 4 X 0.
Lorsque la vascularisation du greffon est achevée, l’hémostase
est une nouvelle fois vérifiée avant d’aborder le temps de
reconstruction de la voie biliaire.
Le foie est délogé par la droite,
puis par la gauche à la recherche du moindre saignement sur les
anastomoses caves ou sur le lit d’hépatectomie.
À ce stade, on se
concentre tout particulièrement sur l’hémostase du surtout
conjonctif péricholédocien, riche en artérioles qui se mettent à
saigner dès que l’artère est reconstruite, témoin d’une bonne
vascularisation.
* Reconstruction biliaire
:
Après avoir fait l’objet de techniques ésotériques (anastomose cholécystojéjunale sur anse en « Y », double conduit de Calne...), le principe de base guidant ce temps opératoire est de faire simple et
physiologique en respectant les principes de la chirurgie biliaire
conventionnelle.
Le choix de la technique de reconstruction biliaire dépend des
conditions anatomiques.
Lorsque les extrémités cholédociennes sont
saines, larges, bien vascularisées et suffisamment longues pour
permettre une anastomose sans tension, tout se prête à la réalisation
d’une anastomose cholédococholédocienne terminoterminale.
Dans le cas contraire, on aura recours à une anastomose biliodigestive.
Quelle que soit la technique choisie, le premier temps est l’ablation
de la vésicule du greffon.
L’hémostase du lit vésiculaire doit être
parfaite et les ligatures de l’artère et du moignon cystiques bien
assurées.
Elle porte sur des conduits fins et est confectionnée à l’aide de points
séparés de fil résorbable 5 ou 6 X 0, si possible monobrin (PDS).
Il
est de règle de la protéger par un drain en « T » (Kehr n° 9 ou 10),
bien qu’une étude randomisée ait montré l’intérêt à court terme de
ne pas drainer.
La présence d’un drain dans la voie biliaire
permet cependant de contrôler l’existence d’un flux biliaire dans les
premiers jours postopératoires et offre la possibilité d’opacifier la
voie biliaire intrahépatique en cas de complication ou de doute sur
l’état de l’anastomose.
Après avoir rapproché les deux extrémités cholédociennes à l’aide
de deux points d’angle droit et gauche, le plan postérieur est
construit le premier.
Trois points régulièrement répartis, mordant
largement les berges cholédociennes, suffisent. Les fils sont noués à
l’extérieur de la lumière biliaire.
Le drain de Kehr est alors mis en place.
La branche verticale du
« T » est extériorisée au travers de la paroi du cholédoque côté
receveur, à distance (0,5 à 1 cm) de la ligne de suture.
Pour ce faire,
un dissecteur fin est passé de dehors en dedans, au travers de la
paroi cholédocienne, et va « chercher » l’extrémité distale de la
branche verticale du drain.
Avant d’être positionnées dans
la lumière cholédocienne, les branches horizontales du « T » sont
retaillées pour éviter qu’elles ne franchissent le sphincter d’Oddi en
bas ou qu’elles ne cathétérisent sélectivement l’un des deux canaux hépatiques
en haut.
Le plan
antérieur est finalement fermé, à l’aide de trois points larges.
L’étanchéité
de l’anastomose est vérifiée en injectant du sérum ou de l’air
par le drain.
Un point
supplémentaire est souvent nécessaire pour rendre étanche
l’orifice de sortie de la branche verticale du drain.
Elle mettrait à l’abri des sténoses anastomotiques.
On lui reproche
de devoir disposer d’un cholédoque long côté greffon, et de ce fait,
faire porter l’anastomose sur une zone mal vascularisée.
+ Anastomose biliodigestive
:
Elle est réalisée sur une anse jéjunale montée en « Y » selon la
technique de Roux.
La longueur de l’anse exclue est de 50 à 60 cm.
L’anastomose au pied de l’anse, terminolatérale, est réalisée à la main plutôt qu’à la pince automatique (GIA) pour être sûr de
l’hémostase des tranches de section digestive.
