Diagnostic des surcharges en fer Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Les signes d’appel d’une surcharge en fer sont nombreux,
polymorphes et peu spécifiques : asthénie, mélanodermie, ostéoarthropathie, hépatopathie, cardiomyopathie, diabète,
hypogonadisme, syndrome extrapyramidal, cytolyse ou
augmentation du carbohydrate antigen (CA) 19-9 sérique peuvent,
isolés ou diversement associés, rendre compte d’une surcharge en
fer.
Il faut toutefois souligner que nombre de surcharges en fer
demeurent longtemps asymptomatiques et ne sont évoquées que
devant des anomalies du bilan martial découvertes de façon fortuite.
La biologie martiale courante (fer sérique, saturation de la
transferrine et ferritinémie) doit être interprétée de manière
rigoureuse car :
– hypersidérémie, élévation du coefficient de saturation de la
transferrine (CST) et hyperferritinémie ne témoignent pas toujours,
loin s’en faut, d’une surcharge en fer ;
– surcharge en fer n’est absolument pas synonyme d’hémochromatose
dans la mesure où ce terme désigne une affection bien
précise, caractérisée par une surcharge en fer de transmission
autosomique récessive HLA liée.
En cas de suspicion de surcharge en fer, le dosage de la ferritinémie
est généralement le premier examen demandé. L’absence
d’hyperferritinémie permet d’écarter le diagnostic de surcharge en
fer.
À l’inverse, nombreuses sont les causes d’hyperferritinémie non
liée à une augmentation du stock en fer de l’organisme.
Ce n’est qu’après avoir éliminé ces situations qu’il est possible de considérer
que l’hyperferritinémie témoigne bien d’une surcharge en fer.
La
démarche diagnostique s’appuie alors sur la détermination du CST :
– la normalité ou a fortiori la diminution du CST permet d’écarter
avec certitude le diagnostic d’hémochromatose et dispense, en
pratique, de la recherche de la mutation HFE-C282Y en cause
dans cette affection ;
– l’augmentation du CST peut être le fait d’une hémochromatose
comme d’une surcharge en fer non hémochromatosique et appelle
donc la recherche de la mutation HFE-C282Y afin de trancher entre
ces deux possibilités.
Perturbations du bilan martial
non liées à une surcharge en fer :
Hypersidérémie et élévation de la saturation de la transferrine sont
rencontrées au cours des cytolyses hépatiques ou autres, et des hypotransferrinémies acquises (insuffisance hépatocellulaire et
syndrome néphrotique).
Une hyperferritinémie est fréquente en dehors de toute surcharge
en fer.
Elle peut être le fait d’une lyse cellulaire ou d’une
augmentation de synthèse de ferritine.
A - CYTOLYSES
:
Toute lyse cellulaire conséquente induit une hyperferritinémie.
C’est
le cas des hépatites aiguës (au cours desquelles la ferritinémie peut
dépasser 10 000 ng/mL) mais aussi des hépatites chroniques, des hémolyses, des nécroses médullaires et myocardiques ainsi que
des rhabdomyolyses.
L’interprétation d’une hyperferritinémie
nécessite donc la connaissance du taux sérique des alanineaminotransférases
(ALAT), des aspartate-aminotransférases (ASAT)
et, éventuellement, de la créatine phosphokinase (CPK).
B - AUGMENTATION DE SYNTHÈSE
:
1- Activation macrophagique
:
– La ferritine est une protéine de la réaction inflammatoire aiguë.
Une hyperferritinémie est donc fréquente au cours des syndromes
inflammatoires.
Elle dépasse rarement 1 000 ng/mL et, fait
important, est toujours alors associée à une chute du fer sérique sans
augmentation de la saturation de la transferrine.
Le dosage de la
C reactive protein (CRP) s’impose donc devant toute
hyperferritinémie.
– Une hyperferritinémie parfois majeure (> 10 000 ng/mL)
accompagne les syndromes d’hyperphagocytose (érythrophagocytose)
tels que ceux décrits au cours du syndrome de
l’immunodéficience acquise (sida) ou encore la maladie de Still.
Les thésaurismoses macrophagiques comme la maladie de
Gaucher sont également susceptibles d’induire une hyperferritinémie de l’ordre de 1 000 à 2 000 ng/mL.
2- Alcoolisme chronique
:
L’alcool stimule la synthèse de la ferritine.
