Le terme « strabisme accommodatif » regroupe un ensemble
d’entités physiopathologiques différentes, aux limites parfois
imprécises, mais qui partagent néanmoins des points communs
indiscutables, parmi lesquels le rôle de l’hypermétropie n’est pas le
moindre.
Les différences qu’offrent ces tableaux cliniques sont
parfois difficiles à établir, mais leur diagnostic différentiel est une
condition indispensable à la réussite du traitement.
On n’applique
pas le même traitement à une ésotropie accommodative pure, à un
strabisme accommodatif partiel ou à un excès de convergence.
La théorie de Donders (1864), selon laquelle l’hypermétropie non
corrigée peut conduire au strabisme convergent, constitue une des
pierres angulaires de la strabologie.
L’idée originelle postulait que
le jeune hypermétrope, en raison du lien qui unit l’accommodation
et la convergence, se trouve devant le dilemme suivant : conserver
le parallélisme des axes visuels en renonçant à l’accommodation et
donc à la netteté de l’image, ou au contraire, opter pour la mise au
net au prix d’une surconvergence.
Cependant, Donders lui-même
n’attribuait pas à la seule hypermétropie, la genèse de la déviation
strabique, mais lui prêtait plutôt un rôle de facteur déclenchant sur
un terrain prédisposé par la faiblesse visuelle d’un oeil.
De nos
jours, la plupart des auteurs s’accorde à penser que l’hypermétropie
non corrigée manifeste son effet délétère là où préexiste un élément
fragilisant de la binocularité.
Que l’on songe seulement à l’immense majorité des enfants hypermétropes qui ne développent jamais un
strabisme et au nombre de strabiques convergents qui ne sont pas
hypermétropes !
Définitions
:
A - ACCOMMODATION
:
Elle se mesure en dioptries (dpt).
Le système dioptrique de l’oeil s’adapte à la vision rapprochée en
accommodant.
Via les fibres parasympathiques du nerf oculomoteur
commun, un influx nerveux symétrique parvient aux muscles
ciliaires des deux yeux, produisant une mise sous tension qui
autorise le relâchement des fibres zonulaires.
La mémoire élastique
du cristallin jeune modifie alors sa configuration et augmente son
pouvoir réfractif.
Cet accroissement de puissance résulte
essentiellement des modifications de la courbure antérieure, mais
également d’un changement d’indice de réfraction et d’un
déplacement antéropostérieur du cristallin.
La réponse
accommodative est rapide et précise.
Elle atteint dès l’enfance
4,6 dpt/s et son temps de latence est de l’ordre de 0,4 s.
Le sujet
emmétrope est adapté à la vision nette à l’infini, en l’absence de
toute impulsion accommodative.
La vision nette d’un objet situé à
1 mètre nécessite une accommodation de 1 dpt ; si l’objet est
approché à 0,33 m, l’accommodation requise est de 3 dpt.
L’accommodation a ses limites : la distance à laquelle un objet peut
être vu nettement au prix d’une accommodation maximale est
appelée punctum proximum (PP) d’accommodation.
L’amplitude
d’accommodation, ou parcours accommodatif, constitue la distance qui sépare le PP d’accommodation et le punctum remotum
d’accommodation.
La convergence et la contraction pupillaire,
couplées à l’accommodation, constituent avec cette dernière la triade
synergique de la vision de près.
B - CONVERGENCE
:
Elle se mesure en angle métrique (am), en dioptrie (D) ou en degré
(°).
La perception, en vision binoculaire simple (VBS) d’un objet
rapproché exige la convergence des axes visuels.
Le point sur lequel
se rejoignent les deux axes lors d’un effort de convergence maximal
est appelé punctum proximum de convergence.
L’angle de
convergence va dépendre de la distance à l’objet et de la distance interpupillaire. Ainsi, l’angle de convergence requis est d’autant plus
grand que la distance à l’objet est petite et que l’écart pupillaire est
grand.
Divers stimuli participent à la fonction de convergence.
La convergence volontaire peut s’entraîner et consiste à converger
ou à surconverger à la demande. Pour certains, il ne s’agirait que de
la mise en jeu d’une accommodation volontaire, lors de l’essai de
fixation d’un point de l’espace extrêmement rapproché.
La convergence proximale est suscitée par le rapprochement d’un
objet fixé et donc par le rapport visuel à la distance.
