Suivi cardiologique de l’opéré vasculaire

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Introduction :

Chez l’opéré artériel, les complications cardiaques postopératoires restent une grande cause de morbidité et mortalité postopératoires.

Ces complications justifient une estimation préopératoire du risque cardiaque, une surveillance attentive pendant la période périopératoire et une surveillance cardiologique à long terme.

De fait, la survenue postopératoire d’une ischémie myocardique, d’un angor instable ou d’un infarctus du myocarde multiplie considérablement le risque de complications secondaires dans les deux années qui suivent l’intervention chirurgicale.

Complications cardiaques postopératoires :

La pathologie coronarienne est fréquemment associée à la pathologie vasculaire périphérique et est la principale cause de morbidité et de mortalité postopératoires après chirurgie vasculaire.

La fréquence des complications cardiaques postopératoires est particulièrement élevée, de 15 à 19 % des patients selon les essais.

La nature et la symptomatologie de certaines complications nécessitent quelques précisions.

L’infarctus du myocarde postopératoire est indolore en raison de la présence d’autres foyers douloureux, de l’utilisation des antalgiques et de la persistance d’une sédation postopératoire.

Les électrocardiogrammes (ECG) répétés et les dosages biologiques sont essentiels au diagnostic.

L’infarctus du myocarde postopératoire se traduit le plus souvent par un courant de lésion sous-endocardique persistant.

Suivi cardiologique de l’opéré vasculaire

Il est associé à une augmentation des enzymes cardiaques (CK [créatine kinase] MB).

Actuellement, le dosage de la troponine I a la meilleure sensibilité et spécificité pour le diagnostic de l’infarctus du myocarde postopératoire.

L’angor instable postopératoire est indolore, son diagnostic repose également sur la mise en évidence de troubles de la repolarisation persistants sur les ECG répétés.

Complications cardiaques à long terme :

Plusieurs études ont démontré le risque élevé de complications cardiaques à long terme pour l’opéré artériel.

Raby et al retrouvent 10 % de complications cardiaques à long terme.

Younis et al rapportent 12 % de complications chez des malades suivis pendant 18 mois.

Les études plus anciennes de Hetzer et Crawford retrouvent une mortalité d’origine cardiaque de l’ordre de 20 % chez des malades suivis de 5 à 25 ans. Une étude récente de Mangano et al apporte des informations complémentaires en recherchant les facteurs prédictifs des complications cardiaques.

Cette étude a été réalisée chez des malades ayant des facteurs de risques cardiovasculaires et bénéficiant d’une chirurgie générale.

La morbidité et la mortalité a été analysée en collectant les informations 6 mois, 1 an et 2 ans après l’intervention chirurgicale.

Sur un collectif de 444 malades consécutifs, 76 (17 %) ont développé des complications cardiaques pendant la période de suivi : 24 sont décédés, 11 ont développé un infarctus du myocarde, six un angor progressif nécessitant une revascularisation myocardique, deux un angor instable, 30 une insuffisance cardiaque congestive et 38 des troubles du rythme ventriculaire.

L’analyse statistique a permis d’identifier cinq facteurs prédictifs indépendants.

Trois facteurs prédictifs sont en rapport avec le terrain cardiovasculaire : la présence d’une pathologie vasculaire connue, un antécédent d’insuffisance ventriculaire gauche, la notion d’une pathologie coronarienne.

Deux facteurs prédictifs sont directement liés à la période postopératoire : la survenue d’un infarctus du myocarde ou d’un angor instable postopératoire et la simple ischémie myocardique postopératoire.

Les malades ayant survécu à un infarctus du myocarde postopératoire ont un risque 28 fois plus élevé de développer une complication cardiaque dans les 6 mois suivant la chirurgie.

Enfin, 70 % des patients ayant développé des complications cardiaques dans le suivi ont présenté des épisodes d’ischémie myocardique au cours de l’hospitalisation pour la chirurgie.

Des conclusions majeures concernant le suivi des opérés ayant des facteurs de risques cardiovasculaires peuvent être tirées de cette étude.

L’incidence des complications cardiaques à long terme est élevée, de l’ordre de 10 % dans la plupart des essais.

Ces complications sont plus fréquentes chez les malades ayant des antécédents cardiovasculaires.

La pathologie vasculaire plus encore que la pathologie cardiaque est associée à un risque élevé de complications.

La survenue d’ischémie myocardique postopératoire mais surtout d’un infarctus du myocarde postopératoire ou d’un angor instable postopératoire est déterminante pour le pronostic.

L’ischémie myocardique postopératoire étant à la fois un facteur de risque des complications postopératoires immédiates et des complications cardiaques à long terme, il était logique de vouloir prévenir l’ischémie myocardique pour améliorer le pronostic.

Plusieurs études limitées ont démontré l’efficacité des dérivés nitrés, des b-bloquants, des inhibiteurs calciques ou des alpha2-agonistes pour améliorer l’hémodynamique postopératoire ou réduire l’incidence de l’ischémie myocardique postopératoire.

Un seul essai récent a étudié les effets d’une administration de b-bloquants pendant la période périopératoire sur la morbidité et la mortalité à long terme.

De l’aténolol a été administré immédiatement avant et après la chirurgie et pendant toute la durée d’hospitalisation.

Le principal effet observé par rapport au groupe placebo est une diminution de la mortalité pendant les 6-8 premiers mois du suivi.

Les complications cardiaques sont également significativement réduites, la survie sans complications au cours des 2 années du suivi étant de 83 % dans le groupe recevant l’aténolol et de 68 % dans le groupe placebo.

En fait, l’essentiel de l’effet est obtenu au cours des 6 premiers mois suivant la fin de l’hospitalisation, la différence se maintenant par la suite.

Aucune différence significative dans le traitement médical pendant le suivi n’est susceptible d’expliquer la différence observée entre les deux groupes. Bien que les résultats de cette étude soient extrêmement intéressants, ce travail ne permet pas d’établir que ce résultat favorable ait été obtenu par une meilleure prévention de l’ischémie myocardique postopératoire et des complications cardiaques survenant au décours immédiat de l’intervention.

D’autres essais devront confirmer les effets bénéfiques de l’administration des â-bloquants ou des á2-agonistes sur la morbidité postopératoire immédiate et à long terme avant de généraliser cette pratique.

Surveillance cardiologique de l’opéré artériel :

L’ensemble de ces essais permet d’établir la nécessité d’une surveillance cardiaque à long terme de l’opéré artériel.

Deux grandes catégories de facteurs de risque peuvent être identifiées :

– ceux liés au terrain cardiovasculaire ;

– et ceux en rapport avec la survenue de complications ischémiques pendant la période postopératoire immédiate.

Aucune stratégie précise ne peut être définie à partir des éléments fournis par ces études.

Cependant un point domine nettement : le risque très élevé de complications cardiaques au cours des 6 premiers mois pour les patients ayant présenté un infarctus du myocarde ou un angor instable au décours immédiat de l’intervention.

Ces malades nécessitent un avis cardiologique et vraisemblablement des examens complémentaires dans le but d’établir ou d’éliminer une indication à une revascularisation myocardique.

La notion d’une ischémie myocardique postopératoire est également essentielle pour justifier une surveillance cardiologique : à risque cardiovasculaire identique, ces malades ont un risque deux fois plus élevé de complications cardiaques dans le suivi à long terme.

Conclusion :

La fréquence élevée des complications cardiaques à long terme chez l’opéré artériel justifie une surveillance cardiologique.

La notion d’infarctus du myocarde ou d’angor instable postopératoire immédiat est essentielle compte tenu du risque particulièrement élevé auquel sont exposés ces patients.

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