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Hépatologie
Stéatoses microvésiculaires
Cours d'Hépatologie
 


 

Introduction :

Les stéatoses microvésiculaires sont caractérisées par la présence dans le cytoplasme des hépatocytes de nombreuses petites vésicules (microvésicules) lipidiques respectant la place centrale du noyau.

La mise en évidence des stéatoses microvésiculaires n’est pas toujours aisée et il faut parfois avoir recours à des techniques particulières de préparation, de fixation ou de coloration du fragment hépatique pour affirmer ces lésions.

Schématiquement, les stéatoses microvésiculaires peuvent, soit constituer la lésion hépatique prédominante, soit être associées à d’autres lésions du foie.

La stéatose microvésiculaire prédominante (parfois « pure ») est relativement rare, mais potentiellement sévère, pouvant survenir dans de nombreuses situations physiopathologiques.

Ces diverses situations ont en commun une altération des fonctions mitochondriales au niveau hépatique.

Au cours des stéatohépatites (encore appelées lésions hépatiques pseudoalcooliques), la stéatose microvésiculaire est associée à une stéatose macrovacuolaire, une nécrose hépatocytaire, une fibrose et un infiltrat inflammatoire.

Les stéatohépatites ne sont pas traitées ici.

Dans cet article, la physiopathologie des stéatoses microvésiculaires est traitée dans le premier paragraphe.

Le rappel de certaines données biochimiques, en particulier sur les fonctions mitochondriales, permet d’aborder le paragraphe concernant les étiologies des stéatoses microvésiculaires.

Les manifestations cliniques, l’anatomopathologie, le traitement et le pronostic des stéatoses microvésiculaires sont ensuite traités.

Physiopathologie :

De nombreux travaux chez l’homme ou l’animal suggèrent que les stéatoses microvésiculaires sont la conséquence d’une inhibition sévère de la bêta-oxydation mitochondriale des acides gras.

Le blocage de cette voie catabolique entraîne un déficit énergétique et une accumulation hépatique des acides gras sous forme de triglycérides (molécules de glycérol estérifiées par trois acides gras) et d’acides gras libres (AGL).

Il est possible que la petite taille des vésicules lipidiques observées au cours des stéatoses microvésiculaires soit due à la formation de micelles entre les triglycérides et les AGL.

L’accumulation des AGL semble jouer un rôle primordial dans la physiopathologie des stéatoses microvésiculaires.

En effet, en quantité anormalement élevée, ces dérivés sont toxiques pour les cellules et les mitochondries.

Les mécanismes pouvant être impliqués dans l’inhibition de la bêta-oxydation mitochondriale des acides gras sont les suivants :

– inhibition ou déficit d’une (ou de plusieurs) enzyme mitochondriale impliquée dans la bêta-oxydation ;

– déplétion en cofacteurs (carnitine, coenzyme A) indispensables à la pénétration ou à l’oxydation des acides gras dans les mitochondries ;

– accumulation dans la mitochondrie de nicotinamide adénosine dinucléotide (NADH) par excès de production ou par blocage de son oxydation par la chaîne respiratoire ;

– altérations du génome mitochondrial.

Il est important de noter que ces mécanismes peuvent coexister dans certaines situations.

La compréhension de ces mécanismes d’inhibition de la bêta-oxydation mitochondriale nécessite quelques rappels sur les principales fonctions des mitochondries.

La bêta-oxydation mitochondriale a pour rôle de dégrader les acides gras en molécules d’acétyl-coenzyme A à deux carbones (acétyl-CoA) et en « équivalents réduits » (nicotinamide adénine dinucléotide [NADH] et flavine adénine dinucléotide [FADH2]).

Cette voie métabolique fait intervenir de nombreuses enzymes et des cofacteurs tels que la L-carnitine et le coenzyme A.

La carnitine est essentielle à la pénétration des acides gras à chaîne longue dans les mitochondries.

Les équivalents réduits formés par la bêta-oxydation (et par le cycle de Krebs) doivent être réoxydés en NAD+ et FAD par la chaîne respiratoire mitochondriale pour pouvoir être réutilisés dans ces réactions d’oxydoréduction.

En cas d’altération de la chaîne respiratoire, le NADH peut s’accumuler dans la mitochondrie, inhibant alors secondairement certaines enzymes de la bêta-oxydation et du cycle de Krebs.

