Allo-immunisation anti-HLA : origine
et mise en évidence
A - ORIGINE DES ALLO-IMMUNISATIONS :
En de très rares occasions, il a pu être identifié des anticorps anti-
HLA en l’absence de toute stimulation antigénique.
Ces anticorps
naturels, immunoglobulines (Ig)M cytotoxiques, plus actifs à 4 °C
qu’à 37 °C, sont exceptionnels.
En effet, les anticorps anti-HLA sont
classiquement des alloanticorps d’immunisation, survenant
fréquemment dans trois situations.
1- Transfusions sanguines :
Les données de fréquences d’immunisation varient beaucoup selon
la nature des produits transfusés et selon les auteurs.
Cette alloimmunisation
est le fait des leucocytes et de leur concentration
résiduelle dans les concentrés globulaires ou plaquettaires.
La déleucocytation systématique de ces produits avant leur stockage
réduit considérablement ces risques d’immunisation, dès lors que le
taux résiduel de ces leucocytes est inférieur à 5 x 106.
2- Grossesses :
La découverte d’anticorps anti-HLA chez les multipares a été
largement utilisée pour la description de nouveaux antigènes HLA.
Ces anticorps apparaissent dès la première grossesse et près de 30 %
des femmes possèdent de tels anticorps dès la deuxième grossesse.
Les sérums de ces femmes multipares contiennent le plus souvent
des mélanges d’anticorps IgG anticlasse I et anticlasse II, et
représentent de bonnes sources de sérums-tests anti-HLA pour
phénotypage par LCT.
Ils ne joueraient que très exceptionnellement un rôle délétère vis-à-vis du foetus.
La
persistance de ces anticorps dans le sérum maternel est extrêmement
variable.
3- Transplantations d’organes
:
Elles induisent très souvent des réponses humorales fortes, se
traduisant par l’apparition d’anticorps cytotoxiques de titre élevé.
Ces immunisations sont très larges, non exclusivement limitées aux
spécificités incompatibles de classe I et/ou de classe II du greffon
(rein, par exemple), et détectables sans difficulté après
transplantectomie.
Elles deviennent, par leur persistance et leur polyspécificité, un handicap pour la sélection de nouveaux donneurs
en vue des greffes ultérieures.
B - MÉTHODES D’IDENTIFICATION :
– En routine, les méthodes de LCT sont aussi bien utilisées pour la
mise en évidence et l’identification des anticorps anticlasse I que
pour celles des anticorps anticlasse II.
Pour ces derniers, il est
indispensable d’absorber au préalable, et sur pool de plaquettes de
multiples donneurs (environ 400), les anticorps anticlasse I.
Les
recherches et identifications utilisent des panels de lymphocytes de
référence, sélectionnés et conservés congelés en azote liquide avant
utilisation.
– De nouvelles techniques enzymatiques (enzyme linked
immunosorbent assay [Elisa]) ou de fluorescence par cytométrie en
flux sont disponibles.
Elles visualisent mieux les anticorps IgG
qu’IgM et sont d’une grande sensibilité.
Fonctions des molécules HLA :
Le système immunitaire a pour fonction de reconnaître et d’éliminer
les structures qui lui sont étrangères (non-soi).
Deux types
moléculaires particuliers, les anticorps (Ig) solubles ou
membranaires des lymphocytes B et le récepteur à l’antigène des
lymphocytes T (TcR), assurent les fonctions de reconnaissance.
Ils
ont tous deux la particularité d’une extrême diversité dans leur
capacité de reconnaissance, liée à un mécanisme de réarrangement
génique.
Ces deux voies de reconnaissance dites « B » et « T » se
complètent et peuvent se conjuguer.
Ainsi, les lymphocytes T-helper
CD4+, une fois activés, coopèrent avec les lymphocytes B
responsables de la réponse humorale.
Les molécules HLA de
classes I et II sont les initiateurs de la réponse T par leur capacité de
présentation de peptides immunogènes aux lymphocytes T qui les
reconnaîtront par leur TcR spécifique.
A - MOLÉCULES HLA PRÉSENTOIRS DE PEPTIDES :
Les sites de présentation de peptides des molécules de classes I et II
possèdent une architecture assez superposable, avec toutefois des
particularités.
1- Molécules de classe I
:
Elles possèdent un site de présentation de peptides, constitué des
deux domaines a1 et a2 de la chaîne lourde a. Leur disposition
complémentaire et symétrique définit un présentoir composé de
structures de type feuillets b assurant le plancher de ce présentoir,
et de type hélices a délimitant les bords de ce présentoir.
La fente
ainsi ménagée est de 2,5 x 1 nm, donc voisine de celle du site
anticorps d’une Ig.
Les deux extrémités de ce site de présentation
sont fermées, ce qui limite la taille des peptides à 9 (± 1) acides
aminés.
Les acides aminés des parties distales a1 et a2 ainsi
engagées dans ce présentoir vont déterminer, par leur nature et leurs
caractéristiques, une spécificité de liaison peptidique et une
spécificité de reconnaissance par le TcR des lymphocytes T.
Seuls
les TcR des lymphocytes T-CD8+ sont en mesure de reconnaître les
peptides présentés dans un environnement de molécules HLA de
classe I.
2- Molécules de classe II :
Leur site de présentation de peptides est constitué des domaines
distaux a1 et b1 des deux chaînes.
Ceux-ci sont disposés de façon
complémentaire et symétrique et ménagent un présentoir pouvant
accueillir des peptides de 13 à 19 résidus. Les deux extrémités de ce
présentoir sont ouvertes.
