Le diagnostic positif de schizophrénie se heurte à la
complexité de la nosologie psychiatrique qui juxtapose
une classification « classique » aux nouvelles classifications
internationales.
Sur le plan sémiologique, cette
affection se caractérise par l’association de troubles de
la pensée, de la relation, de l’affectivité et des perceptions
entraînant une altération du fonctionnement social du
sujet.
Sur le plan évolutif, la présence de symptômes
pendant une période supérieure à 1 mois, qu’elle soit
intermittente ou chronique, est nécessaire au diagnostic.
Le diagnostic des syndromes schizophréniques figure
dans les classifications internationales.
A - Syndromes cardinaux
de la schizophrénie :
Trois syndromes cliniques cardinaux se trouvent au
centre de la symptomatologie schizophrénique : la
dissociation, l’autisme et le délire paranoïde.
Leur
association, dans des proportions variables, détermine
les différents tableaux cliniques de la schizophrénie.
1- Syndrome dissociatif
:
Signe fondamental, caractéristique de la schizophrénie
bien que non pathognomonique, il correspond à la
perte de la cohésion et de l’unité de la personnalité.
La dissociation peut se manifester dans différents
domaines de la vie du sujet.
• Dans le fonctionnement intellectuel : pensée digressive,
diffluente, désorganisée, barrages (brèves suspensions
immotivées du discours), appauvrissement intellectuel
progressif, troubles du discours avec utilisation de néologismes
ou de paralogismes, réponses « à côté » et,
dans les cas les plus sévères, mutisme ou langage totalement
incompréhensible, appelé schizophasie.
• Dans la vie affective : grande ambivalence, émoussement
des affects, froideur, indifférence mais avec possibilité
de brusques manifestations émotives, souvent
inappropriées ou paradoxales (discordance affective).
• Dans le comportement, on constate :
– perte d’initiative pouvant aboutir à l’apragmatisme,
incapacité d’effectuer complètement des actions
nécessitant une certaine coordination ;
– troubles des conduites : possibilité d’actes dangereux
ou insolites, bizarrerie ;
– discordance psychomotrice : maniérisme, sourires
immotivés, réactions d’opposition désadaptées, stéréotypies
motrices, voire catalepsie (immobilité avec
flexibilité cireuse et conservation des attitudes imposées);
– parfois, catatonie, syndrome psychomoteur caractérisé
par des perturbations pouvant aller d’un extrême à
l’autre : mutisme, avec négativisme extrême (résistance
à tout ordre ou tentative de mobilisation) ou stupeur,
s’accompagnant parfois de persévérations verbales ou
d’une écholalie ; catalepsie ou postures catatoniques
(maintien volontaire d’une position inadéquate) et
survenue d’épisodes d’excitation à type de décharges
verbales ou motrices stéréotypées.
2- Syndrome autistique ou autisme
schizophrénique :
Il s’agit d’un repliement sur soi, témoin de la prédominance
de la vie intérieure du patient schizophrène.
Il
associe un trouble de la relation et un trouble de la pensée.
• Retrait autistique : le sujet semble distant, isolé,
indifférent.
• Pensée autistique : obéissant à une logique personnelle,
elle est centrée sur l’activité délirante et paraît incohérente.
Elle conduit au désinvestissement de la réalité
et à l’isolement.
3- Délire paranoïde
:
• Son organisation : délire mal structuré, flou, non systématisé,
parfois dépourvu d’axe thématique particulier
ou de thématique changeante.
• Ses thèmes : tous les thèmes de délire peuvent se
rencontrer et même s’associer.
Les plus fréquents sont la
dépersonnalisation, souvent accompagnée d’impressions
de transformations corporelles ou de dysmorphophobie,
les délires de persécution, d’influence, de
filiation, de grandeur, mais aussi mégalomaniaques,
érotomaniaques ou mystiques.
La thématique délirante
s’accompagne généralement d’un vécu anxieux intense.