L’énergie générée lors de l’oxydation des équivalents réduits par la chaîne respiratoire permet la phosphorylation de l’acide adénosine diphosphate (ADP) en acide adénosine triphosphate (ATP) (principal vecteur d’énergie dans les cellules).

Ce processus métabolique complexe, appelé phosphorylation oxydative, survient dans la membrane interne des mitochondries.

Treize protéines impliquées dans la phosphorylation oxydative sont codées par le génome mitochondrial, une petite molécule d’acide désoxyribonucléique (ADN) circulaire, présente à plusieurs centaines de copies dans les cellules (sauf dans les hématies).

Des altérations de l’ADN mitochondrial (ADNmt) peuvent aboutir à un dysfonctionnement de la chaîne respiratoire et de la bêta-oxydation mitochondriale.

La bêta-oxydation mitochondriale des acides gras est une source primordiale d’énergie pour l’organisme, particulièrement chez les nouveau-nés et en période de jeûne.

Lors d’un jeûne, les réserves de glucides (glycogène) sont rapidement épuisées et l’organisme utilise alors les lipides comme source d’énergie.

En effet, la diminution des taux sanguins d’insuline s’accompagne d’une dégradation des graisses contenues dans le tissu adipeux (ie lipolyse périphérique), provoquant ainsi la libération d’une quantité importante d’acides gras dans la circulation sanguine.

Dans le foie, les molécules d’acétyl-CoA provenant de la bêta-oxydation de ces acides gras permettent la formation de corps cétoniques, libérés dans la circulation sanguine et utilisés préférentiellement comme substrats énergétiques dans certains tissus extrahépatiques (muscles, coeur, reins, cerveau).

La bêta-oxydation des acides gras dans le foie stimule la synthèse de glucose à partir de certains dérivés endogènes (lactate et alanine principalement).

Une inhibition de la bêta-oxydation mitochondriale dans le foie peut donc entraîner un déficit énergétique dans les hépatocytes, mais aussi dans certains tissus extrahépatiques du fait de la baisse de production des corps cétoniques et du glucose.

Les conséquences de l’inhibition de la bêta-oxydation mitochondriale hépatique sont plus marquées lors d’une diminution de prise alimentaire ou d’un jeûne (liée à une infection par exemple).

Étiologie :

A - STÉATOSES MICROVÉSICULAIRES D’ORIGINE MÉDICAMENTEUSE :

De nombreux médicaments peuvent induire chez l’homme une stéatose microvésiculaire hépatique.

On peut citer parmi ceux-ci un antiépileptique, l’acide valproïque (Dépakinet), certains anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) appartenant à la famille des acides 2-arylpropioniques (ibuprofène, pirprofène, naproxène) ou au groupe des salicylés (aspirine, acide salicylique), certains antiangineux comme l’amiodarone (Cordaronet) ou la perhexiline (Pexidt), des antidépresseurs tricycliques comme l’amineptine (Survectort) ou la tianeptine (Stablont), des antibiotiques du groupe des tétracyclines (chlortétracycline, oxytétracycline) et des antirétroviraux utilisés dans le traitement du syndrome d’immunodéficience acquise (sida) tels que la zidovudine (Retrovirt), la stavudine (Zeritt) et la didanosine (Vidext).

Pour tous ces médicaments, des études expérimentales ont permis non seulement d’induire la stéatose microvésiculaire dans différentes espèces animales, mais parfois de déterminer le mécanisme d’inhibition de la bêta-oxydation mitochondriale.

Les stéatoses microvésiculaires induites par l’acide valproïque sont observées principalement chez des enfants.

Ces stéatoses, souvent graves, voire mortelles, sont désormais moins fréquemment observées car les prescripteurs évitent l’administration de cet antiépileptique chez les patients à risque.

Ces patients peuvent être des enfants présentant des maladies congénitales sous-jacentes ou des enfants traités par d’autres antiépileptiques tels que le phénobarbital et la phénytoïne.

L’inhibition de la bêta-oxydation mitochondriale par l’acide valproïque est expliquée par deux mécanismes.

Le premier mécanisme est une séquestration du coenzyme A et de la carnitine par l’acide valproïque.

Le métabolisme hépatique de ce médicament, un dérivé d’acide gras à chaîne moyenne (acide 2-propylpentanoïque), peut en effet générer du valproyl-coenzyme A et du valproyl-carnitine.

