Manifestations ophtalmologiques des atteintes du système nerveux
Cours d'Ophtalmologie
Rappel anatomophysiologique
:
A - Anatomie des voies visuelles
:
Le système neurovisuel est constitué de quatre neurones dont deux sont
intrarétiniens, la cellule photoréceptrice et le neurone bipolaire, qui met en
contact la cellule sensorielle et la cellule ganglionnaire, corps cellulaire
intrarétinien du neurone rétinogéniculé (1,5 million de cellules).
Les axones
des cellules ganglionnaires (troisième neurone) cheminent dans la couche des
fibres optiques et convergent vers la papille.
En rétine centrale, et à l’inverse
de la périphérie, le champ récepteur est étroit, chaque cellule ganglionnaire
étant en relation avec un petit nombre de cônes. Ainsi, l’information transmise
au système nerveux central (SNC) par les bâtonnets est-elle moins précise.
En revanche, la détection en est assurée à un seuil de luminosité plus bas.
Les voies optiques sont symétriques, organisées en faisceaux avec une
autonomie quadrantale.
L’organisation est monoculaire dans le nerf optique
(NO) et hémiopique pour les voies rétrochiasmatiques.
Enfin, les différents
faisceaux conservent leur position respective dans tous les segments de la voie
optique (homologies altitudinale, concentrique et radiaire).
La papille, située en dedans et en bas de la macula, est la région de
convergence des fibres visuelles qui se coudent à angle droit pour se diriger
vers le fond de l’orbite.
En arrière de la lame criblée, le NO s’épaissit
passant de 1,5 à 3 mm de diamètre du fait de la multiplication du nombre d’astrocytes, d’oligodendrocytes et de la présence d’une myéline de type
central.
Il est entouré d’une enveloppe méningée complète, pie-mère,
arachnoïde et dure-mère, qui adhèrent fortement entre elles et au périoste dans
le canal optique.
Cette adhérence est moindre en bas du fait du passage de
l’artère ophtalmique.
Le chiasma optique (CO), constitué par la réunion des deux NO,
forme l’angle antérieur et inférieur du troisième ventricule et sert d’insertion
de la lame sus-optique.
Il est en contact avec le toit du sinus caverneux et de
la loge hypophysaire en bas, des carotides internes latéralement et des artères
cérébrales antérieures en haut.
Les bandelettes optiques (BO), poursuivant le CO en arrière, constituent en
avant le plancher du troisième ventricule, puis le toit de la fente de Bichat.
Elles s’élargissent en arrière pour rejoindre le corps genouillé (CG), accolé
au bord postérolatéral du mésencéphale, coiffé par le pulvinar thalamique.
Là
prennent naissance les fibres géniculostriées (quatrième neurone) qui se
dirigent dans les radiations optiques (RO), associées à des fibres issues du
pulvinar, en dehors, immédiatement en arrière du bras postérieur de la capsule
interne.
Ces fibres sont divisées en deux contigents : l’un antérieur qui
contourne la corne temporale en avant, l’autre postérieur qui enjambe le corps du ventricule latéral.
Les radiations se regroupent en arrière, longent la face
externe du carrefour ventriculaire, puis sa face externe et cheminent dans la
substance blanche occipitale jusqu’aux aires corticales visuelles.
Celles-ci
sont situées à la face interne des lobes occipitaux et constituent les aires 17 de Brodmann (V1), de forme triangulaire à sommet antérieur et partagées en
deux par la scissure calcarine.
À côté de la voie optique principale, 20 à 30 % des fibres quittent cette voie
avant le CG.
Racines terminales non sensorielles : racine optocolliculaire, qui jouerait une
fonction d’orientation et un rôle oculomoteur ; racine optotectale, contingent
pupillomoteur, qui est destinée au noyau oculomoteur, afférence du réflexe
photomoteur.
Système optique accessoire : bandelettes optiques accessoires, contingents rétino-hypothalamo-thalamo-épithalamique et rétinomésencéphalique se
distribuant à la formation réticulaire et au cervelet.
Un des rôles de ces
structures est le maintien d’une vision sous-corticale.
Suite à une lésion de V1, la persistance d’une perception visuelle dite aveugle
(blindsight), passerait par ces voies visuelles secondaires par un courant
dorsal.
L’une de ces voies serait rétinocolliculaire, puis thalamique (pulvinar)
et se projetterait directement sur MT ou V5.
B - Vascularisation du système neurovisuel :
La vascularisation de la rétine provient de l’artère ophtalmique, branche de la
carotide interne.
La couche neurocérébrale de la rétine est vascularisée par
l’artère centrale de la rétine, se distribuant en un réseau capillaire superficiel
pour les cellules ganglionnaires et un réseau capillaire profond pour les
cellules bipolaires.
Les vaisseaux rétiniens émergent de la papille, cheminent
devant la rétine et s’arrêtent devant la macula, avasculaire.
Le réseau
choroïdien est alimenté par les artères ciliaires et nourrit la rétine sensorielle.
L’irrigation de la papille est assurée par des artères microscopiques
provenant des artères ciliaires, particulièrement sensibles à l’équilibre entre
la pression artérielle et la tension intraoculaire.
La vascularisation du NO
dépend de l’artère ophtalmique.
L’artère centrale du nerf optique pénètre dans
le nerf dès le fond de l’orbite et se divise en deux branches, l’une antérieure,
l’autre postérieure.
L’artère centrale de la rétine gagne la profondeur du nerf,
10 à 12 mmen arrière du globe.
La vascularisation du CO est assurée par une
multitude de petits rameaux artériels provenant de la carotide interne par ses
bords latéraux et sa face antérieure, des cérébrales antérieures pour son angle
antérieur, des communicantes postérieures pour le postérieur.
La
vascularisation des BO est assurée par de petites branches de l’artère
choroïdienne antérieure.
Leur portion terminale et les CG sont vascularisés
par l’artère choroïdienne postérolatérale.
La portion initiale des RO jusqu’au
carrefour est vascularisée par l’artère choroïdienne antérieure.
En arrière, la
vascularisation est assurée par l’artère choroïdienne postérolatérale puis par
l’artère calcarine, branche de l’artère cérébrale postérieure, appartenant au
système vertébrobasilaire, qui se divise en deux branches destinées aux
régions supra- et infracalcarines.
C - Organisation des voies visuelles
:
Aux deux extrémités des voies visuelles, les faisceaux supérieurs sont audessus
des faisceaux inférieurs.
Ils deviennent internes au niveau des CG,
puis supérieurs au niveau des RO.
La papille est la zone de convergence
des fibres provenant des différentes parties de la rétine : les fibres maculaires sont directes (faisceau papillomaculaire), contournées par les
fibres temporales (arciformes) ; les fibres nasales sont rectilignes près du
méridien horizontal, et arquées lorsque l’on s’en éloigne.
Le faisceau maculaire est externe au niveau de la papille, les fascicules temporaux
encadrant les fascicules nasaux ; il devient axial dans le NO, entouré des
fascicules des quatre hémirétines.
En arrière, alors que leNOs’aplatit, les
faisceaux maculaires temporal et nasal commencent à se séparer.
Au
niveau du CO, les fibres provenant des hémirétines supérieures restent audessus
de celles provenant des hémirétines inférieures. Le faisceau
temporal est direct : sa partie supérieure s’étale horizontalement et sa
partie inférieure reste externe.
Les fibres nasales sont croisées. Les
faisceaux inférieurs décussent à la partie antérieure du CO (genou
antérieur), et les faisceaux supérieurs à la partie postérieure (genou
postérieur).
Les faisceaux de la demi-lune sont à la partie la plus basse.
Le
faisceau maculaire temporal reste enfoui ; sa partie nasale décusse à la
partie postérosupérieure du CO.
Les BO sont composées de quatre
faisceaux regroupant les fibres homologues des deux yeux : supérieur,
inférieur, maculaire et celui de la demi-lune.
Au niveau du CG, il existe
une intorsion à 90° : les fibres supérieures deviennent internes, les
inférieures externes et le faisceau maculaire est à la partie postérieure et
supérieure.
Les CG sont organisés en six couches ou lames, numérotées
de bas en haut : ventrales (1 et 2) magnocellulaires (projection des cellules
de type M de la rétine), et dorsales parvocellulaires (projection des
cellules de type Pde la rétine).
Ils jouent un rôle dans la structuration de la
perception et la préparation du mouvement oculaire.
Les fibres directes se
projettent sur les couches 2, 3 et 5, les croisées sur les couches 1, 4 et 6.
Les couches 1, 2 et 3 assurent la vision photopique, les couches 4, 5 et 6 la
vision scotopique.
Concernant la vision des couleurs, le bleu est assuré
dans les couches 1 et 2, le rouge en 3 et 4, et le vert en 5 et 6.
Les champs
récepteurs visuels des neurones des CG sont presque identiques à ceux
des cellules ganglionnaires qui leur apportent l’information.
Ces cellules
peuvent aussi être classées en cellules de centre ON ou de centre OFF.
Les fibres géniculostriées cheminent dans les RO : le faisceau interne des CG
reprend une position supérieure ; le faisceau maculaire qui était externe
devient médian ; le faisceau de la demi-lune se fracture, sa partie supérieure
occupant la partie la plus haute.
En avant, les faisceaux de l’hémichamp
inférieur s’infléchissent pour former l’anse de Meyer : le partage entre
hémirétine supérieure et inférieure est total.