La structure est identique à celle
observée pour les molécules de classe I, avec un plancher de
feuillets b et deux hélices a servant de bords à ce présentoir.
Les
acides aminés des chaînes a et b impliqués dans ce présentoir vont
influencer la spécificité de la liaison entre molécule de classe II et
peptide et celle de la reconnaissance de ce complexe par le TcR des
lymphocytes T.
Seuls les TcR des lymphocytes T-CD4+ sont en
mesure de reconnaître les peptides présentés dans un
environnement de molécules HLA de classe II.
Les peptides présentés proviennent de structures antigéniques plus
complexes dont l’origine et la dégradation sont différentes selon
qu’ils sont pris en charge par des molécules de classe I ou II.
En
effet, selon l’origine cellulaire ou non de ces antigènes, les molécules
de classe I ou celles de classe II interviennent, définissant ainsi deux
voies de présentation.
3- La classe I présente des peptides d’origine endogène
aux lymphocytes T-CD8 (ou Ly T cytotoxiques ou CTL)
:
Les protéines endogènes (d’origines virale, tumorale…) sont
dégradées dans et par un complexe moléculaire cytoplasmique, le protéasome, dont certaines unités sont codées par des gènes localisés
dans le CMH (gènes LMP).
Ces peptides hétérogènes en taille sont
sélectivement transportés par un transporteur à l’intérieur du
réticulum endoplasmique (RE) de la cellule.
Ce transporteur est
constitué de deux unités, dont les gènes sont également localisés
dans le CMH (gènes TAP).
Les peptides, ainsi sélectionnés quant à leur taille (principalement
des nonamères), peuvent être pris en charge par les molécules HLA
de classe I synthétisées dans le RE. Ils assurent la stabilité de la
molécule de classe I, sa migration intracytoplasmique (via l’appareil
de Golgi) et son expression à la surface cellulaire.
Toute perturbation dans les mécanismes de dégradation, transport,
chargement, peut conduire à un défaut d’expression des molécules
HLA de classe I, même si par ailleurs ces molécules sont
correctement synthétisées.
Les peptides d’origine « endogène » ainsi présentés par des
molécules HLA de classe I sont reconnus par les lymphocytes T-CD8
+ (CTL) et leur TcR.
Cette reconnaissance conduit à la destruction
des seules cellules porteuses du CMH du soi (le même CMH que les
lymphocytes T) présentant un peptide étranger.
Ce phénomène dit
« de double reconnaissance » (acquise lors de la maturation
thymique des Ly T) est noté phénomène de restriction (restriction
de classe I).
Les différences d’intensité de réponse immunitaire
pourraient être le fait de différences d’affinité et de sélectivité de
présentation, dépendant des séquences des peptides et du
polymorphisme des molécules HLA présentatrices.
4- La classe II présente des peptides d’origine exogène
aux lymphocytes T-CD4 (ou Ly T auxiliaires)
:
Les cellules spécialisées dans ce type de présentation sont en mesure
de capter des antigènes étrangers (bactéries…).
Ces cellules
présentant l’antigène (CPA) sont des macrophages, des cellules
dendritiques, des lymphocytes B par exemple.
Elles sont capables
d’internaliser l’antigène pour le dégrader en peptides, dans des
lysosomes.
C’est aussi dans ces compartiments lysosomiaux
intracytoplasmiques spécialisés que ces peptides dits « exogènes »
sont pris en charge par des molécules HLA de classe II.
Celles-ci,
synthétisées dans le RE, sont complexées à une chaîne peptidique
dite « chaîne invariante », qui aide à leur transfert vers le
compartiment lysosomial spécialisé.
Cette chaîne invariante joue
aussi un rôle de blocage du site peptidique, évitant tout chargement
intempestif (dans le RE) de la molécule de classe II par des peptides
endogènes.
C’est une autre molécule HLA, notée HLA-DM, qui
va libérer le site de fixation encombré d’un peptide (CLIP) provenant
de la chaîne invariante. Une fois libéré, le site peut se charger
d’un peptide exogène (de taille variant de 13 à 19 acides aminés).
De même, cette fixation de peptide stabilise la molécule présentatrice
et facilite son transfert à la surface de la cellule présentatrice (CPA).
Ces peptides exogènes présentés par des molécules de classe II sont
reconnus par les lymphocytes T-CD4+ avec, là encore, une double
reconnaissance CMH du soi et du peptide étranger (restriction de
classe II).
La spécificité peptidique et le polymorphisme HLA de classe II
expliquent les diversités de réponses immunes observées,
notamment dans le cadre de certaines associations entre HLA de
classe II et maladies, ou dans celui de l’évolution d’infections virales
comme l’hépatite C.
B - INTERVENTION DES MOLÉCULES HLA DE CLASSE I
DANS LA LYSE « NATURAL KILLER »
:
Les cellules NK sont une sous-population de lymphocytes
représentant 5 à 10 % des cellules mononucléées du sang
périphérique.
Provenant de la moelle osseuse, elles partagent un progéniteur commun avec les lymphocytes T.
Elles se définissent
fonctionnellement par leur capacité à induire la lyse spontanée de
cellules tumorales et de cellules infectées par des virus.
Ces cellules NK jouent un rôle important dans la réponse immune contre les
bactéries, parasites et virus, à la fois par leur intervention directe
dans le processus de cytolyse et en sécrétant des cytokines tels que
l’interféron c et le TNFa.
Les mécanismes impliqués sont encore mal
connus.