Ceci a pour conséquence une moindre disponibilité du coenzyme A et de la carnitine pour l’oxydation mitochondriale des acides gras naturels.

L’autre mécanisme d’inhibition implique la formation par le cytochrome P450 d’un métabolite réactif de l’acide valproïque, inactivant une enzyme de la bêta-oxydation mitochondriale.

Ce mécanisme explique pourquoi la toxicité hépatique de l’acide valproïque est augmentée par l’administration concomitante d’antiépileptiques inducteurs du cytochrome P450.

Les stéatoses induites par les salicylés peuvent s’observer dans deux situations différentes.

L’administration de doses thérapeutiques d’aspirine chez des enfants présentant une infection virale peut être suivie d’un syndrome de Reye, détaillé plus loin.

L’ingestion accidentelle chez l’enfant de fortes doses d’aspirine peut aussi entraîner une stéatose microvésiculaire, dont les caractéristiques cliniques et biochimiques peuvent imiter un syndrome de Reye.

Les salicylés peuvent inhiber la bêta-oxydation mitochondriale par séquestration du coenzyme A hépatique.

En effet, la formation d’un dérivé salicylyl- coenzyme A au cours du métabolisme des salicylés peut limiter la quantité de coenzyme A nécessaire pour la bêta-oxydation des acides gras naturels à chaîne longue.

D’autres mécanismes d’altérations de la fonction mitochondriale par les salicylés ont été décrits, comme par exemple une perte de l’intégrité des membranes mitochondriales.

Les stéatoses microvésiculaires induites par les tétracyclines ne sont plus observées de nos jours.

Ces stéatoses étaient induites par de très fortes doses de tétracyclines (> 1,5 g/j) administrées par voie intraveineuse.

Le sexe féminin ou la grossesse semblaient augmenter la susceptibilité des patients.

L’accumulation importante de graisses dans le foie induite par ces antibiotiques est la conséquence d’une diminution de la bêta-oxydation mitochondriale des acides gras et d’une diminution de la sortie hépatique des triglycérides.

L’amiodarone et la perhexiline sont des dérivés pouvant s’accumuler dans certains compartiments des hépatocytes, tels que les lysosomes et les mitochondries.

Leur accumulation dans les lysosomes est probablement responsable de phospholipidoses, tandis que leur concentration dans les mitochondries pourrait jouer un rôle dans l’apparition de stéatoses microvésiculaires chez quelques patients.

Une fois dans les mitochondries, l’amiodarone et la perhexiline inhibent la chaîne respiratoire et la bêta-oxydation des acides gras.

L’interaction de ces médicaments avec les fonctions mitochondriales pourrait être également impliquée dans l’apparition de stéatohépatites.

De rares cas de stéatoses microvésiculaires ont été observés avec l’amineptine et la tianeptine, des antidépresseurs tricycliques possédant une chaîne latérale dérivée d’un acide gras à chaîne moyenne.

Ces médicaments sont capables d’inhiber assez spécifiquement la bêta-oxydation des acides gras à chaîne moyenne et à chaîne courte, peut-être par inhibition compétitive de certaines enzymes de la bêta-oxydation mitochondriale.

Un mécanisme semblable d’inhibition pourrait être impliqué dans les stéatoses microvésiculaires induites par les AINS appartenant à la famille des acides 2-arylpropioniques (ibuprofène, pirprofène, naproxène).

La zidovudine, la stavudine et la didanosine sont des analogues nucléosidiques antirétroviraux pouvant induire chez certains patients les effets secondaires suivants : stéatoses microvésiculaires, acidoses lactiques (élévations de l’acide lactique à jeun supérieure à 2 mmol/L avec diminution du pH sanguin), myopathies, neuropathies périphériques et pancréatites.

Un mécanisme probable de toxicité des analogues nucléosidiques est l’inhibition de l’ADN polymérase c, la polymérase mitochondriale responsable de la réplication de l’ADNmt.

Cette inhibition entraîne une diminution progressive des quantités d’ADNmt, aboutissant à un déficit de la phosphorylation oxydative et de la bêta-oxydation mitochondriale.

La déplétion de l’ADNmt ne serait cependant pas le seul mécanisme de toxicité des analogues nucléosidiques.