En arrière, les RO forment un
ruban étroit qui longe la face externe du ventricule latéral ; la systématisation
est altitudinale : faisceau maculaire médian entouré en haut du faisceau
supérieur, en bas du faisceau inférieur, encadrés par les faisceaux de la
demi-lune.
Au niveau du cortex strié, le faisceau maculaire est postérieur, les fibres
périphériques antérieures. Les faisceaux supérieurs se projettent au-dessus de
la scissure calcarine (sauf pour la demi-lune) et les inférieurs en dessous.
La
projection visuelle dans le cortex occipital s’organise en colonnes respectant
l’origine monoculaire des fibres, leur spécialisation est vis-à-vis des couleurs,
directionnelle et peut-être cinétique. L’aire 17 (V1) est une aire de
représentation de l’image.
Le méridien vertical, qui sépare les faisceaux
temporaux et nasaux au niveau du NO, entoure l’aire striée dessinant la
frontière avec l’aire 18 (V2).
C’est de cette région que partent les fibres transcalleuses nécessaires à appréhender le relief.
La stimulation de cette
même région provoque des mouvements oculaires de convergence.
Comme
dans le CG, on retrouve dans V1 une représentation rétinotopique de
l’hémichamp visuel controlatéral.
À ce niveau, la plupart des neurones
répondent à la stimulation visuelle par l’intermédiaire des deux yeux et la
majorité d’entre eux répond sélectivement à certaines orientations des stimuli
visuels.
Le traitement de l’information visuelle se fait au-delà de V1 par un réseau
dense de connexions corticocorticales.
On distingue deux courants, le
courant dorsal et le courant ventral.
Le courant dorsal (MTou V5,MST, MT),
voie occipitopariétale (contrôlée par les neuronesMdu CG) est sensible aux
stimuli intenses nécessitant une réponse rapide.
Elle contrôle la coordination visuomotrice, les objets en mouvement, le déplacement de l’individu dans
l’environnement.
Le courant ventral, occipitotemporal, se dirige vers V4 et
sert à la reconnaissance des formes et des couleurs.
Cette voie est activée par
les cellules M, P et K du CG.
Ainsi, un stimulus coloré active les cellules M
qui véhiculent une réponse rapide en noir et blanc.
Un courant inverse repart
de V4 (feedback), et réactive en l’amplifiant la réponse des cellules P
(discrimination des couleurs et reconnaissance des formes).
Les lésions
temporales et/ou du courant ventral entraînent une agnosie des objets, des
couleurs et des visages.
Une lésion pariétale ou du courant dorsal est
responsable de déficits de localisation de l’individu dans l’espace (lecture des
cartes, repérage de l’environnement) et de la réalisation des gestes
visuellement guidés.
D - Moyens d’étude et techniques d’exploration :
Nous ne détaillerons pas les différents moyens d’étude de la vision : acuité
visuelle, sensibilité au contraste, vision des couleurs, champ visuel, ERG
(électrorétinogramme), PEV (potentiel évoqué visuel), etc.
Rappelons l’intérêt croissant des techniques d’imagerie par résonance
magnétique (IRM) permettant une exploration anatomique des voies
visuelles, leur complémentarité avec le scanner, qui permet d’étudier les
structures osseuses et de détecter précocement un saignement intracérébral.
Le plan permettant l’examen des voies visuelles est le plan neuro-oculaire.
D’autres plans sont aussi nécessaires : sagittal, coronal, transhémisphérique
oblique.
Rappelons enfin le développement des techniques d’imagerie
fonctionnelle.
Neuropathies optiques
:
Elles sont caractérisées par une baisse de la vision, un déficit campimétrique
(en général un scotome central), une pupille de Marcus Gunn (afferent
pupillary defect), des modifications papillaires (pâleur ou léger
oedème du disque) et une dyschromatopsie d’axe rouge-vert. Les atteintes du
NO sont multiples : les plus fréquentes sont les neuropathies optiques
inflammatoires et les neuropathies optiques ischémiques.
Deux études
multicentriques récentes, l’ONTT (optic neuritis treatment trial) et
l’IONDT (ischemic optic neuropathy decompression trial), ont contribué
à la compréhension de l’histoire naturelle des neuropathies optiques
inflammatoires et ischémiques, et à leur prise en charge thérapeutique.
A - Neuropathies optiques inflammatoires :
Neuropathie optique inflammatoire isolée et sclérose en plaques
La sclérose en plaques (SEP) et les affections qui en sont proches représentent
les causes les plus fréquentes.
Une neuropathie optique révèle la SEP dans
20 % des cas et s’observe au cours de son évolution dans 75 % des cas.
Des
neuropathies optiques inflammatoires ont été décrites au cours du lupus
érythémateux aigu disséminé.
La symptomatologie est unilatérale dans plus de 70 % des cas et touche la
femme jeune entre 20 et 30 ans.
Des douleurs à la mobilisation du globe sont
observées dans 90 % des cas.
La baisse de la vision s’installe rapidement, en
quelques heures à quelques jours. Son intensité est variable, de légère à
massive, et responsable d’une cécité.
La récupération apparaît entre le
huitième et le quinzième jour et se poursuit pendant les 6 mois qui suivent.
La campimétrie renseigne sur la taille du scotome central responsable de la baisse
visuelle. Au fond d’oeil, la papille est le plus souvent normale, légèrement
oedématiée dans un tiers des cas, parfois déjà décolorée en temporal,
traduisant une atrophie optique débutante.
Le déficit pupillaire afférent et la
dyschromatopsie complètent le tableau.
Dans 90 % des cas, l’acuité visuelle
s’améliore à des niveaux proches de la normale en 6 mois.
Environ 30 %
d’entre elles rechutent en 5 ans.
Parfois, il existe un signe d’Uhthoff, très
évocateur de neuropathie optique démyélinisante : au décours d’un épisode
aigu, une baisse de la vision de quelques minutes survient après un effort
physique, un bain chaud, un repas...
Ce signe s’observe aussi chez des patients
ayant une neuropathie optique chronique ou infraclinique.
L’étude de l’ONTT a permis de dégager les facteurs pronostiques
prédictifs de la survenue d’une SEP et de mieux préciser les modalités
thérapeutiques.
Ainsi, le traitement de choix semble être les perfusions de méthylprednisolone (dose totale de 3 g), suivies d’une courte
corticothérapie orale, ou l’abstention thérapeutique.
La corticothérapie
orale seule pourrait favoriser les rechutes à 2 ans.
Le risque de progression
vers une SEP est comparable dans le groupe placebo et dans le groupe
ayant bénéficié de perfusions de corticoïdes.
L’acuité visuelle est
comparable après 5 ans dans les trois groupes : une acuité quasi normale
est notée dans 87 % des cas.
Le risque de développer une SEP est de
30 % : le meilleur facteur prédictif de l’évolution vers une SEP est
l’existence de plus de trois lésions sur l’IRM initiale (risque de 10 % en
l’absence de lésions, 37 % en cas d’une ou deux lésions, 51 % en cas de
trois lésions ou plus).
Ainsi, l’IRM est l’examen complémentaire le plus
utile devant une neuropathie optique inflammatoire : il permet de
visualiser les lésions inflammatoires du NO et d’apporter les
éléments du diagnostic différentiel et du pronostic.
1- Uvéonévraxites :
Elles affectent à des degrés divers le SNC, les méninges et l’uvée dans l’un ou
l’autre de ses trois segments. Ainsi, aux troubles méningoencéphalitiques
s’associe une uvéite.
2- Ophtalmie sympathique
:
Elle survient après une plaie perforante du globe.
L’iridocyclite peut
s’associer à des convulsions ou une atteinte des paires crâniennes.
L’IRM
s’impose à la recherche d’une brèche dure-mérienne et d’une atteinte du SNC.
3- Maladie de Behçet :
Elle peut s’associer à des signes généraux. L’atteinte du SNC est de deux
types : thrombophlébites cérébrales responsables d’une hypertension
intracrânienne (HIC) ou artériopathie cérébrale responsable de syndromes
focaux.
4- Maladie de Harada-Vogt-Koyanagi :
Elle affecte le sujet jeune (30-50 ans). Le syndrome méningé est franc et
l’analyse du liquide céphalorachidien (LCR) révèle une méningite
lymphocytaire.
5- Causes infectieuses :
De nombreux germes peuvent être responsables, à des degrés divers
d’uvéites, de méningoencéphalites et de neuropathies optiques.
Citons les
nombreux virus notamment du groupe herpès, la tuberculose, la syphilis, la
maladie de Lyme et diverses parasitoses.
B - Neuropathies optiques ischémiques
:
Elles résultent de l’occlusion des artères ciliaires courtes postérieures qui vascularisent la tête du NO.
Elles surviennent en général après la
cinquantaine.
Le début est brutal, indolore, et la baisse de la vision est en
général sévère.
L’oedème papillaire est constant, global ou segmentaire
suivant l’importance de l’ischémie, et s’accompagne de flammèches
hémorragiques et/ou de nodules cotonneux sus- ou péripapillaires.
Le
champ visuel reflète la systématisation des fibres optiques au niveau papillaire
et les déficits observés sont très caractéristiques : amputations altitudinales le
plus souvent inférieures, encoches quadrantales, scotomes arciformes,
scotomes altitudinaux.
Les neuropathies optiques ischémiques sont des complications graves de la
maladie de Horton.
