Surdité d’apparition brutale Cours
d'ORL (Oto-rhino-laryngologie)
Étiopathogénie des surdités
brusques
:
A - Hypothèse virale :
Les virus les plus fréquemment évoqués sont le virus
ourlien, l’herpesvirus, le virus de la rubéole, le virus de
la rougeole et les virus grippaux.
Deux types de lésions sont évoqués :
– une atteinte directe du labyrinthe membraneux et (ou)
du nerf cochléaire par un processus inflammatoire
(névrite) ;
– une atteinte de la microvascularisation cochléaire par
oedème endothélial et augmentation de la viscosité
sanguine par hémagglutination.
B - Hypothèse vasculaire :
La vascularisation de l’oreille interne est de type terminal.
Toute diminution de flux entraîne une hypoxie voire une
anoxie cellulaire.
Il existe 4 types de mécanismes :
– l’hémorragie intracochléaire notamment chez les
patients sous anticoagulants ou souffrant d’une leucémie
ou d’une aplasie ;
– le spasme de l’artère labyrinthique ;
– la thrombose ou l’embole au niveau de l’artère labyrinthique
dans les cardiopathies ou chez les patients
porteurs de facteurs de risque cardiovasculaires
(dyslipidémie, diabète, hypertension artérielle…) ;
– l’hyperviscosité sanguine avec formation de sludge,
notamment lors des macroglobulinémies.
C - Hypothèse pressionnelle :
La formation d’un hydrops labyrinthique (augmentation
de la pression d’endolymphe) serait à l’origine de
microperforations de la membrane de Reissner, provoquant
un mélange de périlymphe et d’endolymphe, qui
entraînerait un dysfonctionnement de l’organe cochléaire.
Ce diagnostic est surtout évoqué lors des surdités
fluctuantes.
D - Hypothèse auto-immune :
Chez certains patients cette hypothèse est évoquée
quand une surdité brusque survient dans un contexte de
maladie générale ou que le bilan retrouve des anticorps
anti-cochlée dirigés contre le collagène de types II et IX.
E - Mécanisme des surdités brusques
:
Le mécanisme majeur à retenir dans les surdités
brusques en dehors de l’atteinte virale directe par
névrite ou labyrinthite est l’atteinte de la microvascularisation
cochléaire.
Clinique
:
Les surdités d’apparition brutale ont une incidence de
5 à 20 pour 100 000 par an.
A - Interrogatoire :
Il recherche :
– les circonstances de survenue de la surdité : son
caractère brutal, la notion de récidive, le contexte
infectieux éventuel, les circonstances déclenchantes ;
– les signes accompagnateurs : acouphènes, troubles de
l’équilibre, sensation de plénitude auriculaire, otorrhée ;
– les antécédents de dyslipidémie, de diabète, de traumatisme
sonore, de traumatisme crânien, de maladie
générale ;
– les traitements en cours ou antérieurement suivis : oestroprogestatifs, ototoxiques ;
– les antécédents familiaux de surdité.
B - Examens
:
1- Otoscopie
:
Elle est normale dans les surdités neurosensorielles
pures, mais peut retrouver un facteur étiologique dans
les circonstances suivantes :
– une otite moyenne aiguë compliquée ;
– un cholestéatome ou une poche de rétraction à l’origine
d’une atteinte labyrinthique ;
– un hémotympan ;
– une perforation tympanique.
Dans ces cas, la surdité d’apparition brutale correspond
à une labyrinthite d’origine infectieuse ou traumatique.
2- Examen vestibulaire
:
Il recherche un syndrome vestibulaire périphérique
associé.
3- Examen neurologique
:
Il recherche une atteinte des autres paires crâniennes et
un syndrome cérébelleux.
4- Acoumétrie
:
La réalisation des manoeuvres de Weber et de Rinne au
diapason confirment le caractère neurosensoriel de la
surdité : Weber latéralisé du côté sain, Rinne positif.
Examens paracliniques
:
Leur but est triple : confirmer l’origine neurosensorielle
de la surdité ; quantifier la perte auditive ; rechercher une
étiologie, dont le neurinome de l’acoustique.
A - Audiométrie tonale :
Elle confirme l’atteinte neurosensorielle.
Les courbes
peuvent prendre plusieurs formes : en plateau ; en cupule
(évocatrice d’hydrops labyrinthique) ; descendante
(prédominante sur les fréquences aiguës) ; ascendante
(prédominante sur les graves).
