Syndrome néphrotique de l’adulte Cours de Néphrologie
Introduction
:
Le syndrome néphrotique (SN) est défini par une protéinurie
supérieure à 3 g/jour s’accompagnant d’une hypoalbuminémie
inférieure à 30 g/L et d’une hypoprotidémie inférieure à 60 g/L.
Pour beaucoup d’auteurs, le SN est mieux défini par une protéinurie
abondante supérieure à 3 g/jour, sans mention de valeurs seuils
d’albuminémie et de protidémie qui sont arbitraires, ce d’autant que
les complications ou conséquences de ce syndrome sont pour la
plupart liées à la protéinurie.
Causes
:
La néphropathie diabétique est la cause la plus fréquente de
protéinurie néphrotique.
A - LÉSIONS GLOMÉRULAIRES MINIMES
:
Le syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes (LGM)
représente environ 80 % des SN de l’enfant, mais seulement 20 %
des SN de l’adulte.
Le début est le plus souvent brutal, et se
manifeste par des oedèmes (face, région périorbitaire, membres
inférieurs).
Le syndrome néphrotique observé dans cette pathologie
est le plus souvent pur (sans hématurie, sans hypertension artérielle,
sans insuffisance rénale organique), et la protéinurie est sélective
(l’albumine représente plus de 70 % des protéines présentes dans
les urines).
Une insuffisance rénale réversible (fonctionnelle ou par
nécrose tubulaire aiguë) est parfois associée en cas de SN très sévère.
On retrouve fréquemment un terrain atopique et un excès de
fréquence des antigènes HLA A8, B13 et DR7.
Le diagnostic
repose sur la biopsie rénale systématique chez l’adulte.
Histologiquement, les glomérules sont normaux ou très modérément
altérés en microscopie optique.
Il n’y a aucun dépôt en
immunofluorescence.
On retrouve des lésions épithéliales diffuses,
avec effacement ou fusion des pédicelles en microscopie
électronique.
Le SN à LGM est le plus souvent primitif, mais peut quelquefois
accompagner ou compliquer certaines pathologies (lymphomes) ou
médicaments (anti-inflammatoires non stéroïdiens).
Non compliqué d’hyalinose segmentaire et focale, il s’agit d’une maladie bénigne.
Il
existe peu d’études thérapeutiques randomisées contrôlées chez
l’adulte.
Le niveau de preuve pour chacune des thérapeutiques est
donc assez faible, comparativement au SN à LGM de l’enfant.
Le
traitement repose comme chez l’enfant sur les stéroïdes, mais doit
être plus prolongé.
Les schémas conseillés suggèrent l’utilisation de fortes doses de prednisone (1 mg/kg/j) pendant 8 à 10 semaines, suivies par une
décroissance progressive sur quelques mois.
Comme chez l’enfant, il est habituel de diminuer la corticothérapie
de façon très progressive.
À la fin du traitement d’attaque, on
diminue de moitié la posologie pour une durée de 4 semaines.
La
décroissance se poursuit jusqu’à l’arrêt en quelques mois (6 mois
environ), pour une durée totale de traitement de 9 mois.
Le taux de
rémission est comme chez l’enfant voisin de 85 %. En revanche, le
taux de rechute est plus élevé chez l’adulte, avoisinant les 70 %.
En cas de rechute après arrêt des stéroïdes, le même schéma peut
être proposé.
En effet, l’intensité de la corticothérapie ne semble pas
pouvoir modifier le risque de récidive ultérieure.
Il est relativement
difficile chez l’adulte de modéliser le traitement par stéroïdes des
rechutes, mais rien ne soutient l’hypothèse d’un traitement plus long
et/ou plus intense.
En cas de corticodépendance ou de rechutes
fréquentes, une rémission peut être obtenue soit avec les agents
alkylants (cyclophosphamide oral 2 à 3 mg/kg/j), soit avec la
cyclosporine (5 mg/kg/j).
En ce qui concerne les agents alkylants, le niveau de preuve des études est faible, interdisant la
diffusion de recommandations claires.