L’acuité visuelle est en général très touchée et la bilatéralisation très rapide, conduisant à la cécité bilatérale.
L’artérite
temporale doit être évoquée de principe chez un patient de plus de 65 ans
présentant des céphalées, des douleurs articulaires, une claudication de la
mâchoire, une altération de l’état général avec amaigrissement.
Devant ce
tableau, il faut mettre en route un traitement par bolus de corticoïdes sans
attendre le résultat de la vitesse de sédimentation, en général très accélérée.
Par la suite, la biopsie de l’artère temporale confirme le diagnostic.
À côté de cette forme de neuropathie optique ischémique dite artéritique, il
existe des formes dites non artéritiques, survenant chez des patients moins
âgés (50-65 ans), et qui se bilatéralisent moins vite (25 % en 32 mois).
Peuvent s’y associer une hypertension artérielle (HTA), un diabète ou d’autres
facteurs de risque vasculaire.
D’autres neuropathies ischémiques surviennent
chez des patients plus jeunes dont les papilles sont en général petites, dysmorphiques, considérées comme un facteur anatomique prédisposant
(papilles à risque, rapport c/d = 0,9 [cup/disc = rapport excavation/papille]).
Signalons les rares neuropathies optiques ischémiques bilatérales de bas débit
et les dissections carotidiennes qu’il faut évoquer chez le sujet jeune
présentant des douleurs latérocervicales et un signe de Claude Bernard-Horner (CBH).
Les récupérations visuelles des neuropathies optiques ischémiques sont
médiocres.
Certaines formes continuent à s’aggraver progressivement.
C’est
dans ces cas qu’une chirurgie décompressive du NO a été proposée,
entraînant une aggravation plus rapide chez les patients opérés (fenestration
des espaces périoptiques).
Cette chirurgie est abandonnée au profit d’un
traitement par l’aspirine au long cours.
C - Neuropathies optiques toxiques et nutritionnelles :
Elles sont bilatérales, symétriques, progressives et indolores.
Les baisses
visuelles peuvent être importantes sans jamais atteindre la cécité.
La
dyschromatopsie rouge-vert très marquée en est souvent le signe inaugural.
L’étude du champ visuel met en évidence un scotome centrocæcal bilatéral,
en forme de raquette.
Les papilles sont normales au début, puis apparaît une
pâleur temporale qui se majore progressivement jusqu’à l’atrophie optique.
La cause la plus fréquente est nutritionnelle : épidémies, famines, intoxication alcoolotabagique chez les dénutris, avec insuffisance en vitamines B12, B1...
La plupart de ces neuropathies ont une évolution défavorable, bien que
certaines récupérations aient été observées à l’arrêt de l’intoxication.
En 1992
et 1993, une épidémie de neuropathies optiques toxiques associées à des
neuropathies périphériques a été observée à Cuba, touchant beaucoup plus les
hommes que les femmes.
En raison de la ressemblance clinique avec
l’atrophie optique héréditaire de Leber (AOHL), l’hypothèse d’une
neuropathie optique toxique survenant sur un terrain génétiquement
prédisposé a été soulevée.
Il semble que l’origine de ces neuropathies
toxiques soit plurifactorielle : elle surviendrait chez les fumeurs de cigares et
pourrait être prévenue par une alimentation riche en carotènes, tomates et
fruits rouges.
Les causes médicamenteuses des neuropathies optiques toxiques sont
nombreuses.
C’est une mitochondropathie transmise par les femmes. Elle touche le plus
souvent les hommes et débute entre 20 et 30 ans.
Elle se traduit par une chute
de la vision, d’abord unilatérale, indolore, puis rapidement bilatérale.
L’aspect au fond d’oeil est caractéristique au début de l’affection : le disque a
un aspect oedémateux et il existe des télangiectasies péripapillaires.
Cet aspect
disparaît en quelques semaines et l’atrophie, souvent très marquée, s’installe.
Certains patients peuvent présenter de discrètes améliorations transitoires
et/ou un phénomène d’Uhthoff.
Le champ visuel retrouve un scotome central
ou centrocæcal bilatéral.
L’étude de l’acide désoxyribonucléique
mitochondrial permet de retrouver les mutations caractéristiques.
2- Atrophie optique dominante
:
Elle apparaît en général dans la première décade de la vie.
Lorsque l’atteinte
des NO est importante, la chute de l’acuité visuelle est majeure et entraîne un
nystagmus qui attire l’attention sur l’état visuel de l’enfant.
Toutefois, la
baisse visuelle est le plus souvent peu sévère, méconnue de la famille.
L’étude
du champ visuel montre un scotome centrocæcal ou paracentral.
Curieusement, la dyschromatopsie intéresse uniquement le bleu.
Il se situe parmi les atrophies
optiques héréditaires associées à d’autres signes neurologiques ou à des
maladies systémiques.
Il commence dans la première ou deuxième décade de
la vie.
La baisse visuelle est très sévère, associée à un diabète
insulinodépendant et à une discrète atteinte auditive.
E - Neuropathies optiques compressives et infiltratives :
On en distingue deux groupes : celles s’accompagnant d’un oedème papillaire
et celles à fond d’oeil normal au début, puis progressivement à papilles
atrophiques.
Une baisse visuelle progressive associée à un oedème papillaire s’observe
dans les processus intraorbitaires et intracanalaires.
De multiples processus occupant de l’espace, en général intraorbitaires,
peuvent être responsables de cette symptomatologie.
Ils s’accompagnent en
règle d’une exophtalmie progressive, souvent méconnue au début.
L’atteinte
oculomotrice est plus ou moins marquée, pouvant s’intégrer dans le cadre
d’un syndrome de l’apex orbitaire.
Le scanner et l’IRM permettent le
diagnostic.
Les causes les plus fréquentes en sont les gliomes du NO,
méningiomes périoptiques, lymphomes, hémangiomes, carcinomes.
Les
gliomes du NO sont les tumeurs infiltratives les plus fréquentes (90 %) ; ils
apparaissent dans la deuxième décade et leur évolution est lente.
L’exophtalmie qu’ils provoquent est parfois sévère, nécessitant un geste
chirurgical.
L’efficacité des traitements médicaux est discutable.
Les autres
tumeurs primitives infiltratives sont l’hamartome, l’hémangiome caverneux,
les mélanocytomes.
Les tumeurs secondaires sont représentées par les
métastases (sein chez la femme, poumon chez l’homme), la
méningite carcinomateuse, les lymphomes.
Citons parmi les infiltrations
inflammatoires la sarcoïdose.
D’autres processus inflammatoires sont, eux,
plutôt compressifs : ce sont essentiellement les orbitopathies inflammatoires.
L’ophtalmopathie dysthyroïdienne et l’orbitopathie inflammatoire
idiopathique en sont les causes les plus fréquentes.
Les lésions compressives du NO dans sa portion intracanalaire
s’accompagnent le plus souvent d’un oedème papillaire ; ainsi, les patients
ayant une compression chronique du NO développent une triade
particulièrement évocatrice d’un méningiome : baisse de l’acuité visuelle,
oedème papillaire et shunt optociliaire (communication entre le système
veineux rétinien et choroïdien).
Un autre syndrome classique est le syndrome
de Forster Kennedy, qui associe un oedème papillaire unilatéral et une atrophie
optique controlatérale ; il traduit l’existence d’un processus occupant l’espace
de l’étage antérieur, en général un méningiome de la petite aile du sphénoïde
comprimant du même côté le NO, et responsable d’un oedème
papillaire controlatéral témoin d’une hypertension intracrânienne (HIC).
Une baisse visuelle brutale unilatérale, douloureuse, simulant une
neuropathie optique inflammatoire peut s’observer dans les apoplexies
pituitaires.
Là encore, l’IRM permet le diagnostic.
Les drusen de la papille peuvent être responsables de compressions de la tête
du NO.
Le diagnostic en est clinique (fond d’oeil), angiographique,
échographique et au scanner.
F - Neuropathies optiques traumatiques :
On distingue les traumatismes directs du NO (fracture compressive, plaie,
hématome) et les traumatismes indirects où seules l’accélération et la
décélération transmises au NO sont responsables de l’étirement et de la baisse
visuelle qui en résultent.
Ces traumatismes sont peu importants : chute de
vélo, traumatismes du rebord orbitaire.
Ces deux types de traumatismes du
NO entraînent des baisses visuelles immédiates qui récupèrent rarement.
La
décompression chirurgicale n’est pas plus efficace que les corticoïdes qui sont
actuellement institués à fortes doses.
G - OEdème papillaire de l’HIC :
L’oedème papillaire de l’HIC (papilledema des Anglo-Saxons) n’est pas dû à
une neuropathie optique proprement dite.
La souffrance duNOest secondaire
à l’augmentation de la pression du LCR, responsable d’une gêne du retour
veineux, de phénomènes ischémiques, du ralentissement du transport axonal
et de modifications métaboliques locales.
Les modifications au fond d’oeil
concernent la papille et la région péripapillaire : comblement de l’excavation
physiologique, flou du secteur temporal, soulèvement discret de la papille qui
devient hyperhémique, dilatations veineuses modérées.
Puis la papille se
soulève de plusieurs dioptries, les limites deviennent floues et l’oedème
diffuse vers la rétine.
On observe des flammèches hémorragiques et des
exsudats.
Ces modifications peuvent être précédées ou s’accompagner de
céphalées.