Le cholédoque est
implanté en terminolatéral, à l’aide de points séparés de fils
résorbables fins, sur le bord antimésentérique de l’anse, à 1 cm de
son extrémité proximale.
Nous préférons drainer la voie biliaire
selon la technique de Voelcker, à l’aide d’un drain (type
transcystique n° 5) extériorisé au pied de l’anse où il est tunnellisé
sur 2 à 3 cm.
Après avoir effectué un dernier « tour d’hémostase » et lavé le
champ opératoire au sérum chaud mélangé à des antiseptiques de
contact (Bétadine), nous drainons la loge hépatique à l’aide de deux
drains positionnés derrière le foie et mis en aspiration.
La branche
verticale du drain de Kehr est extériorisée à la peau, sous l’auvent
costal droit, au-dessus de la ligne d’incision.
Son trajet intrapéritonéal est ainsi le plus court possible et passe dans le lit
vésiculaire, zone propice à la création d’adhérences.
La paroi est refermée plan par plan à l’aide de surjets de fil fort
résorbable.
C - TRANSPLANTATION SANS CONSERVATION
DE LA VEINE CAVE :
C’est la technique princeps décrite par Starzl.
Son application est
devenue exceptionnelle, réservée aux situations où la veine cave
inférieure rétrohépatique mérite d’être réséquée (tumeur au contact,
diaphragme cave inférieur).
Elle diffère de la technique standard par
la nécessité de contrôler la veine cave rétrohépatique avant de
l’emporter avec le foie natif, de mettre en place un shunt
veinoveineux extracorporel pendant la phase anhépatique si l’on
veut dériver les territoires cave inférieur et splanchnique, de
comporter deux anastomoses caves au temps de la réimplantation.
1- Installation du « shunt » veinoveineux
:
Elle suppose d’avoir laissé les sites de canulation accessibles lors de
l’installation des champs.
La crosse de la veine saphène interne droite est abordée dans le
creux inguinal droit, par une incision verticale de 5 cm, tracée à un
travers de doigt en dedans de l’artère fémorale.
Elle est mise en
attente sur deux fils de Nylont fort qui permettront de fixer la
canule du shunt.
Le choix du côté droit est dicté par le caractère
plus superficiel et l’angulation moindre de la veine iliaque de ce
côté.
Les derniers centimètres de la veine basilique et l’origine de la veine
axillaire sont exposés au travers d’une incision horizontale réalisée
à la face interne de la racine du bras gauche.
La veine est sousaponévrotique.
Elle est prudemment libérée des éléments du plexus
brachial qui l’entourent toujours à ce niveau.
Elle est débarrassée de
ses affluents sur 3 à 4 cm puis mise en attente sur deux lacs fins,
montés sur tourniquets.
Deux canules sont introduites respectivement dans la veine saphène
droite et dans la veine axillaire gauche.
Poussées sur 10 cm environ,
leur bonne position est confirmée par l’existence d’un reflux.
Toutes
les deux sont soigneusement fixées, purgées à l’aide de sérum physiologique tiède puis clampées en attendant d’être reliées au
circuit extracorporel.
La manoeuvre d’introduction de la canule portale est marquée par le
risque de laisser échapper la veine.
Pour éviter cet accident, nous
procédons en trois temps :
– le tronc porte est clampé à son origine puis sectionné au ras de sa
bifurcation, les branches droite et gauche ayant été liées à l’aide du
fil de Nylon laissé en attente ;
– une canule clampée à son extrémité distale y est introduite jusqu’à
buter contre le clamp ; un tourniquet sécurise la canule ;
– le clamp porte est ouvert, le tourniquet, maintenu serré,
n’empêche pas de pousser la canule de 5 cm seulement, de sorte
que son extrémité arrive au niveau du confluent splénomésaraïque.
La veine est alors solidement fixée à la canule à l’aide d’un fil de Nylon fort.
Cette dernière est purgée de son air.
Les extrémités distales des canules saphène et porte sont unifiées à
l’aide d’un raccord en « Y ».
Ce raccord et la canule axillaire sont
branchés aux deux extrémités du circuit extracorporel qui passe
derrière le second assistant, où la tête de pompe est branchée sur
son moteur.