Une étude randomisée a
comparé la ciclosporine à un placebo dans le traitement des SN corticodépendants, montrant l’effet bénéfique de la ciclosporine.
Malheureusement, cette étude incluait peu d’adultes, et la majorité
des patients avait une hyalinose segmentaire et focale.
Une étude
randomisée a comparé cyclophosphamide et ciclosporine dans le
traitement des SN corticodépendants, et a conclu à une supériorité
du cyclophosphamide à maintenir une rémission prolongée, le taux
de rémission initial étant égal dans les deux groupes de traitement.
Néanmoins, peu d’adultes étaient inclus dans cette étude.
B - HYALINOSE SEGMENTAIRE ET FOCALE (HSF)
:
Sous le terme de HSF sont rassemblées des affections glomérulaires
diverses, partageant une lésion histologique commune.
En
microscopie optique, on observe un collapsus glomérulaire, une
adhésion du flocculus à la membrane de Bowman, et une
condensation de matériel hyalin amorphe.
Ces lésions sont focales,
et souvent restreintes au stade précoce aux glomérules juxtamédullaires.
Parfois peuvent s’associer une hypercellularité
mésangiale modérée et une occlusion partielle de la lumière
capillaire par les dépôts hyalins.
La HSF représente environ 5 à 15% des causes de SN de l’adulte.
Elle est plus fréquente chez le sujet de race noire, et chez l’homme.
Le SN est le mode de présentation le plus fréquent de la HSF
(environ 50 à 70 %).
Le SN est impur, compliqué d’hypertension
artérielle (HTA) (50 %), d’hématurie (40 à 60 %), et d’insuffisance
rénale (20 à 40 %).
En cas de SN, l’évolution spontanée est le plus
souvent péjorative.
Les formes se présentant d’emblée avec une
insuffisance rénale, une fibrose interstitielle > 20 % et des lésions
cellulaires > 1 %, ont une évolution plus fréquente et plus rapide
vers l’insuffisance rénale terminale.
En cas de SN, le traitement
initial repose sur la corticothérapie prolongée à fortes doses
(prednisone 1 mg/kg/j pendant 12 à 16 semaines, puis 0,5 mg/kg/j
pendant 6 à 8 semaines avec diminution très progressive de la
posologie).
Le pronostic rénal des HSF néphrotiques est
conditionné par la survenue d’une rémission du SN sous stéroïdes.
En cas de corticorésistance (persistance du SN après 4 mois de
prednisone à 1 mg/kg/j), deux types de traitement peuvent se
discuter : soit avec les agents alkylants (cyclophosphamide oral 2 à
3 mg/kg/j), soit avec la ciclosporine (5 mg/kg/j).
C - GLOMÉRULONÉPHRITE EXTRAMEMBRANEUSE (GEM)
:
Chez l’adulte, la GEM est la première cause de SN de l’adulte parmi
les glomérulonéphrites chroniques (GNC) primitives.
Le
syndrome néphrotique est le mode de révélation le plus fréquent de
la GEM (80 %).
L’hypertension est présente dans environ 30 % des
cas, l’hématurie microscopique dans 50 % des cas.
La GEM est
définie histologiquement par la présence des dépôts
d’immunoglobulines (Ig)G, situés sur le versant externe de la
membrane basale glomérulaire en position sous-épithéliale.
La GEM
est divisée artificiellement en trois types.
Il n’y a pas de stricte
corrélation anatomoclinique, néanmoins, une insuffisance rénale est
fréquente au stade 3.
La GEM de type 1 est caractérisée par un épaississement minime de
la paroi capillaire glomérulaire.
À ce stade, on retrouve quelques
dépôts granuleux d’IgG en immunofluorescence ou des particules
denses le long du versant externe de la membrane basale
glomérulaire en microscopie électronique.
Au stade 2, il existe des
dépôts extramembraneux plus réguliers et abondants.
La membrane
basale présente entre les dépôts donne un aspect dit de « spike »
Dans la GEM de
type 3, les dépôts denses deviennent plus clairs et la membrane
basale peut s’épaissir avec un aspect de double contour.