L’acuité visuelle reste longtemps conservée.
L’étude campimétrique montre l’élargissement de la tache de Mariotte.
Par la suite,
apparaissent des éclipses visuelles, des acouphènes, une diplopie dans les
deux regards latéraux.
Il peut apparaître un déficit visuel avec scotome central
et rétrécissement du champ visuel.
Devant un tableau d’HIC, il faut pratiquer
en urgence un scanner et une IRM qui renseignent sur l’existence d’un
processus occupant de l’espace et montrent des signes directs ou indirects
d’HIC.
Des séquences angiographiques permettront en outre de révéler des
signes de thrombophlébite cérébrale.
En l’absence de cause, une ponction
lombaire avec prise de pression permet d’affirmer l’HIC (pression supérieure
à 18-20 mm d’eau).
Certains médicaments peuvent être en cause (dérivés de
la vitamine A, antibiotiques).
Ailleurs, il s’agit d’une HIC idiopatique dite
bénigne (pseudotumor cerebri, nécessitant des ponctions lombaires
évacuatrices et/ou un traitement par acétazolamide (Diamoxt).
Syndromes chiasmatiques
:
A - Classification
:
Leurs aspects cliniques sont classés en fonction du siège de la souffrance du CO.
1- Syndrome chiasmatique par compressions médianes,
inférieures du chiasma :
Il est responsable d’altérations périmétriques bilatérales, souvent
asymétriques :
– grande tache de Mariotte : élargissement en pente douce, sans disharmonie
photométrique ; évolution vers des scotomes arciformes qui s’arrêtent à la
ligne médiane ;
– déficits bitemporaux : début par une encoche supérotemporale,
excluant la tache de Mariotte, et évoluant vers une hémianopsie ; le déficit est
asymétrique et non congruent ; déficit scotomateux, cæcocentral, diffusant
dans le quadrant temporal inférieur et respectant une bande périphérique de
vision ; évolution vers le secteur nasal inférieur ;
– déficits altitudinaux plus rares, plus souvent inférieurs que supérieurs, à
limite horizontale irrégulière ;
– déficits en diagonales plus rares.
2- Syndrome préchiasmatique :
Il traduit l’atteinte du NO et de l’angle antérieur du CO :
– scotome central unilatéral relatif puis absolu qui s’élargit progressivement
et évolue vers la cécité monoculaire ;
– hémianopsie binasale, compression bilatérale externe des deuxNO ; déficit
asymétrique, débutant en nasal inférieur et s’accompagnant d’une baisse
précoce de l’acuité visuelle et souvent d’un oedème papillaire ;
– scotome de jonction : scotome hémianopsique temporal sur l’oeil
controlatéral et déficit temporal externe sur l’oeil homolatéral ;
– syndrome de Forster Kennedy.
3- Syndrome rétrochiasmatique :
L’atteinte du genou postérieur est responsable d’un déficit temporal
controlatéral et d’une participation maculaire homolatérale.
L’atteinte de la BO est responsable d’une hémianopsie latérale homonyme
(HLH) caractérisée par son incongruence.
4- Syndrome latérochiasmatique :
Il entraîne un déficit nasal du côté lésé, évoluant vers la cécité, puis un déficit
temporal de l’autre côté.
Une lésion expansive comprime aussi le lobe
temporal voisin.
B - Signes d’accompagnement :
Baisse de l’acuité visuelle, atrophie optique, perturbation des réflexes
pupillaires, paralysies oculomotrices (POM), nystagmus en bascule lors des
atteintes traumatiques.
C - Étiologies des syndromes chiasmatiques :
1- Tumorales (90 %) :
Les tumeurs de la région sphénoïdale, les plus fréquentes, sont responsables
d’un syndrome chiasmatique, d’une HIC et d’un syndrome hormonal.
La
compression inférieure du chiasma entraîne une hémianopsie bitemporale quadrantale supérieure.
Les principales lésions sont les adénomes, les
craniopharyngiomes, les méningiomes de l’étage antérieur ou de la petite aile
(syndrome de Forster Kennedy), les cholestéatomes de l’étage moyen, le
gliome du CO, prolongement d’un gliome du NO.
2- Causes vasculaires :
Elles sont rares.
* Anévrismes intracrâniens de la carotide interne
:
Ils sont responsables d’un syndrome de la paroi externe du sinus caverneux
avec ophtalmoplégie dont l’extension supérieure entraîne un syndrome
chiasmatique.
L’anévrisme de la cérébrale antérieure ou de la communicante
antérieure comprime le NO ou le genou antérieur du CO.
La rupture anévrismale est responsable d’un syndrome optochiasmatique brutal : oedème
papillaire aigu, parfois hémorragies rétiniennes, voire vitréennes (syndrome
de Terson).
Chez le sujet âgé, l’athérome de la carotide interne étrangle la partie
supérieure du chiasma, le déficit est alors altitudinal inférieur.
* Ischémie optochiasmatique :
Elle est progressive unilatérale ou brutale (maladie de Horton).
3- Autres causes :
Elles sont encore plus rares mais nombreuses : malformations
intracrâniennes, syndrome méningé, SEP, traumatismes...
Signalons tout de
même :
– l’hydrocéphalie qui met sous tension le troisième ventricule dont le CO
constitue la paroi antéro-inférieure ;
– la selle turcique vide : céphalées chroniques et affaissement du diaphragme sellaire, entraînant les voies optiques ; le syndrome chiasmatique s’associe
parfois à un oedème papillaire ;
– l’arachnoïdite optochiasmatique, aboutissement des processus
inflammatoires locaux : méningites, traumatismes, névrites optiques ; brides
et cloisonnement de la pie-mère et de l’arachnoïde sont responsables de
compressions et d’ischémie entraînant un scotome central et un
rétrécissement concentrique du champ visuel, asymétrique.
Hémianopsies latérales homonymes
:
C’est la traduction des lésions des voies optiques rétrochiasmatiques.
L’étude
du champ visuel permet de les caractériser, et l’IRM de les localiser.
A - Caractéristiques
:
Elles sont multiples.
1- Forme du déficit
:
Une ligne de partage strictement médiane évoque une atteinte des BO.
Les
lésions rétrogéniculées sont responsables d’un déficit où la zone perçue
déborde sur le champ aveugle (de 5° à 10° de large).
En cas de déficit
incomplet, le déficit est souvent triangulaire à sommet maculaire.
Une quadranopsie s’observe dans les lésions rétrogéniculées, elle peut être
incomplète.
2- Congruence :
Dans les lésions rétrogéniculées, le déficit est congruent, identique pour
chaque oeil.
Dans les lésions des BO, l’hémianopsie est d’autant plus
incongruente qu’elle se situe près du CO.
La demi-lune temporale est
conservée alors que le déficit est congruent.
3- Pente du déficit :
Les lésions aiguës (vasculaires) sont responsables d’un déficit à pente raide,
les lésions progressives d’un déficit à pente douce.
La récupération du champ
visuel s’accompagne d’un adoucissement de la pente.
4- Épargne maculaire :
Les lésions rétrogéniculées (concernant également la bande médiane)
épargnent la vision maculaire.
Dans les lésions des BO, il existe un partage
maculaire vertical.
Atteinte en secteur latéral homonyme des lésions des CG
B - Signes associés :
L’anosognosie s’observe dans les lésions rétrogéniculées.
La perception résiduelle du mouvement s’observe dans les lésions rétrogéniculées et se met en évidence par un stimulus statique, puis cinétique
(mode perceptif), et en demandant au patient de saisir l’objet en mouvement
(mode actif).
L’impersistance oculomotrice (phénomène de Riddoch) est considérée
comme un élément de négligence spatiale ; la stimulation du champ visuel
sain s’accompagne d’une attraction incoercible du regard attiré par le
stimulus.
Souvent associée à une impersistance motrice palpébrale, elle
évoque une localisation pariétale.
Elle peut s’observer en dehors d’une HLH
et est souvent accompagnée d’une extinction visuelle.
Réflexe hémioptique de Wernicke (étude à la lampe à fente) : les lésions
prégéniculées s’accompagnent d’une abolition du réflexe photomoteur
(RPM) à la stimulation de l’hémirétine.
Étude de la papille : les lésions des BO provoquent une dégénérescence du
neurone rétinogéniculé et une décoloration partielle des deux papilles apparaît
plusieurs semaines après l’installation des lésions.
L’abolition du nystagmus optocinétique s’observe dans les lésions pariétales.
Symptômes psychovisuels : l’existence d’une agnosie visuelle,
d’hallucinations oriente vers une atteinte corticale.
C - Étiologies :
1- Ischémiques :
Ce sont les plus fréquentes :
– au niveau des BO par atteinte des artères choroïdiennes antérieures ;
– HLH de type pariétal et hémiplégie sensitivomotrice brachiofaciale,
troubles neuropsychologiques par atteinte des artères sylviennes
superficielles ;
– HLH type occipital et ischémie de l’artère cérébrale postérieure
superficielle ; l’ischémie profonde est responsable d’une nécrose temporale
postérieure et thalamique : à droite, syndrome de l’hémisphère mineur et
désorientation ; à gauche, aphasie thalamique avec alexie ; fréquence des
lésions occipitales doubles responsables de troubles psychovisuels ;
– Brouillard ou cécité transitoire bilatérale par ischémie du système vertébrobasilaire pouvant annoncer une nécrose dans le même territoire.
