Syndrome d’immunodéficience acquise et grossesse
(Suite) Cours de
Gynécologie
Obstétrique
Conduite à tenir
:
A - PREMIER TRIMESTRE :
En France, la majorité des femmes connaissent leur infection VIH
avant la grossesse et sont le plus souvent suivies, voire traitées.
La
situation est tout autre s’il s’agit d’un dépistage, ce qui représente
encore plus d’un tiers des cas.
Dans tous les cas, les questions de
confidentialité sont importantes et beaucoup de femmes craignent
d’être rejetées.
Étant donné le climat d’angoisse et le grand nombre
d’informations et d’incertitudes à discuter, la femme peut facilement
être submergée.
Il faut prendre son temps, offrir un climat de soutien
et de dialogue, proposer l’aide d’une psychologue et prévoir une
nouvelle visite 1 ou 2 semaines plus tard.
Le suivi nécessite une
bonne communication, notamment entre l’interniste ou
l’infectiologue, l’équipe obstétricale et le pédiatre.
B - DÉPISTAGE DU VIH ET ANNONCE
:
Le médecin a l’obligation de proposer le test systématiquement à la
première consultation prénatale (Arrêté du 27 janvier 1993).
Dans le
cas particulier d’une exposition au risque pendant la grossesse
(piqûre accidentelle, partenaire séropositif, toxicomanie
intraveineuse, prostitution), le test doit être répété au cours de la
grossesse.
Le test devrait être systématiquement proposé aux
femmes consultant pour une IVG, qui sont un groupe à risque plus
élevé.
Quelles que soient les circonstances, il est hors de question de
faire un test VIH sans en avoir au préalable averti la patiente, qui a
le droit de le refuser. Les refus sont exceptionnels et doivent faire
l’objet d’une discussion plus approfondie avec la femme.
De même,
la remise d’un résultat doit toujours s’accompagner d’une
information aussi humaine et complète que possible, que la femme
soit séropositive ou séronégative.
* Technique
:
Le dépistage est fait par deux tests mixtes enzyme-linked
immunosorbent assay (Elisa), habituellement un test mixte (VIH-1 et
VIH-2). Les test Elisa de troisième génération permettent de détecter
les anticorps précocement, dans le mois suivant une contamination.
Bien qu’exceptionnelles, les erreurs sont possibles : échange de
tubes, contamination du tube, erreur technique, erreur de
transcription.
Les conséquences sont tellement dramatiques qu’il est obligatoire,
avant d’annoncer un résultat positif, de toujours contrôler le
dépistage sur une autre prise de sang.
Ce prélèvement doit être testé
par la technique du western-blot, qui consiste à identifier les
différents anticorps produits contre chacune des protéines virales du
VIH-1 et du VIH-2.
Pour être positif au VIH-1, un western-blot doit
montrer la présence d’au moins deux anticorps dirigé l’un contre
des protéines d’enveloppe (gp160, gp120, gp41), l’autre contre une
protéine du nucléocapside (core) viral (p24 essentiellement).
Les western-blots incomplets peuvent traduire une séroconversion en
cours, une réaction croisée avec le VIH-2, ou une réaction non
spécifique.
Le western-blot VIH-2 est positif lorsqu’il y a présence
d’anticorps contre au moins deux protéines, la gp36 et la gp125.
Des
doubles infections VIH-1-VIH-2 sont possibles, mais de diagnostic
délicat.
Tout profil atypique doit être discuté avec le virologue et
faire l’objet d’un nouveau contrôle quelques semaines plus tard.
Des tests sur la salive, dont la réalisation technique est rapide, sont
en cours d’évaluation et pourraient être précieux puisqu’ils évitent
une prise de sang, notamment dans les pays en voie de
développement.
* Annonce :
L’annonce du diagnostic est un événement marquant, où
l’information et l’écoute du médecin jouent un rôle primordial.
Cette
annonce doit être faite par le médecin qui a prescrit le dépistage.
Il
est peu de circonstances où un médecin doit faire preuve d’autant
de prudence, de compréhension, de capacité d’écoute.
Dans le cas
où le test a été proposé par une sage-femme non formée à l’annonce,
celle-ci doit être assurée en collaboration avec un médecin si possible
expérimenté.
L’équipe doit connaître les réactions qu’entraîne
l’annonce du diagnostic d’une pathologie grave, a fortiori du VIH
qui est entouré d’un tabou social : tout d’abord refus du diagnostic,
puis sentiment de culpabilité et enfin abattement.
Le traumatisme
initial fait progressivement place à une acceptation variable selon
les individus et qui s’exprime différemment selon la culture
d’origine.
Il peut y avoir des réactions plus ou moins pathologiques :
déni prolongé, défi, voire dépression.
L’aide d’un(e) psychologue est
très souhaitable.
La femme peut bénéficier de rencontres avec
d’autres femmes confrontées au VIH, à travers des groupes de
parole ou des associations.
1- Premier bilan
:
L’évaluation immunovirologique est au premier plan.
La plupart des
patientes sont asymptomatiques et ont un examen général normal.
Le taux de lymphocytes CD4 et l’ARN VIH (charge virale)
plasmatique indiquent les risques d’évolution vers le sida chez la
femme et de transmission à l’enfant.
Les décisions thérapeutiques
sont à prendre après avoir contrôlé les résultats des marqueurs.
Chez une femme déjà suivie, il faut interpréter ces marqueurs selon
leur évolution dans le temps et selon que la femme est sous
traitement ou non.
Trois méthodes sont couramment utilisées pour quantifier la charge
virale, la RT-PCR (Roche), le bDNA (Chiron) et NASBA (Organon).
Les résultats obtenus par la méthode bDNA doivent être multipliés
par deux pour obtenir la correspondance en RT-PCR, qui est
habituellement utilisée pour poser les indications thérapeutiques.
Les concentrations sont habituellement exprimées en copies/mL ou
en Log 10 copies/mL.
Le seuil de sensibilité des tests actuels est de
50 copies/mL.
2- Poursuite on non de la grossesse :
Il y a quelques années, le dilemme de poursuivre ou interrompre la
grossesse était au premier plan.
Actuellement, plus des deux tiers
des femmes poursuivent leur grossesse, qu’elles aient choisi d’avoir
un enfant en connaissant leur statut VIH ou découvert leur
séropositivité au début de la grossesse.
La plupart des avortements
ont lieu dans le cadre de l’IVG avant 12 semaines d’aménorrhée.
Le
choix s’explique principalement par des raisons essentiellement
personnelles, et dépend peu de l’origine géographique, de
l’existence d’une toxicomanie ancienne ou actuelle, ou de la
découverte de la séropositivité avant ou lors de la grossesse, ni
même de l’état immunovirologique de la femme.
Toutefois, il existe
encore des demandes d’interruption de grossesse pour indication
médicale, le plus souvent au premier trimestre.
La femme doit être
informée de cette option.