Néanmoins, c’est de l’intervention de multiples récepteurs,
inhibiteurs ou activateurs de lyse, que dépend en final l’action
préférentielle de ces cellules NK (lyse ou inhibition de lyse).
Dans
des conditions physiologiques, la fonction des récepteurs inhibiteurs
prédomine, permettant aux cellules NK d’épargner les cellules
normales.
Parmi ces récepteurs, certains ont pour ligands des
molécules HLA de classe I.
Ils sont regroupés en deux classes : l’une
correspondant aux récepteurs appartenant à la superfamille des Ig,
c’est le cas des killer Ig-like receptors (KIR) et des Ig-like transcript
(ILT) ou des leucocytes Ig-like receptors (LIR) ; l’autre aux récepteurs
de type lectine comme par exemple les hétérodimères
CD94/NKG2.
Les KIR ont pour ligands des molécules HLA-Cw
et HLA-B (épitope Bw4) et peut-être quelques spécificités HLA-A et
même HLA-G1 (KIR2DL4) ; les CD94/NKG2 se lieraient à des
molécules HLA-E ou HLA-G.
Certains de ces récepteurs
fonctionneraient comme des inhibiteurs (CD94/NKG2A), d’autres
comme des activateurs (CD94/NKG2C) de lyse NK.
D’autre part, la
molécule CD94/NKG2D pourrait se lier à la molécule MICA.
Tout
déficit d’expression de molécules HLA de classe I (cellules tumorales
ou cellules infectées par des virus) peut conduire à un défaut
d’engagement des récepteurs inhibiteurs, favorisant l’action de lyse
des récepteurs activateurs par un signal approprié.
C - RÔLE DES MOLÉCULES HLA DANS LA DÉLIMITATION
DU RÉPERTOIRE DE RECONNAISSANCE
DES LYMPHOCYTES T
:
C’est au cours de leur transit dans le thymus que les prothymocytes
issus de la moelle osseuse vont subir une maturation particulière,
leur donnant un statut de lymphocytes T matures « éduqués » à
différencier le soi du non-soi.
Seuls sont sélectionnés les Ly T dont
le TcR ne reconnaît que les antigènes HLA du soi.
Cette sélection
positive se réalise dans le cortex thymique et les cellules non
retenues meurent par apoptose.
Dans la région médullaire du
thymus, les lymphocytes T précédemment sélectionnés vont être délétés des cellules dont le TcR reconnaît les peptides autologues
présentés par le CMH du soi (sélection dite « négative »).
Cette
double sélection aboutit à une population de Ly T dont les TcR
reconnaîtront tous les peptides étrangers (non-soi) présentés par des
molécules HLA du soi.
Cette éducation particulière va de pair
avec l’acquisition de marqueurs de surface ou « clusters de
différenciation » (CD) conduisant à deux populations T différentes :
une population dite « CD4-positive » reconnaissant les peptides nonsoi
présentés par des molécules HLA de classe II du soi (T-helper) et
une population dite « CD8-positive » reconnaissant les peptides nonsoi
présentés par des molécules HLA de classe I du soi
(T cytotoxique).
Ces lymphocytes T matures, doués de
reconnaissance avec restriction par les molécules HLA, quittent le
thymus pour circuler dans le sang.
Applications cliniques :
De par ses fonctions de présentation sélective d’antigènes
peptidiques, la diversité de ses molécules exprimées, son rôle dans
la délimitation du répertoire de reconnaissance des lymphocytes T,
le système HLA joue un rôle majeur dans la réponse immunitaire.
Ceci explique les implications de ce système de groupe dans la
reconnaissance du non-soi en transplantation d’organe et greffe de moelle, dans la susceptibilité ou la résistance à certaines maladies,
dans la surveillance antitumorale, en pratique transfusionnelle et
dans la génétique de populations ou en médecine légale.
A - HLA ET TRANSPLANTATION D’ORGANES :
L’apport de cellules, de tissus ou d’organes d’un individu à un autre
non identique génétiquement, conduit à un risque de rejet
immunologique.
D’une façon générale, les systèmes de groupes ABO
et HLA sont les obstacles majeurs au succès de ces transplantations.
Très tôt, ces antigènes d’histocompatibilité HLA furent désignés
comme antigènes de transplantation.
Des travaux expérimentaux
réalisés chez la souris à partir de tumeurs ou de greffes de peau
montraient très rapidement la corrélation étroite entre l’identité pour
le système H-2 (équivalent HLA murin) entre donneur et receveur
et la prise de greffe.
Parallèlement aux rejets cellulaires de greffes,
une réponse humorale avec anticorps anti-H-2 était décelable.
Les
études de greffes de peau intrafamiliales chez des volontaires, puis
les résultats de la transplantation rénale ont permis de considérer le
système HLA comme le système majeur régissant les lois de la
compatibilité tissulaire.
En situation familiale, le
meilleur donneur en termes de survie de fonction du greffon est le
germain HLA-identique.
La survie des greffes haplo-identiques est
moins longue. La survie des reins de donneurs cadavériques a
augmenté régulièrement depuis ces 20 dernières années.
La maîtrise
des traitements de trithérapie immunosuppressive (incluant
notamment la ciclosporine A), la qualité des typages HLA de
classes I et II avec éventuel recours aux techniques d’identification
des gènes, ont en effet permis d’importants gains de survie de
fonction.
La compatibilité HLA a été diversement appréciée quant à son réel
impact sur la survie des greffons, et ce en raison notamment de
l’hétérogénéité des pratiques de greffe, de la qualité des typages
HLA des donneurs et receveurs, et donc de leur appariement.