• Ses mécanismes : ils sont variés et peuvent être présents
de façon concomitante (intuition, interprétation,
hallucination, imagination).
L’automatisme mental est
classique.
Différentes formes ont été décrites mais les
symptômes les plus fréquemment rencontrés sont la
survenue d’à-coups dans le déroulement de la pensée,
d’un « devinement » de la pensée d’autrui et de l’impression
d’être deviné (vol de la pensée), la présence de
pensées imposées, l’énonciation et le commentaire des
actes réalisés, des hallucinations acoustico-verbales et sensorielles tactiles
pouvant être accompagnées de gestes parasites imposés.
B - Notion
de symptômes positifs et négatifs :
L’étude de
l’évolution clinique des patients schizophrènes sous traitement a
conduit à considérer les symptômes psychotiques d’une autre manière,
en les classant en 2 catégories opposées.
Les symptômes
dits « positifs » rendent compte de la dimension productive de la
pathologie schizophrénique, tandis que les symptômes dits « négatifs
semblent traduire sa composante déficitaire.
En pratique, les patients présentent
une association de ces deux types de symptômes dans
des proportions variables.
C - Formes cliniques des syndromes
schizophréniques
:
Le passage d’une forme clinique à une autre est possible
au cours de l’évolution de la maladie.
Il ne s’agit donc
pas obligatoirement de tableaux fixés et définitifs.
• Schizophrénie paranoïde : c’est la forme typique de
description de la schizophrénie.
Le début des troubles
peut être insidieux ou faire suite à une expérience
délirante aiguë inaugurale.
Le délire paranoïde, souvent
à thème de persécution ou d’influence, et les hallucinations
sont au premier plan.
La désorganisation conceptuelle et
les symptômes négatifs sont discrets ou absents.
Il existe
souvent des perturbations de l’humeur, à type d’irritabilité,
d’accès de colère ou d’excitation psychomotrice.
Une symptomatologie dépressive atypique peut aussi
être présente au second plan.
L’évolution peut se faire
sur un mode continu ou sous la forme d’accès délirants
successifs suivis de périodes de rémission.
Le délire a
tendance à s’appauvrir au fil du temps.
• Schizophrénie hébéphrénique ou désorganisée : elle
débute de façon insidieuse, généralement pendant l’adolescence.
Le syndrome dissociatif est prédominant avec
un délire pauvre ou absent.
L’émoussement affectif et la
désorganisation sont au premier plan.
Le discours est
décousu ou très pauvre, parfois incohérent.
Il existe
fréquemment un maniérisme.
L’humeur paraît superficielle
et inappropriée.
Le patient ne formule plus de
projets concrets, même s’il peut parfois s’intéresser, de
façon improductive, à différents sujets abstraits.
Il a
tendance à s’isoler sur le plan relationnel et social.
• Schizophrénie catatonique : forme clinique assez
rare, caractérisée par la présence au premier plan de
manifestations de type catatonique.
Les perturbations
psychomotrices peuvent s’accompagner d’un état oniroïde comportant des expériences hallucinatoires
intensément vécues.
• Héboïdophrénie : forme particulière caractérisée par
des comportements impulsifs de type psychopathique.
On retrouve des manifestations de discordance ainsi
qu’un appauvrissement idéique progressif.
• Schizophrénie simple : dénomination utilisée pour
décrire la survenue progressive d’une diminution globale
des performances sociales de l’individu.
La symptomatologie,
qui apparaît sans avoir été précédée d’un épisode
psychotique aigu, se traduit par une perte générale
d’intérêt, une inactivité et un retrait social.
Il existe un
syndrome dissociatif modéré, sans trouble majeur du
cours de la pensée.
L’activité, bien que très stéréotypée,
peut rester adaptée à la réalité mais aboutit le plus
souvent à une désinsertion sociale croissante.
• Troubles schizo-affectifs ou schizophrénie dysthymique
: entité diagnostique discutée, il s’agit d’une
forme frontière entre la schizophrénie et les troubles
bipolaires.