Le choix dépend en premier lieu de la
mère, dûment informée de son état de santé, des possibilités
thérapeutiques actuelles et du risque encouru par son enfant, mais
le centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal et l’expert doivent
se prononcer dans le cadre de la loi.
Ils doivent tenir compte des
éléments pronostiques et de l’adhésion ou non de la femme aux
traitements envisagés.
Malgré les progrès des dernières années, il
existe encore des situations où les risques sont élevés et doivent être
expliqués à la femme, en particulier chez les patientes en
échappement thérapeutique.
Même si la loi française n’impose pas
de limite de terme, il est éthiquement contestable d’accepter une
interruption médicale de grossesse tardive, sauf dans des cas
exceptionnellement graves.
Dans les cas où le diagnostic de
séropositivité VIH est tardif, une demande d’interruption de
grossesse est le plus souvent un appel à l’aide d’une femme en
situation de détresse.
3- Annonce au conjoint et son dépistage
:
Les questions diffèrent selon que la femme découvre sa
séropositivité lors de la grossesse ou la connaissait avant, ait un
conjoint stable ou non, mène sa grossesse ou fait une IVG.
Quelle que soit la situation, le partenaire ne peut être averti que par
la femme elle-même ou avec son accord, sous peine de violation du
secret professionnel.
La loi française n’autorise pas le médecin à
prévenir le conjoint, même s’il est potentiellement dans une situation
de non-assistance à personne en danger.
Parmi les femmes qui débutent une grossesse en se sachant
séropositives, certaines forment un couple stable avec un homme
qui est au courant du diagnostic.
Il est important de le rencontrer et
de l’impliquer dans la prise en charge de la grossesse.
Il peut s’agir
du partenaire à l’origine de la contamination ou d’un autre homme
séropositif.
Dans ces cas, il faut s’assurer qu’il se fait suivre,
s’intéresser à son état clinique et immunovirologique, de même qu’à
l’existence ou non de pathologies associées : toxicomanie active ou
substituée, hépatite C.
Il peut s’agir d’un homme séronégatif, dont il
faut s’assurer qu’il n’a pas été contaminé et encourager l’utilisation
des préservatifs.
Il n’est pas rare que le conjoint ait refusé de faire le
test et il faut instaurer un dialogue pour l’encourager à le faire en
vue de sa future paternité.
Cependant, certaines femmes n’ont
jamais averti leur conjoint de leur statut VIH, par honte ou par
crainte d’être rejetées. La grossesse peut être une occasion pour cette
annonce.
On peut aider la femme en présentant la séropositivité
comme si elle avait été découverte lors des examens de grossesse.
Souvent, la persistance d’un lourd secret témoigne d’un manque de
communication et de confiance dans le couple.
Il peut exister un
risque, voire une réalité, de violences conjugales.
Le médecin doit la
mettre en garde du risque de transmission au partenaire en
supposant, ce qui n’est pas toujours le cas, qu’il est séronégatif, et
l’inciter à utiliser des préservatifs.
Enfin, la femme doit savoir que si
elle donne naissance à un enfant, son père a le droit d’être informé
de tout examen, soin ou traitement qui lui est prodigué.
Lorsque la
femme est célibataire, tout les efforts doivent être faits pour l’inciter
à avertir le ou les partenaires sexuels exposés, pour leur permettre
un accès aux soins s’ils s’avèrent infectés.
Lorsque la femme découvre sa séropositivité lors de la grossesse,
l’annonce au conjoint dépend de la situation du couple.
Le plus
souvent, le secret partagé se présente comme une évidence pour la
femme, qu’il faut soutenir dans cette épreuve. Parfois, elle éprouve
de grandes difficultés et a besoin d’être encouragée.
Le dépistage du
conjoint peut se faire dans un centre anonyme et gratuit, auprès du
médecin de famille, ou sur prescription de l’obstétricien.
Dans ce
cas, il doit personnellement recevoir l’homme pour l’information prétest et l’annonce du résultat, qu’il soit positif ou négatif.
Lorsqu’il
s’agit d’une IVG, il n’y a souvent aucun contact avec le partenaire, a
fortiori si la femme est célibataire.
Le devoir du médecin vis-à-vis
des partenaires exposés à toute MST passe par le dialogue avec la
patiente.
4- Aspects socioéconomiques et culturels :
La possibilité réelle d’élever un enfant dépend autant de la situation
conjugale et de la stabilité du couple que du pronostic strictement
médical.
En France, la majorité des femmes séropositives, françaises
ou étrangères, sont insérées socialement. Toutefois, elles sont
nombreuses à être sans profession, au chômage, voire en situation
précaire.
Beaucoup d’entre elles sont vulnérables, voire immatures
ou irresponsables.
Le soutien du géniteur est parfois inexistant.
La toxicomanie pose des problèmes particulièrement
lourds, qu’il s’agisse de la femme elle-même et/ou du père de
l’enfant.
La détection des situations de violence conjugale est
délicate, car elle peut concerner tous les milieux sociaux.
Dans les
situations qui entraînent un risque de placement ultérieur de
l’enfant, l’accompagnement social doit être mis en place en
collaboration avec le secteur dès la grossesse.
Chez les Africaines,
malgré les traditions de famille élargie, l’émigration entraîne souvent
un isolement, qui est accentué par le tabou du VIH.
Il est essentiel
de savoir si la mère peut bénéficier d’un soutien familial et si l’enfant
pourra être élevé par un membre de sa famille ou des amis.
L’infection par le VIH fait partie des affections ouvrant droit à une
prise en charge à 100 %, sur demande dûment remplie par le
médecin.
L’enfant est pris en charge dans la première année, même
s’il n’est pas infecté.
Le service social hospitalier est donc un relais
utile dans tous les cas, mais tout particulièrement en cas de
difficultés sociales associées.
En pratique, même des femmes
apparemment bien intégrées nécessitent des aides pour l’accueil à
domicile de leur nouveau-né.
Le milieu associatif est particulièrement développé autour du VIH.
Les personnes concernées peuvent y trouver des informations et des
aides diverses, et y rencontrer d’autres personnes confrontées aux
mêmes problèmes.
À côté des associations « généralistes », il existe
des structures plus ciblées pour les enfants et leurs familles, les
toxicomanes, les prostituées, les Africains.
Leurs coordonnées sont
disponibles au numéro vert de sida info services, qui propose par ailleurs une écoute téléphonique.
Certaines équipes hospitalières ont
par ailleurs créé des groupes de parole, notamment des groupes de
femmes séropositives.
C - PLACE DES TRAITEMENTS ANTIRÉTROVIRAUX :
Il est illusoire d’attendre un consensus absolu et figé, car le progrès
rapide des connaissances s’accompagne de nombreuses incertitudes.
La problématique fondamentale est de ne pas sous-traiter ni surtraiter.
Les grandes lignes sont indiquées dans les
recommandations françaises du rapport Delfraissy,
européennes, et américaines (disponibles sur l’Internet :
www.hivatis.org), et évoluent régulièrement.