Il est à noter enfin qu’il a été rapporté occasionnellement des stéatoses microvésiculaires avec d’autres médicaments tels que la warfarine (anticoagulant de type antivitamine K), le stibocaptate et l’hycanthone (dérivés utilisés dans le traitement des schistosomiases), la chlorzoxazone (myorelaxant) et l’indométacine (AINS)

Cependant, pour ces dérivés, aucune étude expérimentale n’a été effectuée afin de reproduire leur toxicité hépatique et rechercher d’éventuels effets mitochondriaux.

B - STÉATOSES MICROVÉSICULAIRES SURVENANT LORS D’INTOXICATIONS INVOLONTAIRES :

Différents toxiques peuvent entraîner des stéatoses microvésiculaires sévères.

Bien que ne concernant qu’une zone géographique limitée, il est important de citer les cas d’intoxication par l’hypoglycine (poison contenu dans les fruits d’un arbre de la Jamaïque, le Bighlia Sapida).

En effet, les études expérimentales réalisées sur ce toxique ont permis des progrès importants quant à la compréhension de la physiopathologie des stéatoses microvésiculaires.

Le diméthylformamide, un solvant très utilisé dans l’industrie chimique, peut être responsable chez certains sujets exposés de lésions hépatiques incluant nécrose et stéatose microvésiculaire.

Enfin, une stéatose microvésiculaire (parfois associée à une hépatite fulminante) peut être aussi observée au cours d’intoxications alimentaires induites par Bacillus cereus. Une toxine émétique de B. cereus est capable d’inhiber la chaîne respiratoire et la bêta-oxydation mitochondriale.

C - STÉATOSES MICROVÉSICULAIRES ET INTOXICATION ALCOOLIQUE :

Chez l’homme, l’abus d’alcool peut entraîner l’apparition d’une stéatose macrovacuolaire (forme fréquente de stéatose) ou d’une stéatose microvésiculaire, encore appelée stéatose spongiocytaire alcoolique.

Les formes sévères, voire mortelles, de stéatose spongiocytaire alcoolique, semblent assez rares.

Les patients présentant une stéatose spongiocytaire ont des transaminases sériques élevées (principalement aspartate aminotransférase [ASAT]) mais ne présentent pas de signes majeurs d’insuffisance hépatique.

Les stéatoses spongiocytaires alcooliques sont probablement la conséquence d’altérations profondes de la fonction mitochondriale.

L’intoxication alcoolique perturbe la bêta-oxydation des acides gras et le cycle de Krebs par augmentation du rapport NADH/NAD+ dans les mitochondries.

Un excès de NADH est produit au cours du métabolisme oxydatif de l’éthanol par l’alcool et l’aldéhyde déshydrogénase.

L’augmentation du NADH est également liée à un ralentissement de son oxydation par la chaîne respiratoire dont le fonctionnement est altéré.

Des protéines de cette chaîne peuvent en effet subir des altérations directes par des dérivés très réactifs générés lors de l’intoxication alcoolique, tels que l’acétaldéhyde ou des dérivés de la peroxydation lipidique.

Enfin, l’altération de l’ADNmt au cours de l’intoxication alcoolique pourrait participer au dysfonctionnement mitochondrial.

D - STÉATOSES MICROVÉSICULAIRES ET DÉFICITS ENZYMATIQUES CONGÉNITAUX :

Diverses pathologies congénitales peuvent être responsables de stéatoses microvésiculaires.

Il peut s’agir de déficits génétiques en enzymes de la bêta-oxydation mitochondriale des acides gras dont le plus fréquent semble être le déficit en acyl-coenzyme A déshydrogénase spécifique des acides gras à chaîne moyenne (enzyme appelée medium-chain acyl-coenzyme A dehydrogenase [MCAD]).

Ce déficit peut être responsable de mort subite chez les nourrissons et de pathologies ressemblant à un syndrome de Reye.

Les pathologies liées à un déficit de la bêta-oxydation mitochondriale s’expriment particulièrement en cas de réduction de l’alimentation.

Une stéatose microvésiculaire peut s’observer également chez des patients présentant des cytopathies mitochondriales congénitales, anomalies de la phosphorylation oxydative induites par des mutations au niveau de l’ADN nucléaire ou mitochondrial.