2- Hémorragiques :
Les manifestations cliniques dépendent du territoire et du volume de
l’hématome.
Les déficits campimétriques seraient de meilleur pronostic.
3- Tumeurs :
La traduction clinique dépend de la localisation : souvent manifestations
épileptiques minimes ou hallucinations visuelles.
Signalons :
– le gliome du corps calleux, envahissant le splénium et les régions pariétales
avoisinantes touchant les RO des deux côtés, responsable d’une cécité
corticale et de manifestations psychovisuelles et neuropsychologiques très
riches ;
– le méningiome postérieur de la faux dans la scissure interhémisphérique
entre les deux régions calcarines : atteinte bilatérale du champ visuel évoluant
vers la cécité.
4- Traumatismes crâniens :
HLH ou double HLH.
Sclérose en plaques
L’HLH est surtout due à une atteinte des BO, parfois des CG.
5- Migraine :
Au moment de l’aura ophtalmique, la migraine comporte une HLH.
Elle
débute par une impression de flou visuel associé à des scintillements.
Initialement central, le trouble visuel migre et occupe un hémichamp en
quelques minutes.
En périphérie, le flou est bordé par les fortifications à la
Vauban dessinant des zigzags scintillants qui persistent les yeux fermés et
dans l’obscurité à 6 cycles/seconde.
Au centre, la vision est floue.
La
perception visuelle est tremblante : aspect blanc décoloré surexposé.
Peuvent
exister des métamorphopsies, des illusions visuelles, des troubles sensitifs,
une alexie agnosique, une aphasie de Wernicke, un déficit moteur.
Puis
apparaît la céphalée.
Les manifestations ophtalmologiques de la migraine ne
sont pas un élément péjoratif.
D - Évolution :
Si le processus responsable est stable ou s’améliore, l’hémianopsie régresse
et la pente du déficit s’adoucit.
Il persiste souvent un déficit séquellaire
variable.
Toutefois, la vision opérationnelle peut se rétablir malgré la persistance d’un déficit campimétrique.
Chez d’autres patients, le handicap
demeure important malgré une récupération campimétrique, du fait de la
négligence spatiale associée.
Ainsi, il n’existe pas de parallélisme entre la
récupération campimétrique et la récupération fonctionnelle.
La rééducation
est indispensable en cas de négligence visuelle associée à l’HLH.
Signalons
l’existence d’une certaine plasticité chez le très jeune enfant.
Syndromes psychovisuels
:
Dans cette partie, nous traitons des troubles psychovisuels observés après les
lésions des circuits cérébraux de l’information visuelle, au-delà des troubles
perceptifs élémentaires liés aux lésions des voies visuelles et du cortex visuel
primaire.
La compréhension des tableaux psychovisuels doit beaucoup aux
progrès récents des concepts de la neuropsychologie visuelle.
Après un rappel
de différents concepts récents, nous décrirons la sémiologie psychovisuelle
proprement dite, en suivant schématiquement le cheminement de
l’information dans les structures occipitales, puis dans les voies ventrales ou
dorsales.
A - Évolutions récentes des concepts
de la neuropsychologie visuelle :
Depuis les 30 dernières années, des progrès considérables ont été accomplis
dans l’identification des structures composant le réseau de traitement de
l’information visuelle, notamment grâce aux nombreux travaux réalisés chez
l’animal.
Le premier progrès sensible des concepts a été apporté par Schneider G
qui a proposé l’existence de deux systèmes visuels fonctionnellement
distincts.
Le premier était le système géniculostrié, la voie du what it is,
impliqué selon l’auteur dans la discrimination des formes et leur
identification.
Le second était le système rétinotectal, la voie du where it is,
responsable de la localisation spatiale du stimulus et de l’orientation vers
celui-ci.
Les données expérimentales chez le primate ont conduit, dans les années
1980, Ungerleider et Haxby à contester ce modèle et à proposer un modèle
à deux voies (du what et du where) corticocorticales.
Dans ce modèle,
la voie ventrale occipitotemporale unit fonctionnellement les aires striées
avec le cortex temporal inférieur et assure l’identification visuelle des stimuli.
Véhiculée par le faisceau longitudinal inférieur, elle comporte
successivement les éléments suivants : les aires striées, opérant comme
détecteur de traits ; le cortex péristrié et le gyrus temporal supérieur, qui
assureraient la reconstruction cérébrale d’une image spatiale (notamment en
réunissant les données des champs temporaux et nasaux) ; enfin, le cortex
inférotemporal (gyrus parahippocampique) qui jouerait un rôle majeur dans
l’identification et la mémorisation des stimuli visuels.
La voie dorsale occipitopariétale serait véhiculée par le faisceau longitudinal supérieur et
unirait fonctionnellement les aires striées et le cortex pariétal postéroinférieur.
Ce dernier assurerait le traitement spatial des stimuli visuels,
notamment sur le plan attentionnel.
Chez le singe, ce modèle décrit deux aires
spécialisées : l’aire OA(pariéto-occipitale), régissant uniquement l’attention
spatiale, et une région PG (aire 7a) intervenant dans l’intégration des données
visuospatiales dans les processus supramodaux complexes.
Livingstone et Hubel ont proposé une autre opposition basée sur la
séparation des flux des systèmes magno- et parvocellulaires.
Dans ce modèle,
la voie ventrale est davantage liée au système parvocellulaire et assure la
vision des détails, des textures et des couleurs.
La voie dorsale serait quant à
elle liée au système magnocellulaire et assurerait le décodage des données de
la profondeur, du mouvement et de la localisation spatiale.
Toutefois, aucune de ces conceptions ne fournissait de modèle totalement
satisfaisant pour expliquer les perturbations de la coordination visuomanuelle
observées en clinique humaine.
Les équipes de Jeannerod et de Goodale et
Milner ont proposé de façon quasi simultanée des modèles faisant
l’hypothèse d’une séparation des voies ventrales et dorsales basée non plus
sur le what et le where mais sur le what et le how.
Dans ces modèles, la voie
ventrale assure le traitement permettant la catégorisation des stimuli, alors que
la voie dorsale permet la réalisation des actes sensorimoteurs.
La grande
nouveauté de ces modèles est de proposer un double codage parallèle des
caractéristiques visuelles d’un objet dont l’importance varie selon la nature
de la tâche à accomplir.
La voie ventrale serait surtout impliquée dans les
situations de reconnaissance ou de mémorisation. Dans ces situations,
l’analyse qui se déroule dans l’espace allocentrique est centrée sur le stimulus.
La voie dorsale serait plus spécifiquement mise en jeu dans les tâches
nécessitant la préhension et la manipulation des objets qui impliquent une
analyse subjective dans l’espace égocentrique du sujet.
Ces modèles, dans la suite des travaux de Livingstone et Hubel, permettent
aussi de décrire deux composantes, primitive et élaborée, dans le
comportement visuomoteur.
La composante primitive, sous la dépendance
de la rétine périphérique, assure la localisation des objets dans l’espace et gère
les déplacements relatifs du corps et des objets.
Elle lance un programme
moteur rapprochant le corps et le membre de la cible.
La composante,
élaborée sous la dépendance de la rétine centrale et du cortex visuel, prend
ensuite le relais de la composante primitive pour l’ajustement final (accès au
codage des caractéristiques stériques et d’usage de l’objet) des mouvements
précis.
Ces modèles fondent une conception très dynamique de l’espace, conçu
comme une reconstruction permanente par l’organisme qui le perçoit ou
l’utilise.
Ils expliquent qu’il n’existe pas de « carte cérébrale » unique, mais
au contraire des espaces spécialisés pour chaque opération, et des mécanismes
spécifiques de contrôle pour chacun de ces espaces : espace proche et espace
lointain, espace de préhension et espace de locomotion, espace corporel et
espace extracorporel.
Ces modèles ont reçu le support d’études par imagerie
fonctionnelle chez l’homme normal.
B - Symptomatologie par lésion du cortex visuel primaire
:
1- Cécité corticale (ou cécité psychique) :
La cécité corticale est consécutive à une atteinte bilatérale, en un ou deux
temps, des aires striées (aires 17). Plus rarement, elle peut être liée à la dysconnexion des aires striées par une lésion bilatérale des RO dans la
substance blanche sous-jacente.
Les signes de la cécité corticale sont
l’abolition totale de la vision périphérique et centrale dans tout le champ
visuel, la fixité du regard, la perte du clignement à la menace, la perte des
réflexes optocinétiques, contrastant avec la conservation des réflexes
photomoteurs.
Ces signes doivent être observés en l’absence de lésion des
globes oculaires ou des voies visuelles périphériques.
La cécité corticale doit
être distinguée de l’hémianopsie double (par lésion bilatérale partielle) qui
peut générer une atteinte de la vision périphérique dans tout le champ visuel,
mais qui respecte la vision maculaire.
Le phénomène décrit sous le terme de blindsight (littéralement « vision aveugle ») traduit les capacités de vision
résiduelle observées lors des cécités corticales : certains patients, bien que
totalement aveugles dans la vie quotidienne peuvent percevoir des stimuli
lumineux en mouvement ou localiser des flashes intermittents en pointant vers
eux bien qu’ils n’aient aucune conscience de voir ces stimuli.
Cette
dissociation traduirait la préservation d’une capacité de localisation spatiale
inconsciente (covert localization) liée au maintien de l’activité de la voie
extragéniculostriée.
Les cécités corticales sont parfois de diagnostic difficile.