Celles-ci distinguent
l’objectif principal du traitement antirétroviral, thérapeutique pour
la femme elle-même ou prévention de la transmission à l’enfant.
Toutefois, ces objectifs peuvent être liés, car ils répondent aux
mêmes critères pronostiques.
D’autre part, les recommandations concernant les indications d’un
traitement chez l’adulte diffèrent et évoluent selon les pays et les
équipes.
En France, le consensus actuel est de fonder l’indication
sur le taux de CD4 et son évolution.
Il est indiqué en dessous de
350/mm3, et au-dessus de 350/mm3 si la pente de décroissance des
CD4 est rapide.
La charge virale sert surtout à fixer la fréquence de
surveillance des CD4, mais n’est plus considérée comme une
indication en soi.
Aux États-Unis, le traitement est conseillé si la
charge virale s’élève au-dessus de 20 000 copies/mL, quel que soit
le taux de CD4.
Après l’introduction des trithérapies, la tendance a
été vers l’extension des indications, mais devant la fréquence des
effets secondaires et l’absence d’éradication virale, la plupart des
équipes ont remis en cause le principe du traitement dès les stades
précoces de l’infection.
1- La mère ne présente pas d’indication thérapeutique
pour elle-même :
La monothérapie AZT, associée à la césarienne
programmée à 38 semaines, est recommandée en première intention.
L’AZT peut être débutée au troisième trimestre s’il s’agit d’une
grossesse non compliquée.
La dose est 500 ou 600 mg/j et 750 mg/j
chez les femmes pesant plus de 85 kg.
La posologie était en cinq
prises par jour dans l’étude princeps, mais actuellement on utilise
couramment deux prises/jour.
Puisque l’AZT diminue peu la charge
virale (- 0,3 Log), on ne peut pas préjuger de l’efficacité (ou inefficacité)
prophylactique par un contrôle de l’ARN VIH plasmatique
sous traitement.
Cette attitude soulève des interrogations, sans réponse à ce jour.
En
premier lieu, pourquoi ne pas utiliser des combinaisons antirétrovirales, avec l’objectif d’obtenir une charge virale
indétectable ?
Certaines équipes proposent la bithérapie AZT-3TC,
en considérant que son efficacité est équivalente à l’association AZTcésarienne
et qu’elle permet d’éviter une césarienne systématique.
La préoccupation actuelle est le risque d’une toxicité cumulée des
deux analogues nucléosidiques.
On ne sait pas quel est le bénéfice
ajouté par rapport au risque ajouté par une deuxième, voire une
troisième molécule.
Dans des situations particulières, une bithérapie est conseillée.
C’est
notamment le cas des femmes qui refusent la césarienne de principe,
mais aussi des grossesses à haut risque d’accouchement prématuré,
rendant aléatoire l’indication d’une césarienne programmée à
38 semaines et augmentant le risque de transmission in utero.
Dans
de telles situations, la prévention antirétrovirale doit être débutée
plus précocement, au deuxième trimestre.
Par ailleurs, on peut
proposer une bithérapie lorsque la charge virale maternelle est entre
10 000 et 30 000 copies/mL, car le risque de transmission est élevé.
Lorsqu’une combinaison antirétrovirale est utilisée comme
prévention de la transmission mère-enfant, il s’agit habituellement
d’AZT-3TC, ou éventuellement AZT + névirapine monodose en
périnatal.
Aucun autre schéma prophylactique n’a été suffisamment
évalué pour faire l’objet d’une recommandation pour l’instant, bien
que certaines équipes utilisent AZT-ddI ou D4T-ddI afin de limiter
le risque de résistance à la 3TC.
2- La mère est déjà traitée ou présente une indication
thérapeutique :
Au cours des 3 dernières années, un consensus s’est dégagé pour
traiter les femmes enceintes selon les mêmes indications que chez
l’adulte d’une façon générale.
Il n’est pas licite de priver une
femme d’un traitement efficace si elle le nécessite, même si l’on en
sait peu sur les toxicités pour le foetus et l’enfant.
D’autre part, un
traitement antirétroviral efficace peut avoir des effets bénéfiques
pour l’enfant en diminuant le risque de transmission et en évitant le
recours aux traitements pour des infections opportunistes, lesquels
sont parfois plus toxiques que les antirétroviraux.
En pratique, lors
de la grossesse, le choix doit être fait au cas par cas, à la fois pour le
moment où débuter le traitement et pour les médicaments à utiliser.
Chez une femme recevant avant la grossesse un traitement efficace
et bien toléré, l’attitude habituelle est la poursuite du traitement,
sauf si elle prend un médicament tératogène chez l’animal (ddI ou
éfavirenz).
Lorsque le traitement est motivé par un déficit
immunitaire franc, sa poursuite s’impose.
S’il n’existe pas de déficit
immunitaire avant traitement, on peut discuter une fenêtre
thérapeutique, c’est-à-dire l’arrêt simultané de tous les médicaments.
Ces derniers sont réintroduits au troisième trimestre, ou avant en
cas de diminution brutale du taux de CD4.
Cette option était très
controversée dans le passé.
Il existe maintenant des données qui
montrent que l’interruption du traitement entraîne simplement une réascension de la charge virale au niveau précédant le traitement,
qui paraît sans danger pour l’individu en l’absence de déficit
immunitaire préalable.
Si l’intérêt pour l’embryon d’une fenêtre
thérapeutique est évident en théorie, il n’est en rien documenté.
Quoiqu’il en soit, un risque de toxicité ne peut être exclu car le foetus
est exposé en fin de gestation.
Dans les cas où l’infection échappe malgré un traitement antirétroviral agressif, avec une charge virale nettement supérieure
à la limite de détection et des multirésistances, les conditions sont
défavorables pour une grossesse.
La survenue d’une infection
opportuniste entraîne un risque vital, justifiant un traitement selon
les mêmes règles que chez les patientes non enceintes.
La
prophylaxie de la pneumocystose est systématique lorsque le taux
de CD4 est inférieur à 200/mm3, y compris chez la femme enceinte.
Le cotrimoxazole (Bactrimt faible, 1 comprimé/j) est la prophylaxie
de choix, car il est efficace sur Pneumocystis carinii et sur Toxoplasma
gondii, et diminue par ailleurs le risque de pneumopathie à germes
banals.
Lorsqu’il existe une contre-indication ou une allergie au cotrimoxazole, la prophylaxie de la pneumocystose est faite par des
aérosols de pentamidine mensuels.
La recherche d’un meilleur
contrôle immunovirologique porte à la fois sur l’adhésion au
traitement et sur le choix des médicaments.
L’adaptation du
traitement antirétroviral est améliorée par la recherche de résistances
et par les dosages pharmacologiques.
Lorsque la charge virale
maternelle demeure mal contrôlée, la prévention doit être renforcée
à l’accouchement (césarienne, névirapine…) et chez le nouveau-né.
