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Hématologie
Syndromes thalassémiques
Cours d'hématologie
 


 

Physiopathologie des thalassémies :

Les syndromes thalassémiques sont la conséquence d’une insuffisance de la synthèse d’une ou plusieurs chaînes de globine.

Selon la chaîne insuffisamment synthétisée, on distingue les alpha-, bêta-, gamma-, gammabêta-, deltabêta-thalassémies.

Les alpha- et bêta-thalassémies sont parmi les maladies monogéniques les plus représentées dans le monde, leur fréquence étant maximale dans les pays infestés par le paludisme, car un trait thalassémique paraît protéger contre les formes graves de paludisme.

De multiples défauts moléculaires, de répartition géographique déterminée, ont été identifiés à l’origine de syndromes thalassémiques.

Ils aboutissent à un déséquilibre de synthèse entre les chaînes alpha et non alpha (bêta, delta, ou gamma).

Une alpha-thalassémie est caractérisée par un rapport a/non a inférieur à 1, une bêta-thalassémie par un ratio a/non a supérieur à 1.

Dans les formes symptomatiques de thalassémie, l’excès relatif de chaînes « célibataires » forme des polymères peu solubles dans l’érythroblaste, entraînant des altérations des membranes cellulaires et nucléaires et la destruction de l’érythroblaste, responsables d’une érythropoïèse inefficace et d’une anémie.

Il en résulte une hypersécrétion d’érythopoïétine qui stimule l’érythropoïèse, et suscite une hyperplasie avec expansion érythroblastique caractéristique des syndromes thalassémiques.

La multiplication des érythroblastes dans les espaces médullaires est responsable des déformations osseuses.

L’érythropoïèse inefficace est suivie d’une destruction partielle en périphérie des quelques réticulocytes ayant réussi à maturer.

Ainsi, l’anémie est la résultante de deux composantes, une dysérythropoïèse majeure et une hyperhémolyse.

L’anémie est peu régénérative, du fait du dysfonctionnement médullaire.

L’importance de ces phénomènes est en fait variable selon le génotype.

Les syndromes thalassémiques sont ainsi caractérisés par des anémies héréditaires hémolytiques de présentations cliniques très variables. Ils se transmettent le plus souvent sur un mode autosomique récessif.

Syndromes alpha-thalassémiques :

Les défauts moléculaires en cause étant détaillés par ailleurs, nous rappellerons seulement ici que les alpha-thalassémies sont le plus souvent la conséquence de la délétion d’un ou plusieurs gènes alpha.

A - ÉPIDÉMIOLOGIE :

Les alpha-thalassémies sont particulièrement fréquentes en Asie du Sugamma-Est et en Chine.

Leur prévalence est de 3 à 5% à Hong Kong, et peut atteindre 30 à 40 % en Thaïlande et au Laos.

Elles sont aussi fréquentes en Afrique, surtout équatoriale, moins présentes en Afrique du Nord et australe (fréquences géniques observées entre 0,06 et 0,41).

B - MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES :

Il existe chez le sujet normal deux gènes alpha (a1 et a2) sur chaque chromosome 16, donc quatre gènes alphalpha-fonctionnels.

Il existe ainsi quatre tableaux selon l’inactivation de 1, 2, 3 ou 4 gènes alpha.

Les anomalies géniques affectant a2 sont plus sévères que celles impliquant a1.

Les alpha-thalassémies les plus fréquentes n’altèrent qu’un gène a, et ne sont responsables d’aucune pathologie : l’alpha+-thalassémie hétérozygote (-alpha/alpha alpha), ou alpha-thalassémie de type 2.

Elles sont silencieuses sur le plan clinique.

La biologie montre à la période néonatale un taux très modérément augmenté (1-2 %) d’hémoglobine Bart’s (Hb Bart’s) (qui est un tétramère c4).

L’hémogramme ensuite est normal dans 50 % des cas, ou peut sinon montrer une hypochromie et une microcytose modérées.

Le diagnostic peut être fait en biologie moléculaire.

Les inactivations de deux gènes alpha sont responsables d’alpha-thalassémies mineures, ou alpha-thalassémies de type 1.

Il peut s’agir du défaut de deux gènes alpha en cis sur le même chromosome (--/-alpha alpha) (alpha0- thalassémie hétérozygote), ou en trans sur chaque chromosome (-alpha/-alpha) (alpha+-thalassémie homozygote).

L’alpha0 est fréquente chez les Asiatiques et les Méditerranéens, et quasi absente chez les Noirs africains ou antillais, qui ont fréquemment des formes alpha+.

Il n’y a pas de conséquence clinique.

Biologiquement, les nouveau-nés ont un taux plus élevé d’Hb Bart’s (5 à 10 %).

À l’âge adulte, l’hémogramme révèle une microcytose (70 ± 5 fl), une hypochromie, un taux normal ou un peu bas d’hémoglobine A2 (HbA2) et un taux normal d’hémoglobine F (HbF).

Le diagnostic peut être confirmé par l’étude de la synthèse des chaînes a/non a in vitro, ou par l’étude du génome a en biologie moléculaire.

La non-fonctionnalité de trois gènes alpha est responsable d’une hémoglobinose H (--/-alpha).

Les chaînes non a en excès s’apparient, sous forme d’Hb Bart’s à la naissance, et de tétramères b4 à mesure que les chaînes b se substituent aux chaînes c (hémoglobine H).

Cette affection atteint surtout les patients orientaux ou méditerranéens, exceptionnellement les Noirs africains ou antillais. Son expression clinique est très variable.

Certains patients sont quasiment asymptomatiques.

D’autres expriment le tableau d’une anémie hémolytique chronique modérée (pâleur, ictère, hépatosplénomégalie, modifications squelettiques modérées) ; une minorité enfin a une anémie plus sévère responsable de modifications thalassémiques osseuses marquées, et requérant des transfusions répétées.