Il existe donc
fréquemment chez l’alcoolique chronique une hyperferritinémie en
dehors de toute cytolyse ou surcharge en fer associée.
À cette hyperferritinémie, qui peut être supérieure à 1 000 ng/mL, s’associe,
dans la moitié des cas, une augmentation du fer sérique et de la
saturation de la transferrine.
Devant un tel tableau biologique
mimant une hémochromatose chez un alcoolique, il faut, avant toute
exploration complémentaire, obtenir un sevrage et contrôler à son
terme les marqueurs sériques de charge en fer.
À l’arrêt de
l’intoxication, le fer sérique et la saturation se normalisent en moins
de 1 semaine alors que la ferritinémie décroît plus lentement pour
se stabiliser après 3 mois d’abstinence.
La persistance de
l’hyperferritinémie doit faire évoquer une surcharge en fer sousjacente,
non hémochromatosique si le fer sérique et la saturation de
la transferrine se sont normalisés et hémochromatosique dans le cas
contraire.
3- Autres causes
:
L’hyperferritinémie est fréquente mais non révélatrice au cours des
hyperthyroïdies, de certaines tumeurs malignes (carcinomes
hépatocellulaire, pulmonaire ou mammaire) et des maladies
hématologiques malignes (lymphomes, leucémies notamment
myélomonocytaires).
À l’inverse, c’est parfois devant une hyperferritinémie de découverte
fortuite qu’est évoqué le syndrome hyperferritinémie-cataracte.
Cette affection autosomique dominante a été décrite en 1995. Elle
se caractérise par une cataracte bilatérale non liée au vieillissement,
congénitale ou plus tardive, ainsi que par une augmentation du taux
sérique de la ferritine, au-delà de 1 000 ng/mL le plus souvent, sans
surcharge en fer associée.
Les différentes mutations responsables de
ce syndrome se situent au niveau de l’iron responsive
element (IRE) du gène L-ferritine et sont à l’origine d’une synthèse
accrue de L-ferritine par diminution de l’affinité de la liaison IREiron
regulatory protein (IRP).
Le développement de la cataracte
pourrait être plus ou moins directement lié à des dépôts de L-ferritine sur le cristallin.
Affirmation et quantification
d’une surcharge en fer :
La ferritinémie croît progressivement à la charge en fer de
l’organisme.
Elle est donc un bon reflet du stock martial à la
condition qu’une des fréquentes conditions précitées n’interfère pas
pour en augmenter artificiellement le taux.
Dans ces cas difficiles, la
certitude diagnostique de surcharge viscérale en fer passe par la
biopsie hépatique ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM)
(sous certaines conditions techniques) selon qu’il existe ou non
des signes cliniques et/ou biologiques d’hépatopathie.
Diagnostic étiologique des surcharges en fer :
Cette étape
repose sur la détermination du taux de saturation de la transferrine
et la recherche de la mutation C282Y lorsque ce taux est supérieur à
45 %.
A - HÉMOCHROMATOSE
:
C’est une affection autosomique récessive d’une grande fréquence
chez les sujets de race blanche (5 ‰).
Elle est liée à l’existence d’une
mutation (C282Y) sur le gène HFE porté par le chromosome 6 et
responsable d’une hyperabsorption digestive de fer.
Il s’agit d’une
maladie de révélation tardive (30-40 ans chez l’homme et 40-50 ans
chez la femme) qui associe diversement une altération de l’état
général (asthénie), une ostéoarthropathie et une surcharge en fer
progressive du foie (cirrhose et cancer), du pancréas (diabète) et du
coeur (cardiomyopathie).
Chez la plupart des sujets hémochromatosiques présentant la mutation C282Y à l’état
homozygote, la recherche de cette mutation peut être utilisée comme
un test diagnostique.
– Si la mutation C282Y est retrouvée à l’état homozygote, le
diagnostic d’hémochromatose est posé.
L’importance de la surcharge
est alors appréciée sur les signes cliniques, le dosage de la ferritinémie et la concentration hépatique en fer estimée par
l’IRM.
La biopsie hépatique n’est plus proposée que dans un but
pronostique, afin de rechercher une cirrhose dont la présence
modifie la prise en charge ultérieure en raison du risque de
carcinome hépatocellulaire qu’elle fait courir.
Lorsque le patient
présente un foie de taille normale et une ferritinémie inférieure à
1 000 ng/mL et un taux sérique d’ASAT normal, il n’existe aucun
risque de cirrhose et la biopsie est donc inutile.