La
grande majorité des études rétrospectives montre bien encore l’effet
bénéfique d’une bonne compatibilité HLA sur la survie du greffon,
avec un effet plus marqué de la compatibilité pour les marqueurs
classe II.
De même, une limitation du nombre des incompatibilités
HLA, en particulier de classe I, réduira le spectre d’immunisation
en cas d’échec, facilitant les greffes ultérieures.
Toutes ces données
justifient la poursuite d’échanges d’organes sur la base de la
recherche du meilleur receveur compatible HLA.
L’établissement
français des greffes (EFG) énonce, pour chaque type d’organe, et de
manière régulière, les règles d’échanges d’organes.
L’immunisation prégreffe vis-à-vis de marqueurs HLA de classes I
et II, due à des transfusions, des grossesses et/ou des
transplantations antérieures, doit être régulièrement détectée et
identifiée par des tests biologiques répétés.
Ces recherches
visent à identifier des anticorps anti-HLA dont la spécificité doit
faire refuser toute greffe avec un donneur portant la (ou les)
spécificité(s) antigénique(s) HLA correspondante(s).
De plus, et
impérativement, en transplantation rénale, un test ultime de
compatibilité HLA (test de cross-match) est réalisé entre les cellules
lymphocytaires du donneur et les sérums représentatifs des
immunisations du receveur.
D’autres paramètres à composantes immunologiques ont été notés
comme influençant la survie des greffes rénales.
C’est le cas des
transfusions sanguines (concentrés globulaires non déleucocytés)
réalisées avant la greffe, au moins 3 semaines avant celle-ci.
Cet effet
bénéfique noté dans les années 1970 s’est cependant atténué.
Les
risques d’allo-immunisation anti-HLA d’une part, et de transmission
d’infections virales toujours possible d’autre part, devraient faire
limiter le recours à des protocoles de transfusions systématiques.
Enfin, bien d’autres paramètres influencent la survie des greffons,
dont l’âge du donneur et du receveur.
Les bases moléculaires du rejet d’allogreffe sont de mieux en mieux
connues et individualisent deux voies d’alloreconnaissance, dites
« directe » et « indirecte ».
Elles précisent le rôle des différents
récepteurs et ligands impliqués dans la réponse allogénique et le
rejet, initiés par la reconnaissance par les lymphocytes T (T4 et T8) du caractère non-soi des éléments greffés.
Les différents
immunosuppresseurs utilisés dans la lutte antirejet (corticostéroïdes, azathioprine, sérum antilymphocytaire, ciclosporine, FK-506,
anticorps monoclonaux…) sont sélectionnés pour leurs actions
complémentaires sur la réponse du rejet.
B - HLA ET GREFFE DE MOELLE :
Les greffes de moelle osseuse ou de cellules souches
hématopoïétiques (CSH) allogéniques représentent une alternative
thérapeutique majeure dans le traitement d’hémopathies malignes
ou de déficits immunitaires sévères, notamment.
Les premières
greffes datent de plus de 40 ans et furent réalisées avec succès chez
des enfants souffrant de déficits immuns congénitaux.
Depuis, le
nombre de greffes réalisées annuellement croît régulièrement.
Ainsi,
dans le monde, plus de 16 000 greffes allogéniques furent réalisées
en 1997 (contre 28 000 greffes autologues).
Au plan immunologique,
la greffe de moelle osseuse allogénique, qui met en présence deux
systèmes immunitaires génétiquement différents, est exposée à des
conflits de plusieurs origines : la réaction de l’hôte contre le greffon
ou rejet, la réaction du greffon contre l’hôte (GvH).
Dans le cas de la
réaction GvH, des effets bénéfiques liés à cette réactivité allogénique
particulière peuvent être observés sur la prise du greffon et vis-à-vis
des cellules malignes.
Cette activité antitumorale est notée « greffon
contre leucémie » (graft versus leukemia [GvL]).
Pour ces raisons,
seule l’utilisation de greffons HLA identiques au receveur a permis
les succès de ces greffes.
En pratique, seulement 30 % environ des
patients en attente de greffe de CSH disposent d’un donneur familial
HLA identique (greffe familiale dite « géno-identique »).
Ceci a
conduit à la constitution de fichiers de donneurs de moelle non
apparentés.
Une soixantaine de fichiers recensent plus de 6 millions
de donneurs volontaires dans le monde.
Ces donneurs, dont les
groupages HLA sont disponibles, sont utilisés en l’absence de
donneurs familiaux HLA identiques.
Ainsi, en 1997, plus de
3 500 greffes dites « fichiers » furent réalisées avec des greffons de
donneurs non apparentés.
Les identités HLA sont primordiales dans
ces greffes dites « phéno-identiques », et ce pour le maximum de
loci de classe I (HLA-A, -B et -C) et de classe II (HLA-DR, -DQ et si
possible -DP).
Les leucémies restent les indications les plus fréquentes des greffes
de CSH allogéniques non apparentées.
Chez les enfants, plus de
60 % de ces greffes sont réalisées pour des patients atteints de
leucémies aiguës.
Chez les adultes, plus de 30 % des greffes sont
réalisées pour des patients atteints de leucémie myéloïde chronique
(données France-Greffe de moelle, 1998).
Le développement de cette thérapeutique dans les 10 dernières
années permet aujourd’hui une meilleure compréhension des
mécanismes d’acceptation, de rejet de greffe ou de maladie GvH.