Ce degré de sévérité est corrélé au génotype responsable.

Biologiquement, il existe une anémie hémolytique microcytaire hypochrome d’intensité variable (6 à 10 g/dL).

Les hématies incubées 1 heure à 37 °C en présence de bleu de crésyl brillant à 1 % prennent un aspect mûriforme : elles sont ponctuées de petits précipités en « motte » (tétramères b) (corps de Heinz).

L’électrophorèse montre la présence de 1 à 30% d’HbH et de 10 à 30 % d’Hb Bart’s à la naissance.

On a décrit récemment des formes particulières d’hémoglobinose H chez des patients d’Europe du Nord ayant un retard mental (syndromes ATR-16 et ATR-X).

Les sujets associant une alpha-thalassémie de type 1 à une hétérozygotie de type Constant Spring (qui est une mutation intéressant le gène a2) sont porteurs de formes graves de la maladie.

Les patients atteints d’une hémoglobinose H peuvent être considérés comme des thalassémiques « intermédiaires », puisqu’ils ont une production résiduelle spontanée d’hémoglobine et des besoins transfusionnels faibles ou occasionnels.

Ils nécessitent une supplémentation régulière en acide folique.

Les lithiases biliaires sont fréquentes. Une aggravation de l’anémie peut être secondaire à une infection aiguë, ou à la prise de médicaments oxydants (les mêmes que ceux qui induisent une hémolyse chez les porteurs d’un déficit en glucose 6-phosphate déshydrogénase [G6PD]).

Une aggravation des besoins transfusionnels traduit parfois un hypersplénisme qu’une splénectomie peut réduire.

La splénectomie expose en revanche ces patients au risque de complications thromboemboliques.

La délétion des quatre gènes alpha (- -/- -) correspond à l’homozygotie pour la délétion de deux gènes alpha en cis.

Cette anomalie est surtout rencontrée en Asie du Sugamma-Est, où existe la mutation Sugamma-Est Asiatique (-- SEA), amputant la totalité des gènes alpha.

Elle peut aussi être secondaire à d’autres grandes délétions présentes en Méditerranée.

Elle n’existe pas en Afrique.

Les foetus alpha0- thalassémiques homozygotes survivent au-delà du 5e mois de grossesse grâce à la présence de petites quantités d’hémoglobines embryonnaires, mais décèdent le plus souvent avant la fin de grossesse ou juste après la naissance, dans un tableau d’anasarque foetoplacentaire (Bart’s hydrops fetalis).

Ce tableau peut rendre compte de 25 % des décès périnataux dans certaines régions d’Asie du Sugamma-Est.

Très récemment, des survies d’enfants diagnostiqués en période prénatale, avant le développement de la souffrance neurologique, ont été rapportées, permises par la mise en oeuvre de transfusions in utero.

En fait, cette complication grave pose surtout le problème de sa prévention, reposant sur la détection en routine des hétérozygotes pour des mutations impliquant la totalité du génome a, et le recours au diagnostic prénatal pour les couples à risque.

Syndromes bêta-thalassémiques : épidémiologie

Initialement décrite dans les populations du bassin méditerranéen, la bêta-thalassémie est aussi très répandue dans tout le Moyen-Orient, le sud et l’est de l’Asie, l’Afrique de l’Ouest et les Antilles.

La bêta-thalassémie est rare dans les populations originaires du nord de l’Europe.

Bêta-thalassémie hétérozygote :

Les sujets atteints d’une bêta-thalassémie hétérozygote sont bien portants.

Ils n’ont pas de signes cliniques d’anémie ; exceptionnellement, une splénomégalie discrète est constatée.

Biologiquement, le taux d’hémoglobine est normal ou très peu diminué (10 à 13 g/dL), la réticulocytose en valeur absolue est normale ou un peu élevée, le frottis sanguin montre une hypochromie, une anisocytose et une poïkilocytose.

Les signes biologiques sont : l’augmentation du nombre des globules rouges traduisant la pseudopolyglobulie, la microcytose et l’hypochromie, l’élévation de l’HbA2 (> 3,3 %), tandis que l’HbF est normale ou discrètement augmentée.

Les mesures de l’HbA2 requièrent une analyse par chromatographie liquide haute pression (CLHP).

L’élévation de l’HbA2 ne peut être masquée que par une carence en fer sévère ; il est dans ce cas nécessaire de contrôler le dosage après correction de la carence.

Aucune précaution ou traitement particulier ne sont à envisager chez les porteurs d’un trait thalassémique.

La seule précaution est de faire une enquête familiale, afin de pouvoir reconnaître un couple dont les deux membres seraient porteurs d’une bêta-thalassémie hétérozygote, et de leur proposer un conseil génétique qui puisse leur permettre d’éviter la naissance d’un enfant homozygote.

Rarement, une anémie peut être constatée chez certains sujets qui associent une bêta-thalassémie hétérozygote à une triplication des gènes alpha, ou à une sphérocytose héréditaire.

Exceptionnellement, certaines femmes voient leur anémie s’aggraver au cours de la grossesse.

Bêta-thalassémie homozygote : forme majeure

On classe les bêta-thalassémies selon que la synthèse des chaînes b est supprimée (forme bo) ou seulement diminuée (bêtalpha+).

C’est la profondeur de l’anémie et l’importance des besoins transfusionnels, qui permettent de classer les thalassémies en forme majeure (anémie de Cooley) ou intermédiaire.

Cette distinction ne peut être faite qu’après quelques mois de vie, lorsque la synthèse de l’HbF n’est plus capable de masquer l’anomalie de synthèse d’HbA.

A - SIGNES CLINIQUES EN L’ABSENCE DE TRAITEMENT :

Les signes cliniques apparaissent chez le nourrisson. La pâleur est constante, associée rarement à un ictère conjonctival.

L’asthénie dépend du degré de l’anémie.