La convergence tonique est l’expression de l’innervation de
convergence de base qui prédomine dans la première année de la
vie et se relâche par la suite.
La convergence accommodative est couplée à l’effort accommodatif.
Le lien entre convergence et accommodation peut se démontrer par
l’interposition d’une lentille négative de S -3 devant l’oeil d’un sujet
emmétrope continuant de fixer monoculairement à distance.
L’accommodation requise pour observer une image nette à distance
va déclencher une convergence de l’oeil occlus.
La convergence fusionnelle est un phénomène réflexe qui permet de
percevoir, en vision binoculaire simple, des objets séparés par une
faible distance.
Jusqu’à un certain point, la convergence fusionnelle
peut pallier une carence de la convergence accommodative.
Lang
a démontré que certains sujets incapables de compenser une
déviation en mettant en jeu la convergence fusionnelle et proximale,
y parvenaient cependant s’il leur était présenté un stimulus stéréoptique.
C - RELATION ACCOMMODATION-CONVERGENCE :
Cette relation peut être représentée sur un système de coordonnées
où l’accommodation en dpt est reportée en ordonnée et la
convergence en am en abscisse.
La ligne de convergence qui en
résulte est la ligne de Donders.
En fixant un objet à 1 m de distance,
le sujet emmétrope est contraint d’accommoder 1 dpt et de
converger de 1 am.
Pour une quantité donnée d’accommodation, il
est encore possible de varier légèrement la convergence, et une
convergence constante est encore compatible avec une variation de
l’accommodation.
Dans cette aire, qui témoigne de la
souplesse du système, le sujet emmétrope est capable de fusionner
et de voir net.
1 dioptrie prismatique (D) = 1 cm/m de déviation.
À la distance de
fixation de 1 m, si l’écart pupillaire est de 6 cm, la convergence
nécessaire est de 6 D chaque oeil fournissant 3 D de convergence.
À
la distance de 50 cm, la convergence est multipliée par deux, à
0,33 cm elle atteint 18 D.
Si l’on reporte les mesures angulaires obtenues chez un patient
donné sur le diagramme de Donders, la ligne de convergence qui en
résulte peut présenter une pente de 45°, indiquant par là une
relation accommodation-convergence normale.
Une déviation de la
ligne vers l’horizontale témoigne au contraire d’une anomalie de la
relation, la convergence obtenue étant, dans ce cas, supérieure à
l’accommodation : il y a excès de convergence.
Excès de convergence accommodatif. Rapport AC/A élevé
:
Si une quantité donnée d’accommodation (A) entraîne une part
excessive de convergence acccommodative (AC), le rapport AC/A
est élevé.
Cet excès de convergence se manifeste par un angle de
strabisme plus marqué en fixation rapprochée, réalisant une incomitance loin-près de l’angle, égale ou supérieure à 10 D.
La
disparition de cette différence loin-près après addition de S +3 ou S
+2,5 confirme la nature accommodative du phénomène.
Au
contraire, une résistance de l’angle de près au test des lentilles
positives révélerait un excès de convergence non accommodatif.
L’excès de convergence accommodatif peut résulter de deux
mécanismes différents.
A - FORME HYPERCINÉTIQUE :
C’est la plus fréquente.
L’accommodation est normale mais le tonus
de convergence est accru.
À toute sollicitation normale de
l’accommodation correspond une réponse de convergence
anormalement élevée.
B - FORME HYPOACCOMMODATIVE :
Elle est beaucoup plus rare, se caractérise par un pouvoir
accommodatif faible, comparable à une presbytie juvénile.
La
capacité accommodative réduite sollicite une innervation élevée qui
entraîne une hyperconvergence.
Mesure du rapport AC/A
:
Les méthodes de l’hétérophorie et du gradient sont les mieux
connues.
A - MÉTHODE DE L’HÉTÉROPHORIE :
Le test de l’écran alterné est pratiqué en fixation à distance après
correction du vice de réfraction, puis le sujet accommodant,
l’hétérophorie est mesurée de près à 33 cm.
AC
A = PD + Dn - Do
D
où PD = écart pupillaire
n = hétérophorie de près
o = hétérophorie à distance
D = accommodation en fonction de la distance à l’objet
(à 1 m = 1 dpt, à 33 cm = 3 dpt)
B - MÉTHODE DU GRADIENT
:
La distance de fixation reste constante durant cet examen.