Les dépôts sont
alors complètement incorporés et entourés par la membrane basale.
Une fibrose
interstitielle ou une atrophie tubulaire de mauvais pronostic
peuvent accompagner ces lésions élémentaires.
La GEM est
fréquemment secondaire (25 %, et un bilan étiologique doit être
conduit à la recherche des principales étiologies.
Dans les formes primitives, l’évolution est très
variable. Une rémission spontanée de la protéinurie survient chez 5
à 20 % des patients. Une rémission partielle définie par une
protéinurie inférieure à 2 g/jour survient chez 25 à 40 % des
patients.
L’incidence de l’insuffisance rénale terminale est d’environ
15 % à 5 ans, 35 % à 10 ans et 40 % à 15 ans. Un certain nombre de
facteurs de mauvais pronostic sont identifiés, dont les principaux
sont : le sexe masculin, l’âge supérieur à 50 ans, l’intensité et la durée
d’évolution du SN, et l’existence d’une fibrose interstitielle sur la
biopsie.
Dans ces cas, ainsi que dans les formes déjà
compliquées, un traitement est indiqué.
Il repose en première
intention sur l’association de stéroïdes et d’agents alkylants
(chlorambucil ou cyclophosphamide).
Ce type de traitement
augmente d’un facteur 4 environ la probabilité de rémission. En cas
d’échec, un traitement par ciclosporine peut être efficace.
D - AUTRES NÉPHROPATHIES GLOMÉRULAIRES
PRIMITIVES :
La glomérulonéphrite membranoproliférative (GNMP) est une
pathologie devenue rare. La néphropathie à IgA, GNC la plus
fréquente, se complique rarement de SN.
E - NÉPHROPATHIES GLOMÉRULAIRES SECONDAIRES
:
Toutes les pathologies glomérulaires secondaires peuvent
s’accompagner de SN.
Les plus fréquentes après la néphropathie
diabétique sont l’amylose, le lupus érythémateux disséminé, et les
causes médicamenteuses.
Physiopathologie de la fuite urinaire
de protéines :
Le passage dans la chambre urinaire de protéines plasmatiques de
poids moléculaire supérieur à 70 kDa à travers la paroi capillaire
glomérulaire est normalement limité par deux barrières sélectives :
une de charge et une de taille.
La barrière sélective de charge
est le fait des glycoaminoglycanes polyanioniques, revêtant la
membrane basale glomérulaire et les cellules avoisinantes, qui
empêche le passage de protéines plasmatiques anioniques de taille
moyenne (70 à 150 kDa) dont l’albumine.
La barrière sélective de
taille résulte de la présence de pores dans la membrane basale
glomérulaire et dans les diaphragmes de fente épithéliale, et
empêche le passage des protéines plasmatiques de poids moléculaire
supérieur à 150 kDa.
Le syndrome néphrotique à LGM résulte
principalement d’une perte de la sélectivité de charge, alors que
les autres glomérulonéphrites, par exemple la GEM, résultent
essentiellement d’une perte de la sélectivité de taille.
Conséquences cliniques
de la protéinurie néphrotique :
A -
RÉTENTION HYDROSODÉE ET FORMATION
DES OEDÈMES :
Le schéma physiopathologique classique repose sur une séquence
d’événements associant une hypoalbuminémie, une baisse de la
pression oncotique, un transfert de liquide du secteur vasculaire vers
l’espace interstitiel, une hypovolémie, un hyperaldostéronisme, une
diminution de l’excrétion urinaire de sodium.
Néanmoins, cette
hypothèse n’explique pas certains faits cliniques et expérimentaux,
et il a été proposé un schéma physiopathologique exactement
opposé : un dysfonctionnement tubulaire primaire, à l’origine d’une
réabsorption excessive de sodium, puis d’une expansion volémique,
alimenterait le transfert de liquide vers l’espace interstitiel et la
formation d’oedèmes.
La mesure de la volémie des patients néphrotiques ne conforte aucune des deux théories, puisque le
volume plasmatique est abaissé dans environ un cas sur trois,
augmenté dans un cas sur quatre, situé dans la limite des valeurs
normales dans les autres cas.