En effet, elles
sont souvent intégrées dans des tableaux complexes liés à des étiologies
causales elles-mêmes souvent responsables de lésions débordant les
cortex occipitaux : double accident ischémique dans le territoire des
cérébrales postérieures, lésions d’anoxie prédominant dans les territoires
de jonction dans le cadre d’une intoxication oxycarbonée ou d’un bas
débit cérébral.
Dans ces cas, l’exploration de la cécité corticale peut être
rendue plus difficile par des troubles associés cognitifs (aphasiques,
mnésiques) ou comportementaux, ou par une anosognosie (méconnaissance
partielle ou totale de la cécité, réalisant un syndrome
d’Anton).
La distinction avec un trouble hystérique peut alors être
difficile, notamment lorsque l’IRM est peu contributive, comme dans le
cas des anoxies.
Dans ces situations, il peut être utile de faire pratiquer
des potentiels évoqués, qui montrent une abolition ou la disparition totale
des potentiels corticaux, ou un scanner métabolique (PET [positron emission tomography]ou SPECT [single photon emission tomography]) qui
révèle un hypométabolisme des régions striées.
L’évolution d’une cécité corticale se fait souvent vers une amélioration
au moins partielle.
Dans ce cas, la récupération se fait selon une séquence
assez stéréotypée : perception de la lumière, puis du mouvement, des
couleurs et enfin des formes.
Cette phase de récupération peut
s’accompagner de phénomènes hallucinatoires, notamment de métamorphopsies.
La récupération est toutefois rarement complète : il
persiste souvent une agnosie visuelle accompagnée d’un déficit campimétrique plus ou moins marqué.
2- Crises comitiales visuelles élémentaires
:
Les crises ayant pour origine le cortex visuel primaire se caractérisent par leur
nature très peu élaborée : le patient décrit des points, lignes, éclairs ou
formes simples, pouvant être lumineux ou colorés, mobiles ou non.
Elles
peuvent avoir une valeur latéralisatrice lorsqu’elles sont perçues seulement
dans un hémichamp, renvoyant à un foyer controlatéral.
Les lésions de cette voie se caractérisent essentiellement par des
difficultés d’identification, partielle ou totale, sélective ou diffuse, des
stimuli visuels.
La sémiologie comporte essentiellement l’agnosie
visuelle, l’agnosie/anomie des couleurs, la prosopagnosie, l’alexie pure
(ou alexie agnosique) et les troubles de reconnaissance « catégoriespécifiques
».
On rattache aussi à ce cadre l’akinétopsie, les illusions et
hallucinations visuelles.
C - Symptomatologie par lésion de la voie ventrale occipitotemporale
:
1-
Agnosies visuelles
:
Le terme de « gnosie » dérive d’un terme grec signifiant « connaissance ».
En
neuropsychologie, ce terme est habituellement associé à un adjectif qui
précise la modalité sensorielle faisant l’objet de cette connaissance.
Les
« gnosies visuelles » désignent donc les « connaissances » concernant un
objet auquel la modalité visuelle nous permet d’accéder.
Une « agnosie
visuelle » est définie comme l’incapacité à reconnaître visuellement un item
antérieurement connu, consécutive à une lésion cérébrale acquise.
Ce défaut
de reconnaissance survient spécifiquement dans la modalité visuelle, alors
que la perception visuelle est préservée.
Lorsque l’item est présenté isolément
dans une autre modalité (auditive, tactile, olfactive), il doit être reconnu
immédiatement.
Enfin, le défaut de reconnaissance ne doit pas pouvoir être
expliqué par un défaut de familiarité de l’item, une perturbation de l’attention
ou de la vigilance, un affaiblissement intellectuel important ou un trouble de
dénomination secondaire à une aphasie.
Dans la plupart des cas, une agnosie
empêche aussi l’apprentissage d’items nouveaux au sein de la modalité
atteinte, malgré une durée de familiarisation qui serait suffisante pour des
sujets normaux.
On reconnaît classiquement deux grands types d’agnosies visuelles.
Le
premier type, ou « agnosie aperceptive », est attribué à un défaut
d’intégration, à un niveau perceptif, des différents composants d’un stimulus,
composants eux-mêmes normalement perçus.
Le second type, ou « agnosie
associative », serait la conséquence d’un dysfonctionnement d’un niveau plus
élevé se traduisant par une incapacité à attribuer un sens (c’est-à-dire à relier
aux connaissances « sémantiques ») à un stimulus dont le traitement perceptif
semble globalement normal.
Dans les conceptions plus modernes de
l’agnosie, cette description dichotomique a été remplacée par un traitement
plus continu de l’information où les limites entre perception et accès
sémantique sont moins nettes.
Ces conceptions expliquent mieux la
survenue de formes d’agnosie ayant des caractéristiques mixtes, mais
reconnaissent l’existence des deux agnosies « classiques » comme formes
limites.
Les agnosies sont la conséquence de lésions, habituellement (mais non
constamment) bilatérales des aires associatives assurant le traitement
des informations dans la modalité intéressée.
* Examen d’un patient atteint d’agnosie
:
Bien que soient disponibles différentes batteries d’examen de l’agnosie
visuelle (comme en France la batterie dite de « Toulouse-Montréal »),
l’examen approfondi d’un patient suspect d’agnosie visuelle peut se faire avec
un matériel simple, au lit du patient, à condition de respecter un ordre et un
plan d’examen stricts.
Dans un premier temps, l’examen doit vérifier l’absence de tout trouble
sensoriel dans la modalité considérée (acuité visuelle, champ visuel,
perception des couleurs), de trouble de la vigilance ou de l’attention,
d’aphasie ou de détérioration cognitive globale.
La première condition est
formelle.
Les conditions suivantes sont seulement relatives. Un patient peut
être aphasique ou dément et agnosique.
Toutefois, la preuve formelle de
l’agnosie est plus difficile à établir dans ces conditions.
Les stimuli doivent d’abord être présentés au patient un par un dans la seule
modalité visuelle, sans qu’il puisse avoir accès aux informations des autres
modalités.
La consigne est de dénommer l’objet le plus vite possible.
Lorsque
le patient échoue, on doit noter le type de réponse du patient : erreur d’allure
aléatoire, production sémantiquement proche (bête pour éléphant) ou
morphologiquement proche (fil de fer pour serpent).
On doit demander au
patient de décrire la perception qu’il a de l’objet.
On doit également lui
demander s’il a une idée de l’usage normal de l’objet, s’il peut mimer cet
usage.
En règle générale, la description formelle est possible (de pauvre
qualité pour les agnosies aperceptives), mais n’amène pas la dénomination et
le patient est incapable de décrire ou mimer l’usage.
Dans un deuxième temps,
les objets non identifiés sont présentés dans une autre modalité (présentation
tactile ou auditive) afin de vérifier la reconnaissance et la dénomination
immédiate des objets.
On vérifie que les connaissances sémantiques sur les
objets sont préservées, par des épreuves de définition orale, de description de
mémoire et de reconnaissance sur description orale de leur morphologie ou
de leur usage.
La discrimination entre les niveaux aperceptifs ou associatifs
nécessite quelques épreuves complémentaires : la copie d’images simples ou
complexes, l’appariement en modalité visuelle d’objets identiques ou
d’objets présentés sous des points de vue habituels ou non (formes canoniques
ou non), des tâches de décision d’objets ou de non-objets (objets
« chimériques »).
Typiquement, les atteintes à forte composante aperceptive
sont caractérisées par un échec massif à ces épreuves dès les plus simples
(copie), alors que les atteintes à forte composante associative entraînent des
échecs surtout aux épreuves les plus fines (chimères).
On reconnaît plusieurs variétés d’agnosie.
2- Agnosies visuelles d’objets
:
Le patient ne peut dénommer les objets présentés visuellement, ni en indiquer
l’usage, alors que la dénomination des mêmes objets dans une autre modalité
(tactile, auditive ou olfactive) est immédiate.
Les agnosies visuelles
aperceptives succèdent le plus souvent à des cécités corticales secondaires à
des lésions bioccipitales (intoxication au monoxyde de carbone).
Les patients
ne peuvent dessiner les objets qu’ils ne peuvent nommer et leur description
visuelle est très pauvre.
Les patients atteints d’agnosie visuelle associative se
caractérisent par une capacité préservée à dessiner les objets qu’ils ne peuvent
reconnaître.
Ils sont souvent incapables d’apparier l’objet réel avec sa
représentation graphique.
Toutefois, les objets réels sont souvent mieux
reconnus que les images.
L’identification des mêmes objets en modalité
tactile est immédiate.
Les lésions du cunéus gauche sont le plus souvent en
cause.
Lors de lésions vasculaires dans le territoire de l’artère cérébrale
postérieure gauche, l’agnosie visuelle est souvent associée à une alexie
agnosique (gyrus lingual et hippocampique) et à une anomie ou à une agnosie
des couleurs (partie antérieure du gyrus lingual).
L’agnosie visuelle doit être
distinguée de l’aphasie optique, où le patient est incapable de dénommer les
objets sur présentation visuelle, mais peut démontrer une reconnaissance
normale, par exemple en mimant l’usage de l’objet.
3- Agnosie des couleurs, achromatopsie/dyschromatopsie centrale,
anomie des couleurs :
Ces termes décrivent les troubles du traitement des couleurs, depuis la
perception jusqu’à la reconnaissance et la dénomination.