En revanche,
lorsque ces trois critères ne sont pas réunis, le risque de cirrhose est
de l’ordre de 50 % et motive la réalisation d’une biopsie.
Le
traitement de l’hémochromatose repose sur des saignées régulières
(toutes les semaines puis, à vie, tous les 1 à 3 mois) qui visent
l’obtention puis le maintien des critères de désaturation suivants :
fer inférieur à 20 µmol/L, saturation de la transferrine inférieure à
30 % et ferritinémie inférieure à 50 ng/mL.
La mise en évidence
d’une hémochromatose chez un probant doit conduire à la
réalisation d’une enquête familiale (ascendants, collatéraux et
descendants) qui repose maintenant sur la recherche de signes
phénotypiques cliniques et biologiques de surcharge en fer ainsi que
sur celle de la mutation C282Y.
– Si la mutation C282Y n’est pas retrouvée à l’état homozygote, le
diagnostic d’hémochromatose peut être, en France et en l’état actuel
de nos connaissances, raisonnablement écarté.
Avant d’évoquer une
exceptionnelle hémochromatose non marquée par la mutation
C282Y, il convient de rechercher attentivement une autre cause de
surcharge en fer.
B - SURCHARGES NON HÉMOCHROMATOSIQUES
:
Elles sont le fait de troubles héréditaires du métabolisme du fer et
de surcharges acquises dites secondaires.
Il est vraisemblable que la
mutation C282Y (à l’état hétérozygote) et une seconde mutation
HFE-H63D (à l’état hétéro- ou homozygote) en modulent
l’expression.
1- Troubles
héréditaires du métabolisme du fer :
* Surcharges
néonatales :
+ Hémochromatose néonatale
:
Il s’agit d’une affection rare et souvent fatale caractérisée par une
insuffisance hépatique précoce liée à une cirrhose avec surcharge en
fer massive. L’excès de fer concerne également les parenchymes
cardiaque, rénal et endocrinien mais respecte les phagocytes mononucléés.
Une anomalie du transport transplacentaire du fer
pourrait en être responsable.
Le gène HFE ne semble pas en
cause.
+ Syndrome de Zellweger (ou syndrome hépato-cérébro-rénal)
:
Cette affection autosomique récessive associe une hypotonie, des
anomalies du faciès et des reins polykystiques.
Dans certains cas,
une surcharge en fer est présente dans le foie (avec ou sans fibrose),
la rate, les reins et les poumons.
* Hémochromatose juvénile
:
Cette affection rare réalise un tableau phénotypique complet et grave
d’hémochromatose.
Elle se révèle vers l’âge de 20 ans, le plus
souvent par une décompensation cardiaque volontiers favorisée
par la prise de vitamine C.
Il a été récemment démontré qu’elle
n’était pas liée aux mutations actuellement connues sur le gène HFE.
*
A(hypo-)transferrinémie héréditaire
:
Il s’agit d’une affection autosomique récessive exceptionnelle dont
une dizaine de cas ont été rapportés.
La carence en transferrine
est responsable d’une surcharge parenchymateuse en fer liée, en
partie, à une hyperabsorption digestive de fer et d’une anémie
hypochrome et microcytaire nécessitant des transfusions qui
aggravent la surcharge.
L’anomalie moléculaire en cause dans la
maladie humaine est inconnue.
Il existe un modèle expérimental
d’atransferrinémie chez la souris.
* Acéruloplasminémie héréditaire
:
Il s’agit d’une affection autosomique récessive initialement rapportée
dans des familles japonaises, liée à une mutation du gène de la céruloplasmine et caractérisée par une surcharge
parenchymateuse en fer touchant le foie, le pancréas (diabète) et le
système nerveux central (rétinite pigmentaire, syndrome
extrapyramidal et troubles des fonctions supérieures jusqu’à la
démence).
En l’absence de céruloplasmine, dont l’activité
ferroxydasique règle, à l’état normal, la sortie cellulaire du fer, le fer
reste bloqué dans les cellules et s’y accumule.
Biologiquement,
la maladie réalise un tableau d’hyperferritinémie à fer sérique et
saturation de la transferrine bas associée à un effondrement de la
céruloplasminémie.
Elle se révèle à l’âge adulte, généralement par
un diabète. Les soustractions sanguines induisent rapidement une
anémie, si bien que le seul espoir thérapeutique réside dans
l’administration d’un chélateur du fer.