Tous les clamps sont ouverts et la pompe mise en route. Son débit
peut être soumis à des variations considérables, sans conséquence
hémodynamique, tant que la veine cave inférieure n’est pas clampée.
Les tubulures sont positionnées de sorte qu’elles n’encombrent pas
le champ opératoire et qu’elles ne présentent pas d’angulation
préjudiciable au bon fonctionnement de l’ensemble.
2- Contrôle de la veine cave au-dessus
et au-dessous du foie
:
Le ligament falciforme est sectionné jusqu’à l’origine des feuillets
antérieurs des ligaments triangulaires droit et gauche.
La traction
exercée sur le foie tend la veine cave sus-hépatique.
On aperçoit
alors le bord externe de la veine hépatique droite.
C’est en restant à
son contact que l’on trouve le plan de dissection de la face
postérieure de la veine cave inférieure, décollé aux trois quarts de ce
côté, à l’aide d’un dissecteur à extrémité mousse.
Le contournement
de la veine cave sus-hépatique est achevé en passant par son côté
gauche.
La section du petit épiploon permet d’accéder à la face
postérieure de la veine cave inférieure et de rejoindre le plan de la
dissection débuté à droite.
La veine cave inférieure suprahépatique
est mise en attente sur un lacs.
La veine cave inférieure sous-hépatique, exposée en réclinant la
canule porte à gauche, se présente par sa face antérieure.
Débarrassée du péritoine qui la recouvre, elle est contournée à ce
niveau, à l’aide du dissecteur à pointe mousse, en restant bien au
contact de sa paroi pour ne pas perdre le plan de dissection.
À son
bord gauche, on passe au-dessus de l’implantation de la veine rénale
gauche.
Elle est mise sur lacs.
3- Exérèse du foie natif
:
Il convient d’abord de libérer le foie de ses attaches postérieures
droites.
Ce temps est facile lorsque le parenchyme hépatique est dévascularisé.
Les feuillets antérieur et postérieur du ligament triangulaire droit
sont sectionnés au bistouri électrique, en restant au ras de la capsule
du foie.
Le lobe droit, progressivement libéré, est récliné vers la
gauche.
Cette manoeuvre donne accès à la veine cave inférieure rétrohépatique dont on libère le flanc droit puis la face postérieure.
En bas, cette manoeuvre n’est possible qu’après avoir sectionné la
veine surrénale droite entre deux ligatures.
La veine cave sus-hépatique est clampée à l’aide d’un clamp
vasculaire long et solide (type De Bakey, Codman 1 référence
37 1143) en mordant sur le diaphragme.
La présence du pilier droit
du diaphragme donne à l’axe de clampage une direction oblique.
La
veine cave sous-hépatique est clampée perpendiculairement à son
axe, et dans un plan frontal à l’aide d’un clamp plus fin,
suffisamment court pour tenir dans la cavité abdominale (type De
Bakey, Codmant référence 37 1072).
Les deux anneaux de chaque
clamp sont solidarisés par un fil fort, afin de prévenir leur ouverture
accidentelle lors de l’implantation du greffon.
La veine cave sus-hépatique est sectionnée 1 cm en amont de
l’implantation des veines hépatiques pour conserver un moignon
suffisant, facile à anastomoser.
Il ne faut pas hésiter à tailler dans le
parenchyme hépatique pour satisfaire à cet impératif.
En introduisant le médius de sa main gauche dans la veine cave rétrohépatique, l’opérateur soulève le foie et le bascule vers la droite.
La veine cave rétrohépatique est séparée du lobe de Spieghel sur
2 cm avant d’être sectionnée.
L’hémostase du lit de décollement de la veine cave inférieure rétrohépatique est assurée à l’aide d’un surjet ou de trois ou quatre
points en cadre.
L’hémostase de la surface d’insertion du ligament
triangulaire droit est assurée à l’aide de surjets ou de points séparés.
4- Implantation cave du greffon
:
Le moignon cave sous-diaphragmatique est débarrassé du tissu
hépatique qui l’entoure.