En
termes de résultats, de nombreux paramètres sont à prendre en
compte (maladie initiale et son stade d’évolution, âge du patient,
notamment).
L’histocompatibilité HLA doit être considérée, dans les
cas de donneurs non apparentés, sous l’angle de typages réalisés en
utilisant les techniques de biologie moléculaire basées sur des
amplifications par PCR et si nécessaire sur le séquençage.
Ainsi, il
apparaît que :
– les identités pour les loci HLA-DRB1 et -DQB1 réduisent les
risques de maladie GvH et augmentent la survie ;
– les échecs de greffes sont souvent le fait de disparités HLA de
classe I ; ces marqueurs doivent être désormais évalués au niveau allélique ;
– les risques pour les receveurs hommes qui reçoivent un greffon
d’une donneuse sont plus élevés que pour toutes autres
combinaisons ;
– des disparités pour des antigènes mineurs d’histocompatibilité
(AMH) sont des risques potentiels de maladie GvH.
En dehors de
ceux liés au chromosome Y (HY), cinq AMH, actuellement référencés
HA-1, -2, -3, -4 et -5, sont en partie définissables par des techniques
PCR.
Les identités immunogénétiques HLA paraissent encore
indispensables. Néanmoins, certaines greffes réalisées, faute de
donneurs HLA identiques, apparentés ou non (35 % des cas), avec
des incompatibilités au niveau allélique, laissent entrevoir quelques
possibilités avec des protocoles de conditionnement et
l’administration de très grandes quantités de CSH (CD34+).
D’autre part, il est démontré qu’en greffe autologue, les CSH issues
du sang périphérique et mobilisées par l’administration de facteurs
stimulants chez le donneur conduisent à une colonisation plus
rapide en cellules hématopoïétiques par rapport à la greffe de CSH
de moelle osseuse.
Ces résultats semblent se confirmer également
en situation de greffe allogénique avec donneur apparenté HLA
identique.
La reconstitution hématopoïétique est plus rapide pour
les neutrophiles et les plaquettes, la numération des lymphocytes
est plus élevée et la durée d’hospitalisation moindre, par
comparaison à la greffe de CSH médullaires qui, de plus, conduirait
à une probabilité de rechute plus élevée.
Néanmoins, la fréquence
d’apparition de maladies GvH aiguës ou chroniques, ainsi que le
taux de survie, seraient comparables dans ces deux modalités de
greffes, mais ceci reste à confirmer.
Enfin, une autre alternative
repose sur l’utilisation du sang de cordon comme une source
potentielle de CSH du fait de la richesse en progéniteurs CD34+.
De
plus, l’immaturité immunologique des cellules compétentes
représente un avantage face au risque de maladie GvH.
En situation
familiale, cette greffe obtient de bons résultats.
Les banques de sang
de cordon permettent de réaliser des greffes en situation non
apparentée.
Les résultats obtenus dans une série de 562 greffes de
sang placentaire non apparenté font état d’une prise de greffe dans
80 % des cas à j42 après la greffe, d’un faible taux de maladie GvH
(23 % de stades III + IV), dont la sévérité augmente avec l’âge du
patient et le degré d’incompatibilité HLA.
Les taux de survie sont
voisins de ceux notés avec des greffons médullaires de donneurs
non apparentés.
Ce type de greffe est encore limité aux indications
pédiatriques ou aux receveurs de faible poids.
C - ASSOCIATIONS HLA ET MALADIES :
1- Considérations générales :
L’existence d’un système immunogénétique très polymorphe et aux
fonctions immunitaires primordiales dans l’initiation et le contrôle
de la réponse immune a encouragé très tôt des travaux de recherche
de susceptibilité à certaines affections.
L’exemple est venu de
travaux chez la souris (1964) où la susceptibilité à développer une
leucémie viro-induite (virus de Gross) dépendait du système H-2 et
de l’haplotype H-2k.
Deux publications françaises démontraient, à
la fin des années 1960, que des associations maladies et HLA
pouvaient être attendues (maladie de Hodgkin et leucémie aiguë lymphoblastique).
Le véritable impact dans ce domaine concerne
l’association HLA et spondylarthrite ankylosante, rapportée la même
année (1973) par deux équipes indépendantes.
Les premières
évidences de liaison génétique avec des marqueurs du CMH furent
d’abord décrites lors d’un congrès international HLA-maladies, tenu
à Paris en 1976, puis régulièrement lors des différents
workshops-HLA.
En 1985, plus de 500 études rapportaient, dans des domaines très
variés de la pathologie, des associations HLA-maladies.
Pour la
plupart, l’association exprimée en termes de risque relatif (RR)
restait faible, voire quelquefois infirmée par d’autres études.
Pour
d’autres maladies, beaucoup moins nombreuses, ces associations
étaient fortes et retrouvées dans différentes ethnies.
Elles ont du reste
été confirmées régulièrement lors de nouvelles évaluations utilisant
les nouveaux outils de typage de la biologie moléculaire des gènes
HLA.
Ce dernier point est d’importance pour éviter les nombreux pièges de
ce genre d’étude.
Le principe consiste à comparer les fréquences des
antigènes HLA de un ou plusieurs locus (A, B, DR, DQ…) observées
dans une population de malades, à celles observées dans une population témoin.
Les critères de sélection des malades, des
témoins, de leur recrutement géographique, le choix des tests
statistiques appropriés et la qualité des techniques de typage
retenues sont autant de biais possibles pour des équipes non avisées.
En final, l’expression peut se faire à l’aide du test du chi-2, ou mieux
en utilisant la méthode de Woolf et l’expression du RR.