B - Audiométrie vocale
:
L’existence d’une discordance entre les seuils de l’audiométrie
tonale et vocale est en faveur d’une atteinte rétrocochléaire (neurinome de l’acoustique).
C - Vidéo-nystagmographie :
Elle n’est pas indispensable, mais doit être réalisée
lorsqu’il existe un trouble de l’équilibre associé.
En cas
d’anomalie, une imagerie par résonance magnétique de
la fosse postérieure doit être envisagée.
D - Potentiels évoqués auditifs (PEA) :
C’est l’examen clé à réaliser dans les surdités d’apparition
brutale.
Les potentiels évoqués auditifs objectivent et quantifient
la surdité de perception.
Ils permettent de différencier
l’atteinte endocochléaire d’une atteinte rétro-cochléaire.
Toute suspicion d’atteinte rétrocochléaire est une indication
formelle d’une imagerie par résonance magnétique de la
fosse postérieure.
E - Imagerie par résonance magnétique
de la fosse postérieure :
Devant une surdité d’apparition brutale, les indications
de l’imagerie par résonance magnétique de la fosse
postérieure sont les suivantes :
– potentiels évoqués auditifs rétro-cochléaires ou plats ;
– fluctuation ou récidive d’une surdité de perception ;
– aggravation d’une surdité de perception existante ;
– association à un autre signe cochléovestibulaire
(acouphène, trouble de l’équilibre) ;
– cophose ;
– sujet jeune.
F - Tomodensitométrie haute résolution
des rochers :
Cet examen doit être réalisé en cas de suspicion d’une
malformation de l’oreille interne, notamment chez
l’enfant, ou en cas d’atteinte associée de l’oreille
moyenne (otite moyenne aiguë, otite chronique, traumatisme).
Bilan biologique et préthérapeutique
:
Les examens à réaliser sont les suivants :
– sérologies virales : herpesvirus, rougeole, oreillons,
rubéole, hépatites B et C ;
– bilan biologique inflammatoire ;
– recherche des facteurs de risque : triglycéridémie,
cholestérolémie, glycémie, bilan de coagulation,
numération de formule sanguine ;
– bilan préthérapeutique (radiographie de thorax, électrocardiogramme).
Étiologie
:
A - Causes tumorales
:
Le 1er diagnostic à éliminer devant une surdité d’apparition
brutale est le neurinome de l’acoustique : 10% des
neurinomes de l’acoustique se révèlent par ce symptôme.
Ce diagnostic doit toujours être évoqué et recherché
(potentiels évoqués auditifs, imagerie par résonance
magnétique).
Les autres tumeurs de l’angle ponto-cérébelleux sont
plus rares.
B - Causes vasculaires :
Étiologie la plus fréquente, elle doit être évoquée chez
tout patient présentant des facteurs de risque cardiovasculaires,
des hémopathies ou un traitement par oestroprogestatif.
C - Causes virales :
Les virus les plus fréquemment retrouvés sont le virus
ourlien, l’herpesvirus, la rougeole, la rubéole.
Le diagnostic de certitude d’infection virale est difficile.
Il est évoqué devant un contexte épidémiologique associé
à une séroconversion affirmée sur 2 prélèvements
réalisés à 15 jours d’intervalle et dosés dans le même
laboratoire.
D - Causes bactériennes :
Les otites moyennes aiguës et l’otite chronique évolutive
peuvent provoquer une atteinte neurosensorielle
d’aggravation rapide en cas de labyrinthite soit par
contiguïté, soit par fistule labyrinthique.
L’atteinte
labyrinthique peut être inflammatoire, permettant
d’espérer une récupération auditive, ou suppurée, la
récupération étant rare.
La syphilis est un diagnostic classique mais rare.
E - Surdités auto-immunes :
Ce diagnostic est à évoquer dans le cadre de maladie
générale connue ou en cas de surdités de perception
fluctuante ou bilatérale.
Les diagnostics les plus fréquents sont la périartérite
noueuse, la maladie de Wegener, le syndrome de Cogan.
F - Surdités d’origine allergique :
Ce diagnostic est rarement évoqué dans un contexte très
spécifique et serait consécutif à une atteinte de la microvascularisation
cochléaire.
G - Affections neurologiques :
La sclérose en plaques peut donner des épisodes initiaux
de surdités d’apparition brutale.
Cette cause est rare.