À son flanc droit et à sa face antérieure vient s’aboucher le dernier centimètre des veines hépatiques droite,
médiane et gauche. Le pont de tissu vasculaire qui les sépare de la
lumière cave est chargé sur un dissecteur puis sectionné en son
milieu.
Cette plastie d’élargissement facilite la réalisation de
l’anastomose cave sus-hépatique.
Le moignon cave soushépatique
est préparé en oblitérant les orifices d’implantation des
veines du secteur dorsal du foie sectionnées lors de l’exérèse du foie
natif.
La réalisation de l’anastomose cave sus-hépatique exige une
exposition parfaite.
Après avoir passé les points d’angle droit et
gauche de la ligne de suture, le greffon est introduit dans
l’hypocondre droit.
De sa main gauche, le premier assistant le
plaque au fond de sa loge tout en l’abaissant pour exposer la zone
d’anastomose.
De sa main droite, il tient le surjet.
Nous utilisons
pour cette anastomose du fil monobrin non résorbable 3/0.
Le plan
postérieur est confectionné le premier par voie antérieure, en
commençant par l’angle gauche.
Les points chargent une large
épaisseur de veine et sont éversants, appliquant l’intima de chaque
berge l’une contre l’autre.
Lorsque le milieu de la face
antérieure est atteint, on utilise l’autre chef pour finir l’anastomose.
L’anastomose cave sous-hépatique est réalisée au fil 4/0 selon la
même technique que la précédente : la veine cave côté receveur est
parfois trop longue et doit dans ce cas être recoupée.
Les points
d’angles sont mis en place après s’être assuré de l’absence de twist
côté greffon.
Pendant la confection du surjet, le foie est lavé par voie
portale, à l’aide de 1 L d’une solution d’albumine humaine diluée à
4 %, froide ou non.
La purge est arrêtée en même temps que
l’anastomose est fermée.
D - TRANSPLANTATION COMBINÉE,
SIMULTANÉE DU FOIE ET D’UN AUTRE VISCÈRE
:
C’est une situation de plus en plus fréquente depuis l’observation
spectaculaire d’une greffe coeur-foie, réalisée en février 1984 par
l’équipe de Starzl sur la personne de Stormy Jones.
Depuis, les
exemples de greffe hépatique associée à celle d’autres viscères se
sont multipliés, qu’il s’agisse de transplantations doubles (foierein)
, triples (foie-coeur-poumons) ou de transplantations en un
bloc, du foie et d’un segment plus ou moins important du tube
digestif.
Ces dernières, dites « en grappe » (cluster operation) parce que tous les organes qui constituent le greffon sont attenants à la
même tige vasculaire, ont des indications limitées.
1- Transplantations doubles ou triples
:
La transplantation hépatique est réalisée selon la technique décrite
plus haut, immédiatement avant ou après la greffe qui lui est
associée.
Le choix de l’ordre d’implantation des greffons est
déterminé par leur résistance à l’ischémie froide et leur tolérance
aux perturbations hémodynamiques de la phase anhépatique.
Ainsi :
– lors de la double greffe foie-rein, mieux vaut commencer par
greffer le foie, dont la tolérance à l’ischémie froide est plus courte
que celle du rein.
D’autre part, l’interruption du flux cave pendant
la phase anhépatique pourrait être à l’origine d’une altération de la
fonction du greffon rénal s’il était implanté avant le foie.
Le rein est
implanté par une voie d’abord conventionnelle, iliaque rétropéritonéale, après avoir refermé l’incision hépatique ;
– lors de la greffe foie-coeur ou foie-coeur-poumons, force est de
commencer par implanter les organes thoraciques dont la tolérance
à l’ischémie froide est bien plus courte que celle du foie (4 à 6 heures
versus 12 heures).
2- Transplantations « en grappe »
ou « cluster operation »
:
Deux situations radicalement différentes sont à considérer.
* Transplantation du foie et du bloc duodénopancréatique
:
L’indication est portée face à une tumeur maligne hépatique ou
pancréatique à développement régional, dont l’exérèse radicale
passe par l’évidement de l’étage sus-mésocolique emportant le foie,
le pancréas, l’estomac, la rate et parfois le côlon transverse.