Celui-ci
exprime simplement combien de fois est plus fréquente une maladie
chez les individus ayant un antigène donné que chez ceux qui ne
l’ont pas.
Lorsque l’on étudie non plus des populations mais des familles, on
teste en réalité si la fréquence de la transmission d’un caractère génétique, en l’occurrence un antigène ou un haplotype HLA, en
même temps que la maladie est le fait du hasard ou non.
La
méthode dite des « lod scores » est largement utilisée dans ce cas,
ainsi que les méthodes des haplotypes transmis (transmission
disequilibrium test [TDT]) ou des haplotypes partagés avec le
propositus (identity by descent [IBD]) notamment.
Les méthodes d’analyse du polymorphisme des gènes ont aussi
apporté des progrès décisifs.
Les techniques dites RFLP, PCR ou
séquençage de gènes, et plus récemment celles utilisant des
polymorphismes de répétition (microsatellites), représentent des
outils d’une prodigieuse efficacité.
Les maladies associées à HLA sont le plus souvent le résultat
d’interaction de plusieurs gènes avec, dans le cas des maladies autoimmunes,
l’intervention de facteurs environnementaux.
Mais il
semble bien que les gènes du système HLA jouent un rôle majeur
dans ces prédispositions génétiques.
Ainsi, dans le diabète
insulinodépendant de type 1, le taux de concordance pour des
jumeaux monozygotes est de 40-45 %.
Pour des frères ou soeurs HLA
identiques, ce taux est de 20 % comparé au taux de 1 % dans le cas
de non-identité HLA (deux haplotypes différents) entre individus
d’une même fratrie.
L’association HLA B27 et spondylarthrite ankylosante est la plus
ancienne et l’une des plus fortes, puisque plus de 90 % des patients
sont B27 positifs.
La biologie moléculaire, qui permet
d’individualiser aujourd’hui plus de 13 variants alléliques B27,
n’objective toutefois pas d’allèles résistants, sauf le variant B*2709
semble-t-il.
D’autre part, certains allèles B27 pourraient exposer à
un risque moindre (B*2703, B*2706 et B*2708), laissant entrevoir que
des changements de séquences, même minimes, dans la molécule
B27 (chaîne lourde), conduiraient à des modifications de degré de
susceptibilité liées à des spécificités différentes de présentation
peptidique.
Deux autres maladies sont fortement associées à des antigènes HLA
de classe I : la maladie de Behçet avec l’antigène B51 et le psoriasis
avec le marqueur HLA-Cw6.
* Avec des marqueurs HLA classe II :
Malgré leur modalité de présentation de peptides exogènes, peu de
maladies bactériennes montrent d’association de susceptibilité avec
un antigène classe II, excepté la lèpre.
L’essentiel des maladies
associées aux antigènes HLA de classe II appartient aux maladies
auto-immunes.
Malgré les mécanismes de tolérance aux protéines
du soi, un petit nombre de peptides est potentiellement en mesure
d’être mis en cause.
Dans le cas du diabète insulinodépendant (de type I), de très
nombreux travaux, collaboratifs ou non, ont rapporté l’association
avec des marqueurs HLA de classe I d’abord (A1, B8).
En réalité,
cette association est plus étroite avec des marqueurs de classe II par
le jeu de déséquilibre de liaison.
Ainsi, les sujets DR3 ou DR4, ou
surtout DR3 et DR4, sont-ils très exposés.
Là encore, le déséquilibre
de liaison DR4 et DQ3 a montré que cette dernière molécule jouait
un rôle prépondérant.
L’hétérogénéité de la molécule DQ3 a révélé
une susceptibilité différentielle selon le sous-type DQ3 considéré.
Le
variant DQ8 sérologique (ou DQB*0302 en biologie moléculaire) est
associé très fortement à la susceptibilité, ce qui n’est pas le cas du
variant DQ7 (DQB*0301).
Dès 1987, Todd montrait l’importance des
séquences d’acides aminés de la chaîne b de la molécule DQ.
Les
sujets possédant un acide aspartique en position 57 de cette
chaîne b-DQ sont résistants.
La chaîne a de cette même molécule DQ est également impliquée dans la susceptibilité au diabète
insulinodépendant par la nature de l’acide aminé en position 52.
La
prise en compte de la nature de ces deux résidus aminés critiques
(AA57-b et AA52-a) permet d’expliquer un très grand nombre de
cas de susceptibilités ou de résistances, indépendamment de
l’origine ethnique.
Dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde, la susceptibilité a très tôt
été rapportée comme associée à l’antigène DR4.
La biologie
moléculaire du gène DR4 a été plus précise en mettant en cause,
chez les caucasoïdes, certains variants DR4 (notés DRB1*0401, *0404,
*0405 et *0408), mais aussi du fait d’identité de séquence de la
chaîne b de la molécule DRB1 avec certains autres variants de
molécules DR1 (DRB1*0101) ou DR14 (DRB1*1402), selon l’origine
ethnique.
Là encore, il est démontré que seules des régions limitées
de la molécule de classe II sont engagées dans cette susceptibilité.
Pour d’autres maladies auto-immunes, telles que la sclérose en
plaques et l’arthrite rhumatoïde juvénile, l’association avec une
molécule HLA donnée est aussi établie, même si les séquences
d’acides aminés impliqués ne sont pas encore clairement spécifiées.
Dans ces associations HLA-maladies, plusieurs mécanismes peuvent
être invoqués où les molécules HLA, présentatrices de peptides,
jouent un rôle majeur.