D’autres lésions hépatiques peuvent être associées, telles que stéatose macrovacuolaire, cholestase et fibrose et d’autres tissus (coeur, muscles, cerveau) peuvent être atteints.

Le déficit de la phosphorylation oxydative est responsable d’une inhibition secondaire de la bêta-oxydation mitochondriale.

Une stéatose microvésiculaire peut survenir au cours de la maladie de Wilson, durant laquelle des mutations d’un gène nucléaire codant pour une protéine de transport du cuivre entraînent une accumulation progressive de ce métal pro-oxydant dans divers tissus, y compris le foie.

Il s’ensuit des altérations oxydatives de divers constituants mitochondriaux, dont l’ADNmt, provoquant un dysfonctionnement de la phosphorylation oxydative.

E - STÉATOSES MICROVÉSICULAIRES ET INFECTIONS VIRALES :

Des stéatoses microvésiculaires (souvent associées à d’autres lésions hépatiques) ont été décrites dans des pathologies virales telles que la fièvre jaune, des hépatites dues au virus delta et des hépatites chroniques liées au virus de l’hépatite C.

Le mécanisme exact de ces stéatoses n’est pas connu, mais il est possible que certaines cytokines, comme le tumor necrosis factor (TNF)-alpha libéré par les macrophages activés, puissent être responsables de dysfonctionnements mitochondriaux et métaboliques.

Différentes altérations mitochondriales ont été observées au niveau hépatique chez des patients présentant une hépatite chronique C.

F - STÉATOSES MICROVÉSICULAIRES IDIOPATHIQUES :

Chez certaines femmes enceintes, une stéatose peut survenir au troisième trimestre de la grossesse. L’incidence des stéatoses hépatiques aiguës gravidiques (SHAG) est estimée à un cas pour environ 13 000 à 16 000 grossesses.

Si l’accouchement n’est pas provoqué, le risque de décès de la mère et de l’enfant est important (75-85 % des cas), car la maladie progresse rapidement vers une insuffisance rénale et des hémorragies vers le coma.

La physiopathologie des SHAG est mal connue mais il est vraisemblable que plusieurs facteurs conjuguent leurs effets délétères sur les mitochondries, entraînant ainsi chez certaines patientes une inhibition sévère de la bêta-oxydation.

Ces facteurs pourraient être la grossesse elle-même, des déficits latents en enzymes de la bêta-oxydation, la prise de médicaments ou de toxiques inhibant la bêta-oxydation, ou des infections susceptibles de libérer des cytokines (TNF-alpha, par exemple) interférant avec les fonctions mitochondriales.

Le syndrome de Reye est caractérisé par la survenue d’une stéatose microvésiculaire hépatique associée à une encéphalopathie non inflammatoire, au décours d’une maladie virale telle qu’une grippe ou une varicelle.

Ce syndrome survient principalement chez des enfants.

L’incidence de ce syndrome est faible (moins de un cas pour 100 000 enfants) mais la mortalité est élevée (entre 20 et 40 % suivant les séries).

Plusieurs facteurs concomitants sont probablement impliqués dans la physiopathologie du syndrome de Reye.

Une inhibition sévère de la bêta-oxydation mitochondriale pourrait être en effet la conséquence des effets conjugués de diverses cytokines, de l’aspirine et de déficits génétiques latents en enzymes mitochondriales.

Dans différents pays, la diminution de prescription de l’aspirine chez les enfants souffrant d’infections virales a été suivie d’une diminution parallèle du nombre de cas de syndrome de Reye.

Manifestations :

Les manifestations cliniques des stéatoses microvésiculaires peuvent dépendre de leur étiologie, des mécanismes impliqués et de la présence d’éventuelles lésions hépatiques associées.

Dans certains cas (intoxication alcoolique par exemple), l’examen anatomopathologique du foie permet la découverte fortuite d’une stéatose microvésiculaire, associée à d’autres lésions hépatiques.

Dans ces situations, les manifestations cliniques sont atypiques.

Pour les stéatoses microvésiculaires majeures, l’expression clinique peut être bruyante et sévère, avec un début marqué par la présence de nausées, de vomissements et de douleurs abdominales.

Un ictère peut être présent, mais sa fréquence dépend beaucoup de l’étiologie de la stéatose microvésiculaire.

Une encéphalopathie est régulièrement présente au cours du syndrome de Reye.