L’hétérophorie est d’abord mesurée avec la seule correction du vice
de réfraction éventuel, puis après interposition de verres convexes
(+1, +3) et concaves (-1, -3).
Exemple : un patient orthophorique à distance qui développerait
une ésophorie de 12 D après interposition de verres S -3, nous
indiquerait que chaque dioptrie d’accommodation est responsable
de 4 D de convergence.
Le rapport AC/A serait de 4/1.
La valeur
normale du rapport AC/A de l’adulte est comprise entre 3,5 et 5,
selon la méthode utilisée.
La méthode de l’hétérophorie est
probablement plus proche de la réalité parce qu’elle met en jeu une
différence de proximité.
Ces méthodes sont applicables aux
situations simples, les déviations restant latentes et la sensorialité
normale.
Elles deviennent difficiles à appliquer aux tableaux
cliniques mixtes où la déviation phorique s’ajoute à une tropie de
base.
Strabismes accommodatifs
:
Le strabisme convergent accommodatif entre dans la catégorie des
strabismes acquis.
On en distingue deux types qui se rencontrent
avec une fréquence équivalente :
– type réfractif : strabisme convergent par hypermétropie non
corrigée ;
– type innervationnel : excès de convergence accommodatif.
Cette
anomalie de la relation accommodation-convergence peut exister sur
un fond d’hypermétropie, d’emmétropie ou même de myopie.
A - CLASSIFICATION DES STRABISMES ACCOMMODATIFS :
Le type réfractif se subdivise en deux formes : strabisme convergent
accommodatif pur et strabisme convergent accommodatif partiel.
Le type innervationnel comprend également deux formes : excès de
convergence accommodatif hypercinétique et excès de convergence
accommodatif hypoaccommodatif.
Mais les types réfractifs et innervationnels peuvent se combiner de
telle sorte qu’en clinique on distingue essentiellement six groupes :
– strabisme convergent accommodatif pur avec rapport AC/A
normal ;
– strabisme convergent accommodatif partiel avec rapport AC/A
normal ;
– strabisme convergent accommodatif pur avec rapport AC/A
élevé ;
– strabisme convergent accommodatif partiel avec rapport AC/A
élevé ;
– microstrabisme convergent avec rapport AC/A élevé ;
– strabisme divergent avec rapport AC/A élevé.
1- Strabisme accommodatif pur avec rapport AC/A
normal (sans excès de convergence)
:
Nous avons vu que 1 dpt d’accommodation suscite 1 am de
convergence.
En cas d’hypermétropie de + 5 dpt, le sujet doit
accommoder 5 dpt pour voir net à distance.
À 33 cm,
l’accommodation requise s’élève à 5 + 3 = 8 dpt.
Sans correction de
l’hypermétropie, la convergence s’élèverait à 5 am, qui, multiplié
par un écart pupillaire de 5 (cm), aboutit déjà à une convergence de
25 D.
Le port d’une correction hypermétropique de S + 5 dpt
supprime l’angle de convergence de loin et de près.
Selon la
définition, le patient se trouve débarrassé de sa déviation strabique
pour toute distance de fixation, par la seule correction optique de
son hypermétropie.
Ces formes de strabisme bénéficient d’une
correspondance rétinienne normale (CRN), qui ne peut s’expliquer
que par leur apparition tardive chez un enfant qui a déjà eu
l’occasion d’organiser sa correspondance rétinienne et d’entraîner sa
fusion.
Le début se manifeste souvent par une diplopie
intermittente.
2- Strabisme accommodatif partiel avec rapport AC/A
normal :
Dans ces cas, la correction optique de l’hypermétropie réduit
sensiblement l’angle de strabisme mais laisse subsister un angle
résiduel d’égale importance en fixation à distance et en fixation
rapprochée.
Cet angle de base est ancré par une correspondance
rétinienne anormale (CRA) qui témoigne d’un trouble binoculaire
apparu précocement.
Pour certains, cette forme de strabisme serait
la combinaison de l’élément accommodatif surajouté à l’ésotropie
précoce préexistante.
Pour d’autres, le strabisme accommodatif
partiel représenterait l’aggravation d’un strabisme accommodatif
pur non traité, ou insuffisamment corrigé. Les auteurs anglo-saxons
utilisent à ce propos le terme assez bien venu de « détérioration ».