Une hépatosplénomégalie s’installe progressivement dans les premiers mois de la vie ; elle peut acquérir un volume considérable et déformer l’abdomen.

L’hypertrophie splénique s’accentue avec le temps, du fait de l’érythropoïèse ectopique, de l’érythrophagocytose, et parfois, chez les patients plus âgés, d’une hypertension portale.

La volumineuse splénomégalie a plusieurs conséquences néfastes : une gêne abdominale, une inflation plasmatique, et une destruction exagérée des hématies aggravant l’anémie.

Une leucopénie et une thrombopénie peuvent être associées à l’hypersplénisme.

Les anomalies morphologiques dépendent du degré de l’anémie, puisqu’elles sont la conséquence de l’hyperactivité érythroïde.

L’hyperplasie des os plats de la face confère aux enfants un aspect asiatique : les malaires sont élargis, la base du nez est aplatie, il existe un hypertélorisme, une protrusion du maxillaire supérieur.

Au niveau du crâne, on peut observer un aspect en « tour », avec des bosses dans les régions frontales et occipitales.

Des anomalies de l’implantation dentaire sont fréquentes, entraînant des troubles de l’articulé dentaire.

Le retentissement psychologique de ces déformations morphologiques peut être important.

Les fractures pathologiques ne sont pas exceptionnelles, mais toutefois moins fréquentes que ne le laisserait prévoir l’importance de l’ostéopénie.

Des arthralgies sont fréquentes chez les adolescents et les adultes.

Les articulations les plus touchées sont les chevilles, puis les genoux et les hanches.

Chez l’adulte, l’ostéoporose est responsable de douleurs osseuses atteignant électivement le rachis.

B - SIGNES RADIOLOGIQUES :

Les espaces médullaires sont élargis et les corticales amincies.

L’ostéoporose est généralisée, de degré variable.

Les travées osseuses restantes paraissent épaissies, la spongieuse prend un aspect réticulé assez caractéristique sur l’ensemble des os des mains et des pieds.

L’épaississement du diploé débute sur l’os frontal, puis s’étend aux autres os de la voûte du crâne, tout en respectant l’écaille occipitale inférieure, pauvre en moelle. Des réactions d’ossification perpendiculaires à la base interne réalisent l’aspect en « poil de brosse ».

Les extrémités costales sont élargies.

Les os longs peuvent avoir un aspect massif et mal modelé, les bras raccourcis avec diminution de l’abduction, et les corps vertébraux élargis.

Les extrémités peuvent être le siège de bradymétacarpies et bradyphalangies.

La déminéralisation vertébrale peut être responsable de scoliose, cyphose, tassement, voire compression médullaire.

C - SIGNES HÉMATOLOGIQUES :

L’hémogramme révèle une anémie inférieure à 7 g/dL, microcytaire (volume globulaire moyen [VGM] entre 60 et 65 fl), hypochrome (teneur moyenne en hémoglobine inférieure à 26 pg).

La réticulocytose est voisine de 100 X 109/L, moins élevée que ne le voudrait le degré de l’anémie.

L’examen du frottis sanguin des hématies montre aussi une anisocytose, une poïkilocytose, des ponctuations basophiles fréquentes, une érythroblastose majeure.

L’examen de la moelle n’est pas nécessaire au diagnostic ; il montrerait la forte érythroblastose, avec des érythroblastes d’aspect dysmorphique du fait du défaut d’hémoglobinisation (érythroblastes polychromatophiles II).

Les macrophages médullaires sont surchargés en fer.

L’étude de l’hémoglobine permet le diagnostic ; le pourcentage de l’HbF est constamment très augmenté pour l’âge (50 à 98 %) ; il persiste (bêtalpha+) de l’HbA (5 à 45 %) ou non (bêtalpha0) ; le pourcentage d’HbA2 est souvent bas dans les formes bêtalpha0, et élevé dans les formes bêtalpha+.

La bilirubine non conjuguée est augmentée du fait de l’hémolyse chronique.

Le bilan du fer (sidérémie, coefficient de saturation de la sidérophiline) est toujours augmenté, même en l’absence de transfusion, du fait de l’hyperabsorption intestinale du fer secondaire à la dysérythropoïèse.

D - COMPLICATIONS ET TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES :

En l’absence de traitement, l’anémie sévère se complique d’insuffisance cardiaque, l’hépatosplénomégalie se majore, un retard de croissance s’installe ; le décès survient avant 5 ans.

Le traitement conventionnel de la thalassémie majeure associe transfusion, chélation du fer et splénectomie.

Ce traitement a transformé l’espérance de vie des patients thalassémiques, et a permis à près de 90 % des malades nés depuis 1975 de dépasser l’âge de 20 ans.

La lourdeur du traitement chélateur altère toutefois la qualité de vie, et fait discuter l’indication d’une greffe de moelle chez les enfants et les adolescents qui disposent d’un donneur intrafamilial human leucocyte antigen (HLA)-compatible.

Plus tard, les résultats de la greffe sont moins bons, et le traitement conventionnel est presque toujours préférable.

1- Transfusion sanguine :

Chez l’enfant, le diagnostic de thalassémie majeure entraîne la surveillance régulière de l’état clinique, et le contrôle des taux d’hémoglobine.

Quand ceux-ci descendent en dessous de valeurs compatibles avec une activité normale, les transfusions deviennent nécessaires et le diagnostic du caractère majeur de la thalassémie est posé.

La grande majorité des patients thalassémiques majeurs nécessite des transfusions mensuelles dès la première année de vie, mais certains patients, atteints de formes modérées, peuvent attendre quelques années.

L’observation de la réponse clinique et hématologique aux premières transfusions permet de déterminer la fréquence et l’importance des apports transfusionnels.

L’adéquation des apports transfusionnels aux besoins est régulièrement vérifiée.