Les symptômes psychotiques, à type d’idées
délirantes, d’hallucinations, de relâchement des associations
ou de comportement catatonique sont présents de
façon concomitante avec des troubles thymiques, de
type dépressif, maniaque ou mixte, mais aussi en l’absence
de ces derniers.
L’évolution se fait habituellement sur un
mode périodique avec des phases de rémission.
D - Examens paracliniques
:
Si aucun examen complémentaire n’est indispensable au
diagnostic de schizophrénie, certains peuvent s’avérer
utiles pour affiner le diagnostic et surtout pour le diagnostic
différentiel.
• Scanner cérébral : il est le plus souvent normal, bien
que des anomalies aient été décrites chez certains
patients.
• Tests psychologiques : les tests projectifs, comme le
test de Rorschach, sont parfois utilisés pour préciser le
diagnostic différentiel avec les troubles de la personnalité.
Des tests neuropsychologiques, non utilisés en routine,
permettent d’identifier et de quantifier les troubles
cognitifs rencontrés chez certains patients.
E - Diagnostic différentiel
:
1- Devant des troubles d’apparition récente
:
Le polymorphisme des syndromes schizophréniques et
la grande variété des modes d’entrée dans la schizophrénie
peuvent rendre difficile le diagnostic, qui nécessite
toujours de prendre en compte l’aspect évolutif des
troubles.
2- À la période d’état
:
• Délires chroniques non schizophréniques : les
délires paranoïaques sont systématisés, doués d’une
forte cohérence interne, de thématique généralement persécutive ou passionnelle ; les manifestations hallucinatoires
sont rares et il n’existe pas de syndrome dissociatif
; le fonctionnement social est habituellement peu
altéré, en dehors des possibles conséquences de l’activité
délirante.
Dans la paraphrénie et la psychose hallucinatoire chronique
(PHC), les troubles débutent plus tardivement
(généralement après 35 ans).
L’automatisme mental y
est classique mais on ne retrouve pas de composante dissociative
et l’adaptation à la réalité est généralement
conservée.
• Troubles bipolaires : l’intensité de la thématique
maniaque ou mélancolique peut en imposer pour un
syndrome délirant mais les idéations du patient sont
congruentes à l’humeur.
L’absence de troubles entre les
accès et la réponse très favorable au traitement de
l’humeur sont des arguments majeurs.
Notons cependant
que, chez certains patients bipolaires, des symptômes
psychotiques non congruents à l’humeur peuvent être
présents et que la récupération entre les accès n’est pas
toujours excellente, entraînant une altération du fonctionnement
social.
Le diagnostic différentiel avec un
trouble schizo-affectif peut alors s’avérer difficile.
• Troubles de la personnalité : il s’agit tout d’abord de
la personnalité schizoïde, caractérisée par un détachement
majeur par rapport aux relations sociales.
Le sujet
présente une indifférence à autrui et un certain émoussement
affectif mais sans véritable syndrome autistique ou
dissociatif.
La personnalité schizotypique présente quant à elle des
troubles caractérisés par un comportement excentrique
et des croyances bizarres, ayant souvent trait au surnaturel,
s’accompagnant d’une pauvreté des affects et d’idéations
méfiantes, sans réel syndrome délirant.
La pensée est
souvent stéréotypée mais sans incohérence marquée et
sans dissociation.
Des épisodes transitoires comportant
des expériences de dépersonnalisation ou des hallucinations somato-sensorielles sont possibles.
Concernant ces deux troubles de la personnalité, on
parle d’« états prépsychotiques » car ils constituent parfois
l’état prémorbide d’une schizophrénie caractérisée.
• Troubles dissociatifs : des expériences de dépersonnalisation,
à caractère oniroïde, peuvent se rencontrer
sur des structures de personnalité pathologique de type
hystérique ou état limite.
L’appréciation de la réalité demeure intacte au décours immédiat de ces épisodes
dont la nature et le contexte se situent dans un registre
très différent de la schizophrénie.