De plus, les malades avec et sans
symptômes d’hypovolémie ont des « quantités d’oedèmes »
identiques.
Enfin, l’expansion volémique par une perfusion
d’albumine ne permet pas d’inverser le bilan sodé des malades
néphrotiques avec oedèmes.
La volémie n’est donc pas
déterminante dans la constitution des oedèmes, ni dans la rétention
rénale de sodium.
L’augmentation de la perméabilité capillaire et la
dérégulation de la réabsorption tubulaire du sodium sont donc deux
mécanismes primaires et indépendants qui permettent d’expliquer
la constitution des oedèmes sans intervention de la volémie.
L’augmentation de l’ultrafiltration du plasma à travers la paroi
capillaire n’est pas exclusivement en rapport avec la baisse de la
pression oncotique.
Les malades analbuminémiques ont une
pression oncotique basse, suffisante pour induire une
hypercholestérolémie et une hypertriglycéridémie, mais ont des
oedèmes limités aux chevilles, transitoires, voire complètement
absents.
La seule baisse de la pression oncotique ne permet donc
pas d’expliquer la constitution d’une quantité importante d’oedèmes.
Un trouble primaire de la perméabilité endothéliale est probable
dans le syndrome néphrotique idiopathique.
En effet, les
surnageants de culture de lymphocytes prélevés chez des malades néphrotiques en poussée provoquent un accroissement significatif
de la perméabilité vasculaire.
Par ailleurs, l’endothélium
partage des structures moléculaires communes avec le podocyte,
dont les jonctions adhérentes (ZO-1, P-cadhérines, caténines).
Elles
sont connectées avec le réseau d’actine et d’a-actinine qui constitue
aussi le cytosquelette membranaire des cellules endothéliales, et joue
un rôle déterminant dans l’étanchéité de la barrière endothéliale vis-à-vis de l’eau et de ses solutés.
Les facteurs de perméabilité
glomérulaire qui perturbent l’équilibre de ces complexes
macromoléculaires dans le podocyte pourraient affecter les mêmes
équilibres dans la cellule endothéliale, et modifier directement leurs
propriétés d’étanchéité.
La rétention rénale du sodium est la somme d’un excès de
réabsorption active dans la partie corticale du tube collecteur et
d’une défaillance de la sécrétion de sodium dans sa partie
médullaire interne.
Une activation de la pompe à sodium tubulaire
(Na-K adénosine-triphosphatase) a été mise en évidence
exclusivement dans le tube collecteur cortical.
Cette activation
est indépendante de l’aldostérone et de la protéinurie.
L’excrétion urinaire de sodium est inversement et étroitement
corrélée à l’activité de cette pompe à sodium pendant la phase de
constitution de l’ascite et des oedèmes.
Ces résultats suggèrent
que l’activation exclusive de la pompe à sodium dans le tube
collecteur cortical est le phénomène actif de la rétention rénale de
sodium dans les syndromes néphrotiques.
Cet excès de réabsorption
devrait normalement être compensé par une sécrétion de sodium
dans la partie médullaire interne du tube collecteur sous l’influence
du facteur atrial natriurétique, mais son action tubulaire est inhibée
dans les syndromes néphrotiques expérimentaux et dans le
syndrome néphrotique idiopathique.
Cette inhibition est
secondaire à la réduction de la production intracellulaire de la guanosine monophosphate cyclique, second messager du facteur
atrial natriurétique.
B - COMPLICATIONS THROMBOEMBOLIQUES
:
L’incidence des accidents thromboemboliques est élevée,
compliquant de 10 à 40 % des syndromes néphrotiques selon les
séries.
L’incidence de la thrombose des veines rénales est
particulièrement élevée, en particulier chez les patients atteints de
GEM ou de GNMP.
Les formes asymptomatiques de
thrombose des veines rénales, diagnostiquées sur l’échographiedoppler,
la tomodensitométrie, ou l’imagerie par résonance
magnétique (IRM), sont plus fréquentes que les formes
symptomatiques, révélées par une douleur lombaire, une hématurie
macroscopique, une détérioration rapide de la fonction rénale, ou
une augmentation brutale de la protéinurie.