D’autres gènes proches des gènes HLA dans
le CMH pourraient également jouer un rôle en raison de leur
polymorphisme (gènes du TNF par exemple).
D - HLA ET CANCER :
L’expression des molécules HLA de classe I joue un rôle crucial dans
la réponse antitumorale.
Une diminution de cette expression,
corrélée souvent à l’expression de différents oncogènes, est
observable dans de nombreuses cellules tumorales.
Cette
observation fut notée pour la première fois en 1976 pour des cellules
de lymphomes murins, et retrouvée ensuite dans des tumeurs
solides humaines.
Cette baisse d’expression à la surface des cellules
leur permettrait d’échapper à la lyse immunologique par les cellules
lymphocytaires T cytotoxiques.
Lors du dernier workshop-HLA
(1996), la sélection de techniques visualisant la perte d’expression
des molécules HLA de classe I par les cellules tumorales
(immunohistomarquage, cytométrie en flux) a permis, avec
l’utilisation d’anticorps monoclonaux, de standardiser ces mesures
de quantification.
Dans ce travail collaboratif, plusieurs types de
tumeurs solides ont été évalués.
De 40 à 90 % de ces tumeurs
possédaient des altérations dans l’expression des marqueurs de
classe I, selon les tissus considérés.
Ces altérations se feraient
notamment lorsque apparaissent des métastases.
Différents mécanismes peuvent conduire à ce défaut partiel ou total
d’expression, puisque cette perte peut être objectivée à des stades
différents de la synthèse, du transport ou de l’expression cellulaire
de ces molécules de classe I.
Des mutations de gènes (chaîne lourde
a ou b2m), des altérations de facteurs de régulation, de glycosylation ou de transport sont mises en cause.
La non-expression de ces molécules, qui sont des éléments de
restriction de la reconnaissance lymphocytaire T, rend plus difficile
la destruction des cellules tumorales par les lymphocytes T.
Une
sélection immunologique de ces clones « HLA-déficitaires »
conduirait à une invasion tissulaire de cellules tumorales favorisant
leur diffusion.
Les cellules NK interviennent dans la destruction de cellules
tumorales ou de cellules infectées par des virus.
Elles représentent
5 à 10 % des cellules lymphoïdes de l’organisme et sont activées par
l’absence ou la modification des molécules de classe I à la surface de
leur cible.
Cette cytotoxicité NK serait, chez l’homme,
complémentaire de l’immunité T et B.
Il faut noter que ces cellules NK ne reconnaissent jamais des cibles cellulaires autologues
normales.
Les cellules NK, chez l’homme, expriment plusieurs
familles de récepteurs des molécules HLA de classe I.
Ces récepteurs
sont codés par des gènes présents sur le chromosome 19q13.4 et
notés KIR et ILT/LIR, ou sur le chromosome 12p12.13 et notés
CD94/NKG2.
Ces deux groupes apparaissent hétérogènes
fonctionnellement, puisque certains récepteurs pourraient avoir une
action activatrice de lyse.
Il a été bien démontré que les molécules
HLA de classe I modulent l’activité NK par interaction avec des
récepteurs inhibiteurs ou activateurs des cellules NK.
E - HLA EN PRATIQUE TRANSFUSIONNELLE :
Les transfusions de sang total induisaient, il y a encore quelques
années, une fréquente immunisation anti-HLA en raison de la nondéleucocytation
systématique des produits transfusés.
Désormais, à
l’exclusion de certaines indications thérapeutiques (dont les
transfusions définies dans des protocoles de transfusions avant
greffe rénale), les concentrés globulaires sont déleucocytés.
De
même, l’utilisation de plaquettes d’aphérèse avec donneur unique
contribue à réduire ce risque d’immunisation et ses complications
de type frisson-hyperthermie.
Ces symptômes sont attribués à la
libération de substances pyrogènes, suite à la lyse des polynucléaires
transfusés.
La déleucocytation se révèle un moyen efficace pour
réduire ces allo-immunisations et diminuer la fréquence des états
réfractaires aux transfusions de plaquettes.
Ainsi, dans une étude
récente, il est montré que le risque d’immunisation anti-HLA avec
des produits filtrés (plaquettes et globules rouges) laissant moins de
5 x 106 leucocytes est de moins de 3 % chez des sujets non antérieurement
stimulés (par des grossesses et/ou des transfusions
antérieures).
Néanmoins, ce risque augmente à 36 % chez des
sujets préalablement stimulés (notamment par des grossesses
antérieures).
D’autre part, la transfusion d’anticorps anti-HLA
éventuellement présents chez le donneur, et surtout d’anticorps antineutrophiles, peut provoquer un oedème pulmonaire non
cardiogénique avec fièvre.
Enfin, la transfusion sanguine peut être responsable d’une GvH
aiguë, souvent fatale.
Ce risque est extrêmement rare et serait plus
souvent observé en cas d’homozygotie HLA du donneur pour un haplotype, alors que le receveur partage cet haplotype.
Une
prévention possible de ce risque existe et consiste à irradier le sang
transfusé.
Cette attitude est systématique lorsque le receveur est
immunodéprimé.
F - HLA ET GROSSESSE :
La gestation est une situation physiologique particulière de greffe semi-allogénique tolérée au moins pendant la grossesse.
S’il existe
bien une réponse humorale contre des antigènes foetaux (exemple
de l’anémie hémolytique du nouveau-né par immunisation anti-
Rhésus), les réponses cellulaires maternelles par lymphocytes T
cytotoxiques sont sans effet. Cette particularité immunologique de
l’allogreffe foetale avait été notée dès 1953 par Medawar.