• Affections organiques : une atteinte du système
nerveux central, notamment d’origine traumatique,
vasculaire, tumorale, métabolique, dégénérative ou
toxique, est susceptible d’entraîner d’importants troubles
du fonctionnement cognitif et du comportement, ainsi
que des manifestations délirantes ou hallucinatoires.
Un
ralentissement psychomoteur important ou la présence
d’hallucinations visuelles sont des symptômes évocateurs,
bien que non spécifiques.
Il est donc important de ne pas
négliger les données anamnestiques et l’examen clinique
des patients présentant des troubles d’allure psychotique.
Il est indispensable de réaliser un scanner cérébral
chez les sujets présentant un premier épisode psychotique,
même lorsque la symptomatologie semble typique.
Évolution
:
A - Modes de début de la schizophrénie
:
Les syndromes schizophréniques débutent le plus
souvent entre la fin de l’adolescence et le début de l’âge
adulte.
Les premiers troubles peuvent se manifester de
façon aiguë ou être plus insidieux.
1- Formes à début aigu
:
• Geste impulsif : tentative de suicide, automutilation,
passage à l’acte hétéro-agressif, fugue.
• Bouffée délirante aiguë (BDA) : on considère
habituellement qu’un tiers des cas sont suivis d’une
évolution vers un syndrome schizophrénique.
Un début
progressif de l’épisode psychotique aigu, la discrétion
des symptômes thymiques ou la réponse incomplète au
traitement font particulièrement redouter cette éventualité.
• Troubles de l’humeur atypiques : lors d'un épisode
dépressif, l’intensité du repli sur soi, la bizarrerie du
contact ou la présence d’idées délirantes non congruentes
à l’humeur dépressive sont des éléments évocateurs.
L’accès maniaque se traduit par l’absence de réelle
euphorie, une pensée plus incohérente qu’accélérée,
l’existence d’hallucinations, d’idées délirantes peu
congruentes à l’humeur maniaque, la persistance de
troubles importants de la pensée après amendement de
l’excitation psychomotrice.
Ce sont des signes non
spécifiques mais qui doivent attirer l’attention.
2- Formes à début insidieux
:
• Troubles d’allure névrotique : des éléments atypiques
évocateurs y sont généralement associés :
– les phobies, caractérisées par l’absence ou l’inefficacité
des comportements d’évitement et de réassurance ;
– les manifestations d’allure hystérique (crises hystériques
ou théâtralisme sans bénéfices secondaires
évidents, avec troubles du contact ou froideur affective
et un symbolisme oedipien absent ou d’une crudité
inhabituelle ;
– trouble obsessionnel compulsif, n’entraînant pas de
lutte anxieuse ou avec présence d’obsessions ou de
rituels d’allure délirante et dont le caractère absurde
n’est pas critiqué.
• Fléchissement progressif de l’activité et du fonctionnement
intellectuel ou modifications du caractère :
négligence professionnelle ou de l’hygiène corporelle,
indifférence affective, comportement apathique, isolement
social, développement de croyances à des phénomènes
surnaturels (ésotérisme, occultisme, mysticisme),
de passions insolites ou à caractère morbide, activité
intellectuelle abstraite ou hermétique.
• Troubles des conduites : il peut s’agir de comportements
agressifs répétés, de conduites addictives (alcoolisme,
toxicomanie), de troubles du comportement alimentaire
ou sexuel.
• Syndrome délirant ou hallucinatoire évoluant à bas
bruit : il se traduit extérieurement par des comportements
bizarres.
B - Modalités évolutives
:
Les syndromes schizophréniques sont caractérisés par
une évolution chronique et différentes modalités évolutives
sont décrites.
1- Évolution déficitaire
:
Avant l’avènement des traitements neuroleptiques,
l’évolution spontanée de la schizophrénie conduisait
souvent à un tableau fixé d’allure démentielle, dénommé
« démence précoce » par E. Kraepelin au siècle dernier.