On sait qu’en règle le maintien en permanence d’un taux d’Hb au-dessus de 10 g·dL–1, 8 à 9 g·dL–1 après 15 ans, permet des activités scolaires, ludiques ou professionnelles normales, et empêche l’apparition de l’hyperplasie érythroïde responsable des déformations morphologiques.

Ce seuil est respecté en général grâce à l’apport de 15 mL·kg–1 de concentrés érythrocytaires toutes les 3 semaines, ou de 20 mL·kg–1 toutes les 4 semaines.

Les risques immunologiques, infectieux et de surcharge en fer liés à la transfusion ont conduit à ne pas chercher de valeur plus élevée pour les taux d’Hb, alors que cela avait été proposé par des partisans de stratégies « supertransfusionnelles ».

Le produit transfusé est du concentré érythrocytaire déleucocyté, phénotypé Rh-Kell.

L’utilisation de globules rouges jeunes, les néocytes, a été abandonnée, bien qu’elle permette d’allonger l’intervalle entre les deux transfusions, car elle double le nombre de donneurs de sang auquel le receveur est exposé.

L’évolution des taux d’Hb pré- et post-transfusionnels doit être analysée par rapport aux quantités sanguines transfusées (les apports mensuels sont enregistrés et analysés annuellement).

Une consommation annuelle de l’ordre de 150-200 mL·kg–1·an–1 de concentrés érythrocytaires maintient normalement le taux d’Hb moyen proche de 12 g·dL–1.

Une consommation supérieure à 200 mL·kg–1·an–1 doit faire rechercher la cause de l’inefficacité transfusionnelle, souvent due à un hypersplénisme, qui conduit habituellement à pratiquer une splénectomie.

L’apparition d’un autoanticorps antiérythrocytaire est possible, et peut aussi se traduire par une majoration des besoins transfusionnels.

L’alloimmunisation antiérythrocytaire est une complication relativement rare depuis l’utilisation systématique de produits phénotypés en Rh- Kell, puisque la majorité des anticorps rencontrés autrefois apparaissait dans ces systèmes. Bien traités, les patients ont des activités normales.

La croissance staturopondérale est normale jusqu’à l’adolescence, les anomalies morphologiques sont atténuées ou absentes.

Ainsi, la transfusion sanguine a transformé le pronostic vital de la thalassémie majeure, et les enfants bien traités ne meurent plus de cette maladie.

En revanche, la transfusion est responsable de complications multiples, responsables à leur tour de la morbidité et de la mortalité de l’affection, chez les adolescents et les adultes dont la qualité de vie reste souvent médiocre.

2- Surcharge en fer :

Un concentré érythrocytaire de 280 mL apporte environ 200 mg de fer.

L’organisme ne dispose pas de moyens naturels d’évacuation de ce fer, qui se dépose d’abord dans le foie et la rate, puis dans les glandes endocrines et le coeur.

La surcharge en fer est à l’origine des complications et de la mortalité qui menacent maintenant les thalassémiques après l’âge de 15 ans.

Parmi les différentes méthodes d’évaluation de la surcharge en fer, la mesure de la ferritine sérique est le paramètre biologique le plus utilisé.

L’interprétation de son taux doit tenir compte de l’état hépatique, puisqu’une cytolyse importante majore sa valeur, quel que soit l’état hépatique, d’une inflammation, qui majore aussi la ferritinémie, de la proximité de la dernière transfusion sanguine.

Une ferritinémie supérieure à 1 000 ng/mL traduit une surcharge martiale exposant à terme aux complications cardiaques, endocriniennes ou hépatiques.

Certaines équipes recommandent la réalisation d’une ponction-biopsie hépatique pour évaluer précisément la surcharge, mais cette attitude est discutée, d’une part du fait de son invasivité, d’autre part parce que les fragments biopsiques peuvent être de taille trop insuffisante pour être informatifs, chez les patients porteurs d’une fibrose marquée ou d’une cirrhose.

Enfin, la surcharge en fer peut être évaluée par résonance magnétique nucléaire, mais cette étude n’est possible que dans peu de centres.

Diagnostiquées le plus souvent dans la deuxième décennie, les complications cardiaques menacent le pronostic vital à l’occasion de la survenue d’une insuffisance cardiaque congestive.

On a montré en particulier qu’une maladie cardiaque pouvait se constituer quand la ferritinémie était régulièrement supérieure à 2 500 ng/mL.

Les lésions histologiques rapportées à l’hémosidérose sont des dépôts de fer dans les cellules myocardiques, notamment ventriculaires, et dans les voies de conduction.

Des lésions de fibrose existent à un stade plus avancé.

Les signes cliniques et électriques de l’atteinte cardiaque sont présents à un stade tardif de la surcharge en fer.

Ils témoignent d’une hypertrophie ventriculaire gauche, d’un épanchement péricardique, de troubles du rythme et/ou de la conduction, d’une insuffisance cardiaque congestive.

Une intensification importante de la chélation peut seule permettre à ce stade une stabilisation de la fonction cardiaque.

Les patients thalassémiques adultes ont aussi un risque accru de complications thromboemboliques (accidents cérébraux ischémiques transitoires, hémiplégies, thromboses artérielles et veineuses), sans doute secondaire à une activation chronique des facteurs de coagulation.

Les anomalies hépatiques sont constantes dans l’hémosidérose posttransfusionnelle.

La surcharge en fer apparaît sous la forme de pigments d’hémosidérose dans les cellules de Kupffer, parfois entourés de nécrose hépatocytaire, voire de fibrose.

L’examen histologique du foie, effectué par Jean et al chez 86 enfants thalassémiques âgés de 3 à 16 ans, a montré de façon constante une fibrose à partir de l’âge de 6 ans, des lésions de cirrhose chez certains à partir de l’âge de 9 ans, une cirrhose presque constante après l’âge de 15 ans.

