• Importance du tabagisme : depuis une vingtaine d’années,
la proportion de fumeurs réguliers (au moins une cigarette
par jour) est stable chez les adultes, aux alentours de
30 % (40 % chez les hommes, 20 % chez les femmes).
Cette stabilité globale masque cependant une évolution
réelle :
– la proportion des fumeurs occasionnels chez les hommes
adultes diminue alors que la part des fumeurs réguliers a
augmenté (la consommation moyenne de cigarettes a ainsi
augmenté ; elle est estimée aujourd’hui à 6 cigarettes par
adulte et par jour) ;
– la proportion d’hommes fumeurs a diminué tandis que la
proportion de femmes fumeuses a augmenté ;
– le pourcentage de fumeurs diminue, dans les deux sexes,
avec l’âge ; les générations les plus anciennes fumaient
moins (surtout les femmes) ; d’autre part, les fumeurs
essayent, à partir d’un certain âge, de réduire leur consommation
et de s’arrêter.
• Le comportement tabagique est fortement lié à l’activité
professionnelle et au milieu social : chez les hommes, les
ouvriers non qualifiés sont les plus nombreux à fumer
(+ 16 % de la moyenne des hommes) ; les cadres supérieurs
et les agriculteurs sont très en dessous de la moyenne ; chez
les femmes, l’activité de bureau est la plus favorable au
tabagisme (+ 20 % de la moyenne des femmes) ; les chômeurs
sont les plus nombreux à fumer alors que les femmes
au foyer et les retraités sont les moins nombreux à fumer.
• Modalités du tabagisme : le tabac est consommé par
plus de 90 % des fumeurs sous forme de cigarettes ; les
cigarettes blondes ont largement dépassé les cigarettes
brunes ; on observe depuis quelques années une augmentation
de la part prise par les autres formes de tabac
(notamment le tabac à rouler qui échappe aux augmentations
de prix).
Sous l’effet du dispositif réglementaire mis en place au
début des années 90, la consommation de cigarettes a diminué
de 11,3 % en France dans les 4 dernières années (1992-
1996).
2- Tabagisme chez l’enfant et l’adolescent :
• Importance du tabagisme : l’âge d’entrée dans le tabagisme
se situe vers 13-14 ans.
Le pourcentage de fumeurs
occasionnels et réguliers chez les jeunes (12-18 ans) diminue
depuis 1977, mais le pourcentage de fumeurs réguliers
reste stable.
Les garçons sont à peine plus nombreux que les filles à
fumer (les filles sont d’abord plus nombreuses à fumer,
puis la situation s’inverse à partir de 16 ans).
Chez les 18-24 ans, on note dans les deux sexes 55 % de
fumeurs réguliers.
• Initiation au tabagisme : certains facteurs sont propres
à l’adolescent : le tabagisme est favorisé par les difficultés
scolaires, l’interruption prématurée de la scolarité, l’affirmation
d’un esprit d’autorité et d’indépendance, le peu de
sensibilité aux effets du tabagisme, une attitude positive
déclarée envers l’usage du tabac.
D’autres facteurs sont liés à l’environnement social : le
tabagisme des jeunes est fortement influencé par le tabagisme
des pairs et des parents.
Le plus puissant déterminant de l’initiation au tabagisme
chez les jeunes est son degré d’acceptabilité sociale dans
la communauté des adultes au sein de laquelle ils vivent.
• Évolution vers la dépendance : le processus d’initiation
et de développement de l’usage du tabac se déroule sur plusieurs
années.
L’adolescent se forge d’abord une opinion
et une attitude à l’égard du tabac (qu’il peut donc rejeter).
L’usage s’installe progressivement avant de devenir régulier.
Le stade de dépendance est atteint lorsque le jeune
pense ne plus pouvoir s’en passer.
B - Épidémiologie du tabagisme
dans le monde
:
On compte aujourd’hui environ un milliard de fumeurs
dans le monde, dont un tiers en Chine.