Ce tableau est devenu rarissime mais une évolution déficitaire
sévère reste une éventualité possible, qui concernerait
de 25 à 30 % des patients.
Le tableau déficitaire
s’installe progressivement, en quelques années.
Il est
particulièrement à redouter dans les schizophrénies de
type hébéphrénique mais peut aussi apparaître dans les
formes cliniques d’évolution intermittente, sous la
forme d’une symptomatologie résiduelle d’intensité
croissante entre les accès psychotiques. Les manifestations
qui prédominent sont l’émoussement affectif, l’apragmatisme
et la désorganisation.
Des altérations des
fonctions cognitives peuvent se rencontrer dans les
formes les plus sévères.
Dans tous les cas, le fonctionnement
social du sujet est profondément altéré.
2- Stabilisation
:
Il s’agit du profil évolutif le plus répandu, qui concernerait
au moins 50 % des patients.
Il est fréquent dans les
formes paranoïdes et schizo-affectives.
La stabilisation
apparaît soit après un ou plusieurs épisodes psychotiques,
soit après une évolution continue des troubles,
surtout dans les formes paranoïdes et hébéphréniques.
Les symptômes positifs sont présents sous une forme
atténuée.
Il existe un syndrome dissociatif a minima, se
traduisant par une symptomatologie déficitaire modérée,
et le niveau de performance sociale est souvent médiocre.
L’évolution peut être favorable à long terme lorsque la
prise en charge thérapeutique et la qualité du support
social préexistant le permettent.
3- Amélioration et guérison
:
L’évolution des syndromes schizophréniques peut
conduire, dans un certain nombre de cas (environ 25 %), à
une rémission complète ou quasi complète des troubles.
4- Dépression
:
L’émergence d’une symptomatologie de type dépressif
est fréquente dans la pathologie schizophrénique.
Il peut
s’agir de troubles dépressifs associés à la symptomatologie
psychotique ou d’un authentique épisode
dépressif post-psychotique, appelé « dépression postschizophrénique
», survenant au décours d’une phase
délirante et s’accompagnant d’un risque accru de suicide.
Retenons que le risque de suicide est particulièrement
élevé dans la population des sujets schizophrènes,
environ 20 fois plus que dans la population générale.
Dans un grand nombre de cas, il est indépendant de la
symptomatologie dépressive.
C - Facteurs pronostiques
:
Certains éléments pourraient prédire une évolution favorable,
mais leur valeur demeure discutée : absence d’antécédents
familiaux de schizophrénie, début aigu et tardif
(après 30 ans), prédominance de symptômes positifs ou
thymiques, évolution intermittente des troubles, absence
d’anomalies cérébrales structurales.
Inversement, la persistance
dans le temps de la symptomatologie négative
marque particulièrement le risque d’une évolution déficitaire.
Traitement
:
Les différentes stratégies thérapeutiques doivent s’inscrire
dans le cadre d’un véritable projet thérapeutique à long
terme formulé au cas par cas.
Ce projet comprend 3 volets
indissociables : le traitement biologique, l’abord psychologique
et la prise en compte du retentissement social de
la maladie.
L’essentiel de la prise en charge thérapeutique
sera, autant que possible, réalisé en ambulatoire, par
exemple dans le cadre d’un suivi de secteur psychiatrique
par des consultations régulières en centre médico-psychologique
(CMP).
L’hospitalisation à temps plein est nécessaire
lors du début des troubles ou en cas d’exacerbation
de la symptomatologie psychotique, et plus particulièrement
devant un risque patent de passage à l’acte agressif ou
d’importants troubles du comportement.
Dans le cadre de
la loi du 27 juin 1990, l’hospitalisation sur demande d’un
tiers et l’hospitalisation d’office sont prévues pour les
patients qui ne sont pas en mesure de consentir à l’hospitalisation
et pour lesquels la prescription de soins urgents
doit être imposée.