* Surcharge en fer africaine
:
Cette affection, qui réalise un tableau proche de celui de
l’hémochromatose, est la conséquence d’un apport alimentaire
excessif de fer.
Elle est toutefois sous-tendue par une
prédisposition génétique non HLA et non HFE liée.
2- Surcharges acquises
:
* Apport excessif en fer
:
Quelle que soit sa voie d’administration, per os, intramusculaire ou
transfusionnelle (200 mg de fer par culot globulaire), l’apport
régulier et prolongé de fer peut être responsable d’une surcharge en fer et induire un tableau phénotypique complet d’hémochromatose.
Il est possible, mais non démontré, que la présence sous-jacente des
mutations HFE soit un facteur favorisant l’accumulation du fer.
* Syndrome polymétabolique
:
Il s’agit d’un syndrome récemment décrit chez des sujets non
alcooliques d’âge mûr, essentiellement masculins.
Il est défini par
l’association, en l’absence d’une cause connue de surcharge en fer,
d’une surcharge hépatique en fer et d’un contexte dysmétabolique
particulier associant surpoids (avec répartition androïde des
graisses) et/ou dyslipidémie (hypertriglycéridémie, essentiellement)
et/ou intolérance aux hydrates de carbone, voire diabète non
insulinodépendant.
La biologie fonctionnelle hépatique est normale
ou peu perturbée (hypergamma-GT isolée ou associée à un discret
courant cytolytique en ALAT).
La surcharge hépatique en fer y est,
le plus souvent, modérée.
Elle est mixte, hépatocytaire et
mésenchymateuse, avec prédominance périportale de sa composante
parenchymateuse.
Elle s’associe, dans plus de la moitié des cas, à
une stéatose, voire à une hépatite stéatosique.
Une fibrose en
« pont » ou une cirrhose est présente dans plus de 10 % des cas,
surtout chez les sujets stéatosiques et âgés.
Ce syndrome est
souvent pris à tort pour une hémochromatose alors que la mutation
C282Y n’y est jamais en cause à l’état homozygote.
Toutefois, deux
tiers des patients atteints d’hépatosidérose dysmétabolique sont
porteurs de l’une et/ou de l’autre des mutations HFE.
Le
traitement déplétif chez de tels sujets n’est pas obligatoire dans la
mesure où la surcharge ne fait pas courir les risques viscéraux d’une
hémochromatose.
Toutefois, le risque de fibrose au cours de
l’hépatosidérose dysmétabolique et la démonstration épidémiologique d’un lien
entre l’augmentation du stock en fer de l’organisme et la maladie
cancéreuse justifient de proposer
l’évacuation de la surcharge.
La désaturation est d’ailleurs obtenue
rapidement après la soustraction de 1,5 à 5 g de fer.
Les saignées
sont souvent moins bien supportées que dans l’hémochromatose, si
bien qu’il est parfois préférable de les espacer de 15 jours au lieu de
1 semaine ou d’en réduire le volume à 250-300 mL.
L’effet de la
correction des anomalies métaboliques sur le stock en fer n’est pas
connu.
* Maladies chroniques du foie
:
La présence d’anomalies des paramètres sériques de charge en fer
au cours des hépatopathies chroniques est fréquente.
Elle
témoigne inconstamment d’une réelle surcharge en fer dont la
relation possible avec une hémochromatose homo- ou hétérozygote
sous-jacente a motivé beaucoup de travaux.
La découverte du gène
et des mutations HFE devrait permettre de mieux comprendre le
mécanisme de ce type de surcharge.
Pour l’heure, les données
recueillies demeurent encore fragmentaires, voire contradictoires.
+ Maladie alcoolique du foie
:
Une surcharge en fer modérée (< 100 µmol/g) est signalée chez un
tiers des sujets alcooliques.
Son mécanisme de constitution est
imprécis.
L’alcool pourrait intervenir directement par l’induction
d’une hyperabsorption du fer et surtout indirectement par la
richesse en fer de certaines boissons alcoolisées et par l’induction
d’une carence en folates, d’une désialylation de la transferrine, d’un
syndrome polymétabolique ou d’une cirrhose.
Le rôle
favorisant des mutations HFE est possible mais non démontré.
Cliniquement et biologiquement, l’hépatopathie alcoolique
s’accompagne fréquemment d’un tableau évocateur
d’hémochromatose, surtout en cas de cirrhose constituée.