Le tabagisme a augmenté
dans tous les pays entre 1945 et 1965 ; entre 1965
et 1985, il s’est stabilisé dans plusieurs pays, mais a continué
à augmenter dans un grand nombre de pays : le nombre
de cigarettes vendues dans le monde en 1985 était le double
du chiffre atteint en 1955.
Depuis 1985, on observe une
diminution de la consommation dans plusieurs pays industrialisés,
notamment anglo-saxons, où la totalité du marché
est orientée pour conquérir les femmes et les jeunes.
Le développement de la consommation, sous l’effet de virulentes
campagnes de promotion de l’industrie du tabac, se
fait désormais essentiellement vers les pays en voie de
développement.
Pathologie liée au tabac :
La pathologie liée au tabac s’observe après un délai de 20
à 50 ans suivant le début du tabagisme. Nous sommes donc
en train d’observer les conséquences du tabagisme des
années 1960-70.
La consommation de cigarettes ayant augmenté
jusqu’en 1991, l’épidémie des maladies causées par
le tabac va se prolonger au moins jusqu’en 2010-2020.
L’augmentation sera surtout nette chez les femmes qui
n’ont commencé que récemment à fumer.
A - Mortalité liée au tabac
:
1- Niveau général de la mortalité due au tabac :
Un fumeur sur deux meurt d’une maladie liée au tabac.
Un
décès lié au tabac sur deux est prématuré (c’est-à-dire qu’il
survient avant l’âge de 65 ans).
On estime que l’espérance
de vie est réduite de 4 ans chez un fumeur de moins de
10 cigarettes par jour, de 6 ans chez un fumeur de 10 à
20 cigarettes par jour, de 8 ans au-delà de 20 cigarettes par
jour.
2- Mortalité liée au tabac en France :
On estime à 60 000 le nombre de décès annuels liés au tabagisme
: 55 000 décès chez l’homme et 5 000 chez la femme,
soit un peu plus de 10 % de la mortalité globale.
Il s’agit
principalement de :
– 30 000 décès par cancer liés au tabac (ce qui représente
22 % des décès par cancer) ;
– 22 000 décès par maladie cardiovasculaire ;
– 8 000 décès par maladies de l’appareil respiratoire (bronchopathies
chroniques obstructives, essentiellement).
3- Mortalité liée au tabac dans le monde :
On estime à 3 millions le nombre de décès annuels liés au
tabagisme dans le monde (2 millions dans les pays industrialisés
et 1 million dans les pays en voie de développement).
4- Évolution prévisible de la mortalité
liée au tabac :
Au rythme de croissance actuel de la consommation
(notamment chez les femmes dans les pays industrialisés
et surtout dans les pays en voie de développement) et avec
le délai d’au moins une vingtaine d’années entre le début
du tabagisme et l’observation des décès liés au tabac, on
estime que la mortalité annuelle liée au tabac dans les
années 2010-2020 sera de 10 millions d’individus, (3 millions
de décès dans les pays industrialisés et 7 millions dans
les pays en voie de développement).
En France, la mortalité,
à cette époque, devrait atteindre 110 000 hommes (soit
le doublement du chiffre actuel) et 55 000 femmes (soit une
multiplication par 10).
B - Pathologies liées au tabac
:
La fumée de tabac contient près de 4 000 composants que
l’on peut répartir en :
– nicotine qui a une toxicité cardiovasculaire et, surtout,
est l’agent responsable de la dépendance au tabac ; le
sevrage nicotinique, que l’on prévient par les traitements
de substitution nicotinique (gommes à mâcher, timbres à
libération transcutanée), se traduit par le besoin impérieux
de nicotine, irritabilité, frustration, agressivité, anxiété, difficultés
de concentration, agitation, impatience, insomnie,
augmentation de l’appétit ;
– monoxyde de carbone (CO) qui est un facteur de risque
d’ischémie, notamment coronarienne ;
– substances irritantes (aldéhydes, acroléine, enzymes protéolytiques,
radicaux libres oxydants) qui agressent directement
les voies aériennes ;
– substances cancérigènes, dont on connaît plusieurs types
(hydrocarbures polycycliques aromatiques, nitrosamines).