Toutefois,
l’identification clinique de ces troubles, parfois délicate, exige une
méthodologie d’examen rigoureuse, comportant au minimum une
évaluation de la vision chromatique (tests d’appariement de couleurs, tables
d’Ishihara, tests de Holmgren, Farnsworth 15 et 100 hue), une évaluation de
la dénomination et de la désignation des couleurs et des tâches d’évocation et
de classement sémantique (couleur spécifique d’objet ou symbolique, etc).
L’agnosie des couleurs isolée est définie par une incapacité à classer les
couleurs, à attribuer à un objet sa couleur, à discriminer des objets selon qu’ils
sont normalement coloriés ou pas, à dénommer et à désigner les couleurs.
De nombreux auteurs contestent le concept d’agnosie des couleurs isolée, car
la couleur est une variété de stimulus qui ne peut être reconnue que dans la
seule modalité visuelle.
En outre, le trouble a surtout été décrit dans le cadre
d’agnosies complexes au décours de cécités corticales, ou lors des lésions
de l’artère cérébrale postérieure gauche.
L’achromatopsie/dyschromatopsie centrale est définie comme un trouble
acquis de la perception des couleurs secondaire à une lésion corticale (à
différencier donc du daltonisme ou des dyschromatopsies acquises par lésions
optiques).
Elle peut être mono- ou dicampique. Le terme d’achromatopsie
renvoie à une perte totale de la vision des couleurs.
Dans le champ atteint,
tout apparaît grisâtre, parfois avec un éclat désagréable.
Le terme de
dyschromatopsie devrait être employé dans les cas où la perte n’est que
partielle.
Les travaux chez l’animal ont permis d’identifier une aire V4,
spécialisée dans le traitement des couleurs.
Des travaux récents en
imagerie fonctionnelle ont permis de reproduire ces résultats chez l’homme
dans une région correspondant aux gyrus lingual et fusiforme.
L’anomie des couleurs est définie comme un trouble spécifique de la
dénomination des couleurs.
Le patient réussit les tests visuovisuels
(appariement de couleurs) ou verboverbaux (définitions ou attribution
verbales de couleurs).
En revanche, le patient est spécifiquement incapable
de dénommer les couleurs.
L’interprétation de ce trouble est très discutée,
tantôt considéré comme une dissociation entre les systèmes sémantiques
visuels et verbaux, tantôt comme une dysconnexion entre le système
d’identification visuelle et le système linguistique.
Les lésions
responsables de l’anomie des couleurs sont hémisphériques gauches mais leur
site précis reste aussi discuté.
Elles pourraient être soit corticales occipitotemporales internes, soit sous-corticales sur le trajet du faisceau
longitudinal inférieur.
4- Prosopagnosie (agnosie des visages) :
La prosopagnosie est définie comme un trouble sélectif de la reconnaissance
des personnes familières d’après leur seul visage, alors que la reconnaissance
reste possible avec l’aide d’autres indices (voix, démarche, détails
morphologiques).
L’identification du visage en tant que partie du corps est
préservée, ainsi que la dénomination ou la désignation de ses différentes
parties constitutives.
La sensation de familiarité du visage est absente et le
patient est incapable de lui attribuer une identité.
Le mécanisme des prosopagnosies reste discuté.
Pour certains auteurs, la
prosopagnosie est un trouble agnosique portant spécifiquement sur une classe
d’objets, les visages.
Cette hypothèse a semblé renforcée par la découverte
chez le singe de cellules temporales déchargeant de façon sélective à certaines
configurations de visage.
Pour d’autres auteurs, la prosopagnosie constitue
une variété particulière de trouble sémantique, caractérisée par un défaut de
reconnaissance des individus au sein d’une même catégorie sémantique.
De fait, on observe souvent chez les prosopagnosiques des troubles
d’identification de ce type, qui débordent la classe des visages : nonreconnaissance
des marques de voitures, non-reconnaissance individuelle
d’animaux, difficulté d’individualisation des objets appartenant à une même
catégorie (reconnaître sa voiture, son sac, sa maison).
Pour d’autres auteurs
enfin, la prosopagnosie résulterait de l’association de troubles de la
catégorisation visuelle et de difficultés d’accès au stockage spécifique.
Les
arguments en faveur de cette dernière hypothèse sont tirés d’expériences
démontrant la persistance d’une reconnaissance implicite (inconsciente) des
visages : les patients prosopagnosiques présentent des réactions
électrodermales positives seulement à des visages connus, alors qu’ils sont
incapables de les identifier consciemment.
La topographie des lésions nécessaires et suffisantes reste aussi discutée.
Dans
la plupart des cas mentionnés dans la littérature, la bilatéralité des lésions
paraît indispensable pour observer des prosopagnosies durables.
Toutefois, les lésions droites semblent déterminantes, car on a décrit quelques
observations de prosopagnosie associée à une lésion temporo-occipitale
droite isolée.
Dans l’hémisphère droit, les structures constamment
touchées sont les lobules lingual et fusiforme.
La topographie des lésions
gauches paraît bien plus variable.
La prosopagnosie illustre donc parfaitement
la nécessité de la collaboration interhémisphérique, l’hémisphère droit
intervenant pour reconnaître, le gauche pour dénommer et contextualiser.
Les prosopagnosies peuvent être observées lors des accidents vasculaires
(surtout bilatéraux) dans le territoire des artères cérébrales postérieures, les
séquelles d’encéphalites herpétiques ou d’anoxie cérébrale, ou au cours de
maladies dégénératives comme les maladies d’Alzheimer.
5- Alexie agnosique (ou alexie pure ou encore, alexie sans agraphie)
:
Ce syndrome, lorsqu’il est isolé, est caractérisé par un déficit isolé de la
lecture, sans autre perturbation du langage, en particulier sans déficit primaire
de l’écriture (ce qui le distingue de l’alexie-agraphie) et ne s’accompagne
d’aucun autre trouble agnosique visuel (objets, visages, etc).
En outre, ce
trouble ne doit pas être explicable par un déficit de l’acuité visuelle ou du
champ visuel (toutefois, compte tenu de la topographie lésionnelle, il est
habituel d’observer une HLH droite associée).
Ce syndrome est habituellement classé parmi les troubles aphasiques, bien
que son mécanisme siège en amont du système linguistique, puisqu’il s’agit
d’un trouble de l’identification des symboles graphiques du langage écrit,
auquel est très souvent associé un déficit d’identification d’autres symboles
graphiques (comme les chiffres, symboles mathématiques…).
À l’examen, on peut observer différents degrés et niveaux d’atteinte.
Dans les
rares cas où le trouble semble très « perceptif », le patient est totalement
incapable de lire et ne rapporte aucune familiarité vis-à-vis des lettres, comme
s’il s’agissait d’une écriture étrangère et totalement inconnue.
La
reconnaissance des lettres isolées est impossible.
Toutefois, il est parfois
possible de faire reconnaître quelques lettres par une aide kinesthésique (en
faisant suivre le contour des lettres avec le doigt ou en faisant tracer
passivement les lettres dans l’espace.
Plus souvent (ou après un certain temps
d’évolution), le trouble paraît survenir à un niveau plus élaboré de traitement,
car le patient peut identifier les lettres isolées.
La lecture des mots devient
alors possible en utilisant une stratégie de lecture lettre à lettre.
Toutefois,
celle-ci peut être mise en échec pour les mots longs, ou ambigus, ou encore
quand le patient essaye de « deviner » le reste du mot grâce aux premières
lettres.
Le patient a souvent des difficultés pour épeler les mots à voix haute,
comme s’il avait des difficultés à « visualiser mentalement le mot ».
L’écriture
spontanée ou en dictée est possible. Toutefois, le patient ne peut se relire ou le
fait avec beaucoup de difficultés (lecture lettre à lettre).
Il fait aussi souvent
des erreurs sur les mots longs, erreurs qu’il ne peut corriger du fait des
difficultés de lecture.
Les lésions causales siègent habituellement dans la région temporo-occipitale
interne gauche, région qui semble traiter la forme visuelle des mots,
comme l’ont montré des études en imagerie fonctionnelle.
Des formes
proches peuvent aussi être observées après des lésions entraînant une
hémianopsie latérale homonyme droite et associées à une lésion postérieure
du corps calleux.
Dans cette dernière situation, l’aire traitant la forme
visuelle des mots n’est pas physiquement détruite mais déconnectée par la
lésion calleuse de la seule source disponible d’information visuelle, le cortex
occipital droit.
6- Troubles de reconnaissance «catégorie-spécifiques»
:
Des études anatomocliniques et, plus récemment, en imagerie fonctionnelle
ont apporté des arguments en faveur de l’hypothèse selon laquelle le savoir
sémantique pourrait être stocké de façon différente selon la nature de
l’information.
On a ainsi décrit chez des patients atteints de lésions
temporales inférieures des troubles « catégorie-spécifiques » de
reconnaissance des objets, c’est-à-dire ne concernant qu’une catégorie
d’objets.
Certains patients ne reconnaissent plus spécifiquement la catégorie
des animaux (ne les nomment plus, ne les classent pas correctement), alors
que les autres catégories sont traitées normalement (outils, noms propres et
de lieux…).
Pour d’autres patients, c’est au contraire une de ces catégories
qui est atteinte.
Des études récentes en imagerie fonctionnelle chez des sujets
normaux ont conforté les localisations obtenues chez les patients.