En effet,
mélanodermie, hypogonadisme, troubles du métabolisme du
glucose, cytolyse et élévation de la ferritinémie y sont fréquents en
dehors de toute surcharge génétique sous-jacente.
+ Hépatite chronique virale C
:
Il existe, dans le tiers des cas d’hépatite chronique virale C, une
augmentation des paramètres sériques de charge en fer qui,
fréquemment, s’associe à une hépatosidérose. Cette dernière est
le plus souvent mésenchymateuse.
Elle apparaît liée à l’activité
de la maladie dont elle pourrait d’ailleurs aggraver le retentissement
lésionnel et diminue après traitement par interféron.
Les
mutations HFE ne semblent pas avoir un rôle significatif dans sa
constitution.
L’augmentation de la charge hépatique en fer
serait un facteur de moindre réponse au traitement antiviral.
Toutefois, la déplétion martiale, bien que réduisant la cytolyse,
n’a aucun effet significatif sur la virémie.
+ Cirrhose
:
Quelle que soit son étiologie, elle est susceptible de se compliquer
au cours de son évolution d’une surcharge en fer progressive qui
peut, au stade terminal de la maladie, en imposer pour une
hémochromatose.
Cette surcharge est en effet essentiellement
parenchymateuse. Elle se distribue cependant de façon très
hétérogène d’un nodule à l’autre.
Les dépôts de fer respectent le
tissu fibreux et surtout les vaisseaux et les canaux biliaires, ce qui
permet de la différencier de la surcharge hémochromatosique.
Son mécanisme fait vraisemblablement intervenir de nombreux
facteurs dont l’augmentation du fer non lié à la transferrine (qui
pénètre aisément dans l’hépatocyte) et les shunts portosystémiques (par analogie avec les hépatosidéroses parfois
décrites après anastomose portocave chirurgicale).
L’homozygotie
C282Y n’a pas d’implication significative dans la constitution de ce
type de surcharge.
Or, avant l’identification du gène HFE,
beaucoup de ces hépatosidéroses secondaires à l’état de cirrhose
étaient considérées comme de nature hémochromatosique au vu de
l’augmentation de la saturation de la transferrine (par
hypotransferrinémie liée à l’insuffisance hépatocellulaire) et d’une
concentration hépatique en fer effectuée au niveau d’un nodule très
surchargé.
Cela a vraisemblablement contribué à sous-évaluer, dans
certaines séries, la réelle prévalence de la mutation C282Y dans
l’hémochromatose et conduit, en matière de greffe hépatique, à des
conclusions erronées sur le devenir particulier des patients
transplantés pour « cirrhose hémochromatosique ».
+ Carcinome hépatocellulaire (CHC)
:
En dehors de l’hémochromatose où le risque de CHC est bien
documenté, la question est posée d’un rôle favorisant de toute
surcharge hépatique en fer vis-à-vis du développement du CHC.
De fait, le suivi de sujets cirrhotiques montre que le risque de CHC
est plus élevé lorsque initialement la ferritinémie est augmentée.
Surtout, il existe, dans le foie non tumoral de sujets atteints de CHC,
qu’ils soient ou non cirrhotiques, une charge en fer significativement
augmentée par rapport à des foies témoins.
Ces données vont à
l’appui d’un rôle (co)carcinogène du fer par ailleurs fortement étayé
par de nombreux travaux expérimentaux et épidémiologiques.
Elles posent, bien évidemment, la question de la sous-jacence des
mutations HFE qui n’est pas encore résolue.
* Maladies hématologiques
:
+ Porphyrie cutanée tardive
:
La porphyrie cutanée tardive (PCT) est liée à une diminution de
l’activité de l’uroporphyrinogène décarboxylase.
Cette enzyme de la chaîne de synthèse de l’hème est inactivée de façon réversible par
un processus fer dépendant.
La PCT est marquée par des signes
cutanés à type de photosensibilité, de fragilité épidermique et de
bullose.
L’expression clinique de la maladie requiert l’intervention
de cofacteurs tels l’alcool, la prise d’oestrogènes, une hépatopathie
ou le fer.
De fait, une hépatosidérose mixte et en règle peu marquée
est retrouvée dans 60 à 70 % des cas de PCT.
La déplétion martiale
par soustractions sanguines régulières conduit à l’extinction des
manifestations cutanées de la maladie, même chez les patients
indemnes de surcharge hépatique en fer.