Il faut toutefois souligner que ce travail est antérieur à la mise en évidence du virus de l’hépatite C, et n’indique donc pas si certains patients étaient aussi infectés par ce virus.

En effet, les lésions hépatiques secondaires à la surcharge en fer sont aggravées quand coexiste une infection virale liée à l’hépatite B et/ou à l’hépatite C, complications fréquentes chez les thalassémiques multitransfusés avant l’instauration des dépistages viraux systématiques des dons de sang.

Chez les patients thalassémiques, les complications endocriniennes relèvent de mécanismes multiples ; cependant, l’examen histologique des tissus concernés, prélevés lors des autopsies, amène à attribuer à la surcharge martiale la plus grande part de responsabilité dans la genèse de ces complications.

Les complications endocriniennes sont observées dès l’âge de 12-15 ans, et contribuent à la morbidité de la thalassémie majeure à partir de la fin de la deuxième décennie.

Un retard statural est fréquent, et peut être majoré par un retard pubertaire, ce dernier étant d’habitude plus sévère chez le garçon.

La puberté peut demeurer incomplète. Une aménorrhée peut aussi s’installer secondairement.

La qualité du développement pubertaire et staturopondéral est très dépendante de l’adéquation des apports transfusionnels aux besoins, et de la mise en oeuvre précoce du traitement chélateur du fer.

Des traitements hormonaux substitutifs sont parfois utiles en cas d’insuffisance en hormone de croissance (GH pour growth hormone), d’hypothyroïdie ou d’insuffisance gonadique associés.

L’hypogonadisme hypogonadotrope aggrave la maladie osseuse liée à l’ostéopénie.

Une étude de la minéralisation osseuse chez 82 patients âgés de 12 à 43 ans, bien pris en charge pour la transfusion et la chélation, a montré une ostéoporose chez 51 % d’entre eux, à l’origine de douleurs ostéoarticulaires diffuses, surtout rachidiennes.

Le traitement inclut des apports calciques, une supplémentation en vitamine D, et le traitement de l’hypogonadisme hypogonadotrope, qui était présent chez 67 % des 82 patients cités.

Les biphosphonates sont en cours d’étude.

L’hypothyroïdie et l’hypoparathyroïdie, cliniques et/ou biologiques, doivent être systématiquement recherchées.

Un diabète insulinodépendant est possible. L’âge moyen d’installation d’un diabète, constaté dans 6,5 % des 448 cas de thalassémie étudiés par De Sanctis, est de 17 ans.

Du fait de la prévalence de l’hypogonadisme hypogonadotrope, les cas de grossesse sont très rares, mais possibles chez des patientes ayant bénéficié dès le diagnostic d’apports transfusionnels optimaux, et d’une chélation ayant toujours contrôlé la surcharge en fer.

3- Traitement de la surcharge en fer :

* Desféralt (déféroxamine) :

Le Desféralt reste en 2001 le traitement chélateur du fer de référence.

Cette molécule est très mal absorbée par voie orale, et doit être administrée par voie parentérale.

La voie sous-cutanée est la plus utilisée, elle induit une élimination du fer de l’ordre de 90 % de celle induite par voie intraveineuse. La voie intramusculaire est bien moins efficace.

L’équilibration des apports en fer est obtenue par l’administration sous-cutanée pendant 8 à 10 heures de 40 mg/kg/j de Desféralt.

Cette dose de 280 mg/kg/semaine peut être répartie sur 5 jours, pour laisser un peu de répit aux patients.

La négativation de la balance en fer est obtenue quand l’élimination urinaire de fer atteint 0,5 mg/kg/j.

L’objectif à atteindre, en l’absence d’autre évidence de surcharge tissulaire grave, est le maintien d’une ferritinémie entre 500 et 1 000 ng/mL.

La perfusion sous-cutanée peut se faire grâce à des pompes portables, ou, chez les adolescents et les adultes, grâce à un diffuseur.

Le volume des diffuseurs est plus important que celui des seringues adaptées aux pompes portables, ce qui permet d’injecter plus de produit à chaque fois, et réduit le nombre de jours de perfusion.

Il faut toutefois veiller à ne pas injecter plus de 80 mg/kg/injection, sauf s’il existe une défaillance cardiaque nécessitant une chélation intensive, pour éviter la toxicité du Desféralt.

En raison du caractère fastidieux des perfusions sous-cutanées prolongées sur une dizaine d’heures, certaines équipes proposent l’administration du Desféralt par bolus sous-cutanés, la dose quotidienne étant répartie en deux injections.

Les injections sous-cutanées peuvent être précédées de l’application d’une crème anesthésique locale (Emlat).

La toxicité du Desféralt est essentiellement observée quand il est utilisé à une dose excédant 50 mg/kg/j, ou à des doses plus faibles chez des patients faiblement surchargés en fer.

Un « index de toxicité » est proposé, qui fait le rapport de la dose quotidienne (mg/kg) sur la ferritinémie (µg/L).

Ce ratio doit rester inférieur à 0,025.

La toxicité est essentiellement neurosensorielle, sous forme de déficits auditifs et d’anomalies rétiniennes, qui amènent à préconiser une surveillance annuelle de l’audiogramme et l’électrorétinogramme.

Une diminution de la vitesse de croissance, ainsi que des anomalies pseudorachitiques ont été décrites, chez de jeunes enfants traités alors qu’ils n’avaient qu’une surcharge modérée.

La réduction de la dose de Desféralt fait habituellement disparaître ces anomalies.

Des complications irréversibles ont été décrites chez des patients traités à de très fortes doses (100 à 200 mg/kg/j) pour une complication cardiaque majeure.

Certains patients traités par Desféralt par voie sous-cutanée font des réactions à type d’urticaire, parfois paradoxalement absentes quand le Desféralt est administré par voie intraveineuse.

D’autres patients font, à l’occasion d’injections sous-cutanées ou intraveineuses, des bronchospasmes qui font discuter le choix de l’autre chélateur existant : le Ferriproxt.