Au cours des SHAG, des symptômes d’hypertension gravidique et une polyuropolydipsie sont parfois observés.

Au cours des cytopathies mitochondriales, la stéatose hépatique peut être associée à diverses manifestations telles que myopathie, ptosis, neuropathie et néphropathie.

L’évolution des stéatoses microvésiculaires peut se faire vers l’insuffisance hépatique, un coma et le décès du patient, mais les taux de mortalité dépendent beaucoup de l’étiologie.

La mortalité au cours de la SHAG a fortement diminué grâce à un diagnostic plus précoce et l’interruption rapide de la grossesse.

Au niveau biologique, l’augmentation des transaminases est variable en fonction de l’étiologie, avec par exemple, une élévation de trois à 30 fois les valeurs normales au cours du syndrome de Reye.

De façon paradoxale, la forte augmentation des transaminases n’est pas nécessairement associée à une nécrose cellulaire visible en microscopie optique.

Une diminution du taux de prothrombine, une augmentation de la bilirubine et une hyperammoniémie peuvent être observées.

Une hypoglycémie parfois sévère peut être présente, parfois associée à une diminution des corps cétoniques plasmatiques.

Une acidose lactique est parfois notée, en particulier lorsque la stéatose est liée à un déficit congénital ou acquis de la chaîne respiratoire.

Enfin, des acides dicarboxyliques ou d’autres dérivés d’acides gras peuvent être retrouvés en quantité anormalement élevée au niveau plasmatique ou urinaire.

La présentation clinique ou biologique de la stéatose microvésiculaire s’oppose à celle de la stéatose macrovacuolaire, une lésion hépatique observée aux cours de l’obésité, du diabète de type 2 et de l’alcoolisme, et qui est à court terme une lésion bénigne.

Cependant, à long terme, la stéatose macrovacuolaire peut évoluer vers la stéatohépatite et la cirrhose.

Anatomopathologie :

Le diagnostic de stéatose microvésiculaire repose dans tous les cas sur l’étude d’un fragment hépatique.

Les lésions sont caractérisées par la présence d’hépatocytes de taille augmentée et présentant un cytoplasme très clair, où l’on peut distinguer des petites vésicules avec les colorations usuelles, telles que l’hématéineéosine.

Dans ces hépatocytes, les microvésicules sont de taille inférieure à celle du noyau qui reste en position centrale.

La mise en évidence de la nature lipidique des microvésicules peut se faire grâce à la coloration de l’Oil Red O (huile rouge).

Pour réaliser une telle coloration, le fragment hépatique doit être congelé ou conservé dans un fixateur ne dissolvant pas les graisses, tel que le formol.

Cette coloration ne peut être faite si le fragment est inclus en paraffine.

La microscopie électronique peut permettre la mise en évidence d’altérations ultrastructurales des mitochondries qui peuvent être différentes en fonction de l’étiologie de la stéatose microvésiculaire.

L’aspect histologique de la stéatose microvésiculaire s’oppose en de nombreux points à celui de la stéatose macrovacuolaire, caractérisée par la présence dans des hépatocytes peu augmentés de taille d’une large et unique vacuole optiquement vide refoulant le noyau cellulaire à la périphérie.

La stéatose macrovacuolaire n’est pas classiquement associée à des altérations ultrastructurales des mitochondries hépatiques.

Les aspects histologiques de la stéatose microvésiculaire peuvent varier en fonction de l’étiologie, à la fois par la topographie des lésions et par l’existence de lésions associées.

Lorsque la stéatose est massive, elle peut être présente dans tout le lobule.

Lorsque la stéatose est moins marquée, sa répartition varie en fonction de l’étiologie.

Dans la SHAG et la stéatose spongiocytaire alcoolique, la stéatose est présente plutôt au centre des lobules, tandis qu’au cours du syndrome de Reye, sa localisation est plutôt périportale.

La stéatose microvésiculaire peut être associée à d’autres lésions hépatiques.

Lorsque la stéatose microvésiculaire est massive, une stéatose macrovacuolaire peut être associée. Une nécrose plus ou moins intense peut exister, par exemple au cours des stéatoses induites par l’acide valproïque.

Dans le cadre des stéatohépatites alcooliques ou non alcooliques (induites par exemple par l’obésité ou le diabète de type 2), la stéatose microvésiculaire est associée à différentes lésions telles que stéatose macrovacuolaire, nécrose, corps de Mallory, infiltrat inflammatoire à polynucléaires neutrophiles et fibrose.