En cas de thrombose des veines rénales, le risque d’embolie
pulmonaire est important.
Les thromboses des veines périphériques sont fréquentes, et l’on
estime l’incidence à environ 12 %.
Des thromboses veineuses de
siège inhabituel (veines sous-clavière, axillaire, splénoportale, sinus
cérébraux) et artérielles ont également été décrites.
Différentes anomalies de l’hémostase ont été décrites au cours du
syndrome néphrotique, et peuvent expliquer cette forte incidence
de maladies thromboemboliques.
Des taux élevés de différents
facteurs de la coagulation (fibrinogène, facteurs V, VIII, XIII) sont
fréquemment retrouvés au cours du syndrome néphrotique.
L’élévation du fibrinogène est l’anomalie la plus constante. Dans
la plupart des séries, la concentration moyenne en fibrinogène des
patients néphrotiques excède 6 g/L.
L’élévation des taux de
fibrinogène, fibronectine, facteurs V, VIII, et XIII, est la conséquence
de l’augmentation de la synthèse hépatique de ces protéines, en
rapport avec l’hypoalbuminémie.
Des taux bas de facteur XII ont été
décrits, et sont probablement en rapport avec une consommation
intravasculaire.
Les facteurs II, VII, IX, et X sont généralement
retrouvés à des taux normaux.
Concernant les protéines
anticoagulantes naturelles, il est classiquement retrouvé : des taux
normaux ou bas d’antithrombine III, des taux élevés de
protéine C, des taux bas de protéine S libre, des taux élevés de
cofacteur II de l’héparine et de a2-macroglobuline, et des taux normaux d’inhibiteurs de la voie du facteur tissulaire.
Les taux
abaissés d’antithrombine III sont en rapport avec une perte urinaire
d’antithrombine III, non toujours compensée par l’augmentation de
la synthèse.
Une thrombocytose est présente chez un grand
nombre de patients néphrotiques.
Une hyperagrégabilité
plaquettaire en présence de différents agonistes (adénosine
diphosphate [ADP], collagène, acide arachidonique, ristocétine) a été
documentée.
L’hypoalbuminémie qui augmente la
biodisponibilité de l’acide arachidonique pour la synthèse de
thromboxane A2, l’hypercholestérolémie, et les taux élevés de
fibrinogène et de facteur von Willebrand sont à l’origine de cette
activation plaquettaire.
La fibrinolyse est généralement diminuée
dans le syndrome néphrotique, du fait de la diminution de la liaison
du plasminogène à la fibrine et de l’augmentation des inhibiteurs
de la fibrinolyse.
L’élévation de la lipoprotéine a [Lp(a)] joue
un rôle important dans l’hypofibrinolyse du SN.
C - INFECTIONS
:
La susceptibilité aux infections est augmentée dans le syndrome
néphrotique, du fait d’une diminution de la concentration d’IgG et
des facteurs alternes du complément.
Les infections bactériennes,
notamment la péritonite à pneumocoques, étaient autrefois une
cause importante de mortalité.
D - HYPERLIPIDÉMIE
:
Les concentrations plasmatiques de cholestérol et de phospholipides
augmentent précocement au cours du SN, et s’aggravent avec la
sévérité de celui-ci.
Les taux de triglycérides sont plus variables,
particulièrement au début de la maladie, mais augmentent
également avec la progression du SN.
Les modifications des
lipoprotéines caractéristiques du syndrome néphrotique sont : une
élévation des lipoprotéines de faible densité (LDL), de très faible
densité (VLDL) et de densité intermédiaire (IDL), sans modification
ou avec seulement une légère augmentation des lipoprotéines de
forte densité (HDL).
De plus, la lipoprotéine Lp(a) est
augmentée quels que soient les isoformes d’apo A, et cette
augmentation est corrigée après rémission du syndrome
néphrotique ou après traitement symptomatique
antiprotéinurique.
À côté de ces modifications quantitatives,
existent des modifications qualitatives du bilan lipidique.