Le greffon comporte le foie et le bloc duodénopancréatique prolongé
d’un court segment jéjunal, prélevés en continuité.
Son pédicule
afférent est double, constitué de la tige artérielle coeliomésentérique
prélevée sur un large patch d’aorte et de la veine mésentérique
supérieure, sectionnée au bord inférieur de l’isthme pancréatique.
Le retour veineux se fait dans la veine cave attenante au foie, via les
veines hépatiques.
Compte tenu de l’encombrement qu’il amène, l’implantation du
greffon débute par celle du patch d’aorte portant la tige coeliomésentérique, à la face antérieure de l’aorte coeliaque du
receveur, immédiatement au-dessus du départ de son artère
mésentérique supérieure qui a été respectée lors de l’exérèse.
Ce n’est que lorsque l’anastomose artérielle est achevée que sont
implantées les veines caves sus-et sous-hépatiques, puis la veine
mésentérique supérieure.
La veine cave rétrohépatique est en règle
enlevée avec le foie natif pour satisfaire à l’impératif d’une exérèse
« carcinologique ».
Le rétablissement de la continuité digestive est réalisé à l’aide d’une
anse montée en « Y » qui draine successivement l’oesophage puis le
segment de grêle attenant au greffon.
* Transplantation du foie, du pancréas
et de la totalité du tube digestif :
C’est Starzl qui, le premier, a rapporté ce type de greffe.
Le greffon comporte les deux tiers de l’estomac, le foie, le bloc duodénopancréatique, la totalité du grêle et parfois le côlon.
Ce
greffon « multiviscéral » est uniquement perfusé par la tige artérielle
coeliomésentérique prélevée sur un large patch d’aorte et se draine
dans le segment de veine cave prélevé avec le foie.
Le pédicule
hépatique est intact.
Le premier temps de l’opération consiste en une éviscération intrapéritonéale en essayant de conserver la continuité de la veine
cave.
Les limites supérieure et inférieure de l’exérèse digestive sont
déterminées par les possibilités de drainage veineux des segments
restants.
En bas, la section colique passe au ras de la réflexion et en
haut, la section gastrique porte sur le cardia, laissant autour de
l’oesophage une collerette gastrique.
L’implantation du greffon comporte successivement :
– l’implantation de la tige coeliomésentérique sur la face antérieure
de l’aorte, puis celle de la veine cave sus-hépatique à la face
antérieure de la veine cave inférieure selon la technique du
piggyback ;
– le rétablissement de la continuité digestive, en implantant
l’oesophage du receveur à la face antérieure de l’antre gastrique du
greffon.
La continence gastro-oesophagienne est restaurée par une
plastie antérieure selon Nissen.
Une pyloroplastie assure la bonne
vidange du greffon dénervé ;
– l’abouchement de l’extrémité inférieure du segment digestif à la
peau pour donner un accès facile aux biopsies itératives,
indispensables au suivi du greffon.
Transplantation orthotopique
d’un hémifoie :
La transplantation d’un hémifoie d’adulte généré par la bipartition
d’un foie entier ou le prélèvement sur donneur vivant, initialement
conçu pour trouver une solution au manque dramatique de greffons
hépatiques pédiatriques, est aujourd’hui un moyen de gérer le
manque de greffons dans la population adulte.
La règle d’or est de
respecter la condition poids du greffon/poids du receveur
>= 0,8 %.
A - BIPARTITION DU FOIE DE CADAVRE RÉALISÉE
IN SITU OU EX SITU : TROIS TYPES DE GREFFONS
Il s’agit, par ordre de poids décroissant, du foie droit, du foie gauche
ou du lobe gauche.
Leur mode d’implantation dépend de la
longueur des pédicules afférents et efférents attribués à chaque
greffon et des anomalies de distribution vasculaires rencontrées ;
elles ont pour la plupart été démembrées par Couinaud et
Houssin.
1- Bipartition foie droit-lobe gauche
:
La ligne de section parenchymateuse passe à droite de la scissure
ombilicale.