A - Traitements biologiques
:
1- Neuroleptiques ou antipsychotiques
:
Le choix d’un neuroleptique pour un patient donné
repose à la fois sur des données cliniques empiriques et
sur des éléments pratiques, comme l’efficacité et la tolérance d’un traitement antérieur ou l'observance
thérapeutique prévisible.
• Traitement d’attaque : dans les formes positives, le
traitement nécessite généralement l’association d’un neuroleptique antiproductif et d’un produit sédatif.
Les posologies
doivent être d’emblée élevées en cas d’importante activité
délirante avec troubles du comportement.
Elles sont plus
progressives dans les autres cas et doivent toujours être
adaptées à la tolérance individuelle.
La voie intramusculaire
est utilisée en cas d’agitation ou de mauvaise observance
thérapeutique.
À titre indicatif, on peut utiliser les traitements
suivants : neuroleptique antiproductif, type halopéridol
(Haldol) 15 à 30 mg/j per os ou intramusculaire
répartis en 3 prises ou antipsychotique « atypique » type
rispéridone (Risperdal) 4 à 8 mg/j per os en une prise vespérale
; neuroleptique sédatif per os ou intramusculaire,
type lévomépromazine (Nozinan) 75 à 200 mg/j.
Ce traitement doit généralement être poursuivi pendant
plusieurs semaines avant d’opérer une diminution progressive
jusqu’à la dose minimale efficace.
Dans les formes déficitaires, une monothérapie à doses
progressives et modérées est utilisée. Les neuroleptiques
dits « désinhibiteurs » sont théoriquement indiqués,
type amisulpride (Solian) 50 à 400 mg/j, en 2 prises
quotidiennes. Les autres neuroleptiques peuvent aussi
être employés : halopéridol (Haldol) 5 à 15 mg/j,
rispéridone (Risperdal) 2 à 4 mg/j en 1 prise.
L’évolution
est souvent très lente et l’hospitalisation parfois
prolongée pendant plusieurs mois.
En cas de mauvaise réponse au traitement entrepris, il
convient d’utiliser un antipsychotique choisi dans une
classe pharmacologique différente.
Dans les formes
ayant résisté à plusieurs traitements neuroleptiques successifs,
il est possible d’utiliser la clozapine (Leponex),
antipsychotique atypique particulièrement efficace mais
d’usage réservé en raison de l’incidence possible de
graves troubles hématologiques de type agranulocytose.
• Traitement d’entretien : il obéit aux principes de la
monothérapie et de la posologie minimale efficace.
Le
choix du relais par un neuroleptique d’action prolongée
peut être proposé au patient en cas de faible observance
thérapeutique.
Le rythme des injections est généralement
de 4 semaines.
Par exemple, halopéridol décanoate
(Haldol Decanoas) 50 à 300 mg/4 semaines en intramusculaire
profonde.
Le rôle de la poursuite du traitement sur la diminution
du risque de rechute est clairement démontré et un
traitement prolongé indéfiniment est nécessaire chez
beaucoup de sujets.
Toutefois, un arrêt du neuroleptique
peut être discuté en cas de rémission nette et prolongée,
après 2 ans de traitement chez les patients ayant eu un
épisode pathologique unique, ou après une période supérieure
à 5 ans dans les autres cas.
L’arrêt du traitement
sera toujours très progressif.
2- Autres traitements biologiques
:
• Médicaments « correcteurs » : la prescription de correcteurs
n’intervient qu’en présence d’effets secondaires
significatifs ne cédant pas à une baisse de la dose du
neuroleptique.
La survenue de manifestations extrapyramidales gênantes
peut rendre nécessaire la prescription d’antiparkinsoniens
anticholinergiques, type tropatépine (Lepticur) 10 à
30 mg/j.
Leur utilisation doit être limitée dans le temps en
raison de leurs possibles effets secondaires.
En cas d’hypotension orthostatique, on utilise un correcteur tensionnel de type heptaminol (Hept-A-Myl) 3 à 6 comprimés/
j répartis en 3 prises.
En cas d’effets atropiniques gênants, des sialagogues,
type anétholtrithione (Sulfarlem S25) 3 comprimés/j, ou
des laxatifs sont employés de façon symptomatique.