Cette transformation serait déjà possible en rapport AC/A
normal mais plus fréquente si le rapport AC/A est élevé.
3- Incidence des strabismes convergents accommodatifs
réfractifs
:
La forme pure au sens strict du terme est rare et représente dans la
casuistique de Lang 5 % des strabismes convergents, la forme
partielle recouvrant, quant à elle, la majorité de tous les strabismes
convergents.
Pour d’autres auteurs, les strabismes accommodatifs
sont dix fois plus fréquents que les strabismes précoces.
Selon De Decker, une partie non négligeable des strabismes
prétendus accommodatifs purs, seraient en réalité des cas partiels,
dont l’angle de base est un microstrabisme convergent.
Cette forme
particulière de strabisme accommodatif partiel sera traitée
séparément.
Le diagnostic se pose après COT de l’hypermétropie.
Nous entendons par là une correction dictée par la détermination
objective de la réfraction sous cycloplégie atropinique ou au
cyclopentolate (Skiacolt).
Dans le cas particulier de l’ésotropie
accommodative pure, la démarche diagnostique se révéle également
thérapeutique.
4- Diagnostic différentiel des strabismes accommodatifs
réfractifs :
La COT de l’hypermétropie entraîne la guérison du strabisme
accommodatif pur, mais laisse subsister un angle résiduel si l’ésotropie est partiellement accommodative ; si le rapport AC/A est
normal, l’angle résiduel de près est égal à l’angle résiduel à distance.
5- Traitement des strabismes réfractifs :
Dans la forme pure, le traitement de choix se résume à la correction
optique totale.
Au sens strict du terme, l’ésotropie ne devrait
être qualifiée d’accommodative pure que dans le cas où la correction
optique totale entraîne une orthophorie pour toute distance de
fixation.
S’il persiste une ésophorie gênante, celle-ci peut faire l’objet
d’un traitement chirurgical.
Des auteurs ont préconisé le
traitement chirurgical des strabismes accommodatifs purs, arguant
du fait que des dysfonctions musculaires, en particulier des muscles
obliques, seraient la cause des décompensations.
Cette attitude vise
à supprimer les lunettes chez le jeune hypermétrope et produit
souvent des divergences consécutives qui nécessitent alors une réintervention, ou à des situations au cours desquelles les patients
doivent mettre en jeu une suraccommodation pour maintenir l’état
parallèle.
Un travail récent tend à prouver que l’hyperfonction
des muscles obliques inférieurs n’exerce pas d’influence négative sur
le pronostic des ésotropies accommodatives réfractives.
La majorité
des opérateurs du strabisme considèrent que la forme pure du
strabisme accommodatif constitue une contre-indication chirurgicale.
Dans la forme partielle, ces strabismes à composante accommodative
constituent une entité disparate où se mêlent des ésotropies précoces
et des strabismes plus tardifs, aggravés par l’élément accommodatif.
L’importance de l’hypermétropie et la réduction angulaire
qu’entraîne la COT sont très variables d’un cas à l’autre.
L’enjeu du
traitement n’est pas ici la restitution d’une VBS mais, selon
l’importance de l’angle résiduel sous COT, un traitement chirurgical
peut être proposé par une technique conventionnelle : double recul
des droits médiaux ou opération combinée par recul-résection des
droits horizontaux d’un oeil.
Le traitement de l’amblyopie, fréquente
dans ces cas, ainsi que le dosage de l’indication opératoire après
COT sont des conditions préopératoires incontournables.
La
chirurgie doit en effet rester prudente et le dosage opératoire s’aligne
de préférence sur l’angle minimal.
On a parfois préconisé une
chirurgie majorée de l’angle ; en cas de surcorrection chirurgicale, la
sous-correction optique postopératoire de l’hypermétropie ne
permet pas toujours de maîtriser l’exotropie consécutive.
B - STRABISMES ACCOMMODATIFS AVEC EXCÈS
DE CONVERGENCE
:
L’excès de convergence, élément innervationnel, peut s’ajouter à
toute forme de strabisme, mais en particulier aux formes réfractives,
pour constituer le groupe majoritaire des strabismes accommodatifs
à rapport AC/A élevé.