– Le greffon droit est amputé du segment IV pour être constitué des
segments V, VI, VII et VIII.
Il est épais et réduit peu le volume et la
masse fonctionnelle du parenchyme hépatique.
Ce greffon est
destiné à un adulte.
Son drainage veineux est assuré par la (les)
veine(s) hépatique(s) droite(s) (pour le secteur latéral) et moyenne
(pour le secteur paramédian) s’abouchant au segment de veine cave
inférieure attribué à ce greffon.
L’ostium de la veine sus-hépatique
gauche sectionnée au ras de la veine cave inférieure est refermé dans
un axe perpendiculaire à la veine cave inférieure.
Le pédicule
vasculaire afférent est en règle sectionné en laissant l’essentiel de la
longueur au greffon gauche.
Idéalement, il comporte la branche
porte droite et la branche droite de l’artère hépatique.
Le canal
hépatique droit est volontiers laissé en continuité avec la voie biliaire
principale dont la vascularisation dépend pour l’essentiel de la
branche droite de l’artère hépatique.
L’implantation de ce greffon ne
comporte pas de difficulté majeure. Les veines caves sont idéalement
adossées en piggyback ou celles du receveur réséquées.
La veine
porte et l’artère hépatique doivent être gardées le plus long possible
côté receveur ; les anastomoses portant sur les branches droites de
la veine et de l’artère.
Le rétablissement de la continuité biliodigestive se fait sur la voie biliaire principale du receveur ou
par l’intermédiaire d’une anse montée en « Y ».
Les anomalies de
distribution artérielle et portale droite peuvent considérablement
gêner cette réimplantation.
En effet :
– au niveau de la veine, seule une très exceptionnelle absence de
duplication porte rend impossible la bipartition.
La
duplication de la veine porte droite conduirait à conserver le tronc
porte du côté du greffon droit ;
– au niveau de l’artère, la présence d’une artère droite exclusive
issue de l’artère mésentérique supérieure (AMS) simplifie la
procédure puisque alors, l’artère est longue et le tronc de l’AMS
peut servir de patch à la confection d’une anastomose de bon
calibre.
Une duplication artérielle (pour chaque secteur)
complique la réimplantation en cela qu’elle réduit le calibre des
vaisseaux et multiplie potentiellement le nombre des
réimplantations. Dans cette situation, lorsque l’artère destinée au
greffon gauche est unique, la continuité artérielle est conservée
du côté de la branche sectorielle droite.
– Le greffon gauche est un lobe gauche (segments II et III), drainé
par la veine sus-hépatique gauche sectionnée en amont du tronc
commun qu’elle partage avec la veine sus-hépatique moyenne.
Lorsque le segment IV est épais, il est réséqué secondairement ex
situ.
Ce lobe gauche est en rège destiné à un petit enfant.
Il est
« accroché » à la face antérieure de la veine cave du receveur par
une anastomose hépaticocave terminolatérale.
L’ostium du tronc
commun des veines hépatiques moyenne et gauche côté receveur
est un site parfait pour la réimplantation. Son clampage sélectif
permet de réaliser l’anastomose à flux cave conservé.
L’implantation
des artère et veine portes ne pose pas de problème particulier en
dehors de leur petit calibre lorsque la distribution vasculaire est
modale.
De plus en plus d’équipes font appel aux microchirurgiens
pour implanter l’artère.
L’anastomose biliaire est de petit calibre et
réalisée en règle sur une anse en « Y ».
2- Bipartition foie droit-foie gauche
:
Qui conservera la veine hépatique médiane ?
Telle est la principale
question que pose ce partage.
La laisser à droite, c’est faciliter le
drainage des segments VIII et V.
La laisser à gauche, c’est favoriser
le drainage du IV mais c’est se mettre dans une situation de
congestion du secteur paramédian droit et d’hémorragie grave sur
la tranche de section lors de la remise en charge de ce greffon.
La
bipartition du foie in situ (à coeur battant) chez le donneur
cadavérique offrirait aux collatérales internes le temps de se
développer et rendrait cette question moins essentielle.