Les
rapports cholestérol/triglycérides et cholestérol, esters de
cholestérol, phospholipides/protéines sont en effet augmentés.
On
observe également une accumulation des lipoprotéines riches en
phospholipides et en cholestérol estérifié et non estérifié,
ressemblant à des remnants de VLDL ou de chylomicrons.
Les apolipoprotéines B et C-III sont augmentées dans le syndrome
néphrotique, alors que les concentrations d’apo A-I, A-II, et C-II ne
sont pas modifiées.
L’augmentation du rapport C-III/C-II peut
participer à l’inhibition de la lipoprotéine lipase (LPL) observée dans
le SN.
Plusieurs mécanismes peuvent rendre compte de ces anomalies.
La
production de cholestérol et de certaines apolipoprotéines est
augmentée au cours du SN.
L’augmentation de la synthèse
hépatique des protéines, secondaire à l’hypoalbuminémie,
n’explique que partiellement cette augmentation de production.
En
effet, la production de certaines apolipoprotéines n’est pas
augmentée, et une baisse de la protéinurie (sous l’effet des
inhibiteurs de l’enzyme de conversion) sans effet sur la production
hépatique d’albumine, s’accompagne d’une diminution des
concentrations de cholestérol et triglycérides.
Il existe également une
réduction du catabolisme des chylomicrons et des VLDL, en partie
liée à l’inhibition de la lipoprotéine lipase (LPL) et à des
modifications de leur composition.
Une diminution de l’activité de
la lécithine cholestérol acyltransférase (LCAT) et une plus grande
disponibilité du mévalonate, précurseur de la synthèse de
cholestérol, pourraient également contribuer à l’hyperlipidémie du
SN.
Enfin, les modifications de la permsélectivité de la membrane
glomérulaire rendent compte en partie des anomalies lipidiques.
En
effet, une glycoprotéine acide alpha 1 retrouvée dans l’urine des
patients néphrotiques corrige les altérations de la lipolyse.
Il est donc
probable que le catabolisme anormal des lipoprotéines résulte au
moins en partie de la perte urinaire de certaines substances
régulatrices du métabolisme lipidique.
E - AUTRES COMPLICATIONS
:
De nombreuses protéines de liaison sont éliminées dans l’urine au
cours du syndrome néphrotique.
De ce fait, les concentrations
plasmatiques de nombreux ions, vitamines, hormones et
médicaments sont abaissées, parce que les concentrations de leurs
protéines de liaison sont réduites.
La fuite de thyroxine binding
globulin peut entraîner des anomalies des tests thyroïdiens, dont un
abaissement de la thyroxine.
La perte de cholecalciferol binding protein
peut conduire à un déficit en vitamine D, avec hyperparathyroïdie
secondaire.
L’augmentation de l’excrétion de transferrine peut
entraîner une anémie microcytaire hypochrome résistante au fer.
Des
déficits en cuivre et zinc sont la conséquence de la fuite urinaire des
protéines de liaison de ces métaux.
De nombreux médicaments sont
liés à l’albumine.
L’hypoalbuminémie diminue le nombre de sites
de liaison disponibles, et augmente donc la fraction de médicament
libre actif circulant.
En état d’équilibre, ceci est contrebalancé par un
métabolisme plus rapide.
Des concentrations plus élevées de
médicament libre actif peuvent devenir toxiques, comme cela a été
montré avec la prednisolone et peut-être les coumariniques.
Traitements du syndrome néphrotique
:
A -
RÉDUCTION DE LA PROTÉINURIE
:
Bien que considérée comme un traitement symptomatique, la
réduction de la protéinurie constitue en soi un but thérapeutique.
En effet, le passage de protéines à travers la paroi glomérulaire est
un facteur favorisant la progression de la néphropathie vers
l’insuffisance rénale chronique.
Les inhibiteurs de l’enzyme de
conversion permettent de réduire la protéinurie, et sont indiqués
même en l’absence d’hypertension artérielle. Les effets antiprotéinuriques des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC)
sont retardés par rapport aux effets hémodynamiques, et en sont
partiellement indépendants.