1- Strabisme convergent accommodatif pur avec rapport
AC/A élevé
:
La COT de l’hypermétropie entraîne une orthotropie à distance et
laisse subsister une ésotropie de près.
Il y a excès de convergence.
La nature accommodative de cet excès de convergence est signalée
par sa disparition après addition d’une valeur optique positive pour
la vision de près.
La valeur d’addition optique qui permet au patient
de compenser sa déviation de près est souvent inférieure à S +3.
La correction optique bifocale est efficace, pour autant que le foyer
de près recouvre complètement le champ visuel rapproché.
On
préconise les verres bifocaux à limite horizontale passant par le bord
inférieur des pupilles.
Si la COT de l’hypermétropie est toujours de
mise, l’addition en revanche peut être modulée à la valeur liminaire,
suffisante pour permettre la compensation fusionnelle de près.
Ces
patients demandent une surveillance étroite, car les décompensations sous COT et bifocaux ne sont pas rares.
Les verres
progressifs ont été proposés pour leur avantage esthétique, mais
présentent l’inconvénient d’induire des effets prismatiques en raison
de la surface réduite du foyer optique véritablement compétent.
Or,
un effet prismatique indésirable met à rude épreuve la capacité
fusionnelle, déjà limitée, de ces patients.
Les médicaments miotiques anticholinestérasiques (Phospholine
iodidet), en instillations journalières, ont un effet antiaccommodatif
certain.
Des effets locaux (kystes iriens) peuvent survenir et
commandent l’arrêt du traitement.
Jadis très en vogue, cette
thérapeutique, difficile à faire accepter à long terme, tend à se
raréfier aujourd’hui.
Il convient toujours de rappeler, au chapitre des
effets généraux, l’interaction de ces médicaments avec la succinylcholine utilisée comme myorelaxant en anesthésiologie.
Plus rarement, le traitement chirurgical peut être proposé si
la COT place les yeux en orthotropie à distance, mais laisse subsister
une ésophorie sous écran alterné.
Si l’angle de cette déviation latente
recouvre la déviation manifeste de près, une chirurgie
conventionnelle peut être proposée.
Certains auteurs
préconisent la myopexie rétroéquatoriale de Cüppers sur les deux
droits médiaux.
Reposant sur le principe du raccourcissement du
bras de levier au point d’ancrage, ce procédé entraîne une forte
diminution de l’incomitance loin-près.
2- Strabisme convergent accommodatif partiel avec
rapport AC/A élevé
:
Dans ces cas, très fréquents, la COT de l’hypermétropie réduit
sensiblement l’angle de strabisme mais laisse persister une ésotropie
résiduelle avec incomitance loin/près, l’angle de près étant plus
important.
On considère que le rapport AC/A est élevé si l’angle de
près est supérieur de 10 D à l’angle à distance, mais cette incomitance atteint et dépasse souvent 25 D.
La sensorialité est
perturbée pour toute distance de fixation (CRA).
Le traitement de
ces cas est difficile. Certains préconisent la correction chirurgicale de
l’angle de base, mesuré à distance sous COT, puis la
prescription de verres bifocaux, ou l’instillation de collyres miotiques pour diminuer l’excès de convergence.
En réalité, l’enjeu
est essentiellement esthétique et le choix du traitement, unitaire ou
mixte, par verres bifocaux, médicaments miotiques ou chirurgie, doit se faire de
cas en cas.
3- Microstrabisme avec rapport AC/A élevé
:
Le microstrabisme avec excès de convergence accommodative
représente, en fait, une variante particulière, mais fréquente, du
strabisme accommodatif partiel avec rapport AC/A élevé. L’angle
de base est ici une microtropie.
Un excès de convergence peut
s’ajouter à un microstrabisme primaire connu ou méconnu et la
petitesse de l’angle, difficile à repérer chez le sujet très jeune,
entraîne souvent la confusion avec l’ésotropie accommodative pure
avec rapport AC/A élevé.
L’aggravation d’une hypermétropie
pouvant à elle seule décompenser le microstrabisme, il est permis
de penser qu’une partie des strabismes accommodatifs, purs en
apparence, sont en réalité des microstrabismes méconnus.
Il n’est
pas étonnant que l’excès de convergence se développe sur ces
terrains prédisposés par une binocularité subnormale.
Seul l’examen
attentif à la recherche d’une microtropie de base sous COT, ou à
défaut l’évolution, donnent finalement la clé diagnostique.