• Thymorégulateurs : l’utilisation de sels de lithium, de
carbamazépine ou de valpromide, associée aux neuroleptiques,
est indiquée dans le traitement curatif des
accès aigus et la prévention des rechutes des troubles
schizo-affectifs.
Leurs règles de prescription sont les
mêmes que dans les troubles bipolaires.
• Antidépresseurs : ils se révèlent utiles chez les patients
stabilisés souffrant d’un état dépressif caractérisé ou dans
les formes dépressives des troubles schizo-affectifs.
• Électroconvulsothérapie : le recours à la sismothérapie
est rare mais peut s’imposer en cas d’épisode stuporeux,
catatonique ou dépressif menaçant le pronostic vital ainsi
que dans certaines formes résistantes de schizophrénie.
B - Abord psychologique
:
• Soutien psychologique : il est fondamental de pouvoir
instaurer, dès le début de la prise en charge, une relation
de confiance durable qui constitue le support de l’abord
psychothérapique.
Le soutien psychologique se base sur
la réassurance empathique du patient avec une attitude
de référence prudente à la réalité.
La prise de contact
avec l’entourage familial doit être systématiquement
envisagée.
Elle permet de délivrer de l’information sur
la maladie et son traitement et de renforcer le lien social
autour du patient.
• Prise en charge institutionnelle : le service hospitalier
constitue un espace psychothérapique.
Cette vocation
est particulièrement marquée dans les structures de
soins à temps partiel, comme les hôpitaux de jour ou de
semaine, qui font appel à des équipes pluridisciplinaires
(infirmiers, médecins, psychologues, kinésithérapeutes,
partenaires sociaux...).
Les objectifs à atteindre sont
d’améliorer les capacités de communication du patient et
de l’aider à restaurer l’autonomie nécessaire à son intégration
sociale.
Différentes approches psychothérapiques
de groupe peuvent être intégrées au fonctionnement
institutionnel.
Elles comprennent notamment une sollicitation
des aptitudes relationnelles, une approche corporelle,
par le biais d’activités sportives ou de relaxation,
l’ergothérapie, des activités occupationnelles variées.
• Thérapies cognitivo-comportementales : de plus en
plus utilisées, elles font référence aux théories de l’apprentissage
par conditionnement opérant et aux modèles de
traitement de l’information.
Elles peuvent se présenter
sous la forme de « modules », comme l’éducation à la
gestion du traitement neuroleptique ou l’entraînement
aux habiletés sociales.
• Thérapies familiales : basées sur les modèles de
thérapie systémique, elles peuvent s’avérer utiles pour
tenter d’analyser un jeu relationnel intrafamilial pathologique,
se traduisant par une mauvaise maîtrise des
affects dans les processus de communication.
• Thérapies individuelles structurées : leur place
demeure assez restreinte et leur pratique difficile chez
les patients schizophrènes, chez qui la relation duelle
peut être vécue comme intrusive.
C - Aspects sociaux
:
L’objectif à atteindre est de favoriser l’accès du patient
à l’ensemble des registres de la vie sociale que sont
l’autonomie financière, l’hébergement, le travail et les
activités culturelles et de loisirs.
Des aménagements
progressifs sont généralement nécessaires, passant
par exemple par un hébergement en appartement thérapeutique
ou en hospitalisation de nuit et l’intégration
d’une activité en milieu protégé, par exemple dans le
cadre de centres d’accueil et de thérapeutique à temps
partiel (CATTP), d’ateliers thérapeutiques ou de centres
d’aide par le travail (CAT).
Des mesures d’attribution et
de gestion des ressources sont prévues dans le cadre
législatif et comprennent l’attribution, par la Commission
technique d’orientation et de reclassement professionnel
(COTOREP), d’une allocation d’adultes handicapés
(AAH) et la discussion au cas par cas de la mise en place
d’un régime de protection des biens, de type curatelle
ou tutelle.