Lorsque la femme n’est pas encore traitée, l’indication est rarement
urgente, ce qui permet de différer la mise sous traitement au
troisième trimestre.
Dans le cas particulier où les CD4 sont peu
abaissés (350-500/mm3) et la charge virale inférieure à 20 000 à
30 000 copies/mL, il peut être décidé de mettre en route une
prophylaxie par une bithérapie (voire l’AZT seule), et débuter après
l’accouchement un traitement au long cours pour la femme.
Si les
CD4 sont inférieurs à 350/mm3 ou la charge virale supérieure à
30 000 copies/mL, le traitement doit toujours correspondre aux
règles usuelles d’efficacité virologique.
Il s’agit aujourd’hui le plus
souvent d’une combinaison de deux IN et d’une antiprotéase ou
d’INN.
Il n’existe pas encore de données pour choisir des molécules
différemment que chez une patiente non enceinte.
En particulier,
l’AZT et le 3TC sont les IN utilisés en première intention, car ils
sont les mieux étudiés chez la femme enceinte.
Même si des cytopathies mitochondriales ont été décrites chez des enfants
exposés à ces molécules, cette toxicité est décrite chez l’adulte pour
les autres analogues nucléosidiques.
Rien ne permet de supposer
que d’autres médicaments de cette classe seraient mieux tolérés.
3- Cas particulier de la femme non traitée
avant l’accouchement
:
La question diffère selon qu’il s’agit d’une absence de prise en
charge anténatale, d’un dépistage tardif, ou d’un refus de traitement.
La prise en charge tardive est particulièrement fréquente en Guyane
et aux Antilles, mais se rencontre aussi en métropole, notamment
chez des femmes en situation difficile.
Plusieurs moyens de
prévention ont une efficacité certaine : la césarienne programmée, la névirapine selon le schéma ougandais, l’AZT ou la bithérapie AZT-
3TC débutée en cours de travail.
On peut proposer d’associer un ou
deux de ces moyens au cas par cas.
Si aucun traitement n’a été
possible avant la naissance, l’AZT (ou la bithérapie AZT-3TC),
débutée le plus tôt possible chez le nouveau-né, dans les
48 premières heures, peut avoir une certaine efficacité.
4- Conduite à tenir en cas d’infection par le VIH-2
:
L’évolution vers le sida est plus lent que dans l’infection par le
VIH-1.
La quantification de la charge virale n’étant pas encore
disponible en routine, les indications de traitement pour la santé de
la mère sont posées devant la clinique et le taux de lymphocytes
CD4.
Les femmes ayant un déficit immunitaire (CD4 < 350/mm3,
décroissance significative au cours du suivi) doivent bénéficier d’un
traitement antirétroviral combiné.
En pratique, la plupart des
femmes infectées par le VIH-2 sont asymptomatiques et ont un taux
de CD4 supérieur à 500/mm3.
Par ailleurs, le risque de transmission
à l’enfant est faible (1 à 4 %).
Pour cette raison, et du fait du nombre
peu élevé de grossesses avec infection VIH-2 suivies, il n’existe pas
d’étude sur l’effet protecteur des antirétroviraux ou de la césarienne.
En pratique, la prévention par AZT en monothérapie est
recommandée, mais il n’existe pas de consensus pour conseiller une
césarienne programmée en l’absence de facteur de risque obstétrical.
D - SUIVI MÉDICAL PENDANT LA GROSSESSE :
Les CD4 et charge virale sont déterminés une fois par trimestre, et
contrôlés avant et après mise sous traitement s’il s’agit d’une
indication maternelle.
La charge virale doit avoir diminué
significativement, de plus de 1 Log dans les 4-6 semaines après la
mise sous traitement.
Dans les cas où la mère reçoit une
monothérapie par AZT, la charge virale est peu modifiée, et il n’est
pas utile de la contrôler avant l’accouchement.
La surveillance de la tolérance maternelle comporte un contrôle
biologique 2 semaines après le début du traitement, puis tous les
mois environ.
Elle comporte systématiquement la numération
formule sanguine (NFS) (anémies, neutropénies) et les transaminases
(cytolyses).
Si des IN autres que l’AZT sont utilisés, il faut surveiller
la lipase (pancréatites).
L’utilisation des antiprotéases impose la
surveillance des glycémies à jeun et postprandiale (effet
diabétogène).
Le traitement doit être suspendu en cas d’anémie
inférieure à 7 g/mL ou de neutropénie inférieure à 750/mm3.
Une consultation spécialisée s’impose en cas de symptômes pouvant
évoquer une toxicité, tels que des douleurs musculaires ou une
neuropathie périphérique (certains nucléosides), une éruption (en
particulier la névirapine qui peut entraîner des syndromes de
Stevens-Johnson).
Il faut être attentif en cas de nausées ou de
vomissements inexpliqués, de douleurs abdominales ou de dyspnée,
car il peut s’agir des premiers signes d’une acidose lactique.
Dans le
doute, il faut effectuer un bilan hépatique, lipase, ionogramme, gaz
du sang et lactates.
Les tests de résistance sont clairement indiqués en cas d’échec
thérapeutique.
Le génotypage systématique chez une femme
enceinte a un intérêt théorique, mais cette indication n’a pas encore
été évaluée.
L’intérêt est plus clair lorsque la patiente a déjà reçu
dans le passé les molécules envisagées, notamment AZT, 3TC ou névirapine.
Toutefois, la mise en évidence de sous-types mutés peut
être impossible à distance de la prise du médicament, notamment
lorsqu’elle remonte à une précédente grossesse.
Les indications des
tests de résistance devraient se préciser dans l’avenir.
Les dosages plasmatiques des antirétroviraux sont également d’un
apport important en cas d’échec thérapeutique.
À cause des
variations individuelles et de celles induites par la grossesse, les
dosages systématiques des antiprotéases, voire aussi des IN, peuvent
être intéressants.
Avant toute prescription supplémentaire, il faut se renseigner sur
les interactions médicamenteuses, notamment avec les antiprotéases
ou INN.
E - ADHÉSION AU TRAITEMENT :
Quel que soit le traitement proposé, le prescripteur doit garder à
l’esprit la difficulté que représente la prise biquotidienne d’un
traitement au long cours.
La contrainte est d’autant plus lourde qu’il
s’agit de médicaments « tabous » qui sont le plus souvent pris à
l’insu de l’entourage familial et professionnel, renvoyant sans cesse
à la crainte du sida et pouvant entraîner des effets secondaires.
L’information et l’écoute sont des conditions nécessaires à la compliance.
Il faut laisser le temps nécessaire à la patiente pour
adhérer au projet thérapeutique.
L’influence de la grossesse sur cette
adhésion n’a pas été étudiée, mais l’expérience indique qu’elle est
favorable, comme cela a été observé pour d’autres pathologies
chroniques telles que l’hypertension ou le diabète.