En effet, une baisse de la protéinurie
peut survenir en l’absence de modifications de la pression artérielle.
L’effet antiprotéinurique des IEC est majoré par la déplétion sodée,
qui doit donc être systématiquement associée à ce type de
traitement.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens permettent de réduire la
protéinurie.
En raison des effets indésirables considérables sur
l’aggravation de la fonction rénale et la tolérance gastro-intestinale,
ce type de traitement reste exceptionnel.
Les régimes restreints en
protéines (environ 0,7 g de protéines/kg/jour) ne permettent pas
d’obtenir une réduction importante et constante de la protéinurie.
Ils exposent au risque de dénutrition et sont donc peu utilisés.
B - TRAITEMENT DES COMPLICATIONS DU SN
:
1- Rétention hydrosodée
:
Le principe du traitement de la rétention hydrosodée repose sur
l’obtention d’une balance sodée négative. L’apport sodé
alimentaire doit être diminué aux alentours de 50 mmol/jour
(environ 3 g de NaCl).
En raison de l’avidité du rein pour le sodium
chez les patients avec SN, des diurétiques de l’anse puissants sont
indispensables.
Le furosémide peut être administré en deux ou trois
doses quotidiennes. Des doses élevées sont requise, car, en plus de
l’avidité du rein pour le sodium, le furosémide et d’autres
diurétiques sont liés à l’albumine dans la lumière intratubulaire des
patients avec protéinurie.
La liaison à l’albumine est en compétition
avec la liaison sur les protéines cibles, c’est-à-dire les cotransporteurs
du sodium.
Le furosémide agit au niveau de l’anse de Henle.
Il
est possible de réduire également la réabsorption de Na au niveau
du tube distal, en associant au furosémide des thiazides ou des
diurétiques épargneurs de potassium.
La surcharge hydrosodée doit
être corrigée lentement.
Une natriurèse trop rapide peut induire une
hypovolémie, qui peut être suffisamment sévère pour occasionner
une insuffisance rénale aiguë, généralement fonctionnelle mais
parfois organique, par nécrose tubulaire en cas de choc
hypovolémique.
La perfusion d’albumine à but d’expansion volémique ne doit être utilisée que dans les cas exceptionnels
d’hypotension symptomatique.
Dans les autres cas, les perfusions
d’albumine ne sont pas efficaces, parce que l’albumine perfusée est
rapidement éliminée dans l’urine.
De plus, à moyen terme,
l’augmentation du passage des protéines à travers la paroi
glomérulaire, contribue à l’aggravation des anomalies de
perméabilité glomérulaire et à la toxicité tubulo-interstitielle des
protéines réabsorbées.
L’ultrafiltration est parfois nécessaire en cas
d’oedème réfractaire avec anasarque.
Exceptionnellement, une
néphrectomie bilatérale peut être indiquée en cas de SN réfractaire
avec hypoalbuminémie profonde, dénutrition et hypovolémie
sévère.
2- Risque thromboembolique
:
Une prophylaxie par anticoagulants oraux est recommandée chez
les patients néphrotiques du fait d’une GEM, avec ou sans
antécédents de thrombophlébite.
L’anticoagulation
prophylactique doit être administrée tant que l’albuminémie
demeure inférieure à 20 g/L.
Dans les autres néphropathies, la
décision d’anticoagulation prophylactique doit être prise au cas par
cas.
Concernant la conduite du traitement anticoagulant, il doit être
rappelé que la fraction libre de la warfarine est très augmentée dans
le syndrome néphrotique, ainsi l’inhibition de la production des
facteurs vitamine K-dépendants est augmentée, et la demi-vie de la
molécule réduite.
De même, l’efficacité de l’héparine est réduite
du fait des taux faibles d’antithrombine III.
3- Hyperlipidémie
:
Le traitement des anomalies lipidiques repose avant tout sur les
mesures diététiques et les statines.
C - TRAITEMENT SPÉCIFIQUE
:
Il dépend de la cause du SN, et est envisagé dans le chapitre
consacré aux différentes étiologies du SN de l’adulte.