À noter enfin que le Desféralt doit être interrompu chez les patients présentant une fièvre d’origine inexpliquée, une diarrhée, des douleurs abdominales, tant qu’une infection par Yersinia enterocolitica n’a pas été éliminée, puisque cette bactérie dépourvue de sidérophores détourne à son profit la capacité du Desféralt de capter du fer, élément qu’elle utilise pour sa propre croissance.

* Chélateur oral : Ferriproxt (défériprone : 1,2 diméthyl-3- hydroxyridin-4-one : L1)

Si le Desféralt a prouvé son efficacité quand il est administré régulièrement, ce traitement est extrêmement contraignant, occasionnant souvent des arrêts de traitement par les patients qui le jugent inacceptable, et s’exposent alors aux risques de la surcharge en fer.

Un chélateur administrable par voie orale était donc attendu avec impatience.

La molécule pour laquelle on a aujourd’hui le plus de recul est le Ferriproxt.

Son activité chélatrice paraît inférieure à celle du Desféralt, n’induisant une élimination urinaire que de l’ordre de 65 % de celle provoquée par le Desféralt.

Une étude clinique importante est celle de Hoffbrand.

Parmi 51 patients thalassémiques traités par Ferriproxt (75 mg/kg/j), 49 % ont arrêté le traitement ou sont morts après 19 mois en moyenne.

Parmi les cinq décès, quatre étaient liés à une insuffisance cardiaque et un à une infection ; les principales causes des arrêts de traitement étaient : une arthropathie pour cinq patients ; un échec pour cinq autres ; cinq patients ont eu des symptômes digestifs sévères ; deux ont eu une neutropénie ; un patient a présenté une agranulocytose.

Les données les plus récentes sur la toxicité sont celles de Cohen et al.

L’incidence de l’agranulocytose (nombre de neutrophiles < 0,5 X 109/L) dans une population de 187 patients thalassémiques majeurs traités par 75 mg/kg/j est de 0,6/100 patients-alphannées, celle de la neutropénie (nombre de neutrophiles < 1,5 X 109/L) est de 5,4/100 patients-alphannées.

Une controverse avait été soulevée sur un éventuel risque hépatotoxique du Ferriproxt.

Les données les plus récentes semblent rassurantes sur ce point.

Du fait de sa toxicité potentielle, et de sa moindre efficacité par rapport au Desféralt, le Ferriproxt a reçu, en août 1999, une autorisation de mise sur le marché (AMM) restreinte aux patients thalassémiques pour lesquels un traitement par Desféralt est contreindiqué ou s’accompagne d’une toxicité sévère.

Les autres chélateurs oraux sont encore à des stades relativement précoces de leur développement, et ne sont pas disponibles en thérapeutique.

Les plus prometteurs sont le HBED (N,N-bishydroxybenzyl) éthylènediamine-N,N-diacétate) et son dérivé diméthylé, peu toxique mais insuffisamment efficaces et l’IRCO 11, qui n’a pas encore été testé chez l’homme.

Face à ce dilemme, une chélation efficace et terriblement contraignante, le Desféralt, et une chélation orale insuffisamment active, certaines équipes proposent d’alterner ces traitements, en administrant par périodes le Ferriproxt, et en relayant par le Desféralt quand la ferritine remonte.

4- Infections virales post-transfusionnelles :

Les patients thalassémiques sont une des populations les plus exposées au risque de contamination virale transfusionnelle.

Effectivement, une étude publiée en 1987 par le European-Mediterranean WHO Working Group, incluant 3 633 patients thalassémiques de 36 centres dans 13 pays, montrait que 1,56 % des patients avaient des anticorps antivirus de l’immunodéficience humaine (VIH).

L’instauration du dépistage des anticorps anti- VIH a considérablement réduit le risque de contamination par ce virus.

Un travail publié en 1990, concernant 305 patients thalassémiques majeurs français, italiens et belges, chiffrait la prévalence des anticorps anti-VIH à 0,7 % (patients contaminés avant le dépistage systématique chez les donneurs), anti-human T-cell lymphoma virus I (HTLV I) à 0,7 %, antivirus de l’hépatite C (VHC) à 34,1 %, anticytomégalovirus (CMV) à 69,5 %.

Neuf patients (3 %) étaient porteurs de l’antigène HBs.

Un problème majeur rencontré aujourd’hui chez les patients thalassémiques est celui de l’infection par le VHC, qui associe sa toxicité hépatique propre à celle de l’hémochromatose.

Le pourcentage de patients porteurs d’anticorps anti-VHC va de 23 % (Angleterre) à 75 % (Italie).

Bien que l’association interféron-ribavirine soit plus efficace qu’une monothérapie par interféron, certains contre-indiquent l’utilisation de la ribavirine chez les patients porteurs d’une hémoglobinopathie, du fait de l’aggravation de l’hémolyse provoquée.

Des traitements par interféron alpha seul ont donc été menés ; il apparaît que leurs chances de succès sont meilleures en l’absence de cirrhose, quand la surcharge en fer est faible, et en l’absence d’infection par le génotype Ib.

Une équipe a associé l’interféron alpha (3 millions UI par voie sous-cutanée trois fois par semaine) à la ribavirine (1 g/j) chez 11 patients thalassémiques.

Cinq ont eu une réponse soutenue à la bithérapie, deux une réponse transitoire, quatre n’ont pas répondu.

Les besoins transfusionnels ont été accrus en moyenne de 41 % (extrêmes : 25-94 %) pendant les 6 mois de l’étude.

La même équipe préconise donc actuellement, si les données de la ponction-biopsie hépatique l’indiquent, un traitement initial par interféron à la dose de 3 millions UI trois fois par semaine pendant 3 mois.