Il est cependant des anomalies anatomiques providentielles comme
l’existence à droite d’une grosse veine hépatique inférieure (et
parfois aussi moyenne) drainant le secteur paramédian ; la présence
à gauche d’une exceptionnelle veine du IV et/ou d’une veine
ombilicale ; encore faut-il qu’elles ne s’abouchent pas dans la veine
hépatique moyenne mais plus en aval dans la convergence des
veines hépatiques moyenne et gauche.
Ainsi, des difficultés importantes peuvent naître des anomalies de
distribution vasculaires, sus-hépatiques et plus encore artérielles et
biliaires, surtout lorsqu’il en existe en même temps à droite et à
gauche.
Les situations les plus complexes sont représentées par
l’existence de deux canaux gauches - deux canaux droits - deux
artères gauches ou deux canaux droits - deux artères gauches - deux
artères droites ou deux artères droites - deux artères gauches - deux
canaux droits - deux canaux gauches.
On conçoit donc l’intérêt qu’il
y a de réaliser une artériographie et une cholangiographie ex situ
avant de se lancer dans le partage d’un foie.
B - GREFFON PRÉLEVÉ CHEZ UN DONNEUR VIVANT
:
Ce peut être un greffon droit ou gauche.
La veine cave est
évidemment laissée au donneur.
Et rien ne saurait compromettre la
vascularisation du foie restant en cas d’anomalies de distribution
artérielles ou biliaires.
Les pédicules sont courts.
La veine hépatique
moyenne est souvent emportée avec le greffon.
Il faut conserver les
volumineuses veines hépatiques accessoires lorsqu’elles existent.
Seule une réimplantation en piggyback est possible.
Les ostia des
veines hépatiques droites sont implantés séparément ou après
adossement en « canon de fusil » lorsque l’anatomie s’y prête.
Quand la veine hépatique moyenne n’a pas été emportée avec le
greffon, les veines des segments V et VIII peuvent être implantées
séparément dans la veine cave inférieure du receveur ou par
l’intermédiaire d’un allogreffon jugulaire ou iliaque prélevé chez le
receveur.
Les vaisseaux pédiculaires (branche portale droite
et branche droite de l’artère hépatique) sont implantés en terminoterminal sur leurs homologues côté receveur.
Le microscope
opératoire est devenu un appoint indispensable à la pratique de
cette chirurgie.
Le canal hépatique droit est implanté dans une anse
montée ou directement sur le canal hépatique droit côté receveur.
La transplantation hépatique de l’adulte à partir d’un greffon droit
prélevé chez le vivant apparenté est en plein essor.
Reservée à
quelques centres très spécialisés, elle reste grevée d’une lourde
morbidité, moins liée au volume réduit du parenchyme implanté
qu’aux anastomoses soumises à un risque élevé de thrombose ou de
fuite.
Conclusion
:
La transplantation hépatique constitue une agression chirurgicale
importante que l’on fait subir à un individu affaibli par la longue
évolution d’une maladie chronique du foie.
Pour cette raison, outre la
sophistication des technologies chirurgicales, la maîtrise de l’anesthésie
et celle de la réanimation peropératoire restent les appoints
indispensables au succès d’une opération qui, bien que devant conserver
un rythme soutenu, a perdu son caractère précipité.
Dans ces
conditions, la qualité de l’hémostase et des anastomoses peut être
garantie, ce qui constitue la meilleure prévention des complications
postopératoires chirurgicales.
Sous la pression qu’a créée la pénurie en greffon, la transplantation
hépatique devrait à l’avenir s’engager plus loin encore sur la voie des
transplantations à partir de greffons partagés ou prélevés sur le
donneur vivant.
Chez ce dernier, le prélèvement du foie droit, seul
capable de satisfaire par son volume à la fonction hépatique d’un
receveur adulte, est une option en plein développement.
Elle pourrait
même devenir une spécialité de la transplantation hépatique, apanage
de quelques centres capables d’en appréhender en même temps les
aspects éthiques, psychologiques et bien sûr techniques, qui concernent
autant le donneur que le receveur.
Nul doute qu’un chapitre entier de
cette encyclopédie lui sera consacré.