Peu de femmes
refusent ouvertement tout traitement.
Il s’agit de patientes d’origines
sociales et culturelles diverses.
Les raisons exprimées sont la crainte
des effets toxiques pour le foetus, le manque de confiance en la
médecine, le fatalisme.
En simplifiant, on peut réduire cela aux
mécanismes psychiques de déni ou de défi.
L’établissement d’une
relation de confiance, basée sur la compréhension et les explications,
permet souvent une évolution.
Lorsque le refus est définitif ou si, ce
qui est plus fréquent, l’acceptation n’est pas suivie d’une compliance
au traitement, le médecin est placé dans une situation délicate.
Il est
en situation de non-assistance à un futur enfant en danger, mais ne
dispose d’aucun moyen de contrainte, contrairement à ce qui se
passe après la naissance en cas de refus de soins.
À l’inverse, il se
doit de respecter le droit du patient à refuser un traitement, dont on
ne peut pas d’ailleurs garantir l’innocuité. Il en va de même pour la
césarienne programmée.
F - PRISE EN CHARGE OBSTÉTRICALE
PENDANT LA GROSSESSE
:
La prévention doit concerner non seulement la transmission per
partum, mais aussi la transmission in utero, en portant sur les
facteurs de risque.
Les points importants sont : le diagnostic et le
traitement des MST et infections cervicovaginales, la prévention de
l’accouchement prématuré et de la rupture prématurée des
membranes.
Il faut éviter les gestes pouvant entraîner une infection
ascendante ou des échanges sanguins maternofoetaux.
L’amnioscopie et les versions par manoeuvre externe sont proscrits.
Le cerclage, lorsqu’il est nécessaire, doit être encadré par un
traitement antirétroviral approprié.
1- Problème du diagnostic anténatal :
Le risque de transmission lors d’une amniocentèse est une
préoccupation importante en pratique.
Les prélèvements invasifs
entraînent un risque mal connu de contamination iatrogène, ce qui
incite à les éviter autant que possible.
L’information des patientes
doit permettre d’éviter une augmentation excessive des
amniocentèses dans le cadre du dépistage de la trisomie 21.
Toutefois, la femme peut choisir après information, de subir une
amniocentèse lorsque le calcul de risque montre un risque élevé de
trisomie ou lorsqu’il existe une indication de diagnostic prénatal
pour une maladie monogénique.
Compte tenu du risque accru
d’échanges sanguins, il est raisonnable d’éviter la biopsie de
villosités choriales et le prélèvement de sang foetal.
Exceptionnellement, l’abord vasculaire peut être nécessaire pour des
raisons thérapeutiques (transfusion in utero).
Lorsqu’une
amniocentèse est faite, la technique doit être prudente, en utilisant
une aiguille fine et en évitant autant que possible de traverser le
placenta.
Elle doit s’encadrer d’une prophylaxie antirétrovirale
adaptée à la situation immunovirologique de la femme.
Il peut être nécessaire de différer la ponction afin de débuter un traitement antirétroviral et obtenir une charge virale faible.
Par analogie avec
la prophylaxie à l’accouchement, une perfusion d’AZT est conseillée
dans les heures précédant et suivant le geste.
2- Problèmes gynécologiques pendant la grossesse
:
Les infections génitales sont plus fréquentes chez les femmes
infectées par le VIH que dans la population générale, et sont
volontiers récidivantes.
Elles posent des problèmes particuliers
pendant la grossesse.
D’une part, plusieurs germes peuvent être
transmis à l’enfant, notamment l’herpès simplex, le gonococque, les
Chlamydiae, mais aussi les Papillomavirus humains et les levures.
D’autre part, les infections cervicovaginales peuvent augmenter le
risque d’accouchement prématuré, de rupture prématurée des
membranes et de transmission mère-enfant du VIH.
Cet effet a été
mis en évidence pour les vaginoses bactériennes, notamment à
Gardnerella vaginalis.
Les infections cervicovaginales mycosiques ou bactériennes
symptomatiques répondent aux traitements habituels.
Les mycoses
sont dues le plus souvent à Candida albicans, mais un quart sont
dues à d’autres souches, notamment Torulopsis glabrata.
La récidive
est d’autant plus fréquente que la patiente présente un déficit
immunitaire.
Les infections asymptomatiques doivent être dépistées
par le prélèvement cytobactériologique vaginal, dont les indications
sont larges.
Les formes cliniques de l’herpès génital vont des aspects classiques,
asymptomatiques ou par poussées éruptives, aux formes étendues
parfois très érosives et surinfectées.
Le déficit immunitaire favorise
la fréquence, la durée et la sévérité des poussées.
Les indications
d’un traitement par aciclovir sont plus larges que chez les femmes
enceintes non immunodéprimées.
La pathologie à Papillomavirus est présente chez 30 à 60 % des
femmes infectées par le VIH.
Le diagnostic et le traitement des
dysplasies cervicales posent des problèmes bien connus pendant la
grossesse.
Les femmes dont le frottis est pathologique doivent faire
l’objet d’une surveillance, la colposcopie-biopsie et l’éventuel
traitement pouvant être le plus souvent reportés après
l’accouchement.
Le traitement des condylomes vulvovaginaux est
conseillé en raison du risque potentiel de papillomatose laryngée
chez l’enfant.
La podophylline et l’imiquimol étant contre-indiqués
chez la femme enceinte, le traitement habituel est la destruction
mécanique, dont la plus efficace est par laser.
Le traitement est
habituellement envisagé vers 7 mois de grossesse, suffisamment tôt
pour permettre la cicatrisation complète avant l’accouchement, et
pas trop tôt en raison des récidives fréquentes.
La syphilis est un problème à part, car il s’agit exceptionnellement
d’un chancre, mais habituellement d’une découverte sérologique.
Le
traitement classique par benzylpénicilline (Extencillinet, 2,4 M) doit
être renouvelé deux fois à 1 semaine d’intervalle chez les sujets
infectés par le VIH.
G - ACCOUCHEMENT :
1- Place de la césarienne programmée
:
La décision du mode d’accouchement doit être prise avec la femme,
en tenant compte du bénéfice escompté au vu des éléments
pronostiques et du risque de complications postopératoires.
Une
césarienne à 38 semaines est clairement utile dans le cadre d’une
prophylaxie par AZT en monothérapie.
L’intérêt d’une césarienne
est inconnu lorsque la mère reçoit une bithérapie ou une trithérapie.
Le consensus français actuel est de conseiller la césarienne si la
charge virale reste élevée sous traitement, et d’autoriser
l’accouchement par voie basse lorsque la charge virale est
indétectable.
Toutefois, on ne connaît pas de valeur seuil en
dessous de laquelle la césarienne est inutile et au-dessus de laquelle
elle est bénéfique.
Par ailleurs, lorsque les conditions obstétricales
sont défavorables, la césarienne programmée est préférable à une
épreuve du travail hasardeuse.