En l’absence d’amélioration, la dose d’interféron est doublée ; en l’absence encore d’amélioration, l’association à la ribavirine (1 g/j) est préconisée, sous couvert d’une augmentation des apports transfusionnels et d’une intensification de la chélation.

La persistance du génome viral au-delà de 12 semaines de bithérapie prédit fortement un échec, et engage à arrêter le traitement.

Par ailleurs, la vaccination contre l’hépatite B des patients thalassémiques est systématique.

5- Splénectomie :

Le développement d’un hypersplénisme est pratiquement constant dans la thalassémie majeure.

Il apparaît en général entre 6 et 8 ans, parfois plus tardivement chez des patients soumis d’emblée à des apports transfusionnels élevés.

Dans la grande majorité des cas, un hypersplénisme est évoqué devant une augmentation des besoins transfusionnels d’année en année, avec parfois la constatation d’une leucopénie ou d’une thrombopénie.

On estime actuellement qu’une consommation annuelle supérieure à 200 mL·kg–1·an–1 de concentrés érythrocytaires pour maintenir un taux d’Hb moyen proche de 12g·dL–1 doit faire évoquer un hypersplénisme et conduire à une splénectomie.

La splénectomie totale est préconisée, des méthodes alternatives à cette chirurgie n’ayant pas fait clairement la preuve de leur efficacité.

La vaccination antipneumococcique et la mise sous pénicilline V (Oracillinet) sont nécessaires.

Le risque thromboembolique est majoré chez les patients splénectomisés.

6- Supplémentation en acide folique :

Elle est systématique (5 mg/j) et indéfiniment poursuivie.

E - PRONOSTIC DES PATIENTS TRAITÉS PAR TRANSFUSION ET CHÉLATION :

Le traitement conventionnel de la thalassémie majeure a transformé l’espérance de vie des patients, dont la quasi-totalité atteint maintenant l’âge adulte.

En 1989, Zurlo et al montraient que le pourcentage de décès était de 60,6 % chez les patients nés avant 1965, et de 0,6 % chez ceux nés après 1979.

Une maladie cardiaque était la première cause de décès (63,6 %) ; la deuxième cause était une infection chez les patients décédant avant l’âge de 15 ans, une maladie hépatique chez les autres.

Les autres maladies fatales étaient ensuite des maladies hématologiques malignes (5 %), puis les maladies endocriniennes (2,5 %) et les accidents thromboemboliques (2,5 %).

En fait, si le pronostic vital est considérablement amélioré, la qualité de vie est grevée par la nécessité de la chélation du fer sous forme d’injections sous-cutanées quotidiennes sur plusieurs heures.

Le traitement chélateur est en fait rarement appliqué assez rigoureusement, si bien que la majorité des patients souffrent de plusieurs endocrinopathies, et nécessitent des traitement hormonaux substitutifs. Par ailleurs, même bien conduit, le traitement conventionnel n’évite pas la survenue d’une ostéoporose responsable de douleurs ostéoarticulaires sévères.

F - TRANSPLANTATION MÉDULLAIRE :

Du fait de la lourdeur de la maladie chez l’adulte, une greffe de moelle, même compte tenu de son risque de morbidité et de mortalité, doit légitimement être proposée aux patients qui disposent d’un donneur HLA compatible.

L’expérience la plus importante est celle de l’équipe de Pesaro en Italie.

L’étude de plus de 200 transplantations médullaires chez des enfants thalassémiques âgés de moins de 16 ans a permis à Lucarelli et al de relever trois facteurs pronostiques : l’existence d’une fibrose portale, la présence d’une hépatomégalie, et l’inadéquation de la chélation sont des facteurs péjoratifs significativement associés à une diminution des pourcentages de survie et de survie sans maladie.

Les probabilités de survie, survie sans maladie et de récurrence sont respectivement de 94 %, 94 %, et 0 % dans le groupe ne présentant aucun de ces facteurs de risque.

Ces très bons résultats ont fait discuter la transplantation médullaire chez des patients présentant des conditions initiales moins favorables.

Les probabilités de survie à 5 ans sont clairement moins bonnes chez les patients âgés de moins de 17 ans associant les trois facteurs de risque, mais diffèrent selon que le conditionnement a comporté plus ou moins de 200 mg/kg de ciclosporine (57 et 74 % respectivement).

Dans cette même catégorie de patients, le pourcentage de rejets varie selon que les patients ont reçu plus ou moins de 100 transfusions de globules rouges (53 et 24 % respectivement).

La même équipe a aussi réalisé des greffes de moelle allogéniques chez des patients âgés de 17 ans à 35 ans, et rapporte des pourcentages de survie, survie sans rejet et rejet respectivement de 66 %, 62 % et 4 %.

Une mortalité de l’ordre du tiers, chez les patients recevant des greffes de donneurs non apparentés, amène pour l’instant à récuser la greffe chez les patients n’ayant pas de donneur intrafamilial.

G - DIAGNOSTIC PRÉNATAL :

Il est possible dès 10 semaines de grossesse à partir d’un prélèvement de villosités choriales, à condition que les deux mutations en cause aient été préalablement identifiées chez les cas index et/ou les parents.

Sinon, une étude de ségrégation des marqueurs de l’acide désoxyribonucléique (ADN) du gène bêta-globine peut être réalisée par méthode indirecte si une étude familiale de l’ADN a pu être faite préalablement chez le cas index, ses parents voire ses germains, et a permis d’identifier le chromosome 11 porteur de la copie altérée du gène, et celui porteur d’une copie normale.

Il est maintenant beaucoup plus rare de faire une étude de l’hémoglobine à partir d’une ponction de sang foetal faite à une période plus tardive de la grossesse.

H - THÉRAPIE GÉNIQUE :

L’introduction dans le génome des cellules-souches hématopoïétiques de souris d’un gène de bêta-globine normal n’a induit jusqu’à ces toutes dernières années qu’un taux d’expression du gène normal à un niveau infrathérapeutique, diminuant de plus rapidement avec le temps.