Ces
patients commencent souvent à loucher de manière visible et monolatérale vers l’âge de 2-3 ans et le début du strabisme
n’entraîne aucun trouble subjectif, aucune diplopie.
La
reconnaissance précoce du microstrabisme n’est pas aisée, mais elle
permet de prévoir l’issue et l’enjeu véritable du traitement.
Celui-ci,
au mieux, ne peut que restituer la situation initiale : la microtropie
avec CRA.
L’amblyopie monolatérale est très fréquente. La COT
restitue une rectitude apparente, mais l’examen attentif à l’écran
monolatéral révèle le micromouvement de redressement.
Une
hétérophorie surajoutée est souvent présente, révélée par l’écran
alterné.
Lorsque l’enfant devient plus facile à examiner, le test maculomaculaire de Cüppers confirme le diagnostic.
Enfin, les microstrabismes ont souvent une réfraction anisométropique, l’oeil
microtropique étant le plus hypermétrope.
Le traitement de ces patients relève, comme tous les cas d’excès de
convergence, de l’optique (COT) à laquelle ou peut adjoindre les verres bifocaux, les miotiques et, dans une plus faible mesure, le
traitement chirurgical.
Dans notre casuistique, nous comptons un
certain nombre de microstrabismes avec excès de convergence
accommodative, qui ont bénéficié d’une opération du fil de Cüppers
sur les droits médiaux.
4- Diagnostic différentiel des strabismes accommodatifs
à rapport AC/A élevé (excès de convergence
accommodative)
:
Le diagnostic se pose, a posteriori, après COT.
* Excès de convergence hypoaccommodatif
:
Quoique très rare, cette anomalie du rapport AC/A mérite une
attention particulière parce qu’elle constitue une contre-indication
chirurgicale.
Ces patients souffrent d’un pouvoir accommodatif
réduit et sont assimilables à de jeunes presbytes. Une chirurgie
musculaire n’aurait, dans ces cas, aucun impact sur la cause et, plus
grave encore, entraînerait d’inutiles incomitances motrices.
Le
trouble atteint plus souvent les filles que les garçons.
La présentation
rapprochée d’un optotype de petite taille provoque une réaction de
recul caractéristique, tandis que l’effort accommodatif se traduit par
une forte contraction pupillaire.
Le traitement est exclusivement
optique, par correction du vice de réfraction et addition de S +3 en
verres bifocaux ou progressifs.
Ces derniers peuvent convenir parce
que le besoin en addition est tel qu’il n’est pas à craindre d’esquive
ou de non-utilisation du foyer de près.
* Excès de convergence hypercinétique
:
Il est très largement le plus représenté des excès de convergence
accommodatifs.
Le traitement classique consiste en COT et verres
bifocaux, la valeur de près pouvant être inférieure à S +3.
La
réduction angulaire peut être très variable et l’on rencontre des cas
mixtes, d’excès de convergence accommodatif et non accommodatif
qui offrent une résistance au traitement optique.
L’addition peut
souvent être réduite progressivement à partir de l’âge de 11 ans.
S’agit-il d’une normalisation spontanée du rapport AC/A ?
Une
part d’explication est fournie par l’accroissement de l’écart pupillaire
qui consomme une partie de l’excès de convergence ; il est souvent
possible, après quelques années, de réduire la valeur d’addition
alors que l’hypermétropie n’a pas diminué.
Les médicaments miotiques, nous l’avons vu, constituent une
thérapeutique antiaccommodative qu’il est difficile de faire accepter
à long terme.
Les formes résistantes à l’optique, et les jeunes patients
qui refusent le port de verres bifocaux, peuvent bénéficier d’un
traitement chirurgical par recul des deux droits médiaux ou
opération du fil.
La chirurgie conventionnelle expose au risque
d’exotropie consécutive.
La myopexie des droits médiaux, qui n’agit
pratiquement pas sur la position de repos, semble plus sûre à ce
point de vue, mais comporte d’autres inconvénients : les retouches
chirurgicales sont difficiles et des incomitances latérales peuvent
survenir dans les versions extrêmes.
* Excès de convergence non accommodatif
:
Ici, l’addition de valeurs optiques positives à la COT n’influence pas
l’incomitance loin-près de l’angle et le myosis serré en fixation
rapprochée fait défaut.