Même si l’accouchement par voie basse est autorisé, il faut éviter les
manoeuvres (amnioscopie, décollement des membranes, pH ou
électrode au scalp, capteur de pression interne, etc), et prévenir les
infections maternofoetales.
À l’inverse, la durée du travail ou
l’extraction instrumentale ou encore l’épisiotomie ne semblent pas
liées au risque de transmission.
La conduite à tenir doit être clairement rédigée sur le dossier
obstétrical de la femme (traitement pour la mère, traitement à
l’accouchement, mode d’accouchement, traitement chez le nouveauné).
Il faut s’assurer que les médicaments sont disponibles. Le
traitement antirétroviral de la mère doit être poursuivi sans
interruption, y compris le jour de l’accouchement.
Seule l’AZT est
utilisée en perfusion (à noter qu’elle remplace le Zeritt chez les
femmes qui reçoivent ce traitement).
Le Bactrimt et le Crixivant
doivent être suspendus le jour de l’accouchement en raison du
risque potentiel d’ictère chez le nouveau-né.
2- Cas particuliers importants :
* Rupture des membranes ou entrée en travail
alors qu’une césarienne était prévue :
Est-il trop tard pour qu’une césarienne soit protectrice ?
Dans le
doute, on peut proposer de faire rapidement la césarienne si la
femme est en tout début de travail ou si la rupture des membranes
est récente, et d’autoriser la voie basse lorsque le travail est déjà
avancé.
Lorsqu’un accouchement par voie basse était prévu, la
survenue d’une rupture prématurée des membranes doit faire
reconsidérer l’indication pour éviter une ouverture prolongée de la
poche des eaux : déclenchement en cas de conditions très favorables
ou césarienne.
* Rupture prématurée des membranes avant terme :
L’attitude (déclenchement, césarienne, expectative ou tocolyse)
dépend surtout de l’âge gestationnel, mais aussi des conditions
obstétricales et virologiques.
Avant 34 semaines, la prévention de la
prématurité est au premier plan, et les indications de tocolyse et de corticothérapie ne sont pas modifiées.
L’antibiothérapie est
systématique, et il convient de renforcer le traitement antirétroviral
car il s’agit d’une situation à haut risque de transmission.
La chorioamniotite étant particulièrement dangereuse dans ce contexte,
il ne faut pas prolonger une tocolyse en cas de signes infectieux
cliniques ou paracliniques et ne pas hésiter à faire une césarienne si
les conditions obstétricales sont défavorables.
3- Place de la névirapine périnatale
:
L’intérêt de la névirapine périnatale a été démontré en monothérapie
dans le contexte africain, mais pas chez les femmes recevant par
ailleurs un traitement antirétroviral par AZT ou une combinaison.
Il
ne semble donc pas utile de rajouter systématiquement la névirapine
périnatale.
Toutefois, cela n’exclut pas un impact bénéfique dans les
situations à risque particulier de transmission per partum.
On peut
proposer la névirapine dans des situations à haut risque de
transmission à l’accouchement, telles que : charge virale élevée
malgré un traitement antirétroviral combiné, résistance à l’AZT,
impossibilité de programmer une césarienne à 38 semaines, arrivée
à la maternité d’une femme non suivie ou non traitée.
Les doses
sont : une prise de 200 mg en début de travail et une prise de
2 mg/kg chez le nouveau-né au deuxième-troisième jour de vie.
Lorsque la mère reçoit de la névirapine périnatale dans le cadre de
son propre traitement antirétroviral, on peut conseiller de donner
une dose au nouveau-né.
H - SUITES DE COUCHES
:
Pendant le séjour en maternité de la mère et de l’enfant, le traitement
préventif, l’allaitement artificiel et le suivi de l’enfant doivent être
organisés avec la mère, et si possible le père de l’enfant.
L’adhésion
de la mère est d’autant meilleure que les principes ont déjà été
discutés pendant la grossesse.
Toutefois, la naissance de l’enfant
réactive l’angoisse de la mère, qui a besoin d’explications et d’un
soutien renforcé.
C’est particulièrement nécessaire en cas de
conditions psychologiques, conjugales ou sociales difficiles.
Si le traitement antirétroviral était uniquement prophylactique, il est
arrêté chez la mère à l’accouchement ; il est poursuivi sans
interruption s’il s’agit d’un traitement d’indication maternelle.
Dans
le cas particulier où la névirapine monodose est utilisée, afin de
diminuer le risque de résistances on doit poursuivre l’AZT pendant
1 semaine. Il faut toujours s’assurer du suivi de la mère au long
cours aux plans médical et gynécologique.
Chez le nouveau-né, NFS-plaquettes et transaminases sont prélevées
à la naissance, avant d’autoriser le traitement préventif par AZT, et
le cas échéant la névirapine.
Dans des cas particuliers (résistance ou
intolérance à l’AZT chez la mère), l’AZT est remplacée par un autre
IN ou une bithérapie. Les schémas de prophylaxie chez le
nouveau-né évolueront vraisemblablement dans l’avenir.
Le suivi du
nouveau-né comporte des examens virologiques, mais aussi de
tolérance : hématologie, enzymes hépatiques, lipase, ainsi que les
lactates sous traitement et après la fin du traitement.
Le calendrier
proposé en France comporte un examen à la naissance, avant la
sortie de la maternité, à j15, j30, j45, 2 mois, 3 mois, puis tous les
3 mois jusqu’à 18 mois.
Afin de permettre une surveillance à long
terme d’éventuelles pathologies de l’enfant pouvant être liées aux antirétroviraux, la trace des prescriptions doit être conservée à vie
dans la pharmacie et dans le dossier.
I - SURVEILLANCE PAR REGISTRES ET COHORTES :
Les conséquences à long terme de l’exposition in utero et périnatale
aux antirétroviraux ne sont pas connues.
Les enfants exposés sont
cliniquement et biologiquement suivis durant 18 mois.
Après cet
âge, il est conseillé aux parents d’informer le pédiatre ou médecin
traitant de l’exposition médicamenteuse, même s’il ne s’agit que de
l’AZT, et a fortiori s’il s’agit d’une multithérapie.
Tout événement
indésirable grave ou inattendu doit être signalé aux centres de
pharmacovigilance.
Chaque firme pharmaceutique dispose
également d’un service de pharmacovigilance, et un registre
international a été mis en place par l’industrie.
L’enquête périnatale
française collige le suivi des enfants nés dans les centres participant
à la cohorte.
Les pharmacies hospitalières doivent obligatoirement
garder à vie la trace des prescriptions (circulaire DH/DGS n° 42 du
27/10/95), et transmettre des données au registre tenu par la
Direction des Hôpitaux.
Il est donc indispensable que tout
traitement antirétroviral chez une femme enceinte soit signalé à la
pharmacie hospitalière, qu’il s’agisse d’une première prescription ou
du renouvellement d’un traitement débuté avant la grossesse.