Quelques essais récents de transfection de gènes chez la souris sont plus prometteurs, grâce notamment à une meilleure maîtrise des éléments régulateurs de l’expression génique (fragments du locus control region, pièce régulatrice d’importance majeure située en amont du gène bêta-globine) et à l’utilisation de nouveaux vecteurs viraux.

Une application à l’homme relève encore toutefois d’un avenir lointain.

Bêta-thalassémie intermédiaire :

C’est l’importance de l’anémie et des besoins transfusionnels qui amène à différencier les thalassémies homozygotes majeures et intermédiaires.

Les patients atteints de thalassémie intermédiaire ont une production résiduelle d’hémoglobine de l’ordre de 6 à 11 g/dL ne requérant pas de transfusion mensuelle.

La sévérité de l’expression clinique résulte de la conjonction d’au moins trois facteurs, la mutation bêta-thalassémique en cause, le nombre de gènes alpha, le taux de production de chaînes c capables de s’apparier avec les chaînes a, éléments qui seront donc tous pris en compte pour tenter de prédire la gravité clinique de l’affection ; cette prédiction doit rester toutefois très prudente, et seule l’observation des besoins transfusionnels permet de distinguer une thalassémie intermédiaire d’une forme majeure.

Sous l’influence combinée de ces différents paramètres, et sans doute d’autres non encore identifiés, l’expression clinique d’une thalassémie intermédiaire va de l’ absence de manifestation clinique, jusqu’à une dépendance transfusionnelle.

Le plus souvent, le tableau est celui d’une anémie hémolytique modérée (pâleur, hépatosplénomégalie), pouvant s’aggraver lors d’une infection, une érythroblastopénie, une grossesse, un hypersplénisme, une carence en folates.

Comme les patients ne sont pas transfusés, certains d’entre eux peuvent manifester les complications osseuses de l’hyperplasie médullaire.

Il peut s’agir de remodelage osseux, voire de l’apparition d’une tumeur hématopoïétique extramédullaire.

Des cas de compression médullaire ont été décrits. Leur traitement reposait classiquement sur la radiothérapie, plus ou moins associée à la chirurgie.

Très récemment, on a rapporté que l’hydroxyurée, sans association d’autre traitement, avait entraîné la régression d’une tumeur paraspinale chez un patient.

L’inflation érythroïde est aussi responsable d’une hyperabsorption intestinale du fer, si bien qu’une hémochromatose est parfois décrite chez des patients n’ayant jamais été transfusés.

Des ulcères de jambe, des lithiases, des thromboses sont aussi rapportés chez les patients adultes.

Le traitement est discuté cas par cas.

Une transfusion ponctuelle est nécessaire en cas d’aggravation de l’anémie chronique.

Certains patients peuvent nécessiter des transfusions régulières, souvent dans ce cas tous les 3 mois quand l’anémie chronique retentit sur le niveau d’activité, la scolarité, le développement staturopondéral, le modelage osseux.

L’apparition de besoins transfusionnels peut traduire la constitution d’un hypersplénisme, qui sera traité par une splénectomie. Une supplémentation en acide folique est utile (5 mg/j).

Quelques publications, incluant peu de malades et avec peu de recul, ont montré une augmentation significative du taux d’hémoglobine, permettant dans quelques cas un sevrage transfusionnel chez des patients thalassémiques intermédiaires, lors de traitements par hydroxyurée, érythropoïétine, et phénylbutyrate.

Hétérozygoties composites E/bêta-thalassémies :

A - ÉPIDÉMIOLOGIE :

L’HbE est l’Hb anormale la plus fréquemment rencontrée dans le Sugamma-Est asiatique.

La prévalence de l’HbE est maximale aux frontières de la Thaïlande, du Laos et du Cambodge, où près de 50 % de la population sont porteurs du gène de l’HbE.

Du fait de la fréquence des mutations bêta-thalassémiques en Asie du Sugamma-Est, l’hétérozygotie composite E/bêta-thalassémie, tout à fait caractéristique de cette région du monde, n’est pas rare.

B - PHYSIOPATHOLOGIE :

La mutation E, de type thalassémique, réduit la quantité de chaînes bE synthétisées.

Les patients E/bêta-thalassémiques ont donc deux allèles thalassémiques, mais la sévérité de l’anémie est très variable.

Comme pour les bêta-thalassémies, on décrit les E/bêtalpha0-thalassémies et les E/bêtalpha+- thalassémies.

L’association à une alpha-thalassémie, l’activité des gènes delta sont d’autres facteurs contribuant à la diversité de l’expression clinique et biologique.

C - MANIFESTATIONS CLINIQUES ET BIOLOGIQUES :

Les signes cliniques sont très variables, allant d’un tableau de thalassémie intermédiaire à celui d’une thalassémie majeure.

Les patients présentent donc à des degrés variables une anémie, un ictère, une hépatosplénomégalie, des modifications osseuses, un retard du développement pubertaire.

L’hyperabsorption intestinale du fer peut entraîner une hémochromatose, chez des patients non transfusés. Une série de 802 malades à l’état basal montre des taux d’hémoglobine de 2,6 à 13,3 g/dL, en moyenne à 7,7 g/dL.

D - TRAITEMENT :

Il est fonction de la production d’hémoglobine.

Une majoration des besoins transfusionnels peut indiquer un hypersplénisme qui sera corrigé par une splénectomie.

Les patients ayant une surcharge en fer doivent être traités par Desféralt.

Une supplémentation en acide folique est utile (5 mg/j).

Une amélioration de l’érythropoïèse et une augmentation de la production d’HbF ont été rapportées sous hydroxyurée dans une série de 13 patients.

Bêta-thalassémies intermédiaires de transmission dominante :

Elles ont un tableau clinique de thalassémie intermédiaire.

Les mutations sont de type hyperinstable.

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