Ces formes ne répondent qu’au traitement
chirurgical, en particulier par myopexie des droits médiaux,
fortement réductrice de l’incomitance loin-près.
Strabisme divergent avec élément
accommodatif
:
Cette situation, en apparence paradoxale, peut exister sous forme
essentielle ou secondaire.
La forme essentielle, à rapport AC/A élevé, n’est pas rare et se
traduit par un angle d’exotropie nettement moins marqué, ou
absent, en fixation rapprochée.
L’excès de convergence préopératoire
est masqué par la divergence et sera révélé par l’opération.
Il
arrive que ces patients montrent une CRN de près et une
suppression à distance.
Le tableau est constant, contrairement à celui
du strabisme divergent intermittent.
Les verres bifocaux sont
indiqués, alors que le traitement chirurgical est plus complexe : recul
des droits latéraux associé à l’opération du fil sur les droits médiaux.
Les cas secondaires sont des situations iatrogènes.
La chirurgie
intempestive appliquée aux strabismes accommodatifs ou à l’excès
de convergence hypoaccommodatif produit des exotropies
consécutives avec incomitance loin-près.
Hypermétropie
:
A - RÉFRACTION DES STRABISMES ACCOMMODATIFS :
Il est classiquement admis que les formes réfractives s’accompagnent
d’une hypermétropie plus élevée que les formes à rapport AC/A
élevé.
Cette différence se retrouve également dans notre casuistique
de 100 cas opérés.
Les cas accommodatifs partiels et les microstrabismes présentent souvent une anisométropie et un
astigmatisme unilatéral.
L’absence, ou l’imprécision, de la correction
optique aboutit à la sélection du parcours accommodatif de l’oeil le
moins amétrope, et à l’amblyopie persistante.
Certains patients
hypermétropes moyens à forts, ne louchent pas, tout en conservant
une bonne acuité visuelle de près.
Il a été démontré qu’ils sont
protégés du strabisme convergent par une insuffisance de
convergence et donc un rapport AC/A abaissé.
B - ÉVOLUTION SPONTANÉE DE L’HYPERMÉTROPIE :
Le nourrisson de 3 mois accommode déjà, et l’on décrit des
strabismes précoces qui répondent très favorablement à la correction
optique.
La plupart des strabismes accommodatifs débutent
cependant plus tard, vers 2,5 ans, qu’il s’agisse des formes
réfractives ou des excès de convergence hypercinétiques.
Brown
en 1938, puis plus tard Slataper, ont démontré que
l’hypermétropie n’était pas maximale à la naissance mais qu’elle
augmentait graduellement jusque vers l’âge de 7 ans, pour décroître
ensuite.
La relation avec l’évolution des strabismes accommodatifs
n’a pas été établie, et la diminution de l’hypermétropie paraît trop
faible et trop inconstante pour expliquer l’amélioration spontanée
des strabismes accommodatifs, souvent constatée à la
préadolescence.
On a supposé l’atténuation d’autres facteurs
étiologiques mais près de la moitié des ésotropies
accommodatives persistent largement au-delà de l’âge de 12 ans.
Lorsqu’elle survient, la régression de l’hypermétropie ne semble pas
dépendre de la valeur initiale ni de la présence d’un rapport AC/A
élevé.
La correction chirurgicale du vice de réfraction hypermétropique, dans le but d’améliorer le strabisme, a récemment
fait l’objet d’expérimentations.
A priori, la méconnaissance, pour
un cas individuel, de l’évolution naturelle future de son
hypermétropie, rend la démarche aléatoire.
C - RÔLE DE LA CORRECTION OPTIQUE TOTALE :
L’idée s’est exprimée selon laquelle la correction de l’hypermétropie
pouvait en retarder ou en empêcher la régression.
La majorité
des spécialistes en strabologie estiment cependant que ce vice de
réfraction doit être corrigé en présence de toute déviation
ésotropique. Nous avons, à de multiples reprises, insisté sur le rôle
primordial de la COT dans le diagnostic et le traitement des
strabismes accommodatifs.
Elle en constitue le préalable obligé.
Le
non-respect de cette règle entraînerait l’erreur de diagnostic et de
traitement, l’aggravation sensorielle de situations curables par des
moyens optiques simples, et le surdosage opératoire en cas de
traitement chirurgical.