Traitement :

Le traitement des stéatoses microvésiculaires est symptomatique.

Dans certaines situations, la perfusion intraveineuse de glucose à 10 % permet non seulement de corriger l’hypoglycémie mais aussi d’éviter la lipolyse du tissu adipeux qui survient dans les situations de décompensations métaboliques aiguës.

En effet, l’afflux massif d’acides gras vers le foie est délétère pour de nombreuses fonctions cellulaires et mitochondriales (vide ante).

L’administration de L-carnitine peut apporter un bénéfice dans certains cas, par exemple au cours des stéatoses microvésiculaires induites par l’acide valproïque ou lors des stéatoses liées à des déficits génétiques en enzymes de la bêta-oxydation mitochondriale des acides gras.

La carnitine peut permettre une diminution hépatique de la quantité d’acides gras et d’acyl-coenzyme A par formation de dérivés acylcarnitines plus facilement éliminés.

Le meilleur traitement de la SHAG est l’interruption immédiate de la grossesse.

Pour les stéatoses microvésiculaires médicamenteuses, l’arrêt immédiat du traitement est indispensable.

Enfin, pour certains déficits congénitaux en enzymes de la bêta-oxydation, un régime diététique approprié doit être instauré afin d’éviter les épisodes de jeûne qui précipitent la survenue de la stéatose.

Pronostic :

Le pronostic des stéatoses microvésiculaires dépend de la sévérité de l’insuffisance hépatique, de la présence de lésions hépatiques associées, ainsi que des manifestations extrahépatiques qui peuvent être présentes.

Parmi les médicaments ou les toxiques, les tétracyclines, l’acide valproïque, les analogues nucléosidiques antirétroviraux et l’hypoglycine sont (ou ont été) responsables de formes graves, voire létales, de stéatoses microvésiculaires. Pour les analogues nucléosidiques, le pronostic des stéatoses microvésiculaires est plus sévère lorsqu’une acidose lactique est associée.

Les stéatoses microvésiculaires induites par la tianeptine, l’amineptine et certains AINS semblent présenter une évolution plutôt favorable.

L’évolution à long terme des maladies mitochondriales congénitales varie fortement en fonction de la nature du déficit enzymatique.

Par exemple, les déficits en MCAD peuvent évoluer très favorablement (si un régime diététique approprié est mis en place), tandis que pour certaines cytopathies mitochondriales, le pronostic est assez sombre du fait de l’absence de traitement efficace.

Conclusion :

Une stéatose microvésiculaire hépatique peut survenir lors d’intoxications volontaires ou involontaires, lors de traitements par des médicaments divers, ou au cours de certaines maladies métaboliques congénitales.

Contrairement aux stéatoses macrovacuolaires observées au cours de l’obésité ou du diabète, les stéatoses microvésiculaires constituent des lésions hépatiques potentiellement sévères, pouvant évoluer rapidement vers l’insuffisance hépatique, le coma et le décès du patient.

Cette sévérité est probablement liée au mécanisme des stéatoses microvésiculaires, une inhibition sévère de la bêta-oxydation mitochondriale des acides gras au niveau hépatique.

Cette inhibition est responsable d’un déficit énergétique majeur et d’une accumulation hépatique d’acides gras, dérivés toxiques à concentration élevée.

Des stéatoses microvésiculaires sévères (voire mortelles) peuvent être induites par certains médicaments mis sur le marché (vide ante). Pour la fialuridine (un analogue nucléosidique antiviral toxique pour la mitochondrie), plusieurs cas mortels de stéatoses sont apparus au cours des essais cliniques, entraînant un arrêt immédiat du développement de cette molécule pour le traitement de l’hépatite B.

À l’avenir, des tests spécifiques en laboratoire sur des modèles expérimentaux devraient être mis en place par les industries pharmaceutiques afin de rechercher, pour toute nouvelle molécule, une éventuelle toxicité mitochondriale.

Puisque les dysfonctionnements mitochondriaux peuvent induire non seulement une stéatose microvésiculaire, mais aussi d’autres lésions hépatiques (nécrose, apoptose, stéatohépatite) la mise en place de ces tests devrait éviter des tragédies humaines et financières.

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