Il semble
ainsi exister un gradient antéropostérieur dans le lobe temporal inférieur
gauche selon le degré de particularité des objets et leur mode de traitement
sensoriel : les objets « uniques » (noms propres ou de lieu) activeraient plutôt
les régions antérieures ; les objets moins « uniques », comme les animaux,
activeraient plus la région temporomédiane ; les objets à faible unicité mais à
forte intégration sensorielle, comme les outils, activeraient la région
postérieure.
7- Akinétopsie :
Ce trouble, fort rare, a été décrit par Zihl sur une patiente ayant souffert de
lésions bilatérales des jonctions occipitotemporales basses (aires 19 et 37).
Celle-ci ne présentait qu’un discret manque du mot, mais elle était surtout
gênée par l’incapacité de percevoir visuellement les objets en mouvement,
alors que le reste de ses performances visuelles était normal.
Cette observation
clinique est à rapprocher des travaux de Zeki qui a décrit sur la face
ventrolatérale du lobe occipital des primates une aire (V5 ou MT) répondant
spécifiquement à la direction globale d’un objet en mouvement.
8- Illusions et hallucinations visuelles
:
Les illusions visuelles (transformations d’une image perçue) et les
hallucinations visuelles (perceptions sans objet) peuvent être observées après
des lésions cérébrales, soit dans le cadre d’une manifestation comitiale, soit
de façon autonome.
Les illusions visuelles, encore appelées métamorphopsies, comportent de
multiples variétés sémiologiques selon l’objet de la transformation : la forme
globale (dysmorphopsie), la dimension (micro- ou macropsie), la couleur
(dyschromatopsie), la persistance temporelle (palinopsie), etc.
Les illusions
visuelles sont surtout observées pour des lésions des carrefours temporooccipitaux
et ne semblent pas avoir une grande valeur de latéralisation.
Avant
d’imputer aux lésions corticales des illusions visuelles, il importe toutefois
d’écarter des lésions du tronc cérébral, de la rétine ou des voies visuelles
périphériques qui peuvent être responsables de tableaux pouvant être très
semblables quoique volontiers plus stéréotypés comme dans le syndrome
de Charles Bonnet.
Les lésions occipitotemporales peuvent aussi être responsables
d’hallucinations visuelles.
Certains auteurs, comme Hécaen, ont proposé le
terme d’hallucinose pour les différencier des hallucinations liées à d’autres
pathologies (notamment psychiatriques).
Les crises comitiales visuelles ayant
pour origine le cortex visuel secondaire se caractérisent par leur nature
complexe : objets reconnaissables, personnages, scènes complexes.
Elles
peuvent être accompagnées par des récollections oniriques très complexes,
les dreamy states.
À la différence des crises visuelles affectant le cortex
élémentaire, les crises visuelles élaborées n’ont pas de valeur latéralisatrice.
D - Symptomatologie par lésion
de la voie dorsale occipitopariétale :
Syndrome de Balint et syndrome de Holmes
Le syndrome de Balint est particulièrement illustratif des lésions de la voie
dorsale par ses caractéristiques essentiellement spatiales.
Depuis sa
description initiale en 1909, la terminologie décrivant ce syndrome a évolué,
tout comme les hypothèses physiopathologiques explicatives.
La définition contemporaine du syndrome de Balint comporte la réunion
de trois ordres de symptômes, tous liés à une désorganisation spatiale : la paralysie psychique du regard ; l’ataxie optique ; des perturbations
attentionnelles, dont l’élément le plus typique est la simultagnosie.
Il est
habituellement observé pour des lésions bilatérales hautes de la jonction pariéto-occipitale (aires 18/19).
Le syndrome de Holmes, décrit un peu plus
tard, comporte un phénomène de désorientation visuelle en sus des
caractéristiques du syndrome de Balint.
1- Paralysie psychique du regard :
Elle est définie par l’incapacité du patient à orienter volontairement (sur
commande orale) son regard vers un stimulus situé dans son champ
périphérique.
L’exploration visuelle spontanée est pauvre.
L’exploration
volontaire semble aléatoire, assurée davantage par une mobilisation de la tête
que par des déplacements du regard, qui paraît erratique.
On observe parfois
un phénomène de grasping visuel, lorsque le regard du patient paraît comme
aimanté sur un stimulus (la cible, lorsqu’elle a été trouvée par hasard) ou sur
des stimuli distracteurs.
L’anarchie de l’exploration visuelle est
particulièrement bien mise en évidence par des procédures d’enregistrement
du regard pendant l’exploration de scènes visuelles complexes.
Les
mouvements de poursuite oculaire sont souvent perturbés, soit par des
saccades parasites, soit par des phénomènes d’agrippement du regard sur des
stimuli de passage.
La poursuite peut même être totalement abolie.
Contrastant avec ces troubles singuliers, on observe des mouvements
oculaires automaticoréflexes normaux et une préservation, au moins partielle,
des saccades.
L’hypothèse physiopathologique actuelle de la paralysie psychique du regard
fait intervenir un déséquilibre fonctionnel entre les afférences des deux voies
centrale et périphérique, lié à l’altération de la voie dorsale.
2- Ataxie optique (ou visuomotrice)
:
L’ataxie optique est réalisée lorsque le patient se trouve, en l’absence de tout
autre déficit du contrôle moteur (déficit moteur ou sensitif, syndrome
cérébelleux ou extrapyramidal…), dans l’incapacité de réaliser correctement
des mouvements de pointage ou de saisie manuelle de stimuli externes sous
contrôle de la vue.
Lors de l’examen clinique, l’ataxie optique peut être
dépistée en demandant au patient de saisir entre le pouce et l’index de petits
objets disséminés sur le plan de la table d’examen ou de pointer avec l’index
vers ces mêmes objets.
D’autres techniques consistent à faire suivre avec un
crayon les contours d’une figure géométrique ou d’une ligne complexes, ou à
faire marquer d’un point le centre de cercles disséminés sur une feuille.
L’intensité et la topographie de l’ataxie optique varient selon la sévérité de
l’atteinte.
Dans de rares cas, le patient ne peut pointer ou saisir aucun objet,
même en vision centrale.
Le plus souvent, l’ataxie optique n’est observée que
pour des stimuli placés en vision périphérique.
L’ataxie optique peut affecter
de façon variable l’une ou l’autre main, dans l’un ou l’autre des hémiespaces
en fonction des lésions.
Lorsque la lésion est pariétale postérieure unilatérale
gauche, l’ataxie concerne la main droite, habituellement dans l’hémichamp
droit.
Lorsque la lésion est droite, l’ataxie pourrait concerner les deux mains,
chacune dans l’hémiespace gauche.
Dans tous les cas, la durée du transfert
manuel est augmentée, avec une importante décélération à proximité de la
cible, une inadéquation de la pince digitale et une déviation dirigée en règle
vers la lésion.
Les lésions bilatérales peuvent s’accompagner d’ataxies
optiques complexes, bimanuelles.
3- Simultagnosie :
Les patients atteints de ce trouble rapportent une sensation de rétrécissement
central de leur champ visuel entraînant une incapacité à percevoir deux objets
simultanément.
Si le patient fixe un objet et le maintient en vision fovéale, il
n’est plus capable de percevoir un second objet, pouvant être pourtant très
proche du précédent.
Lorsqu’il passe de l’un à l’autre des objets, le patient
rapporte souvent que l’objet non fixé disparaît.
Ce trouble entraîne
d’importantes difficultés dans toutes les tâches nécessitant un traitement
simultané de plusieurs stimuli, comme l’appréciation des distances relatives
entre objets (testée en demandant au sujet de comparer l’éloignement relatif
de deux paires d’objets), le dénombrement visuel d’objets, la lecture, la
description de scènes visuelles complexes.
Une manière simple d’objectiver
une simultagnosie consiste à demander au patient de pointer simultanément
et le plus rapidement possible avec ses deux index vers deux cibles différentes
(ce test n’a de sens qu’en l’absence d’ataxie visuomanuelle).
L’interprétation
contemporaine de la simultagnosie fait appel à un phénomène
d’extinction entre visions centrale et périphérique, ou plus précisément à un
conflit d’allocations des ressources attentionnelles entre la voie ventrale (qui
véhicule le stimulus fovéalisé) et la voie dorsale (qui reçoit les informations
concernant les stimuli périphériques), au détriment de la seconde.
4- Autres manifestations du syndrome de Balint
:
D’autres perturbations beaucoup moins spécifiques peuvent être présentes au
cours du syndrome de Balint.
Toutefois, leur présence est variable et dépend
de la nature de l’extension pariétale des lésions.
Les patients peuvent
présenter une négligence spatiale unilatérale (le plus souvent transitoire), des
phénomènes d’extinction visuelle (le patient localise correctement les stimuli
présentés séparément par hémichamp, mais ne rapporte que le stimulus
ipsilatéral lors d’une stimulation dicampique simultanée).
Autres manifestations des lésions de la voie dorsale
La plupart des éléments constitutifs du syndrome de Balint peuvent être
observés isolément.
Quelquefois, les perturbations peuvent être plus
discrètes.
Jeannerod a insisté sur la fréquence des signes traduisant une
altération pathologique de la référence égocentrique (déviation du « droit
devant ») ou bien une altération des paramètres cinématiques des gestes
dirigés.
Ces signes sont le plus souvent observés pour des lésions de la partie
postérieure du lobe pariétal.