L’absence
d’expression des antigènes HLA de classe I classiques (HLA-A, -B,
-C) par le trophoblaste protégerait le foetus, dont les antigènes HLA
sont bien exprimés, d’une réponse allogénique cellulaire.
Le clonage
récent du gène HLA non classique noté HLA-G (1987) a permis de
préciser le rôle de cette nouvelle molécule exprimée transitoirement
par le trophoblaste, comme cela a été montré à partir de 1990.
HLA-G participerait au maintien d’un état de tolérance entre la mère
et l’enfant en anergisant la réponse maternelle antipaternelle.
Toutefois, l’expression de HLA-G disparaît des cellules du
cytotrophoblaste extravilleux lors de prééclampsies de fin de
grossesse.
Le rôle fonctionnel de HLA-G comme élément de tolérance immune
pendant la grossesse est encore difficile à préciser.
Il n’est
probablement pas univoque, puisque les données récentes montrent
que cette molécule HLA non classique est en mesure de présenter
des peptides et qu’elle est aussi capable d’inhiber l’activité NK des
grands lymphocytes granulaires déciduaux.
Un défaut d’expression
de cette molécule peut-il expliquer une partie des avortements à
répétition d’origine immunologique ?
Dans cette pathologie, d’autres
mécanismes sont proposés comme des phénomènes auto-immuns
ou liés à une identité HLA entre époux.
Diverses études
statistiquement significatives ont confirmé cette dernière hypothèse
et, en particulier, le rôle des identités pour les marqueurs HLA de
classe II, ainsi que l’absence d’immunisation anti-HLA.
G - HLA ET POPULATION :
Le système HLA s’est très vite révélé extrêmement précieux pour
les généticiens de populations, en raison de son très grand
polymorphisme et de la transmission en bloc (haplotypique) de
l’ensemble de ses marqueurs présents sur le chromosome 6.
Les
techniques d’étude du polymorphisme au niveau génomique
permettent l’identification régulière de nouveaux allèles dans chaque
série (A, B, C, DR, DQ et DP) lors d’études anthropologiques élargies
(études workshop).
De même, l’identification de nouveaux gènes
dans cette région CMH, même si leur polymorphisme est plus
limité, apporte encore plus d’intérêt à cette région chromosomique.
Les rares recombinaisons chromosomiques entre marqueurs de cette
région HLA, le déséquilibre de liaison caractéristique de certains haplotypes, les variations de fréquences d’allèles selon les origines
ethniques, les résistances ou susceptibilités aux maladies,
représentent des éléments d’études et de compréhension de la
dynamique des populations.
L’étude HLA-Provinces françaises
(1981-1985) a permis d’établir des ressemblances génétiques entre
des régions françaises et le Québec.
Enfin, le polymorphisme
HLA et la rareté de certains allèles donnent à ce système
immunogénétique une très grande valeur informative dans
l’expertise médicolégale appliquée, par exemple, à la recherche ou
l’exclusion de paternité.
Conclusion
:
Le complexe majeur d’histocompatibilité de l’homme représente une
région du bras court du chromosome 6, capitale dans la réponse
immunitaire.
Non seulement la densité en gènes fonctionnels, mais
aussi la fonctionnalité des produits correspondants, expliquent l’intérêt
croissant porté par les immunologistes à cette région du génome.
La
duplication et la spécialisation de chaque locus pour des fonctions
impliquées dans la présentation d’antigènes peptidiques aux
lymphocytes T, dans la surveillance antitumorale, ou encore dans la
réponse allogénique expliquent la diversité ou polymorphisme des
marqueurs de ce système HLA.
Si la description de ces polymorphismes moléculaires et géniques est
l’objet de performances sans cesse améliorées, c’est aujourd’hui l’impact
fonctionnel de ce polymorphisme qui attire toutes les attentions en
clinique.
Ainsi, la transplantation d’organe, et plus encore la greffe de
moelle osseuse se sont développées grâce à une meilleure définition du
polymorphisme HLA.
Les études des séquences des antigènes et des
gènes HLA impliqués dans la susceptibilité ou la résistance à certaines
maladies (essentiellement auto-immunes) expliquent moléculairement
les mécanismes de présentation spécifiques de peptides.
Les
connaissances biochimiques et structurales des molécules HLA
objectivent la localisation de zones fonctionnellement mises en jeu dans
l’accrochage de peptides et dans la reconnaissance T.
Même si ces
marqueurs HLA ne sont pas seuls en cause dans ces susceptibilités, la
sélection observée de certains allèles HLA est remarquable.
Elle assure
ainsi à certaines populations une protection contre des pathogènes
environnementaux.
Enfin, plus récemment, les fonctions des molécules HLA se sont
enrichies et diversifiées.
Dans ce contexte, les mécanismes de cytotoxicité NK donnent un rôle clé aux molécules HLA.
Ainsi, il est
désormais bien établi que la balance des effets inhibiteurs ou activateurs
de lyse NK est sous contrôle de l’expression par les cellules cibles
potentielles, de molécules HLA de classe I.
Des cellules tumorales ou
infectées par des virus dont l’expression HLA de classe I est déficitaire
seraient ainsi lysées et éliminées par l’activation des cellules NK.
Quels
que soient les mécanismes liés à cette diminution, il apparaît que ces
déficits observés sont prédictifs de mauvais pronostic.
Des interventions immunothérapeutiques visant à restaurer une expression HLA normale
pourraient alors se révéler d’un grand intérêt clinique.