Depuis longtemps, une
association entre la PCT et le gène de l’hémochromatose était
avancée en raison de la prévalence élevée de l’antigène HLA-A3 et
de l’haplotype ancestral de l’hémochromatose (HLA-A3, D6S265-1,
D6S105-8, D6S1260-4) au cours de la PCT.
Roberts et al ont
confirmé cette association en démontrant que la fréquence de la
mutation C282Y était élevée au cours de la PCT sporadique (44 %
versus 11 % dans la population générale).
Depuis, des résultats
analogues ont été retrouvés dans des séries de patients hollandais,
australiens et sud-africains d’origine européenne.
Curieusement,
ce n’est pas le cas en Italie où la fréquence allélique de la mutation
C282Y chez des sujets atteints de PCT sporadique (1,5 %) n’est pas
apparue significativement différente de celles calculées dans la
population générale (0,7 %) et dans une série de sujets atteints de
virose C chronique (2 %).
En revanche, les cas italiens de PCT sont
fréquemment marqués par la mutation H63D (fréquence allélique
de 28,7 % versus 12,8 % et 12 % dans les groupes contrôles).
Ces
études suggèrent fortement que les mutations HFE confèrent une
susceptibilité particulière vis-à-vis de la PCT.
Toutefois, une relation
entre l’une et/ou l’autre des mutations et la charge hépatique en fer
au cours de la PCT n’a pas été démontrée, si bien que le mécanisme de cette
susceptibilité demeure mystérieux.
* Dysérythropoïèses
:
Les dysérythropoïèses, quelle qu’en soit la cause (thalassémies,
anémies sidéroblastiques héréditaires ou acquises, anémie
dysérythropoïétique congénitale), peuvent induire, avant toute
transfusion, une surcharge en fer par hyperabsorption digestive de
fer réactionnelle à l’état d’érythropoïèse inefficace qui les
caractérise.
Ce type de surcharge mime biologiquement et
histologiquement l’hémochromatose, si bien que le diagnostic n’en
est parfois fait que devant l’apparition d’une anémie après quelques
soustractions sanguines.
Les mutations HFE pourraient en favoriser
la constitution.
Le plus souvent, le diagnostic hématologique est connu et le patient
traité par transfusions quand se pose le problème de la surcharge en
fer.
Au cours de la thalassémie majeure qui demeure la cause la plus
fréquente de surcharge secondaire en fer, l’hyperabsorption de fer et
les besoins transfusionnels (en moyenne 200 à 300 mL/kg/j, soit 0,25
à 0,40 mg/kg/j de fer) concourent à la constitution précoce de la
surcharge.
Celle-ci se manifeste, dans la première décennie, par une
hépatomégalie avec fibrose puis cirrhose ainsi que par un retard de
croissance.
Secondairement, elle est responsable d’un défaut du
développement sexuel et d’une cardiomyopathie, cause principale
du décès de ces jeunes patients.
Tous les marqueurs sériques de
charge en fer sont augmentés.
Le traitement repose sur des mesures
diététiques visant à limiter l’apport et l’absorption du fer
(consommation de thé) et, surtout, les chélateurs.
La déféroxamine
demeure l’agent thérapeutique le plus largement utilisé.
Elle doit
être administrée par voie parentérale, en raison de sa faible
absorption digestive, et par infusion continue, compte tenu de sa
demi-vie courte (5 à 10 minutes).
Ainsi, une dose de 2 à 4g de déféroxamine est perfusée en sous-cutané à l’aide d’une pompe
portable pendant une douzaine d’heures, plusieurs jours par
semaine, sur plusieurs mois.
Un tel traitement permet de diminuer
ou de contrôler le stock en fer.
Il augmente la survie des patients en
améliorant leurs fonctions cardiaque et pancréatique.
Il a en outre
un effet bénéfique sur la croissance et la maturation sexuelle.
La déféroxamine expose toutefois à des effets secondaires (cataracte,
rétinopathie, surdité et insuffisance rénale), demeure coûteuse et mal
acceptée par de jeunes sujets.
C’est pourquoi des alternatives sont
développées : chélateurs oraux du fer, transplantation de moelle et
thérapie génique.
* Anémies hémolytiques héréditaires
:
Quelques observations familiales d’association d’une sphérocytose
héréditaire ou d’un déficit en pyruvate kinase avec une
hémochromatose ont été rapportées.
Surtout, la présence d’un état
hétérozygote pour le gène de l’hémochromatose pourrait favoriser
l’accumulation de fer chez les patients atteints d’une anémie
hémolytique héréditaire.