1- Cancers :
• Le cancer du poumon est le cancer responsable de la plus
forte mortalité par cancer dans le monde (les deux sexes
confondus) : il est le premier cancer chez l’homme et le 5e
chez la femme (suivant les tumeurs du sein, du col utérin,
du côlon-rectum, et de l’estomac).
Quasiment inconnu au
début du siècle, il a connu une progression foudroyante
depuis la seconde guerre mondiale.
Il est actuellement responsable
en France de 23 000 décès annuels ; son incidence
augmente chez la femme alors qu’il est stabilisé chez
l’homme (l’augmentation du tabagisme féminin s’est traduite
depuis 1986 chez la femme américaine par un taux
de décès par cancer bronchique supérieur à celui du cancer
du sein).
85 % des cancers du poumon sont dus au tabac.
Le risque
relatif de cancer du poumon, qui est de 1 chez le nonfumeur,
est de 20 chez l’homme fumeur et 12 chez la
femme fumeuse (la différence, que l’on suppose transitoire,
est due au caractère récent du tabagisme féminin).
L’élément déterminant pour le risque de cancer bronchique
n’est pas la quantité cumulée du tabac fumé (classiquement
mesurée en paquets-années, expression qu’il ne faudrait
plus utiliser) mais la durée du tabagisme (et son corollaire
la précocité de l’âge de début) ; l’excès de risque est 20 fois
plus élevé après 30 ans de tabagisme qu’après 15 ans, et
100 fois plus élevé après 45 ans de tabagisme qu’après
15 ans.
• 70 % des cancers des voies aéro-digestives supérieures
(sphère ORL et oesophage), 40 % des cancers de la vessie,
30 % des cancers du pancréas sont attribuables au tabac.
Les cancers du rein, du col utérin et de l’estomac sont également
associés à la consommation de cigarettes.
2- Risque respiratoire :
Le tabagisme est la première cause de bronchopneumopathie
chronique obstructive (BPCO), bronchite chronique et
emphysème.
Environ 10-15 % des fumeurs développent
une obstruction bronchique clinique.
On estime à environ
2 millions le nombre de Français atteints de bronchite chronique
tabagique et à, au moins, 8 000 le nombre de décès
annuels.
3- Risque cardiovasculaire :
La consommation de cigarettes est associée aux risques
d’infarctus du myocarde et de mort subite par affection
coronarienne, qui sont 2 à 4 fois plus élevés chez le fumeur.
Le risque d’artériopathie des membres inférieurs est augmenté
par 4.
Le risque d’accident vasculaire cérébral est également
augmenté, particulièrement chez les femmes prenant des
contraceptifs oraux.
4- Autres pathologies :
Le tabagisme est associé à un grand nombre d’autres pathologies
(ostéoporose post-ménopausique, ulcères gastriques,
états inflammatoires buccaux et ORL, névrite optique rétrobulbaire,
etc.).
5- Effets pathogènes du tabagisme passif :
L’exposition passive à la fumée de cigarettes est un facteur
de risque reconnu :
– chez le foetus : augmentation du risque d’hématome rétroplacentaire,
d’avortement spontané, de prématurité, diminution
du poids de naissance ;
– chez l’enfant : augmentation de fréquence des infections
respiratoires hautes (otites) et basses, altération de la croissance
de la fonction respiratoire, plus grande fréquence et
sévérité de l’asthme, augmentation du risque de mort subite
du nourrisson ;
– chez l’adulte : augmentation de 25 % du risque de cancer
du poumon et de maladie cardiovasculaire.