Les
données transmises aux différents registres sont obligatoirement
anonymes.
J - PRÉVENTION DES EXPOSITIONS PROFESSIONNELLES :
Le risque de contamination professionnelle est une légitime
préoccupation des soignants. En cas d’accident exposant au sang
d’un patient porteur du VIH, le risque de transmission est de 0,3 %.
Le risque est d’autant plus élevé que le volume de sang et la
quantité de virus inoculés sont importants : piqûre profonde avec
une aiguille creuse, lors d’un prélèvement veineux ou artériel
effectué sans gants, chez un patient à charge virale élevée.
Le contact
sur les muqueuses ou sur une peau lésée représente un risque
beaucoup plus faible, et non quantifié (aucun cas documenté en
France).
À noter qu’on ne sait pas avec quelle fréquence et à quelles
concentrations le VIH peut être présent dans le liquide amniotique.
Par ailleurs, le risque de transmission du VHC est dix fois plus élevé
que pour le VIH, et celui du VHB 100 fois plus élevé.
La vaccination
des personnels de santé contre l’hépatite B est obligatoire.
La meilleure prévention des transmissions du VIH et du VHC
(souvent associés) par un accident exposant au sang est le respect
des précautions universelles, qui doivent être rappelées et affichées
dans tous les services.
En résumé, elles sont : porter des gants, se
laver les mains immédiatement après un contact, protéger toute
plaie, jeter immédiatement les aiguilles et objets tranchants dans un
conteneur, se protéger des projections, décontaminer les instruments
utilisés et les surfaces, et surtout ne jamais recapuchonner les
aiguilles.
Les sutures doivent être faites avec des aiguilles serties
courbes, en utilisant un porte-aiguille et une pince à disséquer,
jamais avec une aiguille droite, y compris pour la fixation d’un drain
ou la suture de la peau.
Les agrafes sont conseillées pour la suture
cutanée d’une laparotomie.
Ces consignes doivent être suivies systématiquement, et non pas
seulement lors des soins aux patients connus comme porteurs du VIH, car tout changement d’habitudes peut entraîner des
maladresses.
Toutefois, des aiguilles à bout mousse sont
spécialement conçues pour les sutures profondes chez les patients
porteurs d’un agent infectieux transmissible.
En cas d’accident exposant au sang, le traitement précoce par des antirétroviraux peut diminuer le risque de transmission.
Cela a été
mis en évidence dans une étude rétrospective du CDC d’Atlanta, où
le risque relatif était cinq fois plus faible en cas de prophylaxie par
l’AZT.
Actuellement, le traitement postexposition usuel est une
combinaison de trois antirétroviraux.
Un dispositif existe en France
pour la prise en charge des personnes exposées (circulaire DGS/DH/DRT/DSS n° 98/338 du 9 avril 1998).
Chaque
établissement établit une procédure permettant l’accès aux antirétroviraux et à une consultation en urgence avec un référent,
soit sur place, soit dans un autre établissement.
Le référent évalue le
niveau du risque en fonction du type d’accident et du dossier du
patient source. Si le risque est élevé, un traitement postexposition
est toujours conseillé, et si le risque est faible, le traitement est
discuté au cas par cas.
Le choix des médicaments tient compte
d’éventuelles résistances aux antirétroviraux chez le patient source
et des antécédents de la personne exposée.
La durée du traitement
est de 1 mois.
Un traitement doit être débuté le plus tôt possible, au
plus tard dans les 48 heures.
Ainsi, si le médecin référent ne peut
pas être consulté immédiatement, il est préférable de débuter une
trithérapie tout de suite, et ensuite de réévaluer le choix du
traitement, voire l’arrêter si le risque s’avère faible.
Par ailleurs,
l’accident doit être déclaré à la médecine du travail et la personne exposée doit faire une sérologie initiale.
Le suivi régulier est
indispensable, en raison des effets secondaires médicamenteux et
psychologiques fréquents.
Le contrôle de l’antigénémie p24 ou de
l’ARN VIH est fait 3 à 6 semaines après la fin du traitement, la
sérologie VIH est refaite à 3 mois, puis pour des raisons purement
médicolégales, à 6 mois.
Prise en charge préconceptionnelle :
A -
DÉSIR DE GROSSESSE
:
Le désir de maternité émerge à certains moments de la vie, chez les
femmes séropositives au VIH comme chez d’autres femmes.
Comme
chez toute femme, la grossesse peut être désirée ou subie, le projet
d’enfant réalisable ou non réalisable.
De nombreux facteurs
interviennent : la situation de couple, l’histoire familiale, la culture,
la trajectoire personnelle. L’infection par le VIH intervient à
plusieurs niveaux différents.
D’une part, le fait d’être infectée peut
traduire des antécédents de toxicomanie, une vulnérabilité affective
ou sociale, voire des violences.
D’autre part, la maladie ou le simple
diagnostic peuvent entraîner un grand isolement affectif, des
problèmes de relation avec les hommes, voire l’absence totale de
rapports sexuels, parfois un état dépressif.
À l’inverse, l’existence
d’une pathologie chronique sérieuse et potentiellement transmissible
telle que le VIH tendrait plutôt à activer le désir d’enfant.
Enfin,
l’infection par le VIH entraîne des risques : transmission à l’enfant,
exposition aux médicaments, transmission au conjoint, avenir de
l’enfant.
Ces risques ont un impact sur la décision de la femme de
réaliser un désir de grossesse, consciemment ou inconsciemment.
La gestion individuelle du risque est influencée, mais non
déterminée, par les données médicales.
Jusqu’au début des années
1990, la grossesse était presque unanimement déconseillée chez les
femmes séropositives au VIH. Beaucoup de femmes ont attendu
pour envisager sérieusement une grossesse, d’autres n’ont pas
attendu.
Dans la cohorte SEROCO, le taux de grossesses est passé
de 20,4 à 7,9/100 années-femme après le diagnostic d’infection à
VIH, et le taux d’interruption de grossesse est passé de 29 % à 63 %.
Les progrès de la prévention et du traitement ont entraîné un
changement d’attitude des médecins et de la société, et une
augmentation du taux de grossesses chez les femmes infectées par
le VIH.
L’intervention du médecin ne peut être ni une contreindication
(d’ailleurs illusoire), ni un feu vert, mais une information
la plus précise possible, tenant compte de l’individu, afin de l’aider
dans sa décision.
Il est du devoir du médecin de mettre en garde la
patiente si les conditions sont particulièrement défavorables à un
moment donné.
L’intérêt pour une femme de s’informer en vue d’une grossesse est
évident, du fait de la complexité croissante des informations à gérer.
D’une part, elle se renseigne sur les risques encourus et sur la prise
en charge envisageable.
D’autre part, il est important que les
différents intervenants et la femme elle-même se mettent d’accord
quant au traitement antirétroviral.