Le
diagnostic est évoqué sur l’histoire de la maladie et la
présence de potentiels évoqués auditifs rétrocochléaires
ou désynchronisés nécessitant la réalisation d’une imagerie
par résonance magnétique cérébrale.
H - Malformations de l’oreille interne :
Elles doivent être systématiquement recherchées chez
l’enfant.
Les plus fréquentes sont le syndrome de Mondini.
I - Surdités ototoxiques :
Elles sont évoquées sur la prise de traitements ototoxiques
dont les plus fréquents sont les aminosides,
le furosémide (Lasilix), le cisplatine, le 5-fluoro-uracile,
la quinine et l’aspirine à forte dose.
Ces surdités sont bilatérales, symétriques et progressives.
J - Surdités traumatiques :
La fistule périlymphatique doit être évoquée devant
une fluctuation de l’audition, notamment après un
traumatisme crânien ou pressionnel.
Elle est souvent
associée à un trouble de l’équilibre.
Elle est due à une
fuite de liquide périlymphatique au niveau des fenêtres
ronde et (ou) ovale.
Son traitement est chirurgical.
Les fractures du rocher, les traumatismes directs par
éléments contondants, les surdités après chirurgie de
l’oreille, l’électrocution et la fulguration ne posent pas
de difficulté diagnostique.
K - Maladie de Ménière :
La triade symptomatique est caractéristique : surdité,
vertiges et acouphènes évoluant par crises.
L’aspect de
la courbe audiométrique en cupule est évocateur.
L - Surdités idiopathiques (brusques) :
Il s’agit d’un diagnostic d’élimination, lorsque les autres
causes n’ont pas fait leurs preuves.
C’est la forme la
plus fréquente.
Formes cliniques
:
A - Chez l’enfant
:
Les causes malformatives et ourliennes sont les plus
fréquentes.
B
- Formes bilatérales
:
Les causes auto-immunes, ototoxiques, malformatives,
vasculaires doivent être évoquées en priorité.
C
- Formes fluctuantes :
Les causes les plus fréquentes sont le neurinome de
l’acoustique, la maladie de Ménière et la fistule périlymphatique.
Moyens thérapeutiques
:
Il s’agit d’une urgence thérapeutique.
Dans la grande majorité des cas une hospitalisation est
souhaitable, associant le traitement étiologique lorsqu’il
existe, le repos et différentes thérapeutiques.
Il n’existe
pas de consensus thérapeutique pour les surdités
brusques.
A - Traitement étiologique
:
Traitement chirurgical d’une fistule périlymphatique,
antibiothérapie et corticothérapie dans le cadre d’une
labyrinthite bactérienne…
B - Repos :
Il fait partie intégrante du traitement.
C - Hémodilution normovolémique :
Le but de ce traitement est la diminution de la viscosité
sanguine.
Une partie du volume sanguin est remplacée
par des macromolécules afin d’obtenir une hématocrite
aux alentours de 30 % en gardant une normovolémie.
Il existe des contre-indications absolues : l’angor
instable et l’insuffisance cardiaque.
D - Oxygénothérapie hyperbare :
Appelé aussi caisson hyperbare, son but est d’augmenter
la pression partielle artérielle en O2.
Ce traitement
présente des risque de pneumotoxicité, d’angor et de
barotraumatisme auriculaire et sinusien.
E - Corticothérapie :
Elle est utilisée dans un but anti-inflammatoire.
Généralement, elle est prescrite à forte dose et en intraveineux
pendant plusieurs jours ou un relais per os sur
plusieurs mois est instauré si l’on suspecte une origine
auto-immune.
F - Vasodilatateurs
:
Ils n’ont pas fait la preuve de leur utilité mais sont très
employés.
Le plus utilisé est le carbogène : c’est un
vasodilatateur puissant entraînant une amélioration de la
perfusion cochléaire.
Il est administré en aérosol mélangé
à de l’oxygène.
D’autres produits sont utilisés : les vasodilatateurs
neurotropes (dihydroergotoxine, trimétazidine : Vastarel),
musculotropes (dérivés de l’acide nicotinique, naftidrofuryl : Praxilène) et systémique.
Ils sont utilisés à
forte dose les premiers jours puis per os pour des durées
variables.
G - Diurétiques
:
Ils sont principalement prescrits en cas d’hydrops.
Le Diamox (acétazolamide) est le plus utilisé.
H - Autres
:
Les antiviraux, les antiagrégeants, les anticoagulants
sont prescrits en fonction de l’étiologie.