Chez une femme déjà traitée, il
s’agit de décider de poursuivre, d’arrêter ou de modifier le
traitement.
Chez une femme non traitée, le projet de grossesse peut
intervenir sur la décision de différer la mise sous traitement ou sur
le choix des antirétroviraux.
La consultation préconceptionnelle
permet aussi de faire le point sur d’éventuelles pathologies associées
et sur les problèmes personnels qui peuvent être d’une importance
déterminante pour l’avenir d’un enfant.
B - ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION
ET PRISE EN CHARGE DE LA STÉRILITÉ
:
Avec les progrès thérapeutiques, les demandes de femmes
séropositives au VIH sont plus nombreuses et plus pressantes.
L’interdiction de l’Assistance médicale à la procréation (AMP)
(Arrêté publié au Journal officiel du 28/2/99) est vécue comme une
discrimination.
Son caractère systématique ne se justifie plus
aujourd’hui.
La situation devrait évoluer à mesure que sont résolues
de réelles questions techniques concernant la fécondation in vitro,
notamment le risque théorique de contamination de l’embryon et
les problèmes de sécurité sanitaire.
Plusieurs équipes acceptent de
prendre en charge les autres traitements médicaux ou chirurgicaux
de stérilité.
Il est fondamental de s’assurer qu’il existe bien une
indication (une stérilité) et une absence de contre-indications au vu
de l’état de santé des conjoints, et aussi des conditions
psychologiques et sociales.
Lorsque l’homme est séronégatif pour le VIH, une insémination artificielle avec sperme frais est souvent
évoquée pour éviter le risque de contamination.
Certains proposent
de la pratiquer, hors du cadre réglementaire, en consultation.
Le plus
souvent, cette médicalisation n’est pas nécessaire, car l’insémination
peut aisément être réalisée à domicile par le couple lui-même.
L’AMP peut aussi être utilisée afin d’éviter le risque de transmission
dans les couples sérodifférents dont l’homme est infecté par le VIH
et la femme séronégative.
À côté du recours au sperme de donneur
anonyme, l’AMP intraconjugale se développe dans certains pays
européens.
Des recherches ont montré que la migration-sélection des
spermatozoïdes diminue la présence de virus dans le sperme, et les
méthodes virologiques sont d’une sensibilité croissante, même si
elles ne permettent pas d’affirmer le risque nul.
En France, cette
approche est toujours interdite en dehors de protocoles de recherche,
mais devrait être autorisée dans l’avenir.
Prévention de la transmission mère-enfant dans les pays
en développement
:
Plus de 90 % des enfants infectés par le VIH naissent dans des pays
en voie de développement, notamment en Afrique.
La mise en
oeuvre de moyens de prévention a pris un retard dramatique, dont
les causes sont multiples et bien connues : faiblesses des systèmes
de soins, pauvreté, absence d’accès aux antirétroviraux.
Le prix des
médicaments est souvent avancé pour expliquer les carences, mais
il ne représente qu’une partie du coût de la prévention et des soins.
Actuellement, des organismes internationaux, organisations non
gouvernementales et associations, commencent à obtenir des
réductions de prix de la part des firmes, allant jusqu’à la gratuité
dans le cadre de programmes de coopération.
Des industriels de
pays émergents fabriquent des antirétroviraux génériques.
Plusieurs schémas de prévention utilisant des antirétroviraux ont
fait la preuve de leur efficacité et de leur applicabilité dans des pays
pauvres : AZT ou bithérapie AZT-3TC à partir de 36 semaines
d’aménorrhée, névirapine en dose unique à l’accouchement et chez
le nouveau-né.
Le bénéfice de ce type de prévention persiste en cas
d’allaitement au sein, même si le taux de transmission global est
plus élevé qu’en cas d’allaitement artificiel.
La place de l’allaitement artificiel est un aspect crucial, qui diffère
selon la région et la population concernées.
Lorsque les conditions
sanitaires et socioéconomiques permettent l’allaitement artificiel,
celui-ci doit être soutenu.
En revanche, chez la plupart des femmes
africaines pauvres ou modestes, l’allaitement artificiel, même
subventionné, peut entraîner une augmentation de la morbidité et
de la mortalité infantiles.
Ainsi, dans l’essai de Nairobi, alors que le
taux de transmission était plus faible, la mortalité globale n’était pas
diminuée dans le groupe d’enfants nourris artificiellement par
rapport à ceux qui ont été allaités au sein.
Lorsque l’allaitement
artificiel n’est pas réalisable, une réduction du risque de
transmission par l’allaitement peut être envisagé par diverses
interventions : sevrage précoce, allaitement maternel exclusif, plutôt
que mixte, correction des déficits en vitamine A, traitement des
infections (galactophorite, abcès), voire en diminuant la charge virale
dans le lait par un traitement antirétroviral chez la mère.
La place de la césarienne programmée diffère également selon
l’infrastructure disponible.
Lorsque celle-ci est faible, la césarienne
n’est pas une option raisonnable en raison du coût et de la mortalité
maternelle.
La condition nécessaire à toute prévention est l’accès au dépistage.
Hormis le coût, les obstacles sont les mêmes que ceux qui ont été rencontrés il y a quelques années dans les pays industrialisés : tabou
du sida, crainte de l’absence de confidentialité, absence de
thérapeutiques.
Un personnel formé au conseil pré- et post-test est
indispensable.
La mise en place de systèmes assurant la fiabilité des
tests et le secret médical est réalisable, mais nécessite une volonté de
la part des acteurs localement.
L’absence de thérapeutique encourage le fatalisme et le déni.
Des
progrès réalistes sont nécessaires pour modifier la perception des
populations par rapport au VIH, et encourager la prévention, tant
de la transmission sexuelle que de la transmission mère-enfant.
Conclusion :
La transmission mère-enfant du VIH tend à devenir exceptionnelle,
sans toutefois disparaître complètement.
Aujourd’hui, la majorité des
cas de transmission sont dus à l’absence de dépistage ou de traitement.
L’incertitude primordiale est la nature, la fréquence et les conséquences
des effets secondaires chez le foetus exposé aux antirétroviraux, à court
terme mais aussi à long terme.
L’ère des traitements virologiquement
efficaces ne fait que débuter, et on ne connaît pas encore l’avenir à long
terme des personnes infectées par le VIH.
Pour toutes ces raisons, la
prise en charge de la grossesse chez une femme infectée par le VIH est
d’une complexité croissante, car elle doit être individualisée en tenant
compte des rapports risques/bénéfices pour la mère et pour l’enfant, qui
sont encore mal connus.
L’évolution des connaissances est rapide mais
suscite sans cesse de nouvelles interrogations.
Le suivi ne nécessite pas
forcément une service très spécialisé, mais il s’agit de grossesses à
risque nécessitant une attitude cohérente entre l’interniste ou
l’infectiologue, l’équipe obstétricale et l’équipe pédiatrique, fondée sur le